Transmigration divine

-Hmpf, lacha Meortis, constatant que Geldo avait une protection supplémentaire et que Naoko n'avait pas été fichue de la percer. Tant pis, elle ne pourrait s'en prendre qu'à elle même pour ce qui arriverait à son subordonné.

-Puisqu'on en est là...
Le miasme que la nécromante avait fait avaler à Philippe se manifesta, rampant hors de sa bouche et recouvrant son corps en quelques instants. Le pauvre homme paniqua et se débattit, mais il était impossible pour lui de détacher la magie de son corps. Rapidement, il ne put plus se mouvoir, et immobile au sol, ses fonctions vitales cessèrent doucement de fonctionner, sans la moindre douleur. Le processus n'avait duré que quelques secondes.
La réaction de Naoko n'importait aucunement à Meortis, qui ranima immédiatement le cadavre et le désista de son énorme sac. Elle incanta ensuite sur lui un sort de feu, jusqu'à ce que lui et ses vêtements commencent à brûler. Elle avait besoin que le feu soit naturel, et ne disposait donc que de peu de temps.
Une fois son zombie paré, elle fit un mouvement de main et le cadavre de Philippe, méconnaissable sous sa gangue enflammée, s'élança d'un bond vers Geldo en faisant preuve d'une force et d'une habileté qu'on ne lui aurait jamais soupçonné de son vivant.

Simultanément, Meortis incanta le sort qu'elle préparait depuis tout à l'heure. Autour de Geldo, la glace qu'il avait généré jusque là se reconfigura. Celle qui le supportait se déroba sous ses pieds, le faisant chuter en avant, puis la glace alentours vint l'enserrer comme un étau. Conséquemment, et au moment où Philippe arrivait sur lui, le trou de son armure était parfaitement dirigé vers le zombie.
Meortis comptait briser et faire fondre la glace qui protégeait le contenu de l'armure, peu importe ce dont il s'agissait. Même si le bras de Philippe devait se briser dans la procédure, elle lui ferait donner un coup de poing avec autant de puissance qu'elle pourrait lui procurer, et tenterait de briser la protection de glace pour mettre à jour ce que contenait l'armure, peu importe ce dont il s'agissait.

-Faites quelque chose, dit-elle aux autres, espérant qu'ils puissent soit l'aider à maintenir Geldo en place, soit atteindre l'intérieur de son armure dès qu'elle l'aurait dégagé.

Meortis n'avait que faire du devenir du corps de Philippe. S'il devait finir tranché en deux, ainsi en serait-il. De toute façon, il était déjà en train de brûler.
Sans se préoccuper du coup de Geldo, elle commanda au zombie de plonger son second bras dans l'armure afin de faire fondre un maximum de glace et d'essayer d'arracher un maximum de ce qui pouvait s'y trouver. Elle le fit plonger ses membres aussi profondément que possible, essayant notamment de "racler" les rebords, à la recherche d'une gemme, d'un enchantement, ou de quoi que ce soit qui puisse maintenir le chevalier en vie.
Il devait y avoir quelque chose. Elle espérait simplement que cette chose ne se trouvait pas dans son gant, ou un autre subterfuge de cet acabit.

La lame lumineuse de Geldo trancha sans difficulté à travers le zombie, séparant horizontalement son corps en deux au niveau de l’abdomen. Terugkeer fut également frappé par l’épée, mais heureusement, sa barrière encaissa la majorité des dégâts de la lame de lumière, et le reste fut visiblement absorbé par son armure. Malgré tout, Geldo redirigea son épée vers le zombie pour le trancher cette fois verticalement d’un seul coup, réduisant le cadavre du pauvre Philippe à un pitoyable état, néanmoins ce dernier avait été en contact avec une irrégularité contre la surface interne de l’armure. Cela n’empêcha pas non plus Geldo de se faire de nouveau immobiliser par les mages, mais alors qu’U.Seitz s’approchait dans son dos, ce dernier fendit la roche avec son épée lumineuse pour l’élever, alors une vague de froid terrible envahit les quelques mètres alentours, gelant Philippe malgré les flammes, et faisant de même pour Terugkeer qui était près de Geldo également, bien que son armure réduit l'ampleur du sort et lui évita de finir totalement solide comme Philippe, le changement de température l'engourdit sévèrement. U.Seitz, qui adopta lors de l’instant du sort l’aspect fantomatique d’un spectre, atteint le dos du chevalier malgré le sortilège, et se mit à chercher des yeux tant que le guerrier était immobilisé ce que le zombie de Méortis avait en vérité déjà trouvé : des inscriptions runiques sur la partie intérieure arrière de la cuirasse. Il saisit l'armure de son bras gauche, qui se mit rapidement à geler: rapidement, U.Seitz, hache en main, frappa à plusieurs reprises l'intérieur de l'armure, avant de finalement lâcher, haletant. Le bras du gardien de fer était totalement immobilisé, mais... Geldo également. Il était, comme une statue, incapable de se mouvoir, et bloqué dans la position qui précédait les coups de hache.
- Ah!... Alors le jour vient enfin... Fit la figure immobile, un air de contentement dans sa voix. Mes félicitation, combattants. Je n'ai plus assez de magie, et je suis également dépourvu de ma faculté à en absorber... Ma défaite est totale. Je m'interrogeais sur jusqu'où ce corps pouvait aller... Tout, je suppose, a une limite. Je vous honore avec sincérité, et je vous remercie pour avoir exaucé mon caprice: trouver une seconde mort plus convenable... Vous n'avez plus qu'à me détruire, et après cela, l'arène fondra d'elle même.

Finalement.
Meortis s'avança vers le corps immobile du chevalier noir, se frayant un passage entre les pics de glace qui parsemaient l'arène. Il semblait que malgré l'incapacitation de l'ennemi, le dôme continuait à rétrécir... C'était un problème.
Une fois arrivée au niveau de Geldo et des autres combattants, ne se souciant aucunement de l'état du corps de Philippe ou des gelures de Terugkeer et d'U.Seitz, elle s'arrêta devant l'armure statique.
-Que personne ne touche plus à ce mort-vivant, ordonna-t-elle aux autres membres du groupe.
Passant la main et une flammèche dans l'armure, elle observa attentivement ce qui s'y trouvait, et notamment la marque, sévèrement altérée par les coups d'U.Seitz.
-Tu aurais pu y aller moins fort, animal. Un seul coup aurait sans doute suffit. Après cette remarque, et une demi-minute d'observation, elle se redressa, comme si elle avait mémorisé l'ensemble des runes, s'adressant cette fois directement à Geldo. C'est intéressant... Fascinant, même. Mais ça ne m'avance pas beaucoup. Elle s'assit sur un bloc de glace adjacent, jetant un coup d'oeil aux murs qui se rapprochaient encore. Il lui restait bien assez de temps. Ta cryomancie est d'un bon niveau, mais tu n'as très clairement pas les connaissances ou la subtilité nécessaire pour dessiner ce genre d'enchantement. Explique moi. Qui? Quand? Comment? Je te libérerai, mais d'abord, je veux tout savoir. Tout ce que tu pourras m'expliquer. N'oublie pas le moindre détail... Et fais vite.

-...
Et d'un geste, sans dire un mot, Meortis rompit l'enchantement qui maintenait Geldo en vie.
Comme elle le pensait, l'homme n'avait aucune compréhension de la magie qui l'animait, et son histoire -qu'elle ne voulait pas entendre- était d'un ennui profond. Mais elle avait tout de même pu obtenir des informations intéressantes. Plus qu'intéressantes, même.
Capitales.
Gulliano avait donc conservé ses recherches et son travail dans un journal, et elle avait à présent le nom du détenteur de cet artefact. C'était l'occasion de deux vies. Elle ne pouvait pas ne pas récupérer ce grimoire.
Si cet Ereshkigal était le maître du chevalier noir, il devait certainement se trouver lui aussi sur cette montagne. Meortis avait à présent une bonne raison de la gravir.
Souriant pour la première fois depuis le début de cette mission, la nécromante posa sa main sur l'armure inerte et y apposa une marque qui lui permettrait de la retrouver aisément. Puis, continuant à ignorer les autres, elle entama le processus de dégel de son archzombie, qui risquait de prendre de longues minutes.

Une ouverture finalement faite, le groupe put sortir, bien que le sol était lui encore inondé d’eau froide qui ne faisait que croître en quantité, s’écoulant dans la direction d’où venait le groupe. U.Seitz, toujours en train de lentement dégeler son bras, sortit également.
– Je n’ai pas grand-chose à dire sur ce qu’il s’est passé mais… Fit-il, se tournant vers Méortis. Je devrais néanmoins renseigner les causes de la mort de Philippe dans mon rapport, j’espère que vous comprenez.
Il n’osait visiblement pas s’échauffer, certainement quelque peu intimidé par la nécromancienne. Il laisserait à Lektor le soin d’en discuter, pour l’instant, leurs priorités étaient toute autres.
– On devrait se dépêcher ! Quand tout le monde peut partir, on met les voiles.
Et c’est ce que le groupe fit une fois que Méortis eut achevé le dégel de son zombie. Personne n’était réellement blessé dans le groupe, malgré un combat acharné, même si Méortis et Naoko n’avaient toutes deux que la moitié de leurs ressources en mana. Et leurs combats étaient loin d’être achevés. Ils commencèrent alors leur ascension de la montagne, qui était réputée comme impossible à gravir. Tout ceux qui montaient étaient pris de peur ou de folie, et étaient découragé d’atteindre le sommet. Fort heureusement le groupe ne ressentait, du moins pour l’instant, rien de tel… Néanmoins, quand il avancèrent sur le chemin principal, c’est à dire le seul aisément praticable, tout les membres du groupe furent pris d’un malaise, qui n’était en rien dû à la chaleur pesante de midi qui était un changement drastique comparé au froid. Ce malaise, peu naturel, n’était d’ailleurs pas pour autant magique, mais à chaque pas sur le sol l’on avait le léger sentiment de poser le pied sur quelque chose de vivant, un sentiment qui perdura pendant les deux heures de marches que fit le groupe. Pourtant, tout était relativement calme, et terriblement vide de mort vivants ou d’autres sortes d’adversaires alors qu’ils avaient bien progressé dans leur randonnée. Cependant, U.Seitz, qui était en tête du groupe, finit par apercevoir quelque chose.
– Là bas ! Il y a quelqu’un… Il est blessé !
Sans demander quoique ce soit au groupe, il courut vers un rocher rougeâtre où était, en effet, adossé quelqu’un… C’était un préclipsien de taille considérable mais si maigre que son anatomie avait à peine l’air humaine. Néanmoins, sa blessure n’arrangeait rien à cela : son bras gauche et une partie de sa jambe n’étaient plus, et la partie gauche de son corps était éclaircie de brûlure sévères… Comme s’il avait été tranché d’un coup verticalement. Autre fait perturbant : des racines s’étaient fixées là où la chair aurait dû être à vif, et quelques insectes couraient sur ces même plantes : la moitié de son corps avait été comblée, de manière assez grotesque, par ces végétaux. L’homme, habillé de manière assez tribale, avait un masque almirian sur le visage, partiellement détruit, qui ne laissait voire qu’une longue barbe grise, et serrait dans sa seule main aux longs ongles un sceptre de bois. Méortis aurait peut-être pût reconnaître, malgré son piètre état, le grand Ancien Rasoul -il n'était pas particulièrement oubliable-, même si pour les autres, cette vision serait peut-être une sorte de plaisanterie macabre qui n’avait rien d’amusant.
– Je crois que j’ai trouvé quelque chose d'assez particulier, là… Fit U.Seitz, se penchant vers lui, pour tenter de déterminer si il était bien vivant. Vous pouvez parler ?…
– … Ne peut on pas avoir une sieste méritée, une fois de temps en temps ? Soupira le préclipsien avant de tousser deux fois à s'en déchirer les poumons.

Meortis n'avait prêté aucune attention et aucun intérêt aux remarques et à la colère de Naoko. Si elle voulait qu'autrui considère son larbin comme autre chose qu'un outil disposable, elle devait commencer par ne pas elle même donner cette impression. D'autant plus qu'elle même aurait été incapable de se sortir de ce mauvais pas seule.
Elle jeta un regard froid à Terugkeer lorsqu'il se saisit de l'épée de Geldo, mais elle estima finalement que cette épée ne lui serait pas nécessaire... De toute façon, elle resterait à disposition si elle finissait dans le lot des artefacts des gardiens de fer.

Par la suite, lors de l'ascension, elle finit par rapidement s'essouffler, et ne manqua pas de se faire porter par son zombie, ne disant pas un mot à ses compagnons. Elle réfléchit simplement au cas Geldo et à ce fameux grimoire.
Lorsque leur route croisa celle du préclipsien affaiblit, Meortis leva néanmoins un sourcil.
Elle hésita d'abord, mais son ton cassant ne laissa rapidement plus de doute. Il s'agissait du vieux shaman, l'ami de Mark... Elle avait été surprise d'apprendre, après sa résurrection, qu'une magie maintenait en fait ce vieillard en vie. Mais il ne s'agissait clairement pas d'un moyen dont Meortis aurait usé.
Cela faisait une éternité, mais elle avait été prévenue de la possibilité de le trouver ici. Il semblait dans un état peu enviable.
Du haut de l'épaule de son zombie, elle l'interpella.
-On se retrouve, ancien. Ton état parait plus pathétique que de raison... Ta magie shamanique n'a donc rien pu faire pour toi?

– Hm ? Fit Rasoul, interloqué, levant la tête vers Méortis, avant de lui adresser la parole d’un ton cinglant. Je ne crois pas te connaître, pas plus que je ne connaisse de femme me parlant aussi familièrement. Sois tu es délirante, soit ta présence n’a nullement marqué mon esprit… Néanmoins cela n’a que peu d’importance à présent. Vous êtes sans doute venus pour arrêter ce qui se déroule au sommet, et peut-être vous débrouillerez vous mieux que moi. Depuis qu’un certain rouquin a détruit mon meilleur pantin il y a plusieurs années, je ne suis même plus de taille à lutter contre ces chevaliers… Me voilà vaincu mais toujours incapable de mourir.
Alors que sa prochaine phrase fut interrompue par une violente toux, un objet singulier apparut dans le champ de vision du groupe. Une sphère d’un argenté pâle, qui flottait dans les airs avec autant d’aisance qu’un insecte volant. Un cercle était dessiné sur la surface de cette sphère de la taille d’une orange, et cela lui donnait l’étrange aspect d’un globe oculaire. Tout à coup, une voix masculine légère sembla s’élever de cette dernière.
– Tu es toujours là, Namaan. Je vois que ta malédiction est toujours aussi efficace, tu me vois forcé de compatir.
– A qui la faute si je suis dans cet état, imbécile ? Je me passerais de ta compassion.
– Hélas, tu dis vrai. Néanmoins, tant de fois l’amitié doit passer en seconde seulement…
– Méfiez vous de cette chose, fit Rasoul à l’attention du groupe. Il peut attaquer à partir d’elles.
– Un seul Observateur serait du gâchis, fit l’oeil volant, se tournant vers Méortis, le cercle gravé dans le métal s'animant étrangement comme si la surface de la sphère était organique. Je ne l’ai pas déplacé pour un si puéril effort. Peut-être ne viendrez vous pas jusqu’au sommet, je tenais donc à vous saluer, et à louer vos efforts pour avoir défait Geldo. Ereshkigal le disait invincible, mais il restait finalement un homme… Sur une autre note, je suis heureux de te revoir, Méortis. Je ne m’attendais certainement pas à voir tant de vestiges de mon époque. Encore moins une dans une enveloppe charnelle en bonne santé.
Pour les autres, il vaut mieux ne pas vous laisser confus, des présentations s’imposent donc : mon nom est Mark. J’étais jadis nommé le sage de lumière, néanmoins en ce jour, je suis pour ainsi dire votre ennemi.
– Tu connais donc cette nécromante ?
– Certainement. Méortis m’a aidé par le passé, je n’en serais certainement pas là sans elle. Tu l’as rencontrée aussi, mais te connaissant, cela a échappé ton esprit…
– Tch !..

Le fait que Rasoul ne se souvienne absolument pas d'elle n'affecta aucunement Meortis. Pas plus que son état lamentable. Cependant, il n'aurait pas été totalement faux de dire que cela l'amusait de voir comme la magie shamanique, dont il était certainement l'un des plus grands et talentueux adeptes, avait échoué.
Lorsque la sphère apparut, la nécromante ne bougea d'abord pas. Mais lorsque l'oeil se mit à la regarder et que le nom de Mark fut prononcé, une expression de surprise apparut sur son visage stoïque, rapidement remplacée par un léger sourire. Un sourire qui aurait presque... Presque, ressemblé à celui d'une personne retrouvant un vieil ami. Il s'agissait surtout d'un nouveau sourire plein d'intérêt et de curiosité pour les mystères qui venaient avec ces retrouvailles. Meortis ne regrettait finalement pas d'avoir accepté.
Descendant de son zombie, elle s'approcha du globe flottant pour l'observer de plus près, la main sous le menton. Malgré les propos qui avaient été tenus, elle n'agissait clairement pas comme face à un ennemi.
-Mark ? Est-ce vraiment vous ? A croire que nous avons vraiment tous trouvé une voie vers cette nouvelle époque. C'eut pu sonner comme une blague si elle ne l'avait pas dit avec un tel sérieux. Je regrette cependant d'être revenue trop tard pour Aporia... Et vous? Comment êtes vous arrivé jusqu'ici? J'ai beaucoup de question à vous poser à propos de tout ceci.