Chevaliers de l'Eclipse
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Quand il faut faire bref...

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Message par DALOKA Ven 11 Nov - 19:59

Encore un sujet à la durée de vie incertaine, mais j'ai décidé de faire un différent sujet sur mes productions courtes vu qu'il arrive que j'en fasse et que je n'ai pas envie de les classer là où je classe mes one shot... Je mettrais donc ici mes retours les plus courts, mes textes un peu expérimentaux, ceux visant à teaser sur l'univers d'Eclipse, ou bien des textes se reposant plus sur leur aspect lyrique que sur une histoire.

Commençons par un poème vu que cela fait longtemps que je n'en ai pas fait.


Bataille

 Les courbes éternelles d'un tableau de chair,
  Allongé sur un vaste lit pourpré de fleurs
  Rendent blême mon corps qui se serre, devient serf
  Face à la poitrine qui signe mon malheur,
  Face à ces yeux qui me marquent au fer rouge,
  Face à ces lèvres que je voudrais sur mon front,
  Face à ces doigts qui me transpercent comme des vouges.

   Des sires disent « Ta jalousie est affront,
   Traiter choses de la terre, en divinités ?
   Pour être cueillies, elles sont à ta portée ! »
   Leurs irritantes voix me font désespérer.
   Quand les entendrais-je, pour cesser de pleurer ?
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Message par DALOKA Lun 13 Fév - 23:00

Ce Retour était relativement court, je le poste donc ici. Je me suis posé le défi d'en écrire un en une journée, voici donc le résultat.


Shigyaku, 1863

   
   « Chargez ! Ramenez en pièces ces félons dans les jupes de leur mère ! »

   Les ordres du fils aîné de Drogo fusaient d'une voix claire dans le cerveau des soldats qui y répondaient intensément par des cris endiablés. Sabres au clair, l'infanterie d'élite charge l'adversaire  fatigué. Le choc est terrible, et la pression bérilienne prend rapidement l'avantage.

   En cette même année, des débats faisaient rage à bérilion pour savoir si il en valait la peine de déclarer la paix. Mais il était clair que les guerriers qui participaient à cette escarmouches n'avaient aucune hésitation. Drogo, qui riait au nez des propositions d'armistices, leur servait de modèle. Dreï Dalfan, comme son porte parole, galvanisait ici les troupes.

  Une autre personne, cependant, suscitait également chez ses pairs l'admiration. Une femme en armure rouge, haute de plus de six pieds, qui toujours fonçait dans la bataille un sourire aux lèvres. Son nodachi blanc, quand il tranchait l'air et la chair, allait si vivement qu'on le comparait à un fouet qui ôtait le sang et le souffle des guerriers. Shigyaku Zatoi était terrifiante sur le champ de bataille, et ceci car peu de bériliens même aimaient autant la guerre qu'elle, et aucun n'en tirait autant de plaisir ou de joie.  

   Lorsque Shigyaku humait l'odeur du sang, lorsqu'elle entendait les cris de guerre, lorsqu'elle sentait dans ses poignets la résistance de la peau et des muscles face à sa lame, elle se sentait vivre comment cent hommes. Car le champ de bataille n'était pas pour elle un lieu sacré, mais un grand banquet, elle était celle que l'on surnommait le Dévoreur de Kaigan.

  Comment ne pas la considérer comme folle et monstrueuse ? Et comment, né bérilien, ne pas admirer cette fougue ? Cette envie de bataille, quand elle menait sabre en avant la charge, était plus contagieuse que les rires et les larmes. Chacun sentait s'éveiller dans ses membres et dans son cœur la faim du dévoreur, tandis que les sangs alliés comme ennemis volaient par gouttes et giclées.


   Pourtant les bériliens n'étaient pas les seuls à être ici de leur bon vouloir. Du côté Nurenuilien, contre la charge offensive de Dreï Dalfan, s'opposait Davin Koth, Theldr de Beremor. Car, parmi les seigneurs du nord, il était celui qui se taisait quand l'on parlait de paix. Si les hommes qu'il menait devaient mériter leur nom de Fous de Guerre, il lui fallait, devant l'agression, ne pas faire la sourde oreille, répondre à la provocation et se jeter vaillamment dans la bataille. Des jours durant, Davin avait repoussé les assauts de Dreï, tel un mur infatigable.

  Homme remarquable, il avait le respect de tout guerrier, même vieillissant sous son haubert au tabar décoré. Il avait, sous son casque orné qui brillait à la lueur matinale, la face grisonnante et brute, marquée par un bec de lièvre que dissimulait partiellement l'épaisse barbe. Il portait dans ses mains la claymore qui fut il y a longtemps forgée pour lui, et, malgré les combats, ne laissait pas transparaître la fatigue. Mais tout ses hommes n'étaient pas autant exceptionnels. Alors qu'il tenait les bériliens éloignées jusqu'alors, ils effectuaient à présent une percée, ce qui signifiait que l'infanterie arrière allait devoir se confronter à ces hommes dans l'espoir de les encercler.

 L'œil de Davin ne manqua pas de remarquer quel funeste et impressionnant spectacle se déroulait sous ses yeux. La bérilienne dont les lamelles de l'armure et la chevelure noire étaient tâchées de pourpre était en tête, et mettait avec aisance ses hommes à terre, si elle ne faisait pas voler leur tête d'un seul geste. Tout ceux qui lui survivaient ne pouvaient que se faire massacrer par la horde qui la suivait.


  Les pieds de Shigyaku foulèrent un cadavre nuren, tandis qu'elle fendit sous le casque le visage d'un adversaire du menton jusqu'au nez, ouvrant sa mâchoire comme une bûche. Elle vit que les troupes arrières chargeaient, nombreuses, en dévalant la colline. Et que vit-elle à leur tête ? Rien de moins qu'un Theldr. Sa tenue ne lui laissait aucun doute.
   Rejetant le corps de sa dernière victime, elle passa sa langue sur ses lèvres mouillées de sang. Elle savait que Dreï mènerait la seconde charge pour prendre l'infanterie adversaire sur le côté. Cela signifiait qu'elle avait la meilleure position pour défier leur chef en duel, une aubaine pour elle, car jamais elle n'aurait laissé Dreï lui voler sa proie.

  Sans hésitation, Shigyaku courut à nouveau vers les ennemis, suivie de ses alliés. Le choc des épées et des sabres fut encore plus terribles que le précédent, et les vétérans nurenuiliens faisaient face à des troupes dans une bien plus grande forme. Davin Koth savait que ce combat ne serait pas aisé, et se préparait à affronter la furie qui, le sabre levé, n'attendait que de faucher sa vie.
  La bataille était chaotique, mais l'objectif de la bérilien était des plus clairs. Aussi, elle repoussa brutalement tout les soldats qui tentèrent de l'interrompre, pour pouvoir asséner à Davin un coup de son nodachi. Le Theldr para, ressentant dans ses bras toute la force de la femme qui n'avait qu'un quart de siècle.

« -Jamais je n'ai encore vu couler le sang d'un Theldr, » fit elle avec satisfaction en se remettant en garde.
«-Quel est donc ton nom, téméraire ? » Fit avec raillerie Davin en surveillant les mouvements de la longue lame de la bérilienne.
«-Tyrann, le Dévoreur de Kaigan, et vos descendants comme vos ancêtres s'en souviendront pour l'éternité.
-Ah ! Dans ce cas, je rirai en leur contant à tous comment tu as été vaincue ! »

  Shigyaku passa à l'attaque. D'un coup de taille, elle éloigna la lame de Davin pour ensuite lui asséner une attaque vouée à faire sauter sa tête, mais qui ne frappa que l'épaule. Cette dernière, protégée par la maille et la jaque, ne fut pas tranchée, mais il en ressentit le choc malgré tout dans tout son corps. Même étant jeune, il n'avait pas eu autant de force, mais si il l'était, il aurait au moins l'endurance nécessaire… Le corps douloureux, il para un coup de la bérilienne, puis esquiva le second et, avant qu'elle replace sa garde, la frappa dans l'articulation du bras, mais grâce à l'armure il ne fut que blessé, cependant, Davin ne devait pas relâcher son offensive. Il leva son épée pour cette fois, la frapper au crâne non protégé. Alors Shigyaku bloqua la claymore de son arme et, posant une main sur sa lame, fonça sur Davin, faisant glisser dans un hurlement de métal son nodachi sur l'épée de ce dernier. De la main qui tenait la lame, elle dirigea le tranchant du sabre blanc vers le cou du Theldr. La mort fondit comme un éclair sur Davin, qui n'eut pas la force de repousser ou l'épée ou la guerrière qui la maniait. Il ne vit que les yeux verts de Shigyaku luire d'une aura meurtrière, avant que le fil meurtrier lui ouvre la gorge, et qu'un flot de sang s'écoule sur l'acier des armures. Il n'eut le temps de prononcer mot, ni d'éprouver ses regrets.


    Au loin, les renforts nurenuiliens arrivaient enfin. Au pas de course, le Jundr Orien Koth menait ces hommes. Le fils du Theldr accourait pour venir en aide à son père, qu'il savait tenir cette position depuis plusieurs nuits. Le combattant encore dans l'âge vif portait comme son père la maille brillante sous le Tabar noir de Beremor et, bouclier rond dans la main, épée dans l'autre, ordonna de vive voix de venir en aide aux troupes de son père. Mais, à leur droite chargeaient également les guerriers de Dreï Dalfan, qui lui barraient la route. Orien à la barbe brune aurait par habitude combattu avec prudence, si il n'avait pas vu ce qui lui fit pousser un cri à s'en déchirer la gorge. Le fils du Theldr vit Shigyaku porter sur son épaule le corps de son père, repoussant même ainsi handicapée ceux qui voulaient récupérer leur seigneur.

  Sans en prévenir ses hommes, il accéléra le pas, ivre de rage. Bouclier en avant, il renversa tout les bériliens qui s'opposaient à lui, quitte à s'éloigner de son groupe. Le guerrier, surpassant de loin les troupes de Dreï pour la rage, atteint finalement Shigyaku. Il n'était plus qu'à sept grandes enjambées de la meurtrière de son père, et la haine bouillonnait dans tout son sang.

« -Rends moi le corps de mon père, démone ! » Cria t-il, le visage rougi par la colère.
« -Viens donc me l'arracher ! » Le nargua Shigyaku. Les troupes bériliennes avaient sur cette zone l'avantage, et c'était Orien qui était encerclé. Pour cela, Tyrann jeta derrière elle le cadavre de Davin pour saisir à deux mains son sabre. Ce corps était le parfait appât, et elle avait une fois de plus une grosse prise.
«La vie de cet homme m'appartient! » cria t-elle aux autres soldats. Elle ne voulait pour rien au monde que l'on interrompe son duel.

   Dans un pas dénué d'hésitation, Orien s'élança sans se préoccuper de la situation de la bataille, et attaqua par trois fois Shigyaku de son épée. Par trois fois, il fut paré, mais se protégea à l'aide de son bouclier. La bérilienne ensanglantée continua de le provoquer, ouvrant délibérément sa garde en lui tendant les bras. Il voyait qu'elle était blessée, mais elle n'en avait cure.
« -Tu vis intensément ! Rit Tyrann, un sourire carnassier au visage. Je peux sentir la force sous ta peau ! »

   Orien fut alors à la fois stupéfait et effrayé. Cette femme semblait prendre tant de plaisir à la bataille et à la mort que cela ne lui semblait pas humain. Il se sentit tout d'un coup oppressé par la bérilienne qui le dépassait d'une tête. Le fils du Theldr savait qu'elle avait la force de redresser assez rapidement son épée, et qu'il ne devait pas charger sans prudence… Néanmoins, en un tel moment, si il ne pouvait pas mourir, il ne pouvait également supporter d'être lâche, ou bien son père aurait pitié de lui !

   Il chargea, et soulevant soudainement son épée, Tyrann se lécha de nouveau les lèvres, ce qui inspira un frisson de peur et de dégoût au guerrier qui ne recula néanmoins pas. Elle avait l'avantage de l'allonge, et le forçait à se tenir à distance. Alors, quand le coup de taille de la bérilienne vint, il lui mit en opposition le bord de son bouclier. La lame du nodachi fendit le bois, blessant le poing d'Orien. Cependant, la lame était dorénavant coincée dans le bouclier, laissant Shigyaku sans défense. Le fils du Theldr leva son épée vers la tête de cette dernière, qui tenta d'esquiver en reculant d'un pas. Cela ne fut pas suffisant, car la lame trancha son visage de la pommette jusqu'au front, tranchant l'œil gauche sur son passage. Avec force, elle parvint à retirer sa lame et leva son bras gauche pour protéger sa tête, mais déjà l'épée d'Orien se plantait dans son aisselle, et il lui donnait un violent coup de pied qui la mit à terre.

  Orien était à présent entouré d'ennemis, mais il avait dressé sur ses épaules Davin. Avec tristesse, il confirma que le corps était sans vie, brisant le minime espoir qu'il avait de sauver son père et seigneur. Malgré tout, il était animé par l'ardeur de rentrer en vie pour offrir à ce dernier les funérailles qu'il méritait.

« Hors de ma vue ! Criait il, tandis qu'il chargeait à travers les bériliens qui l'interceptaient. Malheureusement, il ne vengerait pas son père aujourd'hui.


   Shigyaku avait à présent le visage entièrement couvert de sang. Elle avait été vaincue, et en avait perdu son œil. La douleur comme l'extase du combat rendaient sa respiration forte. Orien devait à présent être loin…

   Tyrann, au sol, éclata de rire.
« -J'espère te revoir… Theldr ! »
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Message par DALOKA Mer 21 Juin - 0:30

Les adieux



Les portes de pierre s'ouvrirent dans un lourd grondement, laissant émerger la figure de l'Empereur. Laurence d'Haynailia était vêtu pour la guerre, de son armure étincelante de métal blanc. Il s'avançait cependant seul, sur le sol où lui seul avait le droit d'être. Sur la place de l'Exaccus, au dessus du toit du gigantesque palais impérial.

   Il leva la tête, lui qui se savait au dessus de tous, car quelque chose de bien plus grand lui faisait face. Allongé d'une manière féline comme un grand lion se trouvait l'être qui était quinze fois plus grand que l'empereur. L'immense dragon aux écailles blanches comme la neige souleva ses paupières, révélant les deux grandes sphères vertes brillantes qu'étaient ses yeux. Son long cou alors se dressa, pour que sa tête triangulaire toise le jeune homme infiniment petit face à lui.

-Je suppose que je n'ai aucun besoin de t'informer, fit l'empereur, ne fléchissant pas devant la présence de la créature légendaire.
-Non, répondit Basileus d'une voix tonnante et abyssale. J'entends tout ce qui se passe dans la capitale et au-delà.
-Alors, nous nous passerons des détails. Je pars en campagne, et je voulais avant cela m'entretenir avec toi.
-J'ai tout mon temps à t'offrir,
fit le dragon en croisant ses pattes devant lui. Et je parierais que c'est à propos de tes capacités, à moins que tu n'aies besoin d'un support sentimental.
-Tu serais bien inutile pour ce qui est de ce domaine, de toute façon.
Cela fait à présent treize ans que j'ai obtenu mes pouvoirs dans la fontaine, et j'ai bien constaté avoir changé. Mon corps ne vieillit plus, et désormais j'ai perdu l'usage de la magie. Suite à notre dernier entretien, je me suis alors demandé quelles seraient alors les conséquences d'une plus haute maîtrise de la lumière solaire.
-Ta transformation physique est désormais complète, mais en effet non ton apprentissage. Tu as appris à marcher, et tu peux encore apprendre à nager et à voler.
-Le premier Empereur avait il achevé son apprentissage ?
-Oui… Oui, en effet. Mais il était plus lent, et plus patient, que toi. A la fin de sa vie, il avait finalement apprit à voler…  Mais pas sans prix. C'est peu après qu'il s'éteint.
-Voilà un récit très intéressant,
dit Laurence, s'asseyant en tailleur. Qu'est-ce qui a causé sa mort ?
-Il a cessé de vouloir vivre, et dès cet instant, sa vie s'est sans doute dissipée spontanément. Plus vous devenez puissant, plus votre conscience du monde s'accroît également. Plus cette conscience augmente, moins vous êtes humains. C'est un changement progressif, mais le regard en est totalement changé.
  Si je devais l'expliquer, je dirais que mon cher ami, qui est né avec un seul sens, a fini par gagner celui le plus essentiel à la compréhension de son monde. Pour l'homme, c'est la vue. Hors, ce qu'il a vu quand il a ouvert les yeux… Soit ne lui a pas plu, soit l'a convaincu de l'inutilité de sa quête. Il ne m'expliqua pas la raison. Il est devenu plus qu'humain, et peut-être que cela l'a lassé de tout.
-Cela m'a toujours paru étrange. Pourquoi les dieux, qui aspirent à conserver la barrière entre mortels et immortels close, apportèrent le pouvoir de maîtriser le soleil ?
-Il ne s'agit pas d'une décision commune. Seules quelques entités initièrent ceci, et m'assignèrent à la fin de l'ère des dragons au rôle de gardien de cette force. Il te faut également comprendre que les dieux font en vérité rarement des cadeaux… C'est avec un certain plan qu'ils amenèrent cette force sur terre, une force qui pouvait pourtant les blesser. Et c'est avec, non la volonté de briser cette barrière, mais de la maintenir solidement…
 Un test est nécessaire pour qu'un mortel obtienne ce pouvoir : l'ambition. Une ambition dévorante, ou bien la fontaine dévore le prétendant et alimente sa force, car le courage de s'y baigner n'est pas suffisant. Il n'est pas suffisant car il ne suffit pas à atteindre l'objectif phare de ce plan. Vois tu, un homme si ambitieux que toi, ou ton prédécesseur, viendra tôt ou tard marquer le monde de son influence par son projet quelqu'il soit. Alors, les quelques aberrations nées des bribes d'essence divine restantes en ce monde, feront la rencontre du porteur de la lumière et ceux qui s'opposeront à son ambition seront balayés. Hors, les êtres doués de pouvoirs subdivins sont souvent orgueilleux , et fiers de leur être surhumain, refusent de se soumettre. Il a été déterminé que cette stratégie éliminerait de nombreux faux immortels, en plus de maintenir l'admiration et la crainte envers la force divine.
  C'est le premier commandement dont je suis le gardien… Il y en a un second, mais je ne suis pas autorisé à te dire ce dernier, et il ne te concerne pas directement.
-Je vois que les dieux sont opportunistes,
dit l'empereur avec ironie. Mais je le suis aussi.
-Oh oh, ne le vois tu pas comme de la manipulation ?
-Nous avons des intérêts communs, et leur objectif ne contredit pas le mien… Bien au contraire. Je veux un monde pour les hommes, pas les immortels… Et c'est pour cela, Basileus, qu'il n'est plus la peine de continuer mon entraînement.
-Réalise tu pourtant bien que tu n'es qu'à une fraction de toute la puissance que tu pourrais obtenir ?
-Certainement. Cependant, comme tu l'as bien dit, un tel changement entraîne également un changement dans la perception du monde. Mon rêve n'a pas changé, et je suis prêt à de nombreux moyens pour le réaliser, cependant, c'est en tant qu'homme que je veux y parvenir. C'est ainsi que j'ai conçu ce rêve, et non autrement.
-Eh bien… Peut-être ne peux tu pas le voir, mais je suis surpris. Ta fierté est donc si grande que tu te priverais d'une telle arme ? Intéressant. C'est la première décision de ta part que je n'ai pas anticipé par l'expérience… Bien que j'en avais peut-être le sentiment.
-Tu n'as pas l'air déçu.
-Bien au contraire. A mon regard, la satisfaction de la surprise est bien plus agréable que celle d'être confortée dans son savoir. Le temps pour moi s'est fait long… Peut-être le verras tu, si tu vis assez longtemps.
-Nous verrons cela,
rit Laurence. J'ai l'intention de vivre aussi longtemps que mon rêve, alors, qui sait jusqu'où portera t-il.
-Si tu suis jusqu'au bout la voie d'un homme, alors, je n'ai plus rien à t'apprendre.


  Laurence comprenait bien ce que cela signifiait. Le dragon, qui était devenu son plus proche ami, n'aurait bientôt plus aucune raison de rester ici. L'Empereur s'attendait à une telle tournure, ce pourquoi il ne put que sourire tristement. Il ne pouvait maintenant se représenter la place de l'Exaccus sans y voir ce dragon s'y prélasser, et il s'était habitué à la présence de cet être fabuleux. Se levant, il avança son corps puis sa main vers le museau du dragon aux écailles resplendissantes.
-Me prends tu pour un animal de compagnie, humain ?
-Non,
rit Laurence, avant de blottir son corps contre l'immense tête de Basileus.
-Il est assez perturbant de voir chez toi de telles marques d'affection.
-Ton sarcasme me manquera.
-J'en suis flatté.
-Je suppose qu'il faut te dire adieu,
dit Laurence en lâchant le dragon. Tu ne seras sans doute plus là quand je serais de retour.
-Il y a de grandes chances pour que cela soit notre dernière rencontre, mais, qui sait, l'avenir est plein de surprises.
-Dans ce cas nous verrons ce qu'il nous réserve. Ces 13 dernières années n'étaient pas désagréables j'ai appris auprès de toi beaucoup. Ainsi, parce que je ne l'ai jamais fait… Je voudrais te dire une première et dernière fois, merci.


  Le dragon s'esclaffa et, sans prévenir, attrapa doucement Laurence entre ses griffes pour le poser sur sa tête, alors que ce dernier tirait une mine agacée comme à son habitude lors de ce genre de situation, ce qui fit d'autant plus rire Basileus.
-Parfois tu oublie que je suis la personne la plus importante de ce continent…
-Un peu de modestie ne t'as jamais fait de mal, Laurence d'Haynailia. Si nous volions une dernière fois ? Tu n'auras que peu d'autres occasion d'avoir cette vue sur ton empire.
-C'est avec grand plaisir, mon ami.


  Et c'est ainsi que l'immense créature s'envola, causant au passage l'étonnement, l'admiration et la crainte de tout ceux qui ce jour là avaient levé les yeux vers le ciel.
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Message par DALOKA Mar 13 Mar - 23:38

Ni deux soleils, ni deux souverains

Il était juste là.
Les pieds sur le balcon de pierre, le garçon aux longs cheveux d'or était proprement semblable à une statue. Sa main gauche retombait près de sa taille, le poing presque clos, et en dessous de son épaule gauche flottait une manche vide doucement soulevée par le vent glacé. Ses longs cils étaient abaissés, fermant ses yeux dans une stoïque expression de paix, et ses joues, par le froid sans doute, étaient rosées sur son teint plein de vie. Ses lèvres fines restaient elles aussi closes, imposant un silence que seule la nature avait l'autorisation de troubler. Par dessus l'épaule du monarque s'élevait le soleil, qui montrant enfin sa pleine lumière après les longs jours nuageux d'hiver. Et il était là. Il semblait l'avoir toujours été.

  Mais Laurence lui ne se sentait pas ici.
Il était dans le passé, face à un homme bien plus grand que lui. Son visage même était devenu trouble, contrairement à la silhouette ferme et à la voix, rigide comme un lourd engrenage poussiéreux et rouillé, mais qui broyait tout entre ses dents.
« Tu dois rester droit. »
  C'était impossible. Le gamin appelé Laurence se tenait une côte, il était petit et frêle. Pas plus de douze années dans ce corps où il avait terriblement mal. Gérard le vit.
« Tu n'as aucune excuse pour être faible. »
  Il s'attendait alors à recevoir un autre coup, mais à la place, Gérard tourna le dos. Et cette fois l'Empereur d'Haynailia, pas l'enfant, se tenait debout face à lui. Il était devenu plus, fort que personne ne l'avait attendu. Il n'avait plus de reconnaissance à obtenir.
   L'Empereur avança un pas, puis un autre, et se mit en marche, dépassant Gérard et traversant le fantôme de l'enfant, qui disparut.

   Le jeune valet disposait sur la table une coupe où il versa du vin. Sous le regard satisfait du comte au cheveux blancs, le liquide violacé emplissait le récipient d'or, avant qu'il ne le saisisse d'une main. Entre les doigts du comte, la surface de l'alcool reflétait son visage, mais l'or lui, renvoyait l'image de Laurence. Durand sourit avec plaisir.
« Mon cher Laurence, il te faut rester à ta place. Tu peux le comprendre, n'est-ce pas ? »
  La seule main de l'Empereur se posa sur le dossier du fauteuil, au dessus de la tête de Durand Vinnairse. Ce dernier lui semblait à présent n'être que peu de choses. Laurence n'avait plus personne à qui obéir, et plus personne à dépasser non plus.
  Il dépassa le fauteuil, et la vision du serviteur éclata.  

  Le jeune étudiant en uniforme d'académie posa avec force sa valise sur le plancher de la chambre. L'adolescent brun plusieurs pas en face de lui replaçait ses lunettes en exprimant un rire sans assurance, et le blond, poings sur les hanches, le fixait en levant le menton avec la claire intention d'imposer son autorité. West, Son futur camarade de chambre, lui tendit la main.
« On ne se connaît pas… Soyons bons amis, d'accord ? »
  L'Empereur se tenait derrière le cadre de la porte ouverte. Il fixait le dos de l'étudiant et la main ouverte de West Adamas, ses lèvres se crispant un bref instant. Il n'avait plus d'amis, plus personne à qui parler en égal.
  Il continua son chemin, et perdit l'intérieur de la chambre de vue.

  L'Empereur rouvrit les yeux, à nouveau sur le balcon du donjon Beremorois. Il agita les doigts de sa main un instant. Grâce au soleil son corps était de nouveau plein de force et de vitalité, et prêt à tout défier. Derrière lui se trouvait, discret comme une ombre, un homme lugubre au masque de cuir  , au grand chapeau et à la longue veste. Gorneval, l'inquisiteur muet et son plus fidèle garde du corps, était resté en retrait vers l'intérieur du donjon comme pour ne pas être lui touché par l'éclat du jour.
-… Je rêvais, je crois, fit l'Empereur, levant les yeux vers le ciel.
Songes tu parfois au passé, toi aussi ?
  Dans un mouvement presque imperceptible du menton, l'apôtre de l'humilité répondit que oui sans émettre un son.
-Cela m'arrive, parfois… Je dois l'admettre, j'en suis attristé.
L'Empereur se retourna alors à nouveau vers le tissu azur des cieux et souleva sa main qui, se dessinant parmi les nuages au dessus de sa tête, semblait tenir l'astre céleste juste dans le creux de sa paume.
-Je suis au sommet, reprit-il en refermant son poing sur le soleil. Il y a des gens plus forts, plus beaux, plus rusés que moi, même à mon service, mais malgré tout… Je ne trouve plus personne sous ce ciel qui soit mon égal. Je le réalise depuis que j'ai tué Sharkaan, et lui n'était rien de plus qu'un monstre perdu dans ses propres illusions, pas un leader.
Il me manque, toujours, toujours quelque chose. Peut-être qu'il est dans ma nature de désirer… Mon rêve est à portée de main, mais j'aimerais, sur et derrière le champ de bataille, me confronter à quelqu'un qui me vaudrait. Du moins quelqu'un qui me ferait trembler. Quelqu'un qui me ferait douter et qui pourtant me comprendrait, quelqu'un qui réussirait à me fasciner… Un tel individu serait je pense, plus qu'un adversaire, mon plus proche ami.


  En tant qu'homme de foi, Gorvenal n'était certainement pas le plus apte à comprendre. Lui qui avait brûlé sa langue et tranché ses attributs masculins par religion était même tout le contraire de l'Empereur. Pourtant, il n'y avait aucune oreille plus fiable... Ceci même si il avait le profond sentiment de parler à l'air et non à un être de chair et de sang.
  Laurence posa une main sur la rambarde de pierre et sourit en apercevant non loin certains de ses soldats, guidés par ses plus fidèles généraux. Il n'était pas seul. Non. Il avait tant de gens qui lui faisaient confiance et d'autres qui l'adoraient mais… Il ne pouvait s'extirper de ce sentiment d'insatisfaction.
-Quelle idée stupide, s'esclaffa l'Empereur. Si cet égal apparaît il sera peut-être celui qui mettra fin à mon rêve…
   Ou bien n'apparaîtra t-il jamais.


  L'Empereur tourna les talons, et d'un pas décidé, dépassa Gorneval pour disparaître dans l'intérieur du donjon. Dans un parfait silence, l'inquisiteur se retourna et, sans un bruit, se glissa dans l'ombre du souverain.
-Ne faisons pas attendre mes hommes, dit Laurence, alors que ses pas s'entendaient encore à l'extérieur. J'ai une guerre à mener.
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Message par DALOKA Mer 28 Mar - 10:55

Un père malgré tout








Félicitation pour ton mariage.
                                                  Ton père, Téko Dyra.



  Voilà les mots que j'avais l'intention de t'envoyer quand j'ai commencé à écrire cette lettre. Je pense que tu t'en serais contentée, et j'aurais gagné du temps.
  Cependant, j'ai des choses à te dire, Félicia, et c'est en posant ma plume sur le papier que j'ai réalisé cela. Je ne sais quand je pourrais te revoir, ni même si je pourrais réellement, ainsi il me faut aligner ces pensées et leur donner forme. En commençant depuis le début.

  Ce début, c'est ma rencontre avec toi. C'était en 1845, au manoir Vinnairse. Tu n'avais à l'époque que 5 ans, et je rendais visite au comte qui était l'ami de feu mon père. J'étais hanté par ce que j'avais fait à Kazhaar, et ce que j'avais fait à tout mes amis, ce pourquoi j'étais souvent dans un bien piètre état. Si je me souviens de ce jour où j'étais uniquement venu pour Durand, c'est parce que, alors qu'il me présentait à ses enfants, ses filles prenaient la fuite, l'une d'entre elle criant que j'étais effrayant. Je ne sais pas si c'est toi ou Alexia qui le dit, mais cela était certainement vrai.
  Voilà pourquoi je n'étais guère surpris, deux ans plus tard, de recevoir chez moi une des deux jumelles pétrifiée de peur dans une maison inconnue qui appartenait à un homme tout aussi inconnu dont la présence ne devait pas être rassurante pour un enfant. J'étais moi même répugné par l'aisance de l'accord signé avec Durand ; nos familles avaient certes une histoire de collaboration et un lien de parenté, cependant j'arrachais une fille à son habitat et à ses proches. Et pouvais-je dire que je n'avais pas le choix ? Pas vraiment.
  Il était certes vrai que je voulais éteindre la lignée des Dyra, mais cette raison me semble maintenant comme une excuse. La vérité est que je refusais de prendre une femme alors que je n'avais pas le courage de tuer Kazhaar.

  Je ne me sentais pas moins coupable de t'avoir intégrée de force à ma famille. Ce jour là, tu pleurais tant qu'aucun serviteur n'était capable d'y faire quoique ce soit, et je me sentais impuissant, moi qui déclarait être ton nouveau père. T'en souviens tu ? Je t'ai approchée pour la première fois, et j'ai posé ma main sur ta petite tête blanche. Je ne sais quelle expression j'avais, je tentais de sourire, mais ma tristesse devait être visible. Je t'ai dit alors « Désolé. ». Un mot d'une platitude sans nom, que je ne dis pas pour tenter de te consoler, mais parce qu'il exprimait mon ressenti le plus profond. Ce n'est pas le genre de mot que l'on dit à son enfant quand il pleure, et pourtant, tu as cessé de pleurer.
   Jamais je n'ai compris pourquoi. Jamais je ne comprenais, tu étais une énigme à mes yeux.

  En Juin 1848, tu avais 8 ans. Je recevais alors enfin le fruit des fouilles que j'avais financée dans la zone côtière de Scarrath : la Sarth Ut Ardentis = Xephiel. J'avais déjà prévu de te la faire manier à l'avenir, tout comme j'avais déjà prévu ton mariage avec West Adamas, ainsi que l'intégralité de ton éducation. J'avais décidé de t'encadrer dans un cadre très strict, fort différent de ce que tu avais vécu au manoir Vinnairse. Et à ma grande surprise, tu t'y adaptais plus aisément que je ne le pensais. Alors que je craignais avec appréhension les débuts de ton adolescence, tu ne refusais à douze ans aucune tâche, aucun devoir. Je commençais à voir en toi une loyauté et une dévotion que je n'avais pas anticipé, et qui me dérangeait bien qu'allant absolument dans le sens de mes projets. L'admiration que tu me portais me gênait tout autant, parce que je n'étais pas admirable. Je n'avais oublié ce que j'avais fait, ce que je faisais, et ce que je t'avais fait. Ainsi, te voir ainsi me fâchait au fond de moi même, et me fit faire une de mes pires erreurs depuis ton adoption : ne jamais te donner la reconnaissance que tu méritais.
  Et pourtant, alors que je te n'ai jamais félicité chaleureusement, encouragé, souri, tu continuais. J'étais stupéfait par ta force d'esprit. Même confrontée à tes difficulté pour apprendre la magie, tu ne renonçais pas. Tu t'es sans doute demandée alors comment ne t'ai-je pas réprimandée pour être incapable de lancer le moindre sort, mais comment le pouvais-je ? Je n'étais pas en colère, j'étais attristé de voir qu'un tel handicap se portait sur le potentiel d'une fille si pleine de volonté. C'est pour cela que j'ai concentré tes études sur l'escrime, car je voulais profondément que tu réussisse. Malheureusement, jamais je n'ai su le dire. Je m'étais mis en tête que cette difficulté à obtenir ma reconnaissance était ce qui te poussais à aller si loin. Peut-être m'étais-je trompé, peut-être au contraire, avais-je raison, mais il est trop tard pour cela à présent.

  Félicia, je t'ai imposé tant d'épreuves qu'une jeune femme de 16 ans ne devrait pas subir. Affronter parmi les pires adversaires de ce continent, te confronter à ta propre sœur, t'exposer toujours au danger. Et, bien que je ne sais la mesure de l'affection que tu portais à Alexandre Rosentia, je t'ai fait vivre la mort d'un mari. Et tu restais auprès de moi, comme si cela était la seule chose que tu savais faire.
J'étais autant touché que honteux.

 Quand je me suis enfui d'Haynailia, et que tu étais exilée, je ne savais pas où tu te trouvais. Il fallut très peu de temps pour que je réalise que tu me manquais. La Félicia silencieuse n'était plus à mes côtés, elle qui m'avait soutenu mieux que mes amis même. Pour la première fois depuis longtemps, j'étais mort d'inquiétude pour autrui. Je ne t'avais pas appris à te débrouiller, à improviser dans un monde bien plus vaste que l'empire, car je n'avais jamais envisagé que tu serais autre chose qu'une Dyra.

  Pourtant, j'ai décidé de ne pas te chercher. Parce que, moi recherché, cela ne t'aurais pas mis moins en danger, et parce que je ne voulais pas de nouveau t'enfermer. C'était l'occasion pour toi de quitter les combats, de vivre ta vie, peu importe laquelle.

  Puis, le juillet 1864, j'entends parler de l'équipage du Griffon. De la comtesse pâle. Avant que son identité ne soit confirmé, je sais déjà qu'il s'agit de toi. Tu avais 24 ans, et tu étais à la tête d'une bande de pirates. Que c'était inattendu, et inapproprié. Pourtant, ce jour là, j'étais empli d'une fierté franche, et je ne pus me retenir de rire. Sans moi, à partir de rien, ma fille avait construit quelque chose qui n'avait rien à voir avec moi, avec mes idéaux. J'avais, une fois de plus, sous estimé ta force.

  Maintenant, te voilà. Corsaire à la tête d'une flotte, colon sur Aurore, et maintenant, tu viens récupérer de tes mains le titre qui te revenais de droit. Tout ce que j'ai construit dans le comté Dyra, c'est avec joie que je le donne. Fais en ce que tu veux, je n'ai plus besoin de te demander d'agir avec sagesse. Peut-être que nos routes ne se recroiserons plus, peut-être le feront elles dans de fâcheuses circonstances, mais je te penserais toujours ma fille.
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Message par DALOKA Jeu 5 Avr - 18:11

Sous le modèles des Des trucs randoms, que je sais pas où caser...Mais sur Eclipse! de Jack, voici quelques textes pour apporter des développements divers faits parce que j'avais envie.

Fragments I


"Mes espoirs de restaurer un gouvernement stable et efficace s'amenuisent de plus en plus. Sente Al'Zar devient un bien plus grand mal qu'une mesure extrême. Normalement, nous aurions pu nous en débarrasser et reprendre les rennes mais à ce stade, le pays s'est déjà trop divisé, et cela ne changera pas grand-chose. La faute à Double Delta ? Elle était assurément une variable inattendue. Quoiqu'elle veuille elle a toujours un coup d'avance sur nous. Toujours est-il que si l'Empire n'attaque pas maintenant, une guerre civile éclatera de toute façon. Et Laurence ne laissera pas la démocratie renaître sous son règne.
  Il est temps de proposer le projet d'exil à Septrios. Même si le pays meurt, le travail de son élite intellectuelle peut largement être sauvé si nous nous y prenons dès maintenant. Nous avons la possibilité, en recommençant sur de nouvelles bases, de confectionner une démocratie plus efficace et plus juste. Bien sur, je ne sais pas si je vivrais pour voir ce projet aboutir."

  Correspondance de Téko Dyra à un anonyme



Ces Personajes étaient des bêtes assoiffées de sang. Kazhaar le constatait en les observant se comporter entre eux comme des brutes, et désespéra à l'idée d'avoir à mener cette bande. Lucius avait cherché des gens à la fois dangereux et manipulables, et à cela s'étaient ajoutés des vampiris capturés par les Friedsang. Certains d'entre eux ne voulaient que deux choses : en découdre, et manger. De vrais animaux. Bien entendu, personne ne contestait ses ordres. Parce qu'elle pouvait tous les tuer, bien sur.
-Eh, fit la voix de Marty, la sortant de ses pensées. Ce type est arrivé là… Ephraim Rashan ? C'est pour les quartiers généraux qu'il est supposé nous fournir.
-Ah, exprima t-elle avec un fond de dégoût. Cet homme malsain. Très bien, je vais aller de suite à sa rencontre…
-Tu ne l'aime vraiment pas.
-Suprématiste vampire qui manipule les humains depuis des siècles ? Non, pas vraiment. Mais tu sais, mon petit Marty…

  Elle afficha un large sourire.
-Les vampires, qu'ils soient faibles comme toi ou puissants comme lui, sont pour moi des atouts faits pour être utilisés. Et jetés s'ils n'ont plus de valeur. Alors voyons ce que le maître des catins a à m'offrir…



-… Kerdiald.
-Hm ?…

  Le vieux chevalier se retourna vers lui, un sourcil haussé. Le vent glacial qui avait déposé des flocons dans sa longue chevelure grise ne semblait pas le déranger outre mesure. Il conservait cet air détaché, cette impertinence, comme si rien ne l'atteignait, alors que la tempête approchait.
-Est-il trop tard pour reculer ?
-Pas de ça avec moi,
fit le chevalier en approchant le scarrath recouvert de tissus de la tête au pied, avant de tapoter de l'index la poitrine de ce dernier. Ce n'est jamais « trop tard ». Si tu veux fuir, vas y, je ne te retiens pas. Tu peux tenter de me poignarder dans mon dos aussi mais… Eh eh, je suis déjà presque mort une fois. Je peux recommencer.
 Alors, laisses moi te dire
, reprit-il sèchement, en levant le menton. Ou tu en fais partie, ou tu n'en fais pas. Même si tu es une raclure tu peux encore trouver un moyen de te sauver. On peux toujours fuir.
-Eh,
dit le scarrath, haussant le ton lui aussi. Cela va te surprendre, mais j'ai de l'honneur. J'ai appris la nécromancie et tué des gens sous le nom d'Ereshkigal: ce n'est pas sans raison. Je veux être assuré que ces sacrifices aboutissent à quelque chose.
-Et donc tu as répondu à ta question toi même,
sourit Kerdiald, étendant les bras. Par contre, ne te fais pas d'illusion. Ce que l'on nomme honneur, c'est de l'orgueil. Rien que de l'orgueil.
Bon, nous réveillons Geldo, ou nous restons ici à geler sur place ?
-Le choix est vite fait.
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Message par DALOKA Dim 15 Avr - 13:01

Dernier Shatranj

La lumière était faible. Rien ne semblait exister au-delà de la table où ils jouaient tout les deux dans un silence plus sensible qu'une surface liquide dans un verre, chaque son faisant vibrer et trembler le lieu, même le simple froissement d'habit. Une main gantée se souleva, prit entre ses doigts la tête d'un pion noir, et le fit progresser sur le plateau d'échec. Une main plus petite et tout aussi blanche flotta un instant dans l'air au dessus de la ligne des pions blancs pour finalement en saisir un et le faire glisser en avant également. Téko joint ses deux mains. Kazhaar reposa son menton sur sa paume.
-Pourquoi les Personajes? Dit-il en faisant avancer un nouveau pion.
-Je ne sais pas, fit-elle dans un sourire ironique, en répliquant sur le plateau de manière similaire. Pourquoi s'être impliqué chez les Friedsang ? Pourquoi vouloir affirmer la suprématie de Refinia ? C'est bien plus absurde, selon moi.
-Elle est passive.
-Et elle est notre ennemie.
-C'est ton ennemie. Non la mienne.

  Disant cela avec fermeté, il continua son jeu. Son regard n'était pas tourné vers elle mais vers le plateau, alors que la vampire captait avec attention chacune de ses imperceptibles réactions.
-Eh bien tu me laisseras la gérance du monde des vampires à présent. N'est-ce pas le juste ordre des choses ? Tu as bien assez sur ton esprit.
-J'ai quelques soupçons sur ce que tu feras. Et cela n'est pas la solution.
-C'est toujours toi qui a la solution, n'est-ce pas ?

  Croisant les bras, Kazhaar s'enfonça profondément dans son fauteuil, et une mèche de ses cheveux  s'étendit vers le plateau pour jouer son tour à sa place.  

   Téko adoptait sa typique attitude prudente, il ne prenait pas de risque, était objectif et à distance. Tout geste était calculé pour lui fournir une porte de sortie. Parce qu'il avait peur des erreurs. Il le savait, il en était terrifié, il ne savait pas les pardonner, et la personne qui lui faisait face était comme l'incarnation vivante de toutes ses erreurs. Et il s'était considéré comme l'unique responsable de tout ce qu'elle était à présent, précisément parce qu'il ne supportait pas ses propres échecs, parce qu'il ne pouvait qu'entrevoir les possibilités qui lui auraient permis d'installer une meilleure situation. Mais cela était naïf et égocentrique. Il avait désiré certainement au fond de lui avoir ce contrôle sur elle, avoir cette importance suprême qui ferait que cet être serait dépendant uniquement de ses décisions. C'était faux. Ses mains avançaient les pièces du jeu contre elle et sa stratégie devait perpétuellement s'adapter. Elle était en dehors de ses calculs, et elle agissait pour elle même.
-J'évalue purement les conséquences, répliqua t-il. Rien n'est assuré, jamais, peu importe à quel point l'on est prévoyant.
-Si j'échoue, j'échoue. Mais je n'en ai pas l'intention, et le destin est toujours de mon côté.
-Je ne crois pas au destin.
-Tu ne crois pas au destin et malgré tout nous sommes encore là tout les deux. A jouer aux échecs. Comme il y a plus de trente ans.


   Kazhaar était agressive, assurée, et piquait toujours à vif la posture que Téko empruntait. Elle savait où toucher pour qu'il reconsidère sa position, exploiter ses faiblesses qu'elle connaissait si bien. Elle était capable de voir le moindre frémissement du visage et de ressentir le moindre souffle, entendant jusqu'au rythme du battement de son cœur, comme si elle pouvait voir à travers de sa peau l'intégralité de son corps. Il ne pouvait pas se cacher, même s'il conservait son calme habituel. C'était sans doute pour cela qu'elle était si attachée à lui, pour cela qu'elle ne s'en sentait pas séparable, parce qu'elle le connaissait si bien. Parce qu'elle savait tout de lui. Elle n'avait pas de regrets, contrairement à lui. Elle ne lui en voulait même pas pour toute les souffrances qu'il lui avait infligé, et ceci était une folie qu'elle avait toujours justifié par amour. Oui, elle avait été folle à lier. Mais, elle finissait par le comprendre, elle se figeait elle même en restant rattachée à lui. Même si son corps ne changeait pas elle ne pouvait pas être encore enfermée dans ce rôle de la sœur, ou bien jamais, jamais elle ne se surpasserait.

   Kazhaar se leva du fauteuil de cuir, contournant la table basse pour arriver dans le dos de Téko qui restait le regard concentré sur le plateau du jeu. Ses cheveux blancs manipulaient toujours les pions, jouant même alors qu'elle avait quitté son siège et posé ses mains sur les épaules du comte.
-C'est par nostalgie que nous répétons cela, reprit-il. Il n'y a rien de spirituel. Même moi je pense souvent à ces années passées.
-Et tu penses toujours que tout cela n'était qu'une erreur ?
-Oui. Je ne suis pas poétique comme toi, je ne peux pas la trouver belle. Nous nous sommes mutuellement détruits, au final.
-Tu es un trouillard,
dit-elle avec un sourire en coin, s'abaissant pour l'enlacer dans son dos, joignant ses mains contre le torse du comte. C'est pour cela que tu as éloigné notre enfant.
-Il me fait peur oui. Mais j'ai bien plus peur de ce qu'il pourrait devenir avec toi ou avec moi.


   La partie continuait entre les mains gantées de soie et le tissu blanc des cheveux de Kazhaar. Téko semblait parfaitement concentré sur le plateau. Pourtant, son regard se détourna légèrement vers lui même, vers les mains de Kazhaar sur lui. Elle avait toujours de belles mains. Ces mains capable de le fendre en deux en un instant pourtant. Il avait toujours eu peur de Kazhaar. Peut-être même qu'une part de lui même la détestait.

   Kazhaar avait entre ses bras quelqu'un qui n'était pas juste Téko Dyra. Il était devenu un homme de réputation, il avait des rêves qui étaient totalement étrangers à elle, des idéaux qu'elle ne partageait pas et ne comprenait pas. Elle en éprouvait une certaine frustration. Alors qu'elle l'avait pensé si important, elle ne lui avait jamais été indispensable.
-Echec et mat, fit-elle, une tristesse animant alors son regard. J'ai gagné, cette fois.
   
  Téko n'observait plus aucune option sur le carrelage blanc et noir. C'était la première fois qu'elle gagnait réellement contre lui, alors même qu'elle pouvait sentir ses moindres réactions. Admettant sa défaite, il s'appuya contre le dossier du fauteuil.
-Tu as vieilli et pourtant tu es toujours le même, fit-elle.
-Tu n'as pas changée et je te trouve plus remarquable que jamais, fit-il. Et c'est pour cela que nous devons nous séparer, pour de bon.
-Tu dis vrai. Hélas.

  Kazhaar relâcha son étreinte, exprimant un soupir entre ses lèvres. Ses cheveux blancs qui retournaient à elle emportaient le plateau d'échec, ainsi que l'entièreté de ses pièces.
-J'emporte cela avec moi. En souvenir.
  Le plateau disparut du champ de vision de Téko, et Kazhaar se retourna, s'évadant dans l'ombre. Il  prit une grande inspiration et soupira, les yeux tournés vers la table éclairée uniquement d'une faible lanterne. Il avait, finalement, accompli ce qu'il fallait, pourtant, quand il voyait la surface plane, triste et vide de cette table… Il se sentait amer.
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Message par DALOKA Lun 27 Aoû - 23:17

Sans justice


Partie I: Celle qui détient la raison


Pablo Andromes retira le bout de sa pipe d’entre ses lèvres, et laissa s’échapper dans son souffle une fumée à l’odeur forte de tabac, qui s’éleva dans le salon. Les volutes s’envolèrent, floutant un instant les visages stricts et concernés des hommes assis dans les larges fauteuils de ce qui leur servait ici de salle de réunion de haute importance. La maison du directeur Andromes était assez somptueuse pour contenir des salles pouvant avoir cette prétention, cependant, malgré le feu de cheminée et les boissons sur la table basse, nul parmi le petit comité de quatre personnes ne semblait être apte à totalement se détendre.
– Messieurs, fit le soixantenaire au visage émacié en reposant sa pipe sur la table basse. Je sais que la situation nous presse tous, cependant, j’ai un dernier point important à aborder avant d’achever cet entretien.
– Aussi important que la guerre ?
Répondit avec scepticisme Jose, un homme gras enfoncé dans son fauteuil.
– Cela je ne le sais pas, mais je peux vous affirmer sans aucun doute qu’il pèse dans la balance.
Sa main saisit alors, près de sa pipe, un papier plié en quatre, qu’il mit en évidence en le levant au dessus de son nez. Téko Dyra, qui était assit à côté de lui, ne semblait guère intrigué ou étonné, et resta silencieux. L’ancien noble aux cheveux blancs et à la veste bleue marine attirait la méfiance, par son silence et par la quantité d’informations qu’il possédait : Lupe et Jose savaient qu’il avait sur eux plusieurs tours d’avance.
– C’est une lettre que j’ai reçu de la part de Double Delta, c’est à dire la non humaine douée de pouvoirs mentaux qui nous a causé bien des soucis.
– Elle est donc toujours dans le pays, même après nous avoir échappé, fit Lupe, le plus jeune et fringuant d’entre eux, qui avait éloigné son regard des flammes de la cheminée pour le tourner vers la lettre en question.
– J’étais supposé la remettre au Dirigeant Fédéral Al’Zar… Mais, considérant sa véhémence, j’ai jugé bon de lui cacher cela pour l’instant. Et c’est pour cela que même en étant la figure de proue du parti, il n’est pas présent parmi nous ce soir.
– C’est une sage décision,
approuva Téko. Les hommes qu’il avait engagé pour la capturer ont causé trop de dégâts et de bruits, couvrir cela n’a pas été une mince affaire.
– Et s’il reprend l’initiative sans nous consulter, cela se reproduira. Si vous le permettez, maintenant, je vais vous lire cela…

Pablo Andromes, ayant l’attention de tout le monde, déplia le papier et s’éclaircit la voix avant de reprendre la parole.
« Cette lettre s’adresse à tout les membres d’importance du gouvernement Provisoire de la Nouvelle Aube, et a pour unique but de dévoiler, dans une parfaite honnêteté, mes intentions. J’ai été victime d’une capture, ainsi que de tentatives de meurtres, de la part de certains membres de l’état, le plus notable étant le Chef de parti, Sente Al’Zar. Malgré tout, sachez que je n’en tiens pas rigueur, et que je souhaite établir avec vous un rapport cordial.
Je désire prévenir tout acte invasif ou belliqueux à l’égard de mon peuple sur Aurore. Pour ce faire, j’ai informé de manière cordiale des gens de toute classe sociale de l’identité des myosiens et de leur mode de vie, ce qui conféra aux yeux de certains d’entre eux une image favorable de mon peuple. Parmi vous, certains voient cela comme un danger, néanmoins je remets pour ma part fortement en question les méthodes de votre état. En effet je ne vous apprendrai rien en vous disant que les chances pour que Waien soit annexée dans l’année sont de 97 %, avec un pourcentage extrêmement faible de marge d’erreur. Néanmoins, et ceci en considérant que vous cherchez le bien être de votre peuple, je peux vous aider, même sans vous rencontrer directement puisque vous semblez craindre ce qui n’est qu’un moyen de dialogue (quand bien même vous est-il inconnu). Néanmoins, il faut pour cela que je puisse de nouveau, de manière légale, apparaître en public. Au cas où vous ne seriez pas disposés à négocier un arrangement, je tiens tout de même à vous informer que, si la fédération renonce à la guerre et dépose les armes, il est possible que, en considérant les facteurs économiques et sociaux, le niveau de bonheur des membres de votre communauté augmente d’au moins 10 %, alors qu’il baisserait de 30 % en cas de guerre. Notez également qu’avec mon aide, ce bonheur commun pourrait connaître de meilleures hausses encore.
Si vous n’êtes pas disposés à communiquer de quelque manière avec moi, alors je trouverai mes propres moyens d’agir. J’espère que vous aurez la conscience d’esprit de bien entendre mes paroles. »
… C’est tout.

– Se moque t-elle de nous ? S’agaça Jose. On dirait qu’elle veut elle même diriger le pays !
– Et au final elle compte agir peu importe notre décision…
Renchérit Lupe, inquiet. Nous n’avons aucun moyen de la contrôler.
– Notre accord n’est qu’un détail pour elle,
exprima Téko. Quelque chose qui faciliterait son travail. C’est avec le peuple qu’elle communique, pas nous. Si l’Empire prend le pouvoir ici, son influence restera la même. Et je pense qu’elle a dû réaliser que négocier avec Haynailia, si cela est plus délicat, lui profitera plus, particulièrement quand elle a savamment profité de l’ouverture waienne pour semer ici ses graines et se constituer une base forte de soutiens. Elle a entre ses mains tout les membres importants du parti des tuniques bleues, et a même réussi à se faire pour allié un agent important de la veille patriotique avant qu’il ne soit trouvé et liquidé. Personnellement cette lettre me paraît… Comme un pied de nez. Elle sait qu’elle n’obtiendra rien de nous.
– Et nous, nous ne pouvons nous permettre de l’ignorer,
dit Pablo. Cette créature dispose des moyens de refaçonner ce pays. Quand l’Empire aura vaincu nos armées, notre parti, qui s’est trop reposé sur la force militaire, sera un facteur assez faible pour qu’elle nous éjecte du calcul. Ceci sans aucune possibilité de retour. Entre autre c’est notre place à nous tous qui est en jeu. Et pas seulement : dans ce monde à venir, il pourrait ne plus y avoir de révolution. Ses principes auront, via les tuniques bleues, supplantés les nôtres. Waien n’existera plus.
– Et elle pourra confortablement, avec le support de notre peuple, négocier avec l’Empire qui contrôle véritablement la colonisation humaine,
songea Lupe, retirant ses lunettes pour les essuyer. Nous devons faire quelque chose, cependant notre précédente expérience nous a bien prouvé qu’on ne pouvait la capturer… Elle a fini par s’échapper sans difficulté, en convaincant nos agents.
– Dans tout les cas, nous devons nous en débarrasser,
fit fermement Pablo en jetant la lettre sur la table basse. Téko Dyra est l’homme le plus approprié pour cela, particulièrement si tu lui viens en aide, Lupe. Quant à vous Jose, vous offririez la couverture médiatique idéale, particulièrement si les choses tournent mal… Moi, je me chargerais de faire détourner les yeux de notre bien aimé dirigeant. Ainsi, à nous quatre, nous devrions pouvoir résoudre le problème sans nous en mordre trop les doigts.
– Cela me convient,
dit Téko en joignant ses deux mains gantées devant ses genoux. Néanmoins… Que devrais-je faire de Double Delta ? Plus exactement, quelles sont les limites qui me sont imposées ?
– Il s’agit de lui faire quitter le pays. Pour cela tout les moyens sont bons… Je laisse donc cette décision à ton sage jugement, mon ami
.

La conversation se poursuivit une demi heure de plus. L’ancien comte y exposa le plan qu’il avait déjà en tête, et les moyens dont il aurait besoin pour le mener à bien. Le rôle de chacun dans l’opération fut alors déterminé, et il fut conclu qu’il les contacterait ultérieurement en personne pour les finitions… Cette soirée finie, Téko Dyra avait fini par s’isoler du reste du groupe, s’éloignant dans la campagne qui environnait la maison Andromes, jusqu’à arriver au lac qui se trouvait à un kilomètre de distance de cette dernière. Il savait que le conseiller Pablo appréciait ce lieu pour la pêche et il était vrai que, si l’on exceptait la présence élevée de moustiques en cette saison, il pouvait faire office de lieu de détente idéal. Passant sa main sur son menton et sa moustache, il se mit, pensif, à marcher en suivant la rive du lac ; il y avait des choses qui méritaient encore réflexion, surtout certaines dont il n’avait rien dit aux autres. Après tout, il devait l’admettre, il n’était pas waien au fond de son cœur. La mort de Waien dans sa forme, dans son nom, ne le dérangeait pas. Tout ce qu’il opérait n’était que la suite des principes avec lesquels il avait agit en tant que comte jusqu’à sa destitution, ainsi il n’avait pas de doute que son actuelle collaboration n’était pas un retournement de veste, mais bel et bien la continuation de son objectif, quand bien même avait-il changé de stratégie. Malgré tout, il pouvait comprendre pourquoi l’on se méfiait de lui, et pourquoi l’on le détestait : il avait renoncé à son estime de soi, et cela n’était pas synonyme d’altruisme désintéressé que l’on pouvait admirer. Cela signifiait plutôt que l’honneur et la recherche de bonheur personnel n’étaient pas applicables à sa personne, qu’on ne pouvait l’estimer à partir d’elles. On ne pouvait pas l’acheter, mais encore moins lui faire confiance.
Intrigué par le bruit de bottes de cuir sur la terre, Téko détourna sa tête du lac, trouvant Lupe Andromes qui, seul, se dirigeait vers lui. Le fils du Conseiller Pablo était loin d’être un inconnu pour le comte, puisque ce dernier lui avait servit d’instructeur durant son exil, avant que le jeune bourgeois ne devienne un agent de la veille patriotique. Il avait toujours été courtois et respectueux, même si cela n’empêchait pas l’ancien noble d’être distant. Néanmoins après toutes ces années, il n’y avait pas de soucis à ce qu’il l’approche avec familiarité.
– J’ai moi aussi fini par m’ennuyer, fit Lupe d’un détaché en haussant les épaules.
– Je doute qu’il ne s’agisse que de cela, répondit Téko. Même toi, tu chercherais une meilleure compagnie pour passer ton temps.
– Vous êtes si conscient de cela, j’en suis presque mal à l’aise…
Sourit le waien en arrivant aux côtés de Téko, claquant au passage un moustique qui s’était posé sur le dessus de sa main. Pour dire vrai, je ne suis pas vraiment satisfait de la conversation de ce soir… Une frustration me reste en travers de la gorge. Cette femme, myosienne, ou quoique ce soit, semble estimer nous dépasser en tout point dans nos propres intentions : le bien être du peuple. Nous nous basons sur des philosophes, sociologues et penseurs, contre la tradition et le sacré de l’Empire… Cela a toujours été une position confortable. Mais notre adversaire ici ne joue pas selon ces règles, si j’ose dire, elle nous damne le pion à notre propre travail.
– C’est bien pour cela que la neutraliser a été jugé nécessaire. Ici, ce n’est pas la peur d’être vaincus qui dicte nos intentions, mais celle d’être surpassés, puis éventuellement intégrés. Un destin humiliant.
– Vous utilisez le mot juste… Cependant, je suis étonné que vous le prononciez. Cela ne vous ressemble pas, de parler de honte. Vous ne semblez même pas croire en ces mots.
– Tu dis vrai Lupe,
répondit Téko, tournant son regard bleu et glacial vers le waien. Je ne pense même pas que notre cause soit juste, bien au contraire. Si nous observons avec recul la situation actuelle, la myosienne est plus proche de la vérité que nous le sommes.
– Ce sont des propos bien osés,
fit avec humour Lupe. Ne seriez vous pas convertis ?
– Je n’ai jamais rencontré cette myosienne en personne, et tu le sais… Néanmoins, tu soulèves un point intéressant. Quelqu’un comme moi, qui n’a ni assez d’ego ni une croyance défiant la raison, serait particulièrement aisé à convertir pour elle. Pas juste à cause de mon caractère, mais aussi parce que nos opinions sont proches… Je suis arrivé à des conclusions similaires à elle, bien que moins exactes, sur la situation de Waien.
– Ses mots n’étaient pas dénués de sens… Le problème est au final sa méthode. Laver le cerveau des gens, c’est forcer leur opinion, et peu importe la justesse de cela, nos principes s’y opposent.
– Est-ce vraiment le cas ?

Le corps entier du comte faisait maintenant face à Lupe, et son regard comme son ton laissaient entendre que la conversation avait pris maintenant un tournant irréversible. Le doute tranchant de Téko, face à ce qui était leur seul argument contre Double Delta, avait un poids sans merci.
– Grâce à la franchise de Double Delta, nous avons un grand nombre d’informations sur sa civilisation et son mode de vie, fit-il, semblant tirer le tissu de ses gants pour les replacer correctement. Dans leur communauté, leurs aptitudes mentales sont un moyen de communication, un moyen de transférer l’information, rien de plus. C’est une chose effectuée naturellement, cela est aussi simple que de respirer… Entre autre, il faut se demander ce qui la différencie de notre langage oral.  En passant les détails formels et les subtilités, une chose ressort avant tout : l’efficacité. C’est la principale différence entre leurs psychiques et notre langue, en termes de moyens de communication. En comprenant cela, si l’on anthropomorphise ainsi leurs capacités, nous sommes face à une conclusion absurde : si quelqu’un était doué d’une éloquence supérieure à ceux à qui il s’adresse, et que cette éloquence  n’était que disposition d’information à ses yeux et non pas un enchantement, se retiendrait-il, même en croyant en la liberté, d’utiliser cette éloquence ? Abrutirait-il son langage pour communiquer ses idées, de peur que la brillance de ses mots ne rendent sa tâche trop aisée ? Non. La pensée ne lui traverserait peut-être même pas l’esprit. Même quand l’éloquent évite les mots complexes ou qu’il parle une toute autre langue, cela est toujours par éloquence : c’est pour être compris par son prochain. Qui aurait être peur d’être trop facilement compris ? Il est ensuite vrai que nous pouvons considérer les psychiques comme des manipulateurs, néanmoins, nous le sommes aussi en politique : nous tordons les mots pour toucher le cœur de gens. Et au contraire de Double Delta, nous ne nous disons pas toujours la vérité. Rien ne rend notre manipulation moins vile, quand nous la situons de ce point de vue.
– Vous supposez donc que nous n’avons au final que peur de ce qui est alien ?
– Notre réaction est tout à fait naturelle. Néanmoins, peut-être que la naïveté waienne y est pour quelque chose… L’idée que l’homme, quant on lui donne le choix, est libre, et que cela n’est que sa décision… Alors que toute campagne politique a pour vocation d’influencer cette décision. Les gens qui viennent voter sont considérés libres, pourquoi ceux qui soutiennent Double Delta ne le sont pas ?
– J’entends votre raisonnement. Si nous considérons leur pouvoir comme une autre forme de langage, tout cela prend sens… Néanmoins Double Delta n’aurait aucun tort.
– Peut-être qu’elle n’en a en vérité pas.
– Dans ce cas pourquoi la stopper ?… Ce qui se passe dans votre esprit me perturbe parfois. Vous n’êtes pas comme moi, vous n’obéiriez jamais à un ordre s’il ne va pas dans vos intentions. Au final, malgré votre statut, vous restez un comte avant d’être un soldat.
– Peut-être que j’ai en vérité moi aussi ma fierté d’humain,
fit Téko avec un léger sourire, avant de joindre ses deux mains derrière son dos et de reprendre de son ton habituel. D’après les informations que nous avons, le système myosien a un défaut fatal : la progression de pensée existe, mais stagne. Le manque de conflit ne favorise pas leur développement intellectuel ou économique… Ils disposent de certains savoirs supérieurs aux nôtres, par prédisposition ou par héritage ancestral, mais leur civilisation s’est limitée à une vallée, sans ambition d’expansion ou du développement d’une technologie majeure… Comme s’ils s’estimaient déjà achevés, parfaits. Bien sur, je ne peux que me baser que sur les dires d’un individu, cependant si mes suppositions sont juste, tout ce que Double Delta a dit sur son peuple est vrai. Hors, ce n’est pas le futur que j’envisage pour l’humanité. Rien ne dit que cela n’est pas une erreur, cependant…
Un instant hésitant, Téko sépara ses deux mains, et son regard se plongea alors non plus vers la surface du lac, mais la toile nocturne du ciel. Ses bras se croisèrent, dans une attitude qui surpris Lupe. Les yeux de Téko, habituellement ternes et voués uniquement à l’analyse et à la méfiance, brillèrent un bref instant.
– Je suis persuadé qu’au fil des échecs et des essais, nous pourrons faire mieux qu’ils ne l’ont jamais fait.

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Message par DALOKA Mer 29 Aoû - 16:30

Partie II: Hédonisme


Le séjour en Waien de Double Delta avait été particulièrement intéressant. Les humains et leurs différentes factions et nations présentaient un tableau extrêmement complexe, elle osait même dire que la quantité d’informations et d’interactions, en comparaison de celle d’Aurore, mettait sa psychohistoire à l’épreuve. Son impatience de transmettre à la communauté toute ses notes était pour le moins difficile à contenir, les coins de ses lèvres se soulevaient plus que d’habitude en songeant à la satisfaction et la fierté d’apporter d’un coup d’un seul tant de savoir. Elle était aux anges. Même pour si elle n’avait pour ainsi dire jamais été inquiétée de quelque manière, même lors de son emprisonnement, car elle comprenait aisément les individus. Au fonds d’eux, ils étaient tous aimables et raisonnés, il avait toujours été une évidence que sa visite en prison serait courte et qu’aucun mauvais traitement ne lui serait infligée. Grâce à ses bienfaiteurs du parti des tuniques bleues, elle était à présent paisiblement dissimulée dans des appartements au cœur même de la capitale, et même si les services secrets waiens savaient où elle se trouvait, cela ne l’inquiétait guère. Allongée lascivement sur un divan rouge au milieu d’un riche et coloré salon, elle se délectait de fruits locaux comme si sa sécurité n’était nullement en danger. L’étrange créature à l’allure de jeune femme cornue était habillée dans des habits féminins locaux, qui ne lui avaient pas semblé inconfortables. Pour toute la barbarie que contenait leur monde, les humains étaient habilles, et la curiosité de Double Delta avait été piquée pour un grand nombre de leurs créations. Bien entendu, elle considérait qu’il fallait faire le tri dans certaines choses : les raisins qu’elle mangeait actuellement étaient délicieux, mais en faire une substance psychotrope dangereuse était du véritable gâchis. L’alcool, en se faisant fausse solution pour la joie, n’encourageait aucunement à trouver des voies durables vers cette dernière. L’effet qu’il avait sur la réflexion, elle le savait bien, était parfois effrayant. D’habitude, les humains de cette société avaient déjà peu de contrôle sur leurs passions, mais ce défaut éclatait sous l’influence de cette substance… Ce n’était par ailleurs pas la seule dans ce cas. La capacité des humains à détruire leur propre esprit la dépassait, elle était même parfois inquiète que cela influence son propre esprit. Cela était néanmoins improbable, puisqu’elle surveillait tout possible changement comportemental de sa part…
Cela faisait plus d’un an qu’elle avait quitté la vallée. Un myosien commun serait peut-être entré dans une sorte de dépression ou dégénérescence mentale à sa place, mais elle savait sa force d’esprit au dessus de la moyenne. Jamais elle ne se serait lancée dans une telle mission par elle même dans le cas contraire. Double Delta appréciait au contraire les humains, qui n’étaient après tout pas entièrement responsable de la barbarie de leur société. Les habitants d’Eclipse avaient un grand potentiel, si une coopération s’établissait entre eux et la vallée, ils pourraient certainement trouver le bonheur et la paix. Hélas le pourcentage de chances d’arriver à cette possibilité était ridicule : en terme de puissance, la vallée n’était rien face aux pays du continent… Il lui faudrait donc faire preuve de finesse. Elle savait qu’elle ne pourrait jamais communiquer avec l’Empereur d’Haynailia à cause de la phobie des humains pour la communication mentale, néanmoins, un agent du conseil impérial avait réussi à traverser la frontière pour venir la rencontrer : ce serait la première étape vers les négociations qui sauveront son peuple. La vallée finirait bien par comprendre qu’il était nécessaire de jouer à leur politique pour le bien de leur communauté.

Double Delta se releva, faisant rouler une pèche entre les quatre doigts de sa main. Elle captait les pensées de ses alliés à l’étage, qui s’inquiétaient des futures actions de la veille patriotique… Marchant vers la fenêtre mouillée par la violente pluie orageuse qui battait l’extérieure, elle étudia leur réflexion, constatant leur fatigue et leur inquiétude, avant de les rassurer mentalement sans avoir besoin d’être dans la même pièce. Double Delta avait confiance en ses capacités, mais également confiance en Téko Dyra : quand bien même il était chargé de la tuer, il semblait être un homme de raison, quand bien même avait-il refusé toute entrevue… En considérant ses actes, elle pouvait dresser un profil du personnage. Il n’avait aucun intérêt à la tuer, et désobéirait à ses supérieurs sans hésiter s’il estimait que c’est la bonne chose à faire… Il ne manquait que peu de choses pour qu’il réalise qu’elle n’était pas son ennemie.
La myosienne jubila un instant. Elle avait hâte de rencontrer cet individu, et la liste de ses alliés se remplissait de plus en plus ! Nul autre myosien ne pouvait clamer avoir réussi telle manœuvre. Le sourire faux qu’elle portait en permanence, pour la simple raison qu’elle aimait l’apparence de son visage quand il portait cette expression, apparaissait de manière de plus en plus spontanée ces derniers temps. Double Delta avait avant toujours souri par esthétisme : un visage, dans la vallée, ne trompait jamais personne. Les autres individus de la communauté savaient très bien que Double Delta avait un esprit glacial et tranchant comme une lame de rasoir, et l’avaient acceptée comme telle. Quand les autres étaient heureux, c’était à peine si cela affectait son esprit, une chose qu’elle attribuait à la puissance hors norme de ses capacités mentales… Peut-être que son cerveau n’avait simplement jamais été assez stimulé. Oui, il était possible que la communauté évalue mal le potentiel d’un individu ; certains étaient assez forts pour subir et apprécier une telle quantité d’informations sans dévier des objectifs de la communauté… Quand elle reviendrait, elle proposerait à la communauté une réforme majeure. Les missions semblables à la sienne apportaient trop pour qu’on puisse les négliger…
Double Delta gloussa une fois de plus, il ne restait de son fruit que le noyau. Elle s’amusait, vraiment.
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Message par DALOKA Jeu 30 Aoû - 21:51


Partie III: Rétribution



La pluie ruisselait sur les pavés de Childil, dans des ruisseaux ridés qui étaient comme de petites cascades, inondant les chaussures des passants. Les rues étaient presque vidées, et des traits distordus de lumière déchiraient occasionnellement les nuages, suivis de tremblements sourds. Ce n’était guère l’environnement idéal pour une balade citadine, comme devait durement penser un vieil homme qui n’était guère protégé de l’humidité par son chapeau. S’empressant alors que chacun de ses pas causaient dans l’eau un floc sonore, il finit par être intercepté par deux hommes encapuchonnés. Des gardes, comme il le réalisa après coup.
– Veuillez m’excuser mais nous voudrions vous poser quelques questions, fit d’un ton poli mais plein d’autorité un grand jeune homme aux rouflaquettes noires.
– Je suis pressé…
– Nous avons pour ordre d’interroger le maximum de gens possible dans ce quartier, et c’est ce que nous ferons
, insista t-il d’une intonation qui ne laissait cette fois aucune possibilité de réponse. Suivez nous.
L’autre militaire se tenant derrière le vieil homme, ils se déplacèrent vers un préau, et l’entourèrent pour l’interroger avec précaution sur ses agissements et tout ce qu’il pouvait savoir à propos de Double Delta. Naturellement, la nature de son opinion elle aussi était surveillée. Le passant était pour le moins terrifié, ce qui incitait d’autant plus les deux hommes à poursuivre dans leur interrogation : même si ce qu’il avait à cacher n’avait aucun rapport avec la myosienne, ils le découvriraient.
L’Homme au rouflaquettes fut interrompu dans l’interrogatoire par une tape sur l’épaule, et tourna les talons pour se retrouver face à un autre homme encapuchonné. Le blond légèrement plus petit que lui et au visage carré portait une paire de lunettes rondes qui rendait toute confusion impossible. Le garde sourit, détournant totalement son attention de son précédent travail pour le laisser à son subalterne.
– Lupe, vieux frère. Étonnant de te voir sortir par ce temps.
– L’appel du travail, Horacio, l’appel du travail,
répondit t-il dans un sourire chaleureux en serrant avec force la main du garde.
– Tu es toujours sous les ordres du noble destitué… Ce fauconneau doit être une plaie. Je ne t’envie nullement. Moi et mon gars on a suivi ses directives pour la recherche de la non humaine, mais au moins nous ne le fréquentons pas personnellement.
– Allons, il m’a quand même beaucoup appris. Je n’en serais pas là sans lui.
– Il a l’air d’un type derrière bien trop de choses pour son propre bien… Et qui a ses propres agendas. S’il a pu trahir l’empereur, il pourrait trahir la fédération en un battement de cil.
– Tu te poses trop de questions mon bon. Tu as une place bien confortable à la capitale, tu devrais laisser ce genre d’inquiétude pour nous. Qui plus est je ne suis pas juste là par courtoisie… J’organise quelques préparatifs pour l’opération de l’ex comte, et j’aurais bien besoin de quelque chose que tu pourrais te fournir sans difficulté.

La main de Lupe se glissa dans sa poche pour en sortir un papier plié et le tendre vers Horacio qui le prit et le déplia.
– Oui, pas de problème pour ça. Ce genre d’arbalète sera idéale si vous tentez une approche musclée. Je t’en donnerais une dans la semaine.
– Je peux toujours compter sur toi, à ce que je vois.
– C’est rare de nos jours, c’est vrai…

Le vieil homme interrogé cria, poussant Horacio à se retourner. Son collègue avait saisi le passant par le col.
– Cet enfoiré a un médaillon haynailique on dirait, fit le garde.
– Ah… On a été chargé d’appréhender tout ceux qui priaient Haynailia, avec la guerre en ce moment. Excuse moi, mais on va devoir lui donner quelques baffes, histoire de calmer un peu sa foi. A plus, Lupe.
Lupe lui rendit son au revoir, levant sa main vers sa tempe dans un salut militaire, et s’éloigna de la scène pour revenir à son objectif principal. Retournant sous l’orage alors que le bruit des coups résonnait dans son dos, il marcha à pas vif quelques instant, s’éloignant du centre ville, puis arrivant dans une allée où se trouvaient quelques commerces, avant d’entrer dans l’un de ces établissement, se sauvant à nouveau de la pluie torrentielle.
Il débarqua, sa cape ruisselant d’eau, dans une espèce de petite pharmacie et droguerie. Un magasin qui n’avait pas l’air de rouler sur l’or, mais Lupe appréciait son aspect humble et son air vieillot, qui plus est cela en faisait un lieu d’échange idéal. Quant il avait poussé la porte, il avait également enclenché une cloche, ce qui causa l’entrée d’une femme depuis l’arrière boutique. La dame aux cheveux gris s’accouda sur le comptoir, plissant le regard en voyant Lupe, qui abaissait son capuchon. Elle avait entre cinquante et soixante ans, et n’avait pas la carrure la plus impressionnante, cependant il constatait bien que son regard était toujours aiguisé. De plus, le crochet qui remplaçait intégralement la main gauche de la femme était bien la preuve qu’elle avait vécu suffisamment de choses pour pouvoir se permettre de jeter ce regard mauvais à un homme qu’elle savait agent des services secrets de l’état.
– C’est toi, dit-elle. Cela fait un petit moment que tu n’es pas passé ici… Qu’est-ce que tu veux ?
– Pas la peine d’être si agressive, répondit Lupe en s’avançant vers le comptoir. Je ne t’ai jamais posé de problème, bien au contraire.
– Mon crochet aurait tendance à me dire que tu travaille encore pour cette raclure…
– Hélas, tout cela est secret défense pour toi.

La femme leva le nez en considérant Lupe un instant, qui avait retiré ses lunettes pour les essuyer. La pluie rendait sa vue difficile, quand des goûtes d’eau se posaient sur ses verres.
Il replaça ses lunettes. Berthe Colstinger avait travaillé en tant qu’agent pour la fédération bien avant la fondation de la veille patriotique dont il faisait partie. C’était en quelque sorte, sa senior, même elle avait été plus une mercenaire qu’une agente gouvernementale. Ses agissements remontaient à l’époque de la guerre de 34-39, et elle avait agit en tant que voleuse après cela… Avant que tout son groupe ne se fasse trahir par son ami proche, un criminel psychopathe nommé la Plume noire. Entre autre, elle avait toujours eu des histoires extraordinaires à raconter, et Lupe la connaissait depuis qu’il était gosse… Ce pourquoi il se tournait toujours vers elle quant il avait besoin de choses que l’État ne pouvait ni savoir ni fournir.
– J’ai entendu dire que l’ex comte t’avait refusé une place dans son projet, alors que tu es le fils de Pablo, fit Berthe, grattant son comptoir déjà entaillé de son crochet. Je suis étonnée que tu ne le prenne pas mal.
– Il m’estime plus adapté à d’autres tâche que de siéger à la Table du Nouveau Soleil. Bien sur, cela signifie juste qu’il ne me fait pas confiance pour cela, mais c’est le genre de chose qu’on doit bien accepter… De toute façon, précisément car je suis le fils du conseiller, j’ai bien plus de possibilités pour monter dans les échelons de la société.
Mais revenons en à mon affaire. J’ai besoin de Maniacal, pure, et tu dois en avoir caché quelque part dans cette boutique.
– Pure ? Tu as perdu la tête ?
– J’ai dit exactement ce que je voulais dire,
appuya t-il en posant ses deux mains sur le comptoir. La veille patriotique n’aurait aucune raison de posséder ce genre chose, et c’est pour cela que suis ici.
– Je ne sais pas à quelle pauvre victime tu veux infliger ce poison, mais… Très bien. Néanmoins se procurer une toxine almiriane ce n’est pas rien, j’espère que tu as ce qu’il faut pour soutenir l’échange.
– Je t’offre une avance de 100 écus d’or. Quand tout sera réglé, tu auras 150 écus d’or supplémentaires… Avec ça tu auras bientôt de quoi t’acheter une bonne maison dans un coin éloigné de la guerre.
– Tu tente de me duper ?
Dit froidement Berthe. En un éclair, elle avait approché son crochet de la gorge de Lupe. Il y a le prix pour le produit et le prix pour m’impliquer dans votre sombre histoire… Quand l’empire arrivera, où que je sois, je serais dans une merde sans nom. En revanche, cela pourrait changer si tu faisais… Disparaître tout document sur mon passé criminel en plus de toute preuve que j’ai travaillé de près ou de loin avec le gouvernement fédéral.
– Très bien, soupira Lupe. Je vais détruire ces preuves, et tu ne seras plus qu’une marchande sans histoire. Avons nous un accord ?
– Voilà qui est mieux,
rit-elle, s’éloignant de l’agent fédéral. Je vais te chercher la marchandise, et après cela je crois nous ne nous reverrons plus jamais.
– Tu es dure en affaire, Colstinger.
– C’est comme ça qu’on survit plus de cinquante ans en ayant commis son premier meurtre à quinze… Enfin, ou ça, ou bien être comme toi, pas vrai ?


Elle s’éloigna, ouvrant la porte de son arrière boutique. Lupe mit les mains dans les poches de son veston, observant son reflet dans les bocaux à sa vue. Etre comme lui ? Il avait toujours été un homme modèle. Tout ce qu’il avait fait, il l’avait fait pour le bien de son pays, Lupe n’avait pas une once de doute sur la question. Alors qu’il aurait pu avoir une carrière paisible, il a été un des premiers à subir l’entraînement de la veille patriotique inventé par son père et le comte Dyra, il avait offert son corps et sa chair au pays. Il avait suivi les règles de sa société, avait progressé dans cette dernière de manière idéale, et son parcours lui donnait assez de prestige pour envisager la possibilité d’être un jour à la place de son père, alors quelle importance s’il avait tranché quelques gorges dans sa vie ? Berthe Colstinger ne pouvait pas se dédouaner d’être une criminelle. Elle suivait certes ses propres principes, mais ses propres principes n’avaient aucune importance face aux demandes du monde. Avec toute l’affection qu’il portait à cette femme, il ne pouvait décemment reconnaître avoir grand-chose de commun avec elle.
L’ancienne voleuse revint avec un paquet entouré de cordages, qu’elle posa délicatement  de sa main valide. Lupe sorti alors une bourse, et la plaça aux côtés du paquet sur le comptoir.
– Dans ce cas c’est le moment de se dire adieu, fit-il en prenant le paquet. Passe le bonjour à ton fils de ma part.
– Lupe,
dit-elle d’un sérieux abrupt, alors qu’il s’était retourné, le poussant à s’interrompre.
Téko Dyra est trop pourri pour rester debout longtemps, particulièrement en cette période… On paye tous pour nos crimes, d’une manière ou d’une autre, quelques soient nos motifs. Tu ferais mieux d’éviter de te tenir dans la maison quand elle s’effondrera.
– Une sorte de jugement divin…
Songea Lupe, avant de continuer sa marche vers la sortie. Oui, peut-être que c’est une fatalité d’être jugé pour ses crimes.
Restait à savoir ce qui était un crime et ne l’était pas.


Dernière édition par DALOKA le Lun 23 Déc - 19:29, édité 1 fois
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Message par DALOKA Ven 31 Aoû - 23:24

Partie IV: Ce qu’il a construit

Une semaine plus tard, la tempête avait laissé place au soleil d’été. L’eau qui était tombée des jours durant s’était asséchée, et la lumière du jour redonnait sa vivacité et sa beauté au parc fleuri de Childil, en ce moment bien vide. Même la haute société, en ces temps troublés, ne pouvait pas se permettre de flâner. Naturellement, cet homme faisait exception. Dans ses vêtements flamboyants d’orange et de bleu, le gentilhomme nommé Saero Adamas marchait d’un pas élégant autour d’une fontaine dont l’eau gelée était suspendue en l’air. Quand sa main droite passait près de glace, cette dernière se déformait, et sur les filets d’eau figée poussaient des fleurs de cristal. Il semblait faire cela presque naturellement, sans effort ni concentration, donnant plus l’impression d’un faiseur de miracle que d’un manipulateur du mana. L’haynailien, toujours pimpant en approchant la cinquantaine d’année, acheva en trois tours son œuvre, remplaçant la fontaine par un bouquet de glace.
– Je croyais que l’on t’avait demandé d’arrêter de toucher à ces fontaines, fit une voix familière. Téko Dyra, marchant sur le chemin pavé, venait à la rencontre du mage qui exprima un sourire.
– Il n’y a personne pour me le reprocher. Sauf les jardiniers, qui n’ont pas l’air de m’en vouloir, haussa t-il les épaules.
– Tu n’as pas la citoyenneté waienne, dit-il en se penchant vers les fleurs de glace. En ce moment, tu ne devrais pas faire de vagues quand tu es dans ce pays.
– Quelle plaie ! Je ne peux plus aller en haynailia, et je dois surveiller mes actes à waien… Heureusement que scarrath a encore une petite place pour un pauvre hère tel que moi.
– Et je suis, en un sens, responsable de ta situation…
Dit l’ancien comte avant de claquer des doigts. La glace se mit alors à fondre à une vitesse surprenante, victime d’un sort.
– … Vraiment, tu n’as aucune compassion pour mon pauvre cœur, dit Saero, vexé que Téko détruise son travail.
– Je n’ai pas envie de perdre du temps à excuser tes actes, tu n’es pas un enfant.
Téko se redressa, la fontaine reprenant son fonctionnement normal, et Saero soupirant avec lassitude. Ils avaient l’air tout les deux absolument incompatibles, mais malgré tout les années avaient démontré qu’ils excellaient tout les deux quand il s’agissait de supporter l’autre. Sans compter que Saero s’impliquait encore dans des affaires qui maintenant ne représentaient plus strictement aucun intérêt pour lui.
– Je reviens de mon entretien avec Magnolia, dit Téko en tournant les talons pour reprendre sa marche en dépassant la fontaine. Elle partira à Septrios sous peu.
– Ah, Magnolia,
souffla Saero. Parangon de la féminité, sans aucun doute ! Je pourrais admirer cette femme sans jamais m’en ennuyer.
– Cette femme qui n’a que vingt ans,
fit Téko dans un regard plein de reproche. Le temps qui a passé ne te permet peut-être plus certaines choses.
– Qu’est-ce que tu raconte ? Cela est peut-être vrai pour toi. Dans ta pleine jeunesse tu étais joli garçon et ta mine triste attirait la curiosité… Mais à présent tu n’es plus qu’un vieux grincheux. Pour ma part je suis comme le bon vin, la vieillesse ne m’effraie nullement.
– Le monde est en plein mouvement et quand je te parle j’ai l’impression qu’il n’a jamais changé…

Mais les choses avaient changé. Saero était l’une des rares personne de sa jeunesse qu’il fréquentait encore, et il avait perdu de vue même sa fille depuis des années déjà…  Téko avait beau eu tenté de s’endurcir, force était de constater que leur présence manquait.
– En tout cas, sache que Magnolia n’a pas été choisie pour sa beauté, reprit Téko. Même si sa jeunesse est une des raisons…
– La plupart des heureux élus ont moins de trente ans en effet…
– Le projet Septrios a pour ambition de créer quelque chose nouveaux, je ne veux qu’il soit ralentis par certaines idées des vieux partis… J’ai tenté de choisir des personnes d’origines sociales diverses également. C’est un pari risqué, cependant, c’est celui de toute de ma vie. J’ai placé toutes les chances de mon côté.
– Ne dirigeras tu pas la table, cependant ? Toi aussi tu es un vieil homme.
– Je prendrais les commandes jusqu’à l’enracinement du projet… Mais, je l’espère, pas longtemps. Je vois très bien Magnolia prendre ma place, à titre d’exemple… Et quand cela sera fait, hm… Peut-être tenterais-je de me reposer.
– Te reposer ?
Fit Saero avant de rire avec une amertume qui lui était inhabituelle. Allons, ne te moques pas de moi. Cela fait des années que je tente de faire en sorte que tu te détende, ne serait-ce qu’un jour. Tu en es incapable, ne me dis donc pas que tu le feras spontanément ainsi. Tu seras pire qu’une sangsue, il faudra te tordre le cou pour te mettre à la retraite.
–  Tu me connais trop bien,
sourit Téko. Je serais sans doute incapable de dormir sur mes deux oreilles, reculé paisiblement dans une maison de campagne.

Cela n’était certainement pas le plus sain des comportements, mais le Projet Septrios était la culmination de tout ce qu’il avait entrepris. La fondation d’un nouvel état pour le peuple. Grâce à Haynailia qui écraserait Waien, cet état serait indépendant et libéré de l’actuelle corruption et du militarisme… Téko n’avait jamais eu d’affection particulière pour Waien, il ne serait même pas exagéré de dire qu’il avait profité des opportunités qu’offrait ce pays, car le plus important était les valeurs de ce pays, liées à son origine révolutionnaire. Ou plus exactement, ce que l’on pouvait tirer  de ces dernières. Malgré la destruction de la fédération, quelque chose de nouveau pourrait renaître… Une chose qui serait une graine pour l’avenir, même si le continent était voué à être dominé par l’Empire.
– La torture nous a permis de savoir où se trouve Double Delta, et le Gargantua sera bientôt prêt à s’envoler, fit Téko alors qu’ils traversaient le portail qui menait à la sortie du parc vide. Si tu pars à Septrios… Ce sera le dernier service que tu me rendras. Tu devras entrer en contact avec ma fille, afin d’ouvrir les négociations entre elle et la table. Tu es comme son oncle après tout.
– Tu ne peux pas venir de suite, alors tu m’utilises… Toute forte femme qu’elle est, son cœur est toujours tendre pour ses aînés. Tout ça pour avoir des négociations favorables, hm ?
– Ainsi est la politique. Si Félicia mérite bien sa place, alors elle ne se fera de toute façon pas avoir par un contrat malhonnête, même tendu par un ami. Néanmoins c’est à elle de s’inquiéter de cela, pas nous.
– Tu es vraiment le pire père du monde,
dit Saero avec sarcasme, donnant une grande tape dans le dos de Téko.
–  Probablement… Cependant… Même si il ne me reste actuellement plus grand-chose, j’ai toujours suivi ce qui était pour moi la raison derrière le titre avec lequel je suis né. Ma ‘’responsabilité’’. J’ai trahi tant de gens, mais je n’ai jamais tourné le dos à cela… Peut-être était-ce une erreur, l’avenir le dira, mais je suis à présent enfin convaincu de quelque chose mon ami.
Tout ceci… Avait bien un sens.
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Message par DALOKA Dim 2 Sep - 1:09

Partie V : Overdose

Les membres de la myosienne glissèrent lentement sous les draps de son lit, alors que ses yeux se rouvraient, captant la noirceur de la nuit. Rapidement, Double Delta reprit conscience totale de son environnement, et localisa aisément tout ses alliés dans la maison. Tout semblait en ordre. Hector, qui se trouvait précédemment dans le même lit qu’elle, était, selon ce qu’elle pouvait déduire des pensées des autres, à l’extérieur. Tout était calme, et la non humaine leva nonchalamment son corps nu du lit, partant chercher de quoi s’habiller. Elle avait entretenu depuis le début de son séjour quelques relations sexuelles avec certains humains, notamment Hector Ormet, son protecteur, qui semblait avoir nourri pour elle un certain attachement. Probablement car entretenir un lien mental avec sa partenaire rendait l’expérience particulièrement différente et nouvelle. Pour elle, ce n’était pas grand-chose de plus qu’un divertissement, ou de la consommation, néanmoins elle constatait que les humains avaient sur ces choses un regard particulier et quelque peu fétichiste. Elle ne s’était pas encore attardée dessus, cela était loin dans ses priorités d’analyse, néanmoins, une différence était constatable avec la vision myosienne, où cela était un acte de plaisir simple pour lutter contre le stress, s’il n’était pas reproducteur. Double Delta plissa les yeux, tapotant sa corne. Bien entendu, elle n’avait aucun désir reproducteur ici, et les chances d’un succès à cela étaient de toute façon trop faible entre deux races. Par le passé, elle avait donné deux enfants à la communauté myosienne, un chiffre moyen… Quelque chose avait changé dans son comportement, de toute évidence. Son cerveau parfait avait été endormi toute sa vie, et depuis que cette porte d’informations s’était ouverte, il ressentait le besoin d’être nourri. Elle avait besoin d’expérimenter, de ressentir, une impulsion lui interdisait la passivité mentale et corporelle… Mais, cela n’était pas de la dégénérescence, non. C’était bien plus intéressant, et puisque cela ne dérangeait en rien ses plans et le bien être de ses pairs, elle pouvait se permettre de persister ainsi...
Après avoir enfilé sa robe de chambre, Double Delta finit par sentir une présence signifiante approcher. Une femme de l’Empire, celle qu’elle était supposée rencontrer. Une nouvelle source d’information estimable, qui pourrait également la mettre en contact avec le conseil impérial. Peu importe la nature de la myosienne, elle avait une influence suffisante pour abréger leur petite guerre, ils seraient bien forcés de lui prêter une oreille.
La myosienne sortit de sa chambre, afin d’attendre cette dernière dans le salon. Elle se ferait également préparer des boissons et certains gâteaux ; non seulement elle en raffolait mais une telle ambiance mettrait à l’aise son interlocutrice. Par des actes triviaux, Double Delta aurait moins l’air alien, et surtout bien moins menaçante.
Elle finit par accueillir, paisiblement assise dans son fauteuil, la négociante quarantenaire qui la voyait pour la première fois. La conversation se déroulait sans encombre : la myosienne était habituée depuis longtemps aux premières rencontres. La méfiance de celle qui venait armée pour négocier à son avantage fondait sous les messages mentaux apaisants de Double Delta. Néanmoins quelque chose chiffonnait la créature venue d’Aurore… C’est que tout allait encore bien. Plusieurs de ses alliés avaient été capturés, sans doute pour être interrogés avec les méthodes brutales de ce continent, elle s’attendait, après cette accumulation d’actes, à ce que cette négociante soit le signal d’alarme indiquant le début de leur intervention… Mais cette femme ne savait strictement rien. Elle n’était en aucun cas liée à Téko Dyra, ou à la Nouvelle Aube, ou quelque faction hostile. Pourtant quelque chose devait arriver, et ses sens étaient en permanence en alerte. Elle avait prévu maintes choses pour se défendre à la seconde même où des intentions suspectes se manifesteraient. Souriant à son interlocutrice, qu’elle savait à présent essentiellement pacifique, elle se versa une coupe de jus de raisin, qui fut évidemment prise pour du vin par la négociante. Elle le refusa, et la myosienne, haussant mentalement les épaules, porta le liquide à ses lèvres avant de reprendre la conversation.
A ce moment là, l’esprit de Double Delta fut foudroyé. Sa main se paralysa, laissant tomber sa coupe, alors que ses yeux s’écarquillaient. Un brouhaha résonnait dans sa tête, lui vrillant l’esprit un millier de fois plus fort qu’une foule chaotique. Si elle percevait avec encore plus de portée les pensées et sensations des êtres dans un rayon de plusieurs dizaines de mètres autour d’elle, ses propres pensées semblait accélérées. Le verre était encore en train de tomber, et son interlocutrice venait de le réaliser. Quelque chose n’allait pas. Une main s’était glissée à l’intérieur de son crâne et plantait ses doigts à l’intérieur de la matière organique de son cerveau, qui semblait surchauffer. Elle devait réagir, rapidement. On l’avait piégée, mais comment ? On devait avoir empoisonné la caisse même de boisson avant même sa livraison ici. S’était-elle trop reposée sur ses pouvoirs psychiques ? Les humains fonctionnaient différemment, elle aurait dû y songer, ce genre de choses était envisageable, mais pour elle, le mensonge n’avait jamais été une option… Elle ne devait pas penser à cela ! Elle avait déjà atrocement mal… Il fallait trouver une solution.
Double Delta se leva, ignora la remarque interloquée de la négociante, et chuta immédiatement à genoux sur le sol, tenant sa tête entre ses mains. De manière incontrôlée, elle hurla de douleur dans un cri perçant qui retentit dans tout le bâtiment. Que lui avait-on fait ? Elle devait savoir. Elle savait que le nombre d’individus dans sa zone d’interaction avait augmenté, et une vague supplémentaire de pensées et d’images envahissait son esprit. Toutes les limites qu’elle posait naturellement, sans même en avoir conscience, à ses pouvoirs avaient été abattues… Alors qu’elle se redressait, elle remarqua que son interlocutrice se tenait à présent le crâne également, se roulant par terre en gémissant. Bien sur, elle ne contrôlait ni l’émission, ni la réception. Tout les humains ici étaient en danger, mais elle également ! Elle devait connaître la nature de l’attaque. Pourquoi des mercenaires attaquaient en même temps ? Double Delta réalisa vite sa bêtise. La fenêtre était ouverte, et les humains avaient des outils pour voir à plus de 30 mètres de distance. Sans même réellement le vouloir elle obtint de l’esprit des assaillants les informations qu’elle désirait. Elle percevait la conversation qu’ils avaient eu précédemment avec l’homme nommé Téko Dyra, et c’était comme si ce dernier parlait face à elle. La Maniacal. Un psychotrope puissant venu de Scarrath, originellement un poison mortel, mais autrement utilisé, quelque chose qui permettait d’accélérer les processus mentaux. C’était un produit détectable, et son effet n’était pas immédiat. Il n’était jamais utilisé comme poison, alors pourquoi l’utiliser pour la tuer ? Il était vrai que ses protecteurs ne se seraient jamais fournis d’antidote pour un poison si atypique mais… Double Delta trembla d’effroi en réalisant que cela n’était pas le but.
« Le premier usage de la Maniacal est un produit dopant, résonna la voix de Téko Dyra dans son esprit. Le deuxième est l’exploitation des effets secondaires d’une crise causée par cette substance à l’état liquide. »
Elle n’avait aucune information sur cette chose, aucun moyen de le contrecarrer dans ce bâtiment. Même si l’effet n’était pas mortel, elle était piégée ! Et la voix du comte continuait de résonner en elle contre sa volonté.
« Le choc que subit l’esprit est significatif, et laisse place à une certaine période où il est extrêmement sensible et manipulable. C’est pour cela que je veux la myosienne vivante. Je la récupérerai quand elle sera inconsciente. »
Ce n’étaient pas les pensées de Téko Dyra, juste un reflet de ses paroles à travers l’esprit d’un autre. Où était-il ? Elle devait le trouver pour arrêter ça. Des larmes coulaient sur les joues de la myosienne, et pas juste à cause de la douleur. Elle n’avait pas imaginé qu’on oserait lui infliger cela. La droguer pour lui laver le cerveau ? C’était… Absurde, hideux ! C’était à ça que l’on comparait ses pouvoirs psychiques ?
Courant vers l’extérieur dans l’espoir d’établir un contact avec celui qui tirait les ficelles, Double Delta trébucha de nouveau, cette fois sur les pavés froids, alors que sa vue se troublait. Ces hommes ne savaient pas où était caché leur employeur, mais ils étaient incapables de progresser. Le flot incontrôlée de pensée de Double Delta les avait sans aucun doute frappés. Pourtant, elle n’était pas hors de danger ! Si elle tombait inconsciente c’était la fin… Elle refusait que cela arrive. ‘’Double Delta’’ signifiait l’élévation, on ne pouvait pas la traîner ainsi au sol ! Depuis le début, elle avait respecté leurs lois, ne leur en avait jamais voulu. Pourquoi avoir recours à de tels moyens ? C’était absurde, absurde… Elle n’avait voulu que la survie de son peuple, et n’avait voulu au final que le bien du leur. Leur justice… N’avait pas de sens.
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Message par DALOKA Dim 2 Sep - 22:15

Partie VI: Humain malgré tout

L’opération avait été un succès, malgré les conséquences imprévues.  Certains étaient morts à cause des impulsions psychiques incontrôlées de Double Delta, d’autres étaient inconscients. Aucune mort civile sans lien à l’affaire n’était à déplorer, en partie car la population était dans ces résidences riches peu concentrée,  et également car la zone avait été fermée et surveillée avant le début de l'opération. Néanmoins, cela était tout de même une erreur à considérer, même si la mort des alliés de la myosienne et de la négociante de l’empire, qui étaient dans l’œil du cyclone, était avantageuse. La puissance de Double Delta était terrifiante, il n’était pas certain de pouvoir la contrôler, et était d’autant plus satisfait d’avoir eu la prudence d’attendre le temps suffisant pour qu’elle tombe inconsciente ou meure à cause de sa crise. Parce qu’elle était bien vivante, le comte, habillé dans une tenue terne de civil et la tête couverte d’un large chapeau qui couvrait sa chevelure, transportait actuellement le corps de la myosienne par dessus son épaule, l’ayant couverte d’une cape pour la rendre méconnaissable dans la nuit . Elle n’était pas lourde, mais il espérait à ne pas avoir à la transporter longtemps : si elle venait à se réveiller, ce qui était peu probable si on le traitait pas, il devrait lui trancher la gorge immédiatement, et cela lui infligeait une certaine pression désagréable. Avoir à la tuer après être en arrivé là aurait été de toute façon déplorable… Téko avait utilisé ce produit exotique risqué dans l’espoir de pouvoir utiliser Double Delta. Ses capacités en faisait un atout trop grand pour être gâché, et si il l’envoyait à Septrios, sa mission serait accomplie. Le comte ne savait pas si ils pouvaient manipuler Double Delta, mais l’objectif n’était pas tant de parvenir à la soumettre. Pour lui, le problème des myosiens ne résidait pas dans leurs pouvoirs, mais dans leur incapacité à changer. Si il détruisait cela, alors de nombreuses possibilités étaient envisageables… Mais avant cela, il fallait l’isoler dans des conditions propices pour éviter tout danger, et conduire quelques expériences psychologiques. Cela, Téko le savait, était cruel. Il plaignait même sans aucune condescendance cette pauvre créature, qui n’avait sans doute aucune intention néfaste, et qui risquait de subir ce qui serait pour elle pire que la mort. Oui, Double Delta avait eut un certain ego pour penser qu’elle, en tant qu’individu, pourrait s’en tirer sans problème avec la seule force de ses pouvoirs et de son intelligence. Cependant, cela ne fournissait aucune forme d’excuse.
Téko, maintenant loin de la scène d’opération, retrouva la personne de confiance qui l’attendait là. Magnolia, la jeune femme à l’allure de nonne, était recouverte d’un capuchon qui dissimulait ses traits, et cachée dans un recoin de rue, observait le comte avec un regard lugubre. Ce dernier souleva Double Delta, et la disposa dans les bras de la jeune femme, qui sembla la bercer presque comme si c’était une enfant.
– Transporte là au second point de rendez vous, fit-il, ôtant ses gants pour les mettre dans la poche de sa veste. Victoria connaît les directives à prendre, et l’emportera directement sur le Gargantua.
– Je ne me sens pas très bien à ce sujet… C’est vraiment comme si c’était nous les agresseurs, tout d’un coup. Je sais que cela sert notre cause ultimement, néanmoins, ces méthodes… Seuls les inquisiteurs devraient être capable de telles choses.
– Conserve ce sentiment, Magnolia. Ne le quitte jamais.
– On dit que ma compassion fait partie de ce que je suis, mais, quand je m’occupe de cela… Je voudrais n’en avoir aucune.
– Ce n’est pas à propos de toi en tant que personne. Nous devons être conscients de ce que nous faisons de mal, c’est une douleur saine. Vous ne devez, en aucun cas, devenir le genre de personnes capables de commettre des atrocités pour sourire normalement après cela. Il n’existe pas de réalité où tuer quelqu’un n’a aucun poids. Parfois, accepter cela est sans doute trop difficile, mais sombrer est préférable à devenir quelqu’un sans remords, et donc sans limites.
… J’aurais dû vous enseigner cette leçon. C’est une raison de plus pour que tu la retienne, et ne l’oublie sous aucun prétexte. Acceptes tout ce que tu fais et ce que tu es, restes toujours humaine, c’est le seul moyen pour voir clair.

Après un silence, la jeune femme dont il ne voyait que la bouche et le menton finit par acquiescer. Téko sortit alors un poignard, et le lui tendit.
– Tu pourrais avoir besoin de cela, mais je ne le souhaite pas. Tout peut arriver, souviens toi donc bien de mes leçons. Nous nous retrouverons à bord du Gargantua.
Il était plus prudent de se séparer. Elle aurait également de meilleures excuses pour transporter un petit corps inconscient quelque part, d’autant plus qu’on risquait de reconnaître son visage. Sur ces mots, Téko tourna les talons, et s’engagea dans une direction opposée à celle de Magnolia.
Il ferait encore nuit de nombreuses heures, à l’heure actuelle la troisième équipe devait s’occuper des personnes affectées par Double Delta, et s’occuper des morts afin de permettre le contrôle de l’information. Quant à Téko, il allait s’organiser, et se faire un moment discret. Les mercenaires prendraient tout le blâme de l’affaire, comme prévu, en échange de leur payement d’avance et de leur passe pour traverser la frontière… Néanmoins il était possible qu’ils soient dans un pitoyable état également.
Alors qu’il s’éloignait vers la bordure de Childil, une figure furtive surgit rapidement d’un recoin de rue, face à lui en un éclair. Avant que Téko ne puisse réagir correctement, la figure planta une dague dans son estomac. Il reconnut cette figure, celle d’un jeune homme en dessous de la majorité. Un des mercenaires du clan qu’il avait engagé. Son regard était tremblant de folie et d’effroi.
– Tu pensais pouvoir nous sacrifier comme ça ? Dit-il, ivre de colère. On avait aucune chance contre ce monstre, et tu le savais très bien, hein ? Tu le savais !
Des larmes coulaient sur les joues du garçon. Téko ne pouvait pas mentir. Il n’avait pas été présent sur la zone lui même… Il avait engagé ces hommes en connaissance de cause. Tout pouvait arriver, quand il les avait soumis à ce pari risqué. Ainsi, il ne dit rien. Devant ce manque de réponse, le jeune mercenaire recula, et dirigea son arme vers la gorge de Téko, qui bloqua son attaque en saisissant son poignet. La main nue du comte se mit à brûler, et le message dans son regard intimidant était clair. Le jeune homme se dégagea, et fuit dans la nuit, la magie ayant heureusement suffit à l’intimider… Téko regarda à ses pieds, et une flaque de sang s’écoulait déjà.
Il mit un bref instant à réaliser la gravité de sa blessure. La possibilité qu’elle l’empêche de reprendre sa marche lui parut tout d’abord impensable, mais la traiter était en vérité une urgence. Une main sur sa plaie, il incanta un sort pour refermer ses chairs et éviter de se vider de son sang. Il lui fallait trouver un endroit où se reposer, il n’avait en aucun cas le temps de se préoccuper du fuyard. Dépassant son propre ruisseau abondant de sang, Téko poursuivit sa marche dans les rues vides. Un garde, sans doute, ne tarderait pas à le remarquer… Encore quelque chose qu’il faudrait couvrir pour effacer son implication.
Le comte parcourut dix mètres, puis s’effondra. Son sort avait fonctionné, et il s’était revitalisé grâce à la magie… Mais, dans son dos, se trouvait à présent un carreau d’arbalète. Son esprit, pourtant, ne fut pas secoué par la panique. Ses deux paumes appuyées contre les pavés, il tenta de se relever. Cette blessure était mortelle, il le savait. Il ne pourrait pas y remédier aussi aisément, il en était conscient. Cependant, il ne pouvait pas s’arrêter. Il en était incapable. Les mots de Saero lui revinrent à l’esprit. Oui, il était trop têtu, il l’avait toujours été. Il ne pouvait pas compter le nombre de fois où on lui dit de se tenir à l’écart, de ne pas agir, et où il avait ignoré ces paroles. Téko se tint sur un de ses genoux, se redressant lentement, l’extrémité du carreau dépassant de ses côtes. Il refusait de se reposer, même maintenant. C’était une belle nuit, il était seul, sa journée de travail était achevée avec succès. L’occasion était parfaite pour s’allonger et faire une sieste… Ses tympans durcis étaient insensibles à cette voix, quoiqu’elle fasse pour se faire entendre.
Ah… Il ne pouvait gaspiller son temps. Il y avait après tout encore tant de choses à faire… Et tant de choses encore après elle…

Pour la première fois de sa vie, Téko Dyra s’endormit sans le vouloir, dans un lit pourpre qui semblait n’être installé que pour lui.
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Message par DALOKA Dim 2 Sep - 23:34

Epilogue

Debout sur un des toits de la cité de Childil, Lupe Andromes abaissa sa paire de jumelle, une expression contrariée sur le visage.
Téko Dyra était, malgré sa ténacité, mort pour de bon. C’était ce qu’il avait prévu, néanmoins, à cause de la vieille Colstinger, ses attentes étaient trahies. Le jeune mercenaire n’avait pas pu tuer par lui même l’objet de sa vengeance, et sa cible aurait survécu à son attaque. Au final, Lupe avait dû agir pour confirmer la mort de l’ancien comte…
On dirait qu’il n’y avait aucune justice divine, se dit-il dans un sourire en haussant les épaules. Les mauvais n’étaient pas punis par autre chose que leur propre monde… Quiconque avait imaginé cette idée romantique devait prendre des coïncidences pour des signes divins, comme beaucoup de superstitieux. Cela l’attristait un peu, néanmoins ses doutes sur sa vision du monde étaient à présent effacés. La froideur du monde avait quelque chose de frustrant, mais quel autre choix que de l’accepter et de la suivre ?

Sa mission accomplie, Lupe donna un coup de pied dans l’arbalète lourde qui lui avait servi d’arme. Elle glissa sur les tuiles, et se fracassa sur le sol. Il retira ses lunettes, et les essuya. Parce qu’il avait perdu trop de temps ici, il ne pourrait retrouver la myosienne à temps. Tant pis… La mort de Téko était nécessaire, son influence était devenue trop grande, et il n’aurait jamais cessé de manipuler les choses derrière les coulisses, guère différent d’une sorte de dictateur discret. C’était ce qu’il y avait de mieux pour le futur, cependant… Combien de plans ce vieux fou avait-il laissé derrière lui ? Combien étaient toujours en cours ?
– Nous n’en avons pas fini avec vous… C’est comme si vous refusiez encore de mourir, rit Lupe en replaçant ses lunettes. Redressant la tête, le corps droit, il effectua dans la direction du cadavre lointain un salut militaire en bonne et due forme.
– Adieu, instructeur.





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Message par DALOKA Jeu 6 Sep - 11:09

Le Monstre chétif


Un sifflement résonnait dans la morgue, accompagnant le bruit des pas du gardien, alors qu’il se préparait à rejoindre son lit. La nuit était tombée depuis longtemps, et la journée avait été particulièrement difficile. Son sifflement détonnait avec le lieu souterrain, uniquement éclairé par la lampe à huile qu’il tenait à bout de bras. L’extérieur était secoué par la mort récente d’un politicien, mais pour lui, c’était un homme comme un autre, et pas le seul cadavre du jour. Quant il sortit, il verrouilla comme d’habitude avec soin les portes de la morgue, et s’en alla, confiant d’avoir tout laissé en ordre.
Néanmoins, il avait bel et bien manqué quelque chose. Dissimulée dans l’obscurité, si silencieuse que l’écho même ne la trahit pas, cette chose s’était introduite auprès des cadavres, et avait attendu, attendu pour ce moment. Elle ouvrit deux yeux dorés, brillants comme ceux d’un chat, assurée par son ouïe surhumaine qu’elle était bien seule dans ce sous sol. La créature était une adolescente aux longs cheveux blancs et purs, vêtue d’une culotte courte à bretelles qui se cumulait à l’immaturité de ses traits… Néanmoins, elle avait une expression sombre, trop pour elle celle d’une fille de son âge. Elle était, après tout, un monstre sous forme humaine.
Kazhaar Dyra s’avança vers le cadavre du fameux politicien qui était mort aujourd’hui, et reposait allongé l’air plus paisible qu’il ne l’avait jamais été de son vivant. Les cheveux de la vampires s’allongèrent et se tordirent en spirale vers le sol, formant une sorte de chaise sur laquelle elle s’assit, au chevet du corps inerte de Téko Dyra. Elle avait toujours su que le moment viendrait où elle le verrait ainsi. Oh, elle aurait souhaité mille fois que cela se déroule dans un autre contexte, mais on ne pouvait pas changer les faits : ce moment était maintenant. Elle ne pourrait pas assister à ses funérailles, s’il y avait donc un instant à chérir, l’instant où elle pourrait parler futilement à un cadavre, cet instant était maintenant.
– … Longtemps, j’ai souhaité vivre une longue vie à tes côtés. Une vie libre des tracas, des combats, de la politique, de tout ce qui rend ce monde noir… Mais cela n’aurait pas été possible, n’est-ce pas ? Tu n’aurais pas pu.
… Et tu ne t’es pas donné l’occasion d’essayer, fit-elle avec un sourire sarcastique. Maintenant que j’y pense, te transformer en vampire aurait été la pire chose que j’aurais pu te faire. J’en avais pourtant envie, je l’avoue. J’y ai longtemps pensé. J’aurais pu te garder à moi, pour l’éternité, sans peur d’être seule… Mais, puisque tu ne peux te permettre de pause, qu’est-ce que tu serais devenu si tu étais immortel ? Tu n’aurais même pas été assez fatigué pour te reposer dans mes bras. C’est peut-être une bonne chose que tu meures, tout bien considéré.

Kazhaar commença une autre phrase, sans en dépasser la première syllabe. Après un silence qui parut durer une éternité, elle soupira, levant son regard vers le plafond sombre et froid.
– J’espérais venir ici pour me moquer de toi. Je voulais te rire au nez, parler de ton ridicule et de ta folie… Mais je ne peux pas. Même pas après avoir décidé de ne plus te voir. Et si ce n’était que cela !… Maintenant que tu es mort pour de bon, je réalise que je n’ai jamais envisagé un monde où tu n’existe pas. Ce monde est face à moi à présent… Et je suis incapable de m’y reconnaître.
Je me suis surestimée, n’est-ce pas ? C’est drôle. C’est toi qui est mort, et c’est de moi dont j’ai envie de rire… Je ne peux pas être faible. Parce que j’ai l’air faible. De quoi aurais-je l’air alors ?… D’une enfant, rien de plus.
Et voilà… Je ne parle que de moi. Je me vantais de te connaître par cœur, et j’avais raison. Mais pour ce qui étais de moi même… C’était une autre histoire. Avec tout le sang que tu as sur les mains, tu as probablement ressenti une honte pire encore… Et tu continuais, pourtant. Tu étais comme un monstre.

Les deux pieds de Kazhaar touchèrent le sol, et elle se releva, observant de haut le cadavre. Sa gorge se serrait, mais elle ne pouvait pas perdre la face, pas face à elle même. Combien de fois s’était-elle disputée avec cet homme ? Elle devrait également lui en vouloir pour avoir tenté de la tuer ce jour là, et l’avoir enfermée pendant des années. Les lèvres de Kazhaar se soulevèrent dans un sourire narquois un instant, alors qu’elle croisa ses bras.
– A quoi riment tes idéaux à présent ? Tu as semé méticuleusement, avec la pat et ta récolte a fini par te tuer. Maintenant tu n’es qu’un cadavre, incapable de voir si ton travail avait un sens. C’est ça, ce que tu as obtenu, en refusant d’être heureux ? Tu es un homme misérable, Téko Dyra. Tu savais où tu te dirigeais, mais tu étais... trop têtu pour t'arrêter…
Tout à coup, les poings de Kazhaar s’abattirent contre le rebord du lit de pierre de l’homme qu’elle avait aimé, y creusant de profondes fissures. Elle était maintenant à genoux, et des larmes impossibles à retenir coulaient sur ses joues blanches. Sa fierté avait perdu à son propre jeu stupide, c’était une défaite totale, et elle retentit dans un cri soudain de douleur qui se répercuta contre les murs.
– Je te pardonnerai pas ! Comment as tu pu ? Comment as tu pu me dire que ce que nous avions vécu n’était qu’une erreur ? Je me moque des conséquences ! Tout ce que je sais… C’est que j’étais heureuse alors… Et que maintenant ces jours ne reviendront jamais plus !
Elle passa une main sur son visage, essuyant ses larmes, les dents serrées, bien qu’elle sanglotait encore. La vampire pleura un instant, cessant de tenter de parler, et inspira longuement. Elle avait légèrement repris son calme après cette explosion.
– … J’étais… Toujours dans le passé, au final. Je n’ai toujours pas toujours trouvé, comme toi, de raison derrière ce que je fais. Mais il a fallut que tu meure, pour ne plus me laisser d’autre option?…
Tu es cruel, mon frère.

Kazhaar se pencha sur le corps inerte, et l’enlaça de ses bras et de sa chevelure vivante. Elle avait envie, dans un fétichisme fou, d’emporter le corps et de l’enterrer où elle désirait. Mais il ne fallait pas. Elle lui laisserait son propre enterrement, qui représentait ses accomplissement à lui seul. Il n’y avait qu’un seul moment où lui dire adieu, un point de non retour, et c’était cet instant. Posant un instant ses lèvres sur celle du cadavre, elle reposa lentement là où il était, ses cheveux qui le recouvraient comme un linceul s’éloignant. Puis, les yeux dorés disparurent dans l’obscurité, n’ayant laissé comme traces qu’un cri et la marque de deux poings.


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Message par DALOKA Mar 3 Déc - 17:57


Dédain pour un manque d’Hubris



Laurence d’Haynailia avait finalement sous ses yeux Mésomée, trop bien connue déesse de l’Iris. Non seulement cela, mais il la rencontrait seul à seule sans son cortège de prêtres, un fait bien exceptionnel. Tout Empereur qu’il fut, ce droit ne lui aurait pas été accordé s’il n’avait pas sauvé Scarrath deux années de cela…
Cette réunion suivait l’assemblée politique qui avait déjà eue lieue dans une large salle peuplée d’une armée de sièges ; le superflu conseil des prêtres se fit silencieux lorsque Mésomée accepta les accords de l’empire. Force était de constater que le jardin intérieur où lui et la déesse se trouvaient maintenant était bien plus convivial : les scarraths avaient bon goût. Des piliers torsadés délimitaient cette aire de détente, s’élevant jusqu’à un carrelage d’un doux bleu cyan, et embrassés de plantes grimpantes épanouies. L’on avait disposé près de la fontaine un large tapis oriental sur lequel les deux monarques s’installèrent, lui en tailleur et elle à genoux sur un coussin, séparés par une petite table qui avait pour seule usage d’accueillir le thé. Les parfums du palais de Rochesainte étaient enivrants, l’éclat du soleil agréable. Laurence, qui avait conclu l’intégration de scarrath à son empire, se sentait presque dans un voyage aisé.

Mise à part la jeune servante qui leur servit le thé, lui et Mésomée étaient donc seul à seule. Il s’agissait de sa seconde rencontre avec la déesse mais la voir en privé ne la rendit que plus déconcertante. Sa peau lavande, ses cheveux gris, et surtout, ses yeux, la rendaient difficile à observer. Un troisième œil sur son front, un au dessus de sa poitrine, un au milieu de son ventre où son nombril devrait se trouver. Il ne sut pas où regarder lui même, et même s’il en fallait bien plus pour étonner celui qui avait parlé à un dragon, la sensation d’étrangeté persista.
Mésomée saisit sa tasse métallique de ses doigts délicats. Maniérée, ses gestes flottaient dans un accord parfait. Sa posture était droite, surélevant sa poitrine. Son visage était calme. Cette stature s’était améliorée depuis leur dernière rencontre, sans doute à cause des événements récents auxquels  elle dû faire face en Scarrath. Elle initia la conversation, et il dut l’admettre, elle avait le port d’une monarque.
– Quels sont vos sentiments honnêtes sur ce qui a lieu et va avoir lieu ?  Puisque vous en êtes l’acteur principal.
– Vous me fixez avec un fond de jugement, n’est-ce pas ? Je vois bien là votre haine de la guerre.
– Et le sourire avec lequel vous dites cela est terrifiant… Mais hélas c’est par la violence que j’ai été mise à la tête de Scarrath. Mon existence même a fait couler du sang. Ce que je voulais vous demander, c’est ce qu’unifier le continent apportera de bon.
– Ah, ce n’est donc que cela ? Eh bien l’unité de l’humanité sous un même glorieux drapeau, afin  de préserver durablement sur tout Eclipse paix et harmonie ! C’est du moins ce qu’aurait dit Haynailia Ier.
– Vous n’y croyez donc pas ?
– Disons que c’est une façon naïve de l’envisager. L’Empire apportera un nouvel ordre social, facilitant l’éviction des atrocités et unifiant l’humanité dans une certaine mesure, mais à mes yeux il mettra avant tout fin à l’ignorance. Nul ne pourra ignorer autrui, ce sera la fin des vies casanières économiques et culturelles. Tout les domaines en seront frappés, et la petite politique de clan ne pourra plus être seul régime. En cela, l’Empire permet le progrès. Voilà qui est bien plus intéressant n’est ce pas ?
– Pensez vous vraiment que cela contribuera au bien être des peuples ?
– Le bien être des peuples n’est pas quantifiable en soit, mais la destruction de l’ancien monde aura un certain bénéfice, comparable à votre destruction du monde des Princes Marchands. Dans cette guerre je n’ai été qu’un soldat en tuant Sharkaan, c’est entre vos mains que le destin des gens a été placé… Bien que vous avez signé ce qui est, ne mâchons pas nos mots, votre soumission, n’oubliez pas votre position. Vous êtes avec moi la seule monarque immortelle et douée d’une considération divine…
– Je vois bien ce que vous voulez me faire comprendre. Je vois également que malgré vos actes vous êtes sincère en pensant que votre conquête contribuera au bien commun.
– Vous voyez, nous pouvons nous entendre vous et moi,
s’esclaffa Laurence. Nos objectifs se joignent, et quand bien même je suis porteur de pouvoirs voués à effacer l’essence divine de ce monde, je ne tiens pas à vous avoir comme ennemie. Mais revenons nous en à ce que je disais… Que pensez vous comprendre, au juste ?
– Que vous ne me faites pas confiance. Je suis prête à croire en vous, d’où mes questions, mais cela n’est pas réciproque.

Elle était perspicace. Laurence ne faisait bien entendu aucunement confiance à Mésomée, et tout aussi divine qu’elle était il s’agissait avant tout d’un nouveau pion vers la complétion de son empire. Il était parfaitement capable de la soupçonner de trahison. Néanmoins, cela s’éloignait de ce qu’il avait souhaité reprocher à Mésomée…
– Nous ne pouvons pas continuer ainsi, soupira t-elle dans un sourire désolé. Vous êtes sur vos gardes, et cela se comprend. Si vous disparaissez…
– Ne soyez pas absurde, je n’ai pas l’intention de quitter mon trône vous le savez.
– Je dis bien si vous disparaissez. Ce n’est pas une menace ou une prédiction, juste une situation hypothétique. Si vous disparaissez je serais la seule monarque immortelle et divine. Avec mes pouvoirs je pourrais être un danger même pour votre empire.

Et cela également était vrai. Mais où voulait-elle en venir ?…
–  Je veux que vous me fassiez confiance, Laurence. Pour cela…
Mésomée se tourna vers sa servante à la peau basanée, et lui commanda de quitter le jardin. Après un instant de doute, elle s’exécuta.

Elle et Laurence étaient à présent libres de tout regard.
– Nous ne pourrons collaborer si vous me craigniez d’une manière ou d’une autre, fit-elle en se levant. Alors je vais vous confier une garantie ; je vais vous conférer trois de mes yeux.
– Vos yeux ?
S’interrogea Laurence, perturbé par la déclaration.
– Chaque œil amplifie mon pouvoir de guérison. A l’heure actuelle il est difficile de me tuer… Mais avec trois yeux en moins je peux être vulnérable d’un coup au cœur. Je peux les ôter de mon corps et vous les donner, vous pourrez les détruire au cas où. En temps normal, ils guériraient dans le mois suivant leur destruction, mais avec votre lumière vous pouvez les évincer à jamais.
Mésomée inspira profondément, et attira sa main vers le haut de sa poitrine. Là elle alla chercher l’iris rouge qui y reposait, plantant ses doigts dans la fente sur sa peau qui lui servait d’orbite. Serrant les dents, elle le retira, et l’ouverture se referma aussitôt comme s’il n’y en avait jamais eu.
Laurence était ébahi. Pas à cause de ce qu’il vit, mais à cause de ce qu’elle fit. Il tombait de haut, toutes ses attentes avaient été détournées.
Elle déclara ses faiblesses.
Lui donna un moyen de la soumettre aisément.
Se mit à sa merci, le tout volontairement.
Elle lui offrit une partie de son propre corps uniquement pour avoir sa confiance, elle que des gens prenaient pour une déesse. Cela dépassait Laurence. C’était le comble de l’absurde, il ne pouvait pas croire que la naïveté suffise à justifier une décision d’une telle stupidité. Elle se mettait en danger, tout ça juste… Pour qu’il ne se méfie pas d’elle ?
Il aurait aimé rire mais en était incapable. Cette femme ne donnait aucune valeur à ce qu’elle était, c’en était révoltant, et tout le contraire de ce qu’il avait espéré faire comprendre à Mésomée.
– Vous voulez que j’accepte… Ca ?
– Vous n’êtes pas obligé. Je comprendrais également votre dégoût.
– Au point où j’en suis le dégoût n’a aucune importance. Etes vous sure de vouloir me confier une chose si importante ?
– Absolument. Celui au creux de mon ventre aussi, il me permet de me réincarner en autrui si je l’implante… Vous me priverez ainsi d’une autre solution.

De mieux en mieux. Incroyable.
– Dans ce cas j’accepte cette garantie, fit-il acceptant l’objet étrangement rigide au toucher, ayant perdu sa texture organique. Comme une pierre.
Mésomée répéta l’acte avec le prochain œil. Laurence ne put détourner le regard malgré l’étrangeté de la situation et même en ayant le sentiment qu’il ne devrait pas assister à cela.
– J’aurais besoin de vous pour l’œil dans mon dos, renchérit-elle en se retournant. Je ne peux pas le retirer moi même.
Il ne pouvait plus prétendre qu’il en fallait plus pour l’étonner. Malgré tout, Laurence se leva et alla jusqu’à elle, se prêtant au jeu.
– Est-ce une autre façon d’obtenir ma confiance, de me laisser vous toucher ainsi? Dit-il, moqueur.
– Comment ça ? Vous n’avez pas besoin de me toucher pour me tuer si c’est ce que vous voulez.
– Qu’en pensera donc votre peuple ?
– Il n’est pas inhabituel que je me déleste des yeux ne faisant pas partie de mon visage.
– Vais-je vous faire mal ?
– Pas trop. Ne vous inquiétez pas pour cela.

Eh bien. La situation en était presque amusante, elle ne saisissait pas un mot de ses railleries. Hésitant, Laurence approcha ses doigts de l’œil à l’iris noir entre ses deux omoplates. Il l’observait. Laurence avait déjà mutilé des corps par le passé, et même menacer d’éborgner une jeune femme dans sa jeunesse un peu folle, mais ce qu’il allait faire n’était pas un geste de bourreau. La victime ne se défendait pas. Il glissa trois de ses doigts dans la chair de Mésomée, qui trembla à ce contact, et écourta ce moment étrange en tirant sèchement l’objet, faisant pousser un petit cri de douleur à la déesse de l’Iris. Elle avait été bien sage d’exclure la servante d’un tel spectacle, mais enfin cela était fait.
– Votre sens du sacrifice n’est pas usurpé.
– Je ne fais pas cela que pour votre confiance
, fit-elle en se retournant vers l’Empereur. Je sais ce que je suis. Je sais que je suis une menace potentielle qui peut à tout moment devenir un monstre. Cela me soulage.  C’est ce qui me sépare de vous, Laurence… Ceci excepté, je m’identifie un peu à vous. Vous aussi vous êtes un dirigeant dont la nature est inhumaine, vous aussi avez été choisi par des forces qui vous dépassent et vous privent à jamais d’une vie normale… Et pourtant vous semblez assumer ce destin avec brio, sans crainte ni hésitation. Je vous admire pour cela… Comment faites vous ? Comment faites vous pour vous tenir avec autant de fierté dans l’ombre de ce qui vous a créé ? C’est peut-être… Plus personnel, mais c’est la question qui me hante le plus.
Elle confia tout cela avec la plus pure des sincérité. Pourtant, derrière les lèvres serrées et le regard stoïque de Laurence se dissimulait de la colère. Chaque phrase fut comme un coup d’épée dans son flanc, sans doute car elles furent si ingénues.
Cette femme se trompait sur son compte sur toute la ligne, et ce faisant, l’insultait. Certes, son ignorance était à accuser, mais cela ne changea rien aux sentiments de Laurence. Il n’était pas Haynailia Ier, il n’avait même rien à voir avec cet idéaliste désespéré, il était lui même. Lui, Laurence.
Il n’avait pas été choisi par le destin, mais arraché ce dernier de ses propres mains afin de le soumettre. Lui qui était né frêle, incapable de soumettre et de se défendre. Lui qui était né sans lignée, condamné à n’être personne. Lui qui était né du mauvais sexe, abusé et dominé. Il avait transcendé son sang et son corps de ses propres mains afin de monter en haut de cette pyramide et d’être le meilleur humain sur cette terre.
Et cette femme osait penser qu’une ressemblance existait entre lui et elle? Là où elle clamait l’admirer, il ne put s’empêcher de voir dans son regard un attendrissement synonyme de pitié.  
Cette née reine, cette petite fille n’avait pas le droit de le regarder ainsi.
– Laurence ? l’interpella t-elle. Vous ne vous sentez pas bien ?
– Ne vous en faites pas, ce n’est rien.

Il ne devait pas perdre son sang froid, elle ne faisait que suivre la version officielle. Laurence, réincarnation depuis sa naissance, révélé tardivement par le dragon… Il fallait entretenir le mythe, où bien ses pouvoirs perdraient une valeur symbolique. Il dépendait de l’aura du Ier Empereur, quoiqu’il pense, et même en l’ayant surpassé.
– J’espère que je ne vous met pas mal à l’aise… Je ne vous en voudrais pas si vous trouvez que c’est le cas.

Rangeant les trois yeux (qu’allait-il en faire au juste ?) dans une bourse, Laurence releva le nez vers Mésomée alors qu’elle dit cela. Comme pour pouvoir répondre à sa question, il l’observa à nouveau. Il y avait deux yeux de moins sur le devant de son corps, rendant l’opération bien plus aisée. Par goût personnel ou pour ne pas voiler ses yeux, elle portait une tenue très légère plus proche de celle d’une danseuse scarrath que d’une monarque, révélant pleinement son cou, son dos et son ventre. Entre autre, son habit se constituait de maigres tissus satinés, de bijoux somptueux, de gazes brillants laissant pleinement voir les contours de sa silhouette, et de sa peau lavande exposée au contact de l’air libre. A vrai dire il aurait été plus précis de dire que son corps, un physique à la poitrine opulente et ronde, aux hanches sculptées et aux jambes galbées, habillait son vêtement. Sans ses difformités, Mésomée était une créature particulièrement sensuelle. Peut-être que prendre ces trois yeux en valait finalement la peine.
– Vous ne me mettez pas mal à l’aise, je me suis simplement perdu dans mes pensées… De quoi parlions nous ?
– De nos similitudes, mais nous ne sommes pas obligés de poursuivre. Ce qui m’importe est que nous nous rapprochions et nouions une amitié capable de surmonter nos différences.

Mésomée se rassit et reprit la conversation mais Laurence ne l’écouta pas. Il ne détestait pas particulièrement cette femme, mais son caractère ne pouvait qu’éveiller en lui des sentiments furieux alors qu’il espérait trouver une personne puissante et s’affirmant comme telle. Cette frustration se mêla au galbe de la silhouette de Mésomée, qui se livrait sans aucune défense, continuant son discours plein d’espoirs d’amitié et de compréhension mutuelle. L’espace d’un instant, Laurence se dit qu’il serait affreusement facile de la dominer.
Alors que Mésomée parlait, Laurence repoussa d’un geste la table les séparant. Elle s’interrompit un air étonné sur le visage, mais il était trop tard : de sa seule main, il saisit  son menton et l’attira vers lui, forçant leurs lèvres à se joindre. Courbé sur elle jusqu’à la plaquer au sol, il l’embrassa plusieurs secondes où, désorientée, elle ne put que se débattre faiblement. Avec pleinement l’intention de continuer, il se montra plus insistant, glissant son genou vers l’entrejambe de Mésomée.
Soudainement elle lui mordit la langue, le repoussa des deux bras, et le frappa. Pas avec une gifle, mais avec un poing serré qui le repoussa d’un seul coup.
Son visage était plein de surprise et de colère alors qu’elle haletait, des larmes aux coins de ses deux yeux humains, ses joues se colorant d’un violet plus sombre. Sa façon de rougir. Elle avait l’air d’un offusqué, jamais il n’aurait pu imaginer une telle expression sur son visage.
– Qu’est-ce qui vous prend ? S’écria t-elle, essuyant ses lèvres.
– Je croyais que vous souhaitiez notre amitié, plaisanta t-il. Il était au sol sur ses fesses, un filet de sang s’écoulant au coin de sa bouche, et elle debout face à lui. Il remarqua qu’elle avait une taille respectable pour une femme, peut-être était-elle plus grande que lui. Malgré tout il ne put s’empêcher de reprendre sur le même ton.
– Je croyais également bien embrasser.
– Ne jouez pas l’idiot, je n’ai jamais souhaité une chose pareille. Vous êtes d’une inconvenance inadmissible. Excusez vous.

C’est qu’elle faisait peur…
Néanmoins, elle savait se défendre, et accordait de la valeur à elle même contrairement à ce qu’il avait songé.
– Vous avez raison. J’ai été un rustre, veuillez me pardonner.
Pendant un moment, il avait régressé au fou furieux qu’il était lors de son adolescence, il n’y avait pas de quoi être fier.
– Ne reparlons plus jamais de cela, dit fermement Mésomée. Je ne veux pas laisser ce seul moment ternir l’image que j’ai de vous.
– Vraiment ? Vous devriez pourtant. Retenez la leçon, déesse de l’Iris… Vous ne pouvez pas totalement me faire confiance, en aucune circonstance. Ne l’oubliez jamais.

Laurence se redressa, passant sa main sur le sang coulant jusqu’à son menton. La blessure à l’intérieur de sa bouche avait déjà totalement guéri.
– Je pense le moment bien choisi pour remettre à plus tard notre conversation. J’ai après tout une autre guerre à préparer, souvenez vous…
L’Empereur d’Haynailia sortit du jardin, un sourire satisfait aux lèvres et gardant pour lui même son reproche. Est-ce que cette jeune femme qui n’était en rien son égale pouvait devenir un jour un danger pour son Empire, un obstacle à son aura ?… Non, elle avait probablement le cœur trop doux pour cela.
Malgré tout, cette pensée l’amusait.
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Message par DALOKA Sam 2 Mai - 1:39

Esprit de verre.

Il y avait en Aurore une immense tour. Elle émergea de nulle part en moins de dix ans, totalement inconnue des autochtones qui connaissaient bien cette terre tout comme des explorateurs qui, au court de leurs voyages, virent cet édifice de pierre grise transpercer les bois et surplomber les imposants arbres du nouveau continent. Immaculée. Moderne. Cette tour à la forme pourtant simple n’était pas une construction auroréenne, et sa vague ressemblance avec les édifices d’Eclipse donnait à tout ceux qui l’observaient un profond malaise.
Cette chose ne devrait pas être là.

A l’intérieur de la tour, Arond dormait. Quand bien même la notion humaine de sommeil lui devenait de plus en plus étrangère, Arond isolait son corps et son esprit dans la paix. Elle avait pour un lit un cocon de liquidité, une étrange bulle d’eau lévitant au beau milieu de la tour dans laquelle se trouvait une silhouette nue recroquevillée sur elle même, ses bras enlaçant ses genoux. Une femme reposait au cœur de la sphère translucide, ses longs cheveux blancs ondulant autours d’elle et sa chair fragile exposée au contact direct de liquide.
Jusqu’à il y a peu, méditer lui aurait suffit, mais elle se sentit obliger d’inventer ce système tordu et ce liquide alchimique qui l’isolaient avec perfection de l’air et du son. Maintenue à la température idéale, la chose qui l’entourait lui garantissait un sommeil réparateur où enfin ses pensées pouvaient arrêter leur train, autorisant à son cerveau un instant de répit.
Le silence. La paix. La sécurité. Parfaitement libérée de toute tension, elle redevenait un fœtus dans le liquide amniotique, baignant dans la quiétude à l’état liquide.
Soudainement, Arond ouvrit les yeux. Le sommeil toucha à sa fin, et elle vit à travers le fluide la silhouette floutée de son assistante qui l’attendait, penchée sur elle. L’archimage redressa sa posture à l’intérieur de l’eau, agita les doigts et les orteils à l’intérieur du liquide doux et tiède, et sentit sa magie crépiter à l’intérieur de tout ses membres. A l’aide de la télékinésie qu’elle utilisait aussi naturellement qu’elle respirait, elle extirpa son corps de la bulle en le hissant vers le haut : alors qu’elle flottait au dessus du liquide, un simple sortilège fit sécher l’entièreté de son corps et des filins de vapeurs s’échappèrent lentement de sa peau. Sur le pourtour de la fosse qui entourait son lit, Marine Pyrite attendait, une feuille de papier dans les mains. Elle ressemblait à Arond malgré ses cheveux courts, pour la simple et bonne raison qu’elle était sa fille biologique.
– Bonjour Arond, fit-elle cordialement. Je suis venue faire mon rapport.
– Mon sommeil a duré trois minutes de plus que prévu, il est regrettable que tu ai attendue pour rien.
Disant ceci, Arond posa ses pieds nus sur la terrasse circulaire entourant la fosse et n’attendit pas que Marine s’exprime pour se changer : ses vêtements habituels volèrent dans sa direction, et ses cheveux s’enroulèrent dans son dos en une longue tresse.
– Sur ce sujet, je vous recommande de dormir plus longtemps, dit l’assistante. A cause du codex, même avec l’aide de la magie vous consommez plus d’énergie au quotidien qu’un humain normal…
– 20 minutes de sommeil toutes les quatre heures sont amplement suffisantes, lui coupa t-elle alors qu’elle enfilait ses habits. Viens en aux faits.
– De plus en plus de colons savent que votre base d’action est ici. A vrai dire, si j’en crois les rumeurs, un détachement de mercenaires venant de Sombrelac aurait l’intention de venir ici. Ils auraient à leur tête un mage venu de l’empire détaché ici, mais sans aucune réputation.
– Ils continuent de perdre leur temps, et le mien par la même occasion. On croirait que je ne suis à leur yeux qu’un de ces super-prédateurs...
Presque entièrement vêtue, Arond boutonna par magie son pantalon et sa chemise alors qu’une longue veste noire vint se déposer sur ses épaules. Avec ces habits, qu’elle ne portait pourtant que par habitude, Arond se sentait prête à retourner au travail.
– J’ai aussi de meilleures nouvelles, fit Marine. J’ai récupéré de nouveaux stocks d’échantillons pour les tests, j’ai également découvert une nouvelle variété de fleur en Acerian. Elle ressemble à une ophrys, j’ai rempli des notes sur son mode de reproduction…
Arond saisit le papier de Marine, posa le regard dessus une seconde, et le lui rendit immédiatement.
– Bien. Comment se portent les spécimens de mydriases ?
– Ils ont survécu mais… L’isolation leurs causes des dommages psychologiques.
– C’est regrettable. Cela est inutile de les protéger des maladies s’ils se blessent eux même.
– Je pensais les faire sortir à l’extérieur, les faire sociabiliser, même avec des humains…
– Risque inutile. Je vais effacer leur mémoire, je n’ai pas le temps d’étudier leur comportement social actuellement, et nous capturerons d’autres individus plus tard.
– … D’accord.
– Tu évites le sujet le plus important.
Arond s’approcha de Marine, plongeant le violet de ses yeux dans le bleu de ceux de son assistante. Son expression était glaciale, inchangée, mais l’archimage était contrariée et savait plus que personne que cela n’échapperait pas à Marine. L’assistante, portant elle aussi pourtant une expression stoïque, frémit et ravala sa salive.
– Où est Leukosis ? Où est le prochain Arond ?
– Iosis est toujours à sa recherche vers le sud, il trouvera sa sœur . En attendant, concentrez vous sur d’autres tâches.
– Leukosis a été conservée à l’écart pour cette seule fonction, la perdre serait une perte de ressources considérable. Utilisez tout les moyens à votre disposition pour la retrouver.
Arond devait se défendre contre les inconscients qui osaient venir chez elle, devait également se préparer à récupérer un échantillon de titan sur leur île même, néanmoins retrouver Leukosis était l’absolue priorité. Elle devait également savoir comment avait-elle pu être enlevée. Elle l’avait choisie pour être le prochain Arond, et si elle lui revenait endommagée, quelqu’un en payerait le prix. Depuis sa disparition, Arond avait renforcé ses systèmes de sécurité, disposé plus de familiers, et chaque seconde ses multiples esprits à l’intérieur du codex calculaient chaque risques envisageables.
Elle devait la récupérer.
Utilisant sa télékinésie, Arond monta vers les étages supérieurs : la tour, qui continuait jusque dans les profondeurs de la terre, était constituée de plusieurs terrasses qui longeaient entièrement les contours ronds des murs de l’édifice. Vu des étages supérieurs, il s’agissait d’un puits sans fond. En se posant sur une des terrasses, Arond contempla son œuvre : un atelier indépendant de toute civilisation et toute société, et entouré d’un territoire de plusieurs kilomètres qui contenait jardins et élevages, le tout avec le minimum de main d’œuvre humaine. Les sciences magiques derrière la construction et l’entretien de la tour avaient plus d’un siècle d’avance sur ce dont étaient capables les mages d’Axaques, une comparaison qui parut vide de sens à Arond. Une bribe de souvenir d’un temps lointain où un Arond Vinnairse fut archimage impérial, homme vain emprisonné par son nom de famille. Pour elle, la tour était le sommet de sa vie, son paradis. Malheureusement un tel endroit était voué à attirer la convoitise et la haine. Arond avait trop d’ennemis, mis à part Mélanosis et Iosis tout les êtres conscients de ce monde étaient ses ennemis… Craintifs, jaloux, instables. Qu’il était bas de vouloir dominer autrui, qu’il était bas de se laisser dominer par autrui.
Arond était l’ennemi du monde et le monde était partout. La moindre erreur pouvait signer l’effondrement de ses accomplissements, et elle avait déjà commis beaucoup trop d’entre elles au cours de son existence.
La première erreur fut de surestimer ses capacités, et lui coûta un corps lorsque la jeune fille à la Sarth détruisit le précédent Arond en fendant en deux son crâne.
La deuxième erreur fut de faire confiance à quelqu’un dont il n’eut pas le contrôle. Jigen le trahit à cause de cette naïveté, et Arond passa ses doigts sur les marques de brûlure à son cou qui en étaient la trace.
La troisième erreur fut de faire des compromis. Avec Alexia, notamment. Elle n’avait pas pu dominer l’esprit de la jeune fille et avait accepté, un temps, la coexistence, l’affectant de façon irréversible.
Arond se tint la tête, grimaçant un instant.
– Arond, fit Marine Pyrite, qui l’avait rejoint par les échelles. Vous êtes troublée ?
– Non, je vais bien, merci.
Pourquoi remerciait-elle Marine ? Elle accomplissait simplement sa fonction, le mot lui échappa sans y penser.
– Je voulais vous dire que le problème des mercenaires doit-être réglé, nous n’avons pas fini de préparer tout les familiers de défense… Je devrais aller les repousser moi même, au cas où ils outrepasseraient les pièges magiques : ils ont un mage avec eux.
– Il n’en est pas question. J’irais les éliminer moi même.
– Vous ?… Mais vous devriez vous occuper d’autres priorités.
– Je ne peux pas me permettre de te perdre, pas actuellement.
– Sauf votre respect, vous m’avez transmise des connaissances en combat pour cette raison. Je suis parfaitement apte à m’en occuper.
Oui, un seul mage commun, c’était trop peu même en considérant qu’il ait des compétences de combat, ce qui n’était pas garanti, et les mercenaires colonialistes ne pouvaient pas représenter une menace pour Mélanosis, surtout au sein de leur territoire. Mais il existait un risque d’imprévu, ils pouvaient être équipés d’un artefact sur lequel elle n’avait aucune information, ou bien simplement accumuler d’improbable circonstances favorables, et alors Marine pouvait-être blessée. Voire pire. Arond la regarda et Marine avait l’air d’une adolescente malgré son savoir et ses connaissances, son visage à l’expression neutre n’en avait pas moins des traits juvéniles et vulnérables : elle flottait dans son immense manteau, et Arond ne put s’empêcher de la trouver fragile, sentiment irrationnel.
– Tu obéiras à mes directives.
– Pas si elles ne sont pas sensées, c’est un des rôles que vous m’avez attribué.
Elle l’observait avec un regard étrange qui terrifia Arond. De la défiance, mêlée à de la compassion.
– J’éliminerai plus aisément ces individus, renchérit Arond.
– Et avec ce temps, vous pourriez progresser dans d’autres tâches.
Elle continuait de contester ses décisions, et Arond comprit pleinement qu’elle avait raison. Les chances qu’elle soit blessée n’étaient certes pas nulles, mais le risque zéro n’existait pas, même pour Arond en personne. Mais elle ne pouvait se résoudre à l’y envoyer… Plus elle regardait Marine, et plus la peur glaçait son sang. Et si Marine mourrait ? C’était son assistante dont elle dépendait pour tant de tâches et dont elle avait besoin plus que jamais. Elle avait tant travaillé pour la façonner, pour la rendre si intelligente et forte, la maintenir dans une forme optimale et lui enseigner tout ce dont-elle avait besoin. Elle l’avait portée dans son ventre. Arond ne pouvait pas, et agrippa la jeune fille par les épaules, son expression glaciale se déformant tout à coup en un regard suppliant et désespéré.
– Tu n’iras pas.
– Arond, qu’est-ce qu’il vous arrive ?
– Tu n’iras pas, n’y vas pas par pitié !…
A l’idée qu’elle meure, ses entrailles se déchiraient. Marine, son assistante, son sang, sa... La première de ses trois enfants. Leukosis n’était plus là ! Peut-être était-elle déjà morte ? Où était Iosis ? Elle l’avait laissé partir, elle ne le savait pas. Arond enlaça brutalement Marine avec une force monstrueuse, elle ne voulait pas être laissée seule. Marine ne devait pas partir, elle ne le devait pas, elle ne le devait pas, elle ne le devait pas ! Insupportable ! Inacceptable ! Qui avait enlevé Leukosis ? Qui ? Elle le tuerait. La tour n’était pas sure, rien n’était sur. Arond sentait son sang brûler et son cerveau hurl-

Crise au-delà du seuil critique.
Cent voix résonnèrent dans son crâne, débattirent à l’unisson à la vitesse de l’éclair.
Suppression de la personnalité actuelle proposée.
Décision approuvée.

Puis, ce fut le vide.
Personnalité alternative sélectionnée.
Remplacement achevé.


Tout à coup, Arond relâcha Marine. Ses yeux redevinrent de glace, comme si rien ne s’était passé. Marine avait un air stupéfait sur le visage, quand bien même savait-elle ce qu’il s’était produit. La Sarth d’Arond, Afrazael, avait un cruel défaut : elle amplifiait au centuple les émotions. Pour s’en protéger, Arond fermait au maximum à l’aide de magie certains de ses sentiments et certaines de ses sensations physiques, hélas cette mesure s’était avérée récemment imparfaite… Il suffisait d’un écart, d’un sursaut émotionnel, pour que la Sarth l’amplifie, de plus en plus, jusqu’à en perdre la raison. L’esprit d’Arond était de verre. Il suffisait d’une seule fissure, et tout la structure se brisait.
Alors avec le codex, Arond avait créé une mesure de sécurité supplémentaire. Une multitude de variations de sa personnalité existaient au sein du codex, chacune ayant des paramètres légèrement différents : ceci lui permettait d’optimiser ses réflexions importantes, et surtout, assurait sa propre stabilité. Arond n’était pas à l’abri d’elle même, et si elle se ressaisissait de ses crises de folies ces dernières laissaient sur elle un impact permanent, ainsi elle conçut un système qui supprimerait sa personnalité actuelle en cas de crise pour la remplacer par une plus adaptée et plus performante que la précédente.
Ses corps comme ses esprits devaient se soumettre à la tâche suprême d’accumulation du savoir et au but ultime d’omniscience du codex, rien d’autre n’avait d’importance et une personnalité défectueuse n’était bonne qu’à être jetée dans l’oubli. Des dizaines d’autres Arond attendaient pour prendre la relève, et chacun de ces Arond apprenaient des erreurs de leurs précédente version. Ce système avait prouvé son efficacité… Mais combien de temps cela pourrait-il encore durer ?
– … Tu as raison, fit finalement Arond de son habituel ton neutre. Je te laisse t’occuper de ces intrus s’ils outrepassent les barrières. S’ils sont venus armés et refusent de reculer, ne laisse qu’un seul d’entre eux en vie, qu’ils soient venus pour converser ou explorer.
– Ce sera fait. Ils doivent respecter votre territoire.
– Bien. Je compte sur toi, Mélanosis.
La conversation terminée, Arond s’envola vers les hauteurs de la tour jusqu’à en sortir par le toit, contemplant l’immense jardin qui formait son territoire. Elle avait collecté ici tout les objets inconnus, toutes les espèces animales et végétales nouvelles, les faisant exister au sein de son gargantuesque atelier. Si l’humanité refusait de respecter la quiétude de cet endroit, elle l’y forcerait.
Étendant son regard vers l’horizon, Arond et ses multiples esprits pensèrent à Leukosis. Le corps d’Alexia Vinnairse avait été entretenu avec soin et elle pouvait certainement le maintenir en bonne santé 40 ans de plus avant qu’il ne commence inévitablement à faiblir. Hélas, l’âme qu’Alexia contenait lui causait bien trop de désagréments… Si ces derniers empiraient, elle devrait prématurément changer de corps.
Leukosis fut isolée du monde pour cette fonction. En dehors de ses connaissances son esprit n’était qu’une page vierge, c’était pour Arond le corps parfait mais cela la rendait également extrêmement vulnérable, chaque seconde passée à l’extérieur augmentant le risque qu’elle développe sa personnalité propre et soit heurtée par le monde d’une manière ou d’une autre. Chaque instant comptait.
Elle retrouverait Leukosis. Même si elle devait devenir l’ennemie du monde entier pour cela.



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