La Médecine des Singes
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La Médecine des Singes
- —Introduction–:
- —Introduction—
“Tu es sûr que tu n’en veux pas?
— Oui monsieur.
— Tu ne sais pas ce que tu rate. C’est du bon tabac d’origine néo-Scarrath. On en trouve plus, des comme ça, tu sais?”
Oxburry enfonça les filaments burgundy dans sa pipe à l’aide d’une petite tige en bois. C’était une pipe en porcelaine, longue, et raffinée. Des arabesques en encre rouge et marron décoraient le matériau, lui donnant un air très chic. Elle avait dût lui couter une fortune. C’était certain.
“ — Ma mère dit que le tabac, ça rends idiot. “dit Driss, avec un peu d’audace.
“— Et elle a bien raison.”, répondit Oxburry. “ Le nombre d’imbécillités que j’ai fait cette matinée en fait bien plus preuve que nécessaire.
— Vous parlez de votre dispute avec l’Earl de Balfour?
— Quoi? Non, non. Pas du tout.” Il fouetta l’air près de son visage du dos de sa main, comme pour chasser un insecte, ou une mauvaise odeur.
“L’Earl de Balfour pourrait se faire empoisonner pendant un banquet de charité, ça me serait bien égal. Je n’ai pas peur de cette petite aristocratie d’aujourd’hui. Ils se croient tout permit.”
Ses paroles claquaient comme un fouet. Il parlait comme si il avait 80 ans, alors qu’il devait en avoir 60. C’était assez drôle à écouter par moments, mais Oxburry n’était pas exactement le type de personne avec qui il fallait rigoler. Il était maréchal, après tout.
“Ces nobles d’aujourd’hui, qui ne se comportent pas noblement… Ah! De mon temps…” lança-t-il, prêt a évoquer une anecdote. Ses yeux s’emplirent d’étincelles, discrètement, comme des étoiles dans une nuit d’hiver. Il ne finit cependant pas sa phrase.
Oxburry se lécha les lèvres, sa grosse moustache bougeant en rythme avec sa lèvre supérieure. Il y eut un blanc, un instant. Driss regarda le fond de sa tasse de thé, remuant un instant la porcelaine blanche et bleue. Les feuilles de thé molles au fond du récipient cachaient le sceau du duché d’Oxburry. Il ne prit pas la peine de finir sa tasse. Même par courtoisie, il n’aurait pas pût. Il avait un goût âcre dans la bouche. Cela aurait été ruiner du bon thé.
“ — L’Earl de Balfour n’est-il pas en charge des armées de l’est?
— L’Earl de Balfour n’est en charge de rien du tout. Tu ne sais pas ce que tu dis.”
Il alluma une longue allumette au bout bleu, et l’enfonça dans le bol de sa pipe, créant un petit panache de fumée qui embruma le haut de la pièce. Il était encore plus nonchalant que d’habitude, mais le Second Lieutenant Driss Barranco ne le connaissait pas assez pour le savoir.
“C’est un représentant d’armée. C’est Laurence — L’empereur! –, qui commande tout. Les autres ne sont que des pions sur son échiquier. Des… Instruments.” (Il secoua les bras)
“Qu’il utilise afin de mieux allonger le rayon d’action de son pouvoir. Comme de gros bras, flottant au dessus des villes, que l’on pourrait contrôler à distance. Terrible, cet empereur que nous avons. Absolument terrible.”
Il prit une grosse bouchée de fumée, et posa son coude sur la table, écartant ses cuisses sur sa grande chaise dorée aux coussins en cuir rouge. On aurait dît qu’il essayait de prendre le plus d’espace possible dans la pièce. Il était dans son bureau, après tout. Il en avait bien le droit. C’était cependant évident qu’il n’était pas dans une position confortable. Comme si les coussins de la chaise étaient en bois, et pas en cuir rembourré de plumes d’oies. Son costume était fait sur mesure, mais il se comportait comme si il était mille fois trop petit. Il cogitait. Quelques gouttes de transpiration coulaient de sa chevelure grise vers sa nuque.
“Ce que j’ai fait de stupide, ce matin, pendant le petit déjeuner… C’est obéir aux ordres.”, grogna-t-il en se levant de sa chaise, avant de marcher vers un placard a alcool en bois d’acajou. Il en sortit une bouteille décorée d’une petite corde tressée et deux petits verres, avant de revenir vers le bureau.
“De la liqueur de carambole. Prends en un peu.”, dit-il avec une certaine lenteur, comme si il avait avalé un verre d’eau trop vite.
Oxburry posa les verres sur le bureau, qui croulait sous les dossiers. Le claquement du verre contre le bois lourd du bureau était comme un peu trop fort. Il posa la bouteille jaune contre la table avec un peu plus de délicatesse, restant debout, près de Driss, qui lui était assit les mains sur les genoux face au bureau, comme un élève qui aurait été convoqué dans le bureau du directeur d’une école. Le maréchal semblait se sentir mal dans ses vêtements chics. Ses guêtres, son beau costume d’officier gris qui moulait son gros ventre d’homme riche. Ses petites lunettes rondes, la chaînette de sa montre a gousset en or et en ivoire. Sa pipe. L’épée attachée à sa ceinture. Tout semblait de trop, dans l’instant. Même sa barbe grise nettement taillée lui grattait.
Il se servit un grand verre de liqueur, le regarda un instant, le bût d’une traite, puis s’en servit un autre avant de se lecher les lèvres, marchant vers la fenêtre. Cette dernière était couverte par des stores en papier blanc très épais. Il enfonça son index et son majeur entre deux lamelles et les écarta pour regarder à travers. Son bureau donnait directement vue sur la Place Des Gardiens. Quelques automobiles passaient dans la rue, produisant un bruit étouffé à travers la fenêtre de verre épais.
Le silence était pesant.
Drisss ne l’avait jamais vu comme ça. Probablement personne n’avait vu le maréchal dans cette position avant, d’ailleurs. Il était supposé être l’homme fort de l’armée; le visage le plus redouté du bataillon. C’était lui qui, à cheval, avait fait tomber la résistance Waien au sud du pays. C’était lui, qui avait mené la mission de récupération dans la capitale du sud, et qui avait dérobé les plans de construction des Wyvernes Waien. C’était lui, qui avait reçu la rapière de l’honneur, délivrée par l’empereur en personne sous le plafond doré du dôme du palais. C’était lui, l’homme au 26 médailles, qui avait peur. Et cela stressait Driss à un point ou sa peau le démangeait.
“— Nous allons entrer en guerre, n’est-ce pas?”, lança Driss, qui essuya rapidement la transpiration qui s’accumulait sous sa lèvre inférieure avec son poignet.
Il y eu un blanc, qui dura plusieurs secondes. L’air était lourd, et devenait de plus en plus enfumé par le tabac, qui polluait l’air a une vitesse affolante.
Le maréchal se tourna, la pipe à la main non loin de son menton, et la liqueur de carambole près de sa cuisse dans sa main gauche. une petite mèche de cheveux était collée à son front par la sueur.
“ — Ça, très cher ami, “ dît il, avant d’avaler un instant sa salive, faisant très brièvement pincer ses lèvres. “ Il est fort possible que nous le soyons déjà.”
Driss serra les dents.
“Je suis sincèrement désolé de vous avoir attiré dans ce pétrin, Driss. Ça ne vous dérange pas, que je vous appelle par votre prénom, non? Nous sommes entre nous. Cela fait plusieurs mois que nous nous connaissons, à vrai dire.” Il se tourna vers lui, et s’adossa contre le rebord de la fenêtre. Son gros ventre ressortait encore plus, quand il se mettait dans cette position.
“Certes, nous n’avons pas pût beaucoup parler, et j’en suis désolé. J’ai des obligations —et vous avez sûrement les vôtres, bien entendu—… Mais…Mon… Ma place dans l’armée, actuellement, ne me permet pas de me défiler. Je n’ai pas une minute de répit. Et je te dis ceci en sachant que je mourrais probablement au travail. La guerre est une chose terrible.”
Driss acquiesça, une sorte de sourire nerveux apparaissant très discrètement aux commissures de ses lèvres.
“Je ne pensais pas que tout ceci allait prendre une gravité aussi alarmante. Il semblerait que l’empereur cherche a tout prit a conserver un état de guerre entre Waien et Haynaillia, pour des raisons qui me dépassent. Mais je ne peux pas ne pas obéir aux ordres. Voyez vous, je suis maréchal.”, dit il, appuyant son propre torse avec son index depuis la fenêtre. Il y avait bien 4 mètres de distance entre Driss et lui, mais le jeune homme arrivais a discerner chaque petit pli qui se formait sur son visage potelé. Oxburry ne savais pas cacher ses émotions. Chacune de ses actions ressemblait a quelque chose tiré d’une pièce de théâtre. Sans l’odeur du tabac dans la salle, Driss aurait probablement pût sentir l’odeur de la transpiration de son supérieur, ce dernier ayant le front tout humide, et des auréoles cachées par sa veste.
“Je ne sais pas ce que ce foutu empereur veut de moi. J’ai passé mon temps, regarde moi. Je suis vieux, et gras.” Dit-il, serrant les poings tout en les secouant vers Driss. “Je ressemble a une de ces caricatures d’hommes riches que l’on trouve dans les journaux de nos jours. Ces dernières sont d’ailleurs probablement basées sur moi. Mais tout de même. J’ai fait mon temps. Et je le dis a toi, par ce que je sais que tu es une personne de confiance. Les gens me considère comme une espèce de pachyderme féroce, tout ça à cause de ce que j’ai fait sur le terrain il y a 25, 26 ans.” Driss le regarda de bas en haut. “Oui, j’ai fait des choses “héroïques”, à l’époque. Des choses effrayantes. Mais elles n’ont fait que m’ouvrir les yeux aux atrocités qu’apportent la guerre.”
Il souffla.
“En tant que maréchal, aujourd’hui, mon travail consiste surtout a limiter les dégâts causés par les ordres de l’empereur. Je ne devrais probablement pas dire tout ceci a voix aussi haute.”
Il marcha vers Driss, le parquet grinçant sous ses pas, avant de s’appuyer contre son bureau pour mieux lui parler en se penchant. Son visage était devenu un peu moins noble. Sa moustache s’était légèrement dérangée.
“Même moi, je ne sais même plus si il me reste autant d’autorité, en ce qui concerne la guerre”, dit-il a voix basse. “je suis le diable maréchal, et l’empereur ne m’écoute jamais pendant les réunions de guerre. Il se charge toujours de tout tout seul. Plus le temps passe, et plus j’ai l’impression de n’être qu’un visage, comme cette mortadelle sans goût qu’est Balfour. Ça me dégoute, de le dire comme ça. Les gens m’écoutent seulement pour ce que j’ai fait autrefois, mais pas pour mon idéologie d’aujourd’hui, et si je désobéis aux ordres, je serrais probablement remit de mes fonctions avant de “mystérieusement disparaître dans la nature”. Peut être qu’on trouvera quelque chose de sale sur moi, et que je serais exécuté. Impossible de connaître le résultat de cette infamie à l’avance.”
Son visage s’était un peu desserré, mais pas de la bonne manière. On aurait dît qu’il s’était essoré la peau. Il avait d’un coup le visage moins lisse, et plus rabougri, comme un ballon qui aurait commencé a se dégonfler.
Il se redressa, et essuya de la transpiration de son front avec le dos de sa main avant d’essuyer cette dernière contre sa cuisse, buvant le reste de son verre de carambole.
“ Je monologue, et toi, tu bois mes paroles comme de la mauvaise eau. Tu es trop calme, Driss. Tu ne parles pas assez.”
“ — Je ne parles pas beaucoup a cause des circonstances. Je suis bavard, d’habitude. Bon vivant, même.” Répondit il en souriant légèrement, mais pas assez pour que ce soit un vrai sourire.
“ — Tant mieux. Trop de personnes dans l’armée se croient trop importantes pour posséder de véritables émotions. Maintenant, ils ne jurent que pars leur fausse masculinité toxique. L’armée a perdue toute sa beauté d’entant. Tout n’est qu’un jeu de “qui peut obéir aux ordres le mieux”, maintenant. Ils écoutent l’empereur comme des enfants écouteraient leur mère, sans chercher de la profondeur dans ses paroles. Reste sur le droit chemin, Driss.”
Il se lécha les lèvres très brièvement, avant de s’appuyer sur sa jambe droite, se tortillant légèrement.
“ Bon. Passons aux bonnes nouvelles. je ne t’ai pas convoqué ici pour rien, quand même.”
Driss réussi a esquisser un vrai sourire, cette fois-ci. Il fût un peu plus soulagé. Il n’avait pas entendu de bonnes nouvelles depuis longtemps.
“ Comme tu le sais, je dois une lourde faveur a ta mère. Je te l’ai déjà raconté plusieurs fois. Elle m’a aidé pendant une lourde impasse de ma vie, durant laquelle j’aurais pût y rester.”
(Tout cela s’était déroulé pendant la guerre, avant la naissance de Driss, à la belle époque du maréchal. Presque mortellement blessé au flanc pendant une des batailles contre Waien, c’était la mère de Driss ––Qui était alors enceinte de lui––, une habitante du pays adverse, qui avait soigné Oxburry pendant plusieurs mois. Celui-ci, avant de partir, avait laissé un document de redevance signé à son nom, et tamponné du sceau de sa famille, accompagné d’une généreuse somme d’argent.)
“ Quand tu est arrivé avec l’attestation de redevance que j’avais laissé a ta mère, stipulant comme quoi j’avais une dette envers ta famille —Quand tu es arrivé a la capitale avec––, tu m’a demandé de t’aider a trouver ton père, qui avait alors disparu avant même ta naissance, parti a la guerre. C’était il y a plusieurs mois de cela. Tu t’en souviens?”
Driss hocha furieusement la tête. Comment aurait-il pût oublier. Il n’était venu ici qu’en quête de réponses, après tout.
Il se mordilla les lèvres d’anticipation.
“ Après avoir envoyé plusieurs courriers aux bonnes personnes, et surtout après avoir abusé royalement de mon autorité, j’ai réussi a retrouver la trace de ton paternel, Driss. C’est une excellente nouvelle pour toi.”
Driss eu un soupir de soulagement. Il se redressa sur sa chaise encore plus qu’il ne l’était déjà, et ses yeux s’ouvrirent grands, comme ceux d’un enfant.
“— Vous l’avez trouvé!? V..Vous avez réussi a retrouver sa trace?”
“— Il semblerait que ton père s’ai fait enrôler dans la marine du pays, et ai quitté la côte ouest. Il est bien loin d’ici, maintenant.”
“— Loin? Loin comment? Loin où?”
“— Il n’est pas sur le même continent.”
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