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Chroniques de Chasse

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Message par DALOKA Sam 6 Avr - 19:25

Parce qu’il y avait trop de post qualifiés faussement d’histoire courte alors qu’ils s’intégraient dans une plotline bien plus large, j’ai décidé de tous les réunir ici, allégeant par ailleurs mes autres sujets de fiction. Vous trouverez ici donc l’histoire des Friedsang et Personnajes, initiée avec l’histoire courte Nouvelle Voie, qui raconte des conflits entre chasseur de vampires et vampires ainsi que l’histoire de certains personnages de ces factions respectives.

Pour s’y retrouver


Ces histoires établissent une histoire complexe. S’il n’est pas nécessaire de connaître toutes les subtilités de l’univers et de ces personnages pour en saisir les enjeux, voilà tout de même une chronologie de ces histoires (qui sont je vous le rassure pas postées trop dans le désordre) qui vous permettra de bien les situer dans l’univers d’Eclipse. Avec cela, une présentation de certains personnages importants qui ne sont pas présentés pour la première fois dans cette plotline, avec un lien de leur fiche de personnage.

Chronologie :

Spoiler:

Index utile de personnages :


Spoiler:


Ce post d'introduction sera modifié à l'avenir. Si vous avez des propositions d'additions qui rendraient le tout plus clair je les appliquerais peut-être.


Dernière édition par DALOKA le Jeu 25 Juil - 16:39, édité 2 fois
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Message par DALOKA Sam 6 Avr - 19:27

Date originelle du post: 15 Juillet 2016


Rose Blanche, Rose Rouge



La silhouette encapuchonnée s'avançait sans se presser vers l'imposant et sombre manoir. Un vent puissant balayait alors la terre, soulevant la poussière ainsi que sa cape qui flottait, comme si elle allait partir à tout moment, et la frêle personne à l'intérieur également. Devant elle se dessinait dans la nuit la silhouette de l'immense bâtiment aux cinq tours irrégulières, aucune n'ayant la même taille qu'une autre, donnant à ce château nocturne un air difforme, menaçant.

Il n'y avait qu'elle aux alentours, à première vue, car elle savait que cela était absolument faux. Le vent portait à ses oreilles le bruit de leur moindre geste, bien qu'ils restaient tapis dans l'ombre. Elle ne s'arrêterait pas pour autant, et fit mine d'ignorer ces êtres cachés qui défendaient cet endroit inconnu des hommes, piégé dans les montagnes. Sa marche ne se stoppa que devant les portes du manoir, faites d'un robuste bois brun clouté de clous noirs et ornées de deux énormes poignées prenant l'apparence de dragons au visages hideux.
Quand elle prit dans sa belle main blanche un de ces massifs anneaux tenus dans la bouche des monstres et frappa deux fois contre le bois de la porte avec, elle ne reçut aucune réponse. Elle attendit tout de même quelques instants, debout devant ces portes deux fois plus grandes qu'elle ne l'était. Alors, sans crier gare, un couteau étincelant se planta à ses pieds. Elle ne l'avait pas évité, car elle avait prévu que ce dernier ne la viserait pas.

-Tirer si bien dans un vent si violent… Vous n'avez guère changée, sourit la jeune femme en levant la tête vers celle qui avait lancé ce projectile.
Debout, sur la tour la plus basse du manoir, se tenait droitement la vampire Roberta Hulgens, vêtue de sa robe de gouvernante décorée de montres, comme elle l'avait toujours connue. La femme aux cheveux blonds platine ajustait son monocle en regardant l'intruse de toute sa hauteur, prête à tirer un autre couteau à tout instant.
-Je n'ai pas le souvenir que vous ayez reçue une invitation, madame, dit Roberta d'un ton froid.
-Je m'excuse alors pour ma rudesse, madame Hulgens, dit elle poliment.
-Avant de vous excuser, l'étiquette voudrait que vous vous présentiez. Ôtez moi donc cette vulgaire cape, elle ne vous sera d'aucune utilité.
-Malgré votre apparence vous êtes bien autoritaire,
soupira t-elle avant d'obéir à sa requête. Se révéla alors une jeune femme frêle à l'allure d'adolescente, à l'expression espiègle et aux longs cheveux blancs à la clarté pure, semblants vivants. Elle portait une très élégante longue robe noire aux motifs de roses violettes qui laissait ses bras blancs nus, visiblement vêtue comme une noble qui irait à une grande réception. Elle avait en commun avec Roberta sa pâleur et ses yeux jaunes brillants, indiquant qu'elles étaient de la même race.
-Je suis Kazhaar Dyra, et je réclame en tant que descendante de la maîtresse de cette maison une audience avec Refinia, Dame Vampire de l'Ouest, déclara t-elle avec une révérence.
Tandis que Kazhaar avait toujours la tête inclinée, Roberta attrapa parmi ses montres à gousset une faite d'or et l'ouvrit, considérant avec indifférence la jeune vampire.
-Le 13 Juillet 1869, calendrier Eclipséen, à 22h34 et onze secondes, une souris tente d'entrer dans le manoir, fit Roberta en observant sa montre, parlant à elle même plus qu'autre chose, avant de la refermer dans un claquement. Elle sourit alors, révélant une rangée de dents triangulaires.
Malheureusement, Madame ne donne aucune audience.
-Vraiment ? Dit Kazhaar, faussement étonnée, en relevant la tête. Dois-je prendre rendez vous ?
-Cessez donc de vous moquer de moi. Lucius n'a rien découvert de vos agissements et vous n'avez jamais tenté de prendre contact avec lui pendant qu'ils vous recherchait. Cela s'explique par méfiance, mais dans ce cas, ma méfiance me dicte de ne pas vous laisser entrer sans connaître vos desseins.

-Moi qui était simplement venue converser avec une de mes parentes…
-Dame Refinia est bien assez occupée ces derniers temps. Je vous prie de partir.

Kazhaar sentait bien l'animosité de Roberta envers elle. Cette dernière était toujours ainsi envers les étrangers, car très protectrice envers la maîtresse qu'elle vénérait, mais elle le semblait encore plus envers Kazhaar maintenant… Sans doute avait-elle raison de s'en méfier.
-Je ne partirais pas. Vous n'allez pas me forcer à faire démonstration de ma force, n'est-ce pas ?
-Une démonstration de force ? Que c'est puéril !
-Absolument pas. Les seigneurs vampires portent ce titre à cause de leur puissance. La hiérarchie des vampires n'est-elle pas d'ailleurs régie par la force ? Je pense que proposer ceci relève de la logique la plus simple.
-Est-ce une provocation ?
Fit Roberta dans un rictus d'agacement révélant à nouveau ses dents de requin.
-Allons, je n'oserais jamais ! Se moqua Kazhaar avec ironie.
-Dans tout les cas, vous devez partir. Ou bien je me chargerais moi même de vous apprendre les bonnes manières.
-Ah ! Le respect des aînés est si surfait…


Les cheveux de Kazhaar commencèrent à s'agiter, prenant vie pour se préparer à la défendre, tandis que des lames de couteaux émergeaient du bras de Roberta. Les deux vampires semblaient prête à en découdre, et si Roberta avait une expression carnassière et les yeux injectés de sang, Kazhaar croisait les bras en adoptant un sourire confiant.

Cependant, une voix portée par le vent les interrompit. Les paroles calmes et assurées de la femme résonnaient aux alentours sans qu'elle ne soit même présente, et éteignirent la tension entre les deux vampires brutalement.
-Cessez donc ces enfantillages, vous deux.
-Dame Refinia !
Fit Roberta, troublée, perdant d'un coup son sang froid. Veuillez excuser mon comportement incivil, mais cette jeune fille se croit toute permise ! J'estimais qu'il était juste de…
-Inutile d'en dire plus ma chère. Cela est déjà pardonné… J'accepte cependant Kazhaar dans la maison. J'ai moi aussi envie de parler à ma toute petite fille.
-Devrais-je donc préparer le thé, Madame ?
-Bien évidemment.

Roberta se retourna alors, lançant un dernier regard noir à Kazhaar avant de se propulser d'un bond avec aisance vers une des autres tours pour retourner à l'intérieur du bâtiment.
-Quand à toi Kazhaar… Reprit la voix de Refinia. A l'avenir, songe à te tenir devant Roberta. Elle est après moi l'incontestable autorité de ces lieux.
-J'en tiendrais compte, Dame Refinia.

Lentement, les grandes portes s'ouvrirent simultanément dans un grand grondement sonore, comme les mâchoires d'une gigantesque créature. Plaçant ses mains derrière son dos avec insouciance, Kazhaar s'engouffra dans le manoir, sa chevelure flottant derrière elle.
Les portes se refermèrent derrière elle. Kazhaar fut alors accueillie par un vampiris en tenue de majordome dont l'élégance contrastait avec la laideur de son visage. Il fit une révérence polie sans placer un seul mot, l'invitant par la suite à le suivre d'un geste. Kazhaar n'était nullement intimidée, et suivit sans problème l'homme jusqu'au second étage du manoir. En voyant à nouveau ces décors familiers du lieu qui avait vu sa métamorphose, des souvenirs désagréables auxquels elle ne pensait plus depuis bien longtemps remontèrent à la surface, ce qui, étrangement, lui fit soulever un léger sourire plutôt que crisper son visage. Rien ne semblait avoir changé ici, pas un mur, pas un meuble, pas une horloge, tout était arrangé à la même place. Le sombre manoir lui paraissait figé dans le temps.
Quand ils atteignirent la porte, le serviteur l'ouvrit et l'incita à entrer d'un geste du bras droit, ce qu'elle fit sans rien ajouter ni lui porter un regard. Encore une fois, on referma la porte derrière elle, ce qui la fit rire intérieurement.
Devant elle, assise en face d'une longue table rectangulaire de bois orné, se trouvait la fameuse Refinia. La Dame Vampire de l'ouest, la princesse écarlate, la responsable de sa métamorphose et, en quelque sorte, sa très lointaine grand-mère. La noble vampire aux cheveux rouges était vêtue d'une manière similaire à celle de Kazhaar, ou plutôt, Kazhaar s'était vêtue d'une manière similaire à la sienne. Au delà de leur physique, la principale différence entre elles était que Refinia portait de longs gants noirs. Aussi loin qu'elle pouvait s'en souvenir, jamais Kazhaar ne l'avait vue sans gants.
Même si elle semblait sûre d'elle, la jeune vampire resta silencieuse un instant, se contentant de fixer Refinia. C'était comme si elle attendait que son aînée lui donne la permission de prendre place… En effet, même si Kazhaar était dorénavant différente, par le passé Refinia la terrifiait plus que tout. La Dame vampire dessina un sourire sur ses lèvres rouges. Même en restant assise ainsi, elle avait une présence formidable.

-Cela faisait longtemps, Kazhaar.
-Mes salutations… Comment devrais-je vous appeler ? Serait-il correct de vous appeler grand-mère ?

Cette phrase était volontairement osée. Même si elle était tendue, Kazhaar n'avait aucune intention de prendre des gants avec elle et voulait par cela le signifier. Cependant, contrairement à ce qu'elle attendait, Refinia ne fit que rire légèrement.
-Je ne suis pas vraiment ta grand-mère, mais pourquoi pas ? Assieds toi donc.
Un peu étonnée, Kazhaar s'assit sur la chaise se trouvant au bout opposé à Refinia de la table.
-Pourquoi cet air là, ma toute petite ? Reconnais le, c'était un peu basique. Si tu pensais que je trouverais l'appellation insultante uniquement car je suis narcissique, tu te trompe grandement. Au contraire, je trouve ça plutôt mignon. Et après tout, il serait inconvenant que tu m'appelle Dame Refinia éternellement.
-Sans doute…


Roberta débarqua alors, portant le thé sur un plateau et posant ce dernier sur la table avant de servir Kazhaar, puis Refinia.

-Cela fut assez rapide, constata Kazhaar, impressionnée. Je n'ai pas pris beaucoup de temps à venir ici.
-Il n'existe pas de servante plus compétente que Roberta, tu peux en être certaine.
-C'est trop d'honneur, madame…
Se réjouit elle du compliment avec un sourire. Sur ce, je devrais vous laisser en privé. D'autres devoirs m'attendent.
Roberta partit alors aussi vite qu'elle était entrée, fermant la porte derrière elle sans la claquer pour autant.

-Bien ! Cela fait bien un peu plus de trente ans depuis ton départ,
dit chaleureusement Refinia en buvant sans soucis une gorgée de thé encore brûlant. Que t'es t-il arrivé durant ces années ?
-Vous en savez la majeure partie.
-Vraiment ? Vu que ma chère toute petite est devenue mère sans même m'en informer ou me présenter son enfant, j'en doute… Rattrapons le temps perdu, veux tu ? Est-ce un garçon ou une fille ? Comment s'appelle t-il ?
-C'est un garçon… Je l'ai appelé Seth. Il est loin, sur le nouveau continent. C'est un adulte depuis un moment maintenant, malgré son attitude enfantine, et il est devenu un très beau garçon. Il a fêté son 28ème anniversaire il y a un peu plus d'un mois.
-28 ans ? Ah ! Vous grandissez si vite. Et pour ce qui est des hommes ? J'imagine que tu es toujours avec ton frère, Téko ?
-Disons que je n'éprouve pas d'intérêt envers un autre homme ?
-Décidément nous ne partageons pas les même goûts. Le fait que ce soit ton frère mis à part, n'est il pas terriblement ennuyant ?
-Il faut apprendre à le connaître… Et je le connais mieux que quiconque.

Refinia eut un sourire en coin. Elle menait la danse, et cela ne plaisait pas à Kazhaar, cependant elle savait que son tour viendrait… Elle arracherait une grimace au visage de cette reine.
-Comment se déroule donc ta relation avec lui ?
-… Il est partit et a emporté Seth. Nous avons eu quelques… Différents.
-Eh bien ? Serait-ce lui qui est ennuyé de toi, au final ?
-Ne soyez pas ridicule,
dit Kazhaar avec un sourire en prenant une première gorgée de thé. Téko refuse de nouer des liens avec qui que ce soit, mais il ne peut se défaire de ceux déjà tissés. Je sais que quand il sera abattu, il reviendra vers moi… Je suis la seule encore capable d'atteindre son cœur. Je suis à lui, est il est à moi, nous sommes faits l'un pour l'autre depuis toujours. Téko reviendra, cela est certain.
-Quelle assurance, s'esclaffa Refinia. Peut-être connais tu mal les hommes. Si tu te comportes ainsi avec lui tout le temps, je ne serais guère étonnée qu'il se sente étouffé. Les mots doux, la romance, cela suffit pour deux choses : les amours d'adolescents et les amants. Tu sais quel âge tu as, Kazhaar ? 47 ans. Malgré ton apparence, tu as bien 47 ans, et tu es une mère, pas une jeune fille naïve. Si tu ne sais que dire de telles mièvreries et passer des nuits avec lui, bien sûr qu'il va s'ennuyer de toi. Nous ne sommes pas dans les contes de fées. La passion, c'est court mon enfant.
-Il n'est pas parti parce qu'il s'ennuyait, mais parce qu'il n'était pas d'accord sur la façon d'élever Seth,
rectifia Kazhaar d'un ton sec, ne parvenant pas à cacher son irritation.
-Ah ! Donc il n'est pas parti QUE parce qu'il s'ennuyait. Et j'imagine que tu n'as pas essayé de dialoguer avec lui ?
-J'ai tenté de lui expliquer…
-Ce n'est pas forcément dialoguer. Je parierais que c'était un débat de sourds, que tu es persuadée d'avoir raison, et que tu te dis qu'il le comprendra plus tard. Je ne prononcerais pas mon avis sur le sujet de votre dispute, ce n'est pas mon affaire, mais si vous êtes incapables de vous écouter, il serait temps de remettre en question ton idée d'amour parfait que tu sembles vouloir me dessiner.
-Vous avez trahi votre mari. Je ne crois pas que vous êtes des plus disposée à me dire cela…
-Oh, Warren m'a mise sur un bûcher pour cela. Mais j'ai survécu. Et j'ai eu deux siècles et demi pour réfléchir à la question. Tu devrais toi aussi y réfléchir. Si je me souviens bien, Téko a tenté de te tuer une fois, non ? Je ne sais pas si c'est le signe d'une relation saine…
-Cessez de vous mêler de cela!
S'emporta Kazhaar, se levant en appuyant une de ses mains sur la table. Elle réalisa après coup qu'elle avait totalement perdu son sang froid…
-Très bien dans ce cas, dit avec nonchalance Refinia. Mais je suis là si tu as besoin de conseils. Ceci mis à part… Tu devrais te rasseoir.
-… Mes excuses,
dit la jeune vampire en regagnant son calme avant d'obéir à la Dame.
-Ne t'en fais pas. Je m'attendais à toucher un point sensible. J'adorerais continuer cette conversation, mais si tu le veux pas, ce ne serait que futile.
Une autre chose m'intrigue donc.
Refinia ne perdit pas son expression détendue, mais son regard devint plus sérieux tout d'un coup. Sans doute allait-elle demander ce qui l'intéressait le plus.
-Vu que ton homme comme ton fils sont partis, qu'as tu donc fait pour occuper ces dernières années ? Cela m'étonnerait que tu passe ton temps à dormir, surtout si tu es venue me voir.
-Je n'ai aucune raison de vous le cacher, grand-mère… Vous savez que je ne désire pas me ranger dans le camp d'un seigneur vampire. Ce pourquoi je créé le mien.
-Tu ne seras pas la première à essayer,
se moqua Refinia. La plupart des vampires tiennent trop à l'équilibre des trois seigneurs. Ce n'est pas une idée des plus judicieuse.
-Je ne cherche pas à faire de vagues. Simplement à me protéger.
-Pour l'instant… N'est ce pas ? Les autres seigneurs vampires ne savent rien à ton sujet, c'est ce que qui garantit réellement ta sécurité.
-Je le sais bien. Je sais aussi que je n'ai strictement aucune chance de m'en tirer si jamais l'un de vous trois, ou même la famille Friedsang, décide que je suis une menace à éliminer. Voilà pourquoi j'attends. Après tout, nous savons toutes les deux que j'ai tout mon temps.
Cependant, si je puis me permettre, je crois que ce fameux système, cette sainte trinité à laquelle vous, grand-mère, semblez tenir, est obsolète. Les seigneurs vampires sont supposés tous se surveiller les uns des autres et éliminer ceux qui nuisent à la prospérité de notre race, directement ou indirectement. Moi, j'ai plutôt l'impression que chacun d'entre vous fait ce qu'il veut sans prendre en compte les autres. Cela ne rend t-il pas ce système insensé ?

-Ma toute petite fille, ne parles pas ainsi de ce que tu ne comprends pas… J'ai toujours gardé un œil sur les autres seigneurs vampires.
-Merveilleux ! Alors renseignez moi donc. J'ai soif d'entendre votre savoir.
-Si cela te plaît…
Fit Refinia, achevant son thé, avant de reprendre la parole.
Hidalgo, le seigneur du nord, est revenu il y a peu. Je sais qu'il reprend des forces et accumule de nouveaux serviteurs, ce qui n'est pas un problème en soit. Cependant, ses actions m'intriguent. Je ne comprends pas quels sont ses objectifs. Je ne l'ai vu que quelques fois quand je n'étais pas encore Dame Vampire, mais il ne m'avait pas l'air fou, bien qu'étrange. Lucius continue toujours ses recherches pour trouver la raison de ses dernières boucheries.
Sharkaan, le seigneur du Sud, n'est pas plus rassurant. Il semble vouloir étendre sa toile de plus en plus… Bon, au moins, ses objectifs sont clairs. Il veut plus de pouvoir, ça ne change pas et ne changera jamais. Ce n'est pas un homme bien complexe, au fond.
-Vous ne semblez pas beaucoup l'estimer.
-Sharkaan est un imbécile. Le plus fort et le plus rusé d'entre tous, cependant. Nous avons eu quelques différents… Il ne me porte pas dans son cœur non plus. Mais, en venir à empiéter sur mon territoire !…
-Ce que vous me dites semble confirmer ma supposition : la situation est on ne peut plus chaotique. Je crois que cela risque de dégénérer, pas vous ?
-Comme dire cela est simple ! Qu'attends tu ? Que j'aille le voir et que je lui dise « Oh grand Sharkaan, roi des rois, quittez Haynailia sur le champ » ? Ou que je tente de le tuer ?
-Peut-être. Il paraît que cela fait presque un siècle que vous n'avez pas combattue, et j'aimerais bien voir un tel spectacle. A moins que vous ne soyez rouillée ?
-Toujours impertinente, à ce que je vois…

Elle avait réussi à éteindre ce sourire irritant qui animait son visage. Kazhaar avait perdu la précédente manche, mais elle tenait cette dernière, et comptait bien l'emporter.
-Votre lâcheté est pourtant la seule raison que je trouve à votre passivité. Vous pouvez appeler ça de la prudence, ou même de la sagesse, mais cela ne vous sauvera pas. Peut-être qu'au final, je serais plus qualifiée que vous pour ce rôle… Oh, zut. Est-ce que je viens de dire cela tout haut ?
Kazhaar rit avec sarcasme, tandis que le visage délicat de Refinia adoptait une expression de plus en plus ferme et glaciale. Elle exprima pourtant un autre sourire, mais bien plus menaçant, laissant apparaître ses crocs.
-Je ne savais pas que tu étais devenue si arrogante… Et inconsciente.
-Ne le prenez pas comme une menace voyons,
dit elle avec innocence en levant les paumes. Une folie m'a juste échappée.
-Et ne prends pas ce ton de jeune fille avec moi… Qu'est tu venue me dire, exactement ?
-Vous le savez. J'accuse votre passivité. Il est sans aucun doute bien plus aisé de jouer la spectatrice et la donneuse de leçon comme vous le faites, confortablement assise dans votre salon, que d'agir. Attendez vous le bon moment ? D'avoir plus d'information ? Vous perdrez tout avant que le moment que vous attendez arrive ! La vérité est que vous avez peur d'Hidalgo et de Sharkaan… Je connais votre ego.
Vous avez peur de réaliser qu'ils vous sont supérieurs.

Tout à un coup, un éclair rouge passa juste à côté de Kazhaar, encore plus rapide qu'une flèche, pour transpercer brutalement le mur derrière elle dans une puissante onde de choc. Surprise par cette attaque, Kazhaar n'eut pas le temps de réagir et constata qu'une brûlure terrible et noire blessait sa joue droite, encore fumante. Refinia avait le bras gauche tendu vers elle, et ce dernier avait comme pris feu. Ou plutôt, son gant était en train de brûler… Révélant un avant bras rouge sang, dégageant une terrible puissance.
-Très bien, fit Refinia avec un sourire, ou plutôt cette fois, un rictus marqué de colère, en se relevant. Tu as gagné cette partie.
La Dame vampire contourna alors la table, une lueur inquiétante dans le regard. Kazhaar s'apprêta alors a bondir de sa chaise pour reculer, mais Refinia passa derrière elle sans lui accorder un regard.
-Bientôt débutera la première réunion des trois seigneurs vampires depuis plus d'un millénaire… Tu pourras profiter du spectacle, si le cœur t'en dis.

Je te laisse donc. J'ai à faire.


Une odeur oppressante de sang entourait dorénavant Refinia, alors qu'elle quittait la salle, le poing gauche serré et fumant. Le grand trou à côté de la porte fumait aussi, la pierre constituant le mur rougissant comme de la braise et fondant presque. Kazhaar avait eu peur l'espace d'un instant… Mais au final, son objectif avait été atteint. Un peu trop, même. Elle même ne s'attendait pas ce que Refinia décide de réunir dans un même endroit tout les seigneurs vampires…
Cela promettait d'être intéressant.
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Message par DALOKA Sam 6 Avr - 19:28

Date originelle du post: 27 Juillet 2016

     Nouvelle Voie




    En silence, Oswald Friedsang feuilletait une dernière fois les quelques feuilles qui représentaient le rapport de mission qui lui avait été rendu. Assise en face de son bureau, Kartsa Friedsang, les mains serrées sur ses genoux, fixait avec inquiétude les légers mouvements des rides du vieux chasseur de vampire, y lisant avec crainte du mécontentement. Quand il eut fini, il réorganisa correctement les feuilles, et, une main posée dessus, releva son regard vers Kartsa en se carrant dans son fauteuil. L'homme n'avait plus un cheveu qui n'avait pas été grisé par la vieillesse. Ces derniers, longs, étaient noués en queue de cheval. Son visage dur et pâle donnait l'impression qu'il était une de ces créatures qu'il chassait, et ses lèvres, sèches, serrées, entourée d'une courte barbe blanche, lui donnaient une allure fâché et sévère. De ses yeux bleus lourds de reproche, il dévisageait Kartsa.    Cette dernière, d'habitude froide et imposante, avait l'air craintive devant le comte Friedsang. Ses cheveux courts, dans une coupe garçonne, étaient naturellement blancs, signe de son ascendance Haute Noble qu'elle héritait de sa mère. Son visage ferme avait perdu lui son air menaçant, et ses yeux rivés vers les feuilles du rapport, avait l'air d'une enfant dans la peur d'être punie par son parent. Elle n'était plus sûre d'être digne de porter le manteau blanc et la tenue bleu nuit des plus grands chasseurs de monstres de l'empire, c'était le doute que lui inspirait le regard d'Oswald.

-Récapitulons, dit Oswald de sa voix grave et tonnante.
Ta mission était simple : venir en aide aux Boldgates pour que la première étape du plan visant à faire périr une bonne fois pour toute l'archimage renégat Arond Vinnairse. Tu as été mise en échec par des mercenaires… Des cul terreux de basse extraction venant de Nurenuil qui ne valaient même pas la peine d'être mentionnés il y a dix ans, n'est ce pas ? Tout cela parce que l'un d'entre eux, dont le seul nom que tu as put me donner est « Jack » a dénoncé les Boldgates aux autorités.
-C'est bien cela, monseigneur…
-Relève la tête Kartsa ! Tu fais honte à notre famille en prenant cet air.

 Elle s'exécuta à contrecœur, laissant Oswald continuer.
-C'est pitoyable, je n'ai pas d'autre mot.
-La mission n'est pas perdue pour autant, monseigneur, j'ai obtenu certains informations qui pourraient nous aider à relancer le plan autrement !…
-Aucun intérêt. Tu n'as visiblement rien compris au but de l'opération… Sais tu qu'il y a 9 ans, l'inquisition s'est vue victime de nombreuses restrictions de la part du nouveau gouvernement ? L'Empereur pense que nous, les chasseurs de monstres et sorcières, nous appartenons au passé. Nous avons également nos secrets et des méthodes qu'il n'approuverait pas, il est donc fort probable qu'un jour ou l'autre, il se décide à nous faire subir un décret similaire ! Cela, je ne peux l'accepter. Tuer Arond Vinnairse sans l'aide du gouvernement nous aurait couvert de gloire ! Les gens croient de moins en moins en nous, mais, un tel exploit !… Nous aurions été applaudis.
Maintenant que l'Empereur connaît nos manigance, il nous est inutile de poursuivre l'opération. C'est une perte de temps, d'énergie, et de moyens que je ne pourrais me permettre.
-La réputation était donc votre unique motif ?
Fit Kartsa, scandalisée, appuyant ses poings sur la table. Notre mission est de protéger les populations, pas de nous nourrir des louanges !
-Silence, petite garce !
Fit Oswald, élevant la voix. Je protège un millénaire de tradition. Une incapable comme toi qui ne peut même pas éliminer quelques pécores n'a strictement rien à me dire.  Tu aurais mieux fait de ne pas devenir chasseuse. La valeur de ton sang m'aurait accordé un mariage fort fructueux, et j'aurais eu un boulet de moins à traîner… Si cela peut te rassurer, tu n'es pas la seule à avoir échouée. Lise, ta mentor, est actuellement dans un état critique… Mais même blessée, elle me serait plus utile que toi. Elle reste notre meilleure chasseuse, j'ai l'espoir qu'elle sera vite rétablie.
-Un état critique ?
Paniqua Kartsa, soucieuse. A quel point ?
-Heilwig est censé m'en informer. Libre à toi de le lui demander… Je n'ai plus besoin de ta présence ici, tu peux disposer.
-… N'avez vous pas une mission à me confier ? J'aimerais me racheter…
-Te confier une mission ? Après cet échec ? J'aurais cru que tu avais au moins la présence d'esprit de réaliser ton erreur ! Hors de ma vue.

 Kartsa voulut ajouter autre chose, mais, ainsi humiliée et intimidée par Oswald, n'osa rien dire.    Elle se leva et partit simplement, dégoûtée et déçue autant du comportement d'Oswald que de sa propre lâcheté. Poings serrés, ses ongles plantés dans ses paumes, elle quitta la salle pour emprunter le grand escalier de bois noir qui la conduirait au rez de chaussé. Sur les murs étaient ici accrochés les portraits des comtes de la famille Friedsang des 7 précédentes générations. Tous inspiraient ce respect et cette crainte, celui d'Oswald, bien qu'il y était représenté très jeune, ne faisait pas exception, fidèle au personnage. Kartsa, tandis qu'elle descendait ces escaliers, fixait ces portraits avec une légère envie et jalousie.
-Faites attention Kartsa. A être ainsi imprudente, vous pourriez vous blesser, fit une voix grinçante et légèrement moqueuse. La Friedsang baissa le regard, pour voir alors son interlocuteur dont déjà, la présence lui était désagréable. Heilwig Friedsang, spécialiste des arts noirs, aussi nommé œil de Lune.
  L'Homme aux longs cheveux blonds, grand, très fin, portant tout comme elle le manteau blanc et or par dessus la tenue bleue nuit des Friedsang, avait même à l'approche de la quarantaine une allure efféminée appuyée par son comportement voulu enjôleur que Kartsa avait toujours détesté. Au dessus de son nez fin et pointu se trouvaient une paire de lorgnons, et le verre de son lorgnon droit était d'un blanc laiteux et opaque derrière lequel il était borgne, ce qui était la seconde raison pour laquelle on le nommait « Oeil de Lune ». La première était ses nombreuses recherches sur la lycanthropie. Heilwig était aussi un médecin en plus d'être érudit mage de réputation. On racontait qu'après la mort de son équipière et la perte de son œil, quand il était jeune, il avait décidé de se retirer du terrain pour agir contre les créatures maléfiques depuis les coulisses de la famille Friedsang. C'était pour Kartsa un homme malsain entouré de secrets, et savoir qu'il était chargé de soigner Lise ne la rassurait guère… C'était malgré tout l'occasion d'en savoir plus sur son état.

-J'ai entendu dire que vous étiez chargé de guérir Dame Lise, fit elle poliment. J'aimerais, dans la limite du possible, être informée de la gravité de son état.
-Je venais justement faire mon rapport au seigneur Oswald… Vous êtes la disciple de ma patiente, je suis donc bien obligé de vous dire la vérité.

Lise a reçu des dommages terriblement violents. Elle s'est retrouvée confrontée à une capacité vampirique apte à infliger de très lourds dommages depuis l'intérieur même du corps, c'est un miracle qu'aucun organe n'ait été touché au-delà du réparable. Sa jambe et son bras droit en revanche étaient presque réduits en bouillie à l'intérieur… Survivre au voyage depuis Scarrath dans un tel état est du domaine de l'exploit. La bonne nouvelle donc, c'est qu'elle survivra. La mauvaise, c'est que plus jamais Lise ne pourra se battre. En tout cas, pas comme elle le faisait avant… C'est la fin, je le crains, de la prétendue reine des Friedsang.
-Est-ce une plaisanterie ?
S'énerva Kartsa.
-Je ne plaisante pas sur l'état d'un patient. Même rétablie, l'envoyer chasser les monstres serait de la folie pure. Sa vitesse de course ne sera plus jamais la même, et un enfant pourrait la battre au bras de fer.
-Non… Cela ne se peut ! Quel monstre aurait put lui infliger de pareilles blessures ?
-Le genre de créature habituée à combattre des chasseurs, sans doute. Nous en sauront plus quand elle sera apte à rédiger un rapport.
-Lise…
-N'ayez pas cet air triste, Dame Kartsa,
fit il avec une déplaisante empathie. Ce n'est pas une mauvaise chose. Lise pourra sans problème se trouver un mari et vivre une retraite paisible. Voilà qui, à mon goût, n'est pas une mauvaise fin.
-Ne vous moquez pas, ver !
-… Je ne me moquais pas, madame. C'est avec sincérité que je le pense. Je sais que vous avez fait le choix opposé, au lieu de prendre la voie aisée que votre sang vous offrait, cependant cela ne rend pas cette voie déshonorable.
-Je m'excuse dans ce cas,
fit elle, enrageant à l'intérieur à cause de cette nouvelle qui la bouleversait.
-Ce n'est rien.
 Lise était depuis toujours son idéal. Courageuse, belle, forte, pragmatique, infaillible. Tout ce qu'elle aspirait à être même quand elle n'était qu'une enfant… C'était pour devenir comme elle, et surtout, se ranger sous sa tutelle, qu'elle avait décidé d'apprendre l'art des Friedsang, au lieu de se ranger dans la face politique de la famille, comme on le désirait originellement. Tout ses efforts, toute la souffrance de l'entraînement qu'elle avait enduré, c'était pour devenir comme elle ! Kartsa se mordit les lèvres de rage, et un filet de sang coula sur son menton. Voyant cela, Heilwig haussa les sourcils avant de laisser apparaître sur son visage un large sourire.
-La vie continue pour vous, vous savez ? Ou plutôt, le combat. Si vous êtes sa disciple, c'est bien pour reprendre le flambeau, non ?
-Vous ne pourriez pas comprendre.
-Vous vous ne sentez donc pas à la hauteur de la tâche ? Je peux le comprendre, mais venant d'une personne aussi fière que vous, n'est ce pas pitoyable que votre existence vous semble dépendre de Lise ? Que tout ces efforts n'aient été que pour la suivre ? Voilà qui est terriblement petit.
-Lise est tout d'un autre niveau… Ni moi, ni vous, ni Oswald ne l'ont surpassée et ne la surpasserons.
-Si pessimiste à 25 ans ? Vous êtes d'une tristesse !
-Et vous, pitoyable clown ? Vous avez abandonné le terrain plus jeune que moi encore.
-Aie !
Fit Heilwig avec un sourire gêné, se grattant la joue. Il est vrai que je suis loin d'être un exemple de bravoure… Mais j'ai simplement trouvé une autre voie. Et je la suis jusqu'au bout. Peut-être devriez vous faire de même ?
-Nous ne sommes pas amis, Heilwig.
-Mais nous sommes de la même famille.
-Fadaises ! Jamais vous ne m'avez porté de l'intérêt jusqu'à présent. Si parce que Lise est morte, vous pensez que je peux la remplacer…
-… Excusez moi, mais Lise n'est pas morte. Je crois l'avoir dit, sans ambiguïté.

 Sans voix, Kartsa réalisa son erreur avec stupeur. Comment pouvait-elle dire une chose pareille ?… Elle aimait pourtant Lise plus que tout au monde…
-Enfin, vous êtes troublée. Peut-être faudrait il mieux que nous en reparlions à froid ? Toujours est il que je comptais vous parler à vous aussi ! Vous tombez donc à point nommé. J'ai une mission secrète et de la plus haute importance à vous confier… Vous connaissez mon manoir, à quelques lieux de là ? Retrouvez y moi.
-En quoi consiste cette mission ?
-Cela, je ne peux vous le dire !… Retrouvez moi juste là bas. Et n'en parlez à personne, pas même le comte.
-Cacher quelque chose à Oswald, avez vous perdu la raison ?…
-Oui, il y a bien longtemps,
fit Heilwig dans un rire franc. Mais pas si fort. Son bureau est juste en haut, et un chasseur de vampire, même âgé, a l'oreille fine. D'ailleurs je ne devrais pas le faire attendre encore plus… J'ai la terrible nouvelle à lui annoncer. Je crois que cela sera fort déplaisant pour moi, vu son tempérament… Mais assez parlé. A très bientôt, dame Kartsa.

  Heilwig reprit sa montée des escaliers, tandis que Kartsa descendit. Elle avait besoin de réfléchir à tout ceci… Que pouvait bien préparer cet homme ? Cela ne la rassurait guère, car elle s'était toujours persuadée que cet individu était mauvais. Cependant, elle irait tout de même. S'il complotait quelque chose de terrible, Kartsa devait le savoir… Et alors, il lui suffirait de tout révéler à Oswald. Ce dernier était réputé pour sa fermeté et faisait sans hésitation exécuter les traîtres.
  Kartsa repensa un instant à ce qu'elle avait dit par erreur il y a quelque instants, mais chassa de suite ceci de son esprit. Elle revenait de mission, était épuisée mentalement comme physiquement, c'était là la seule raison de son erreur. Il lui fallait se reposer. La jeune Friedsang se retira donc dans sa chambre, parvenant non sans mal à trouver le sommeil jusqu'au lendemain.

  Quand elle se réveilla, elle prit un bain avant d'enfiler une tenue absolument identique à celle qu'elle portait habituellement. L'uniforme Friedsang lui procurait tant de fierté qu'il était rare qu'elle porte autre chose en public. Le large manteau blanc, ou était brodé au dos la croix d'or des Friedsang, était principalement un élément d'apparat. Il était courant de la retirer en pleine mission ou ne point la porter du tout. La tenue légère faite quasi intégralement de tissu d'un bleu très sombre qui se portait en dessus était le véritable uniforme de combat Friedsang, et était très sobre, visant avant tout à la furtivité et à l'utilité. Bien que l'on pouvait la recouvrir de pièces de cuir ou mettre une côte de maille par dessous, cela ne se faisait que rarement. Bien souvent, contre les monstres et les mages, c'étaient des poids inutiles ou qui risquaient de nuire à la discrétion. Ces protections étaient faites pour contrer les hommes. Des lanières de clous d'argents noircis suffisaient généralement à ces chasseurs de vampire.
Ainsi équipée comme à son habitude de cette tenue et de ses armes, elle prit un cheval et, dès l'aube, se dirigea vers le point de rendez vous indiqué par Heilwig. Son manoir était en bordure de forêt, dans un lieu assez éloigné des villages où peu de gens s'aventuraient. C'était d'ailleurs la première fois qu'elle venait ici elle même…

  Le grand bâtiment, maintenant qu'elle le voyait de ses propres yeux, avait bien plus l'air d'une église haynailique laissée à l'abandon bien qu'en bon état, plutôt que d'un manoir. Cela correspondait bien à l'image qu'elle se faisait d'Heilwig… Kartsa prit un moment pour observer les environs, constatant que personne n'était à l'extérieur, avant de descendre de sa monture. A la fenêtre surplombant la double porte apparut alors Heilwig Friedsang, qui la salua de la main en souriant.

-Vous êtes en avance, Dame Kartsa ! La porte est ouverte, entrez donc. Nous vous attendrons dans le grand hall.
 Après cela, parce qu'elle ne lui répondit pas, il se retira. Kartsa ouvrit alors et entra dans le lieu où l'extérieur était semblable à l'intérieur pour l'esthétique. Se trouvaient, comme dans la majorité des résidences Friedsang, des tapisseries blanches marchés de la croix d'or familiale. Cela la mettait un peu plus à l'aise dans ce bâtiment au haut plafond où le moindre son résonnait, d'où dégageait une impression oppressante. Le lieu ne datait pas d'hier, il était donc certain que, comme elle le supposait, Heilwig ait réhabilité un ancien temple.
  Il suffit à Kartsa d'avancer tout droit dans le couloir principal où l'entrée menait pour atteindre ce qu'Heilwig avait appelé le grand hall. La salle était un lieu de prière vidé de tout bancs ou symboles religieux ayant pu précédé l'actuel propriétaire, où un dallage formant un grand cercle avait visiblement été posé a posteriori. En plus des bannières sur les murs se trouvaient un bon nombre d'armes… Il ne restait de l'aspect religieux du lieu que des vitraux, gravures, et ce qui semblait être une sorte de petit confessionnal. Une salle de prière transformée en salle d'armes ? Assez ironique.

  Heilwig entra à son tour peu après par une des deux portes du fond de la salle, accompagné par deux jeunes femme très similaires. Elles étaient toutes les deux des brunes aux yeux bleus, bien que l'une portait les cheveux courts et l'autre les avait noué derrière sa tête. Cependant, ce qui attirait l'oeil de Kartsa était leur accoutrement. Elles portaient des armures couvrant leur torse comportant un nombre de sections qui semblait inutile aux yeux de Kartsa, accompagnées de gantelets aux sections similaires. Leur tenue laissaient leurs biceps à vue, et un pagne noir couvrait le bas de leur corps jusqu'au genoux ou apparaissaient des jambières forgée de la même manière que les gantelets et le reste de l'armure. Bien étrangement, elles laissaient leurs pieds nus et n'en semblaient pas dérangées. Les armures d'une coloration noire légèrement bleutée étaient incrustées de gemmes blanches à certains endroits, ce qui ne manqua pas de l'intriguer également. Au yeux de Kartsa, ces filles plus jeunes qu'elle avaient un accoutrement vulgaire dont l'utilité lui échappait.

-Je vous présente Christa et Christel, mes fidèles servantes, les présenta Heilwig avec un brin de fierté.
-Ces armures sont votre fabrication ? Bien étrange équipement.
-Ces charmantes jeunes dames sont le fruit de mes expériences sur la lycanthropie. En l'occurrence, ce sont toutes deux des louves garous. Leurs armures sont confectionnées pour s'adapter à leur métamorphose.

Kartsa les fixa un moment avec surprise, pour remarquer qu'elles lui adressaient un regard particulièrement glacé. En particulier celle aux cheveux noués, qui avait le regard le plus dur.
-Heilwig… En quoi consistaient vos expériences ?
-J'ai reproduit l'ancien rituel qui permet aux loups garous de se maîtriser une fois transformé… Seuls certains lycanthropes connaissent ce secret. Je l'ai échangé contre des renseignements à un dénommé Trath, vous en avez sans doute entendu parler… Ces jeunes orphelines ont été transformées avec ce procédé, grâce au sang de ce loup garou. Leur force est désormais sans égal.
-Vous avez utilisé ces filles pour vos expériences, est-ce une plaisanterie ? Dites moi qui vous a donné l'autorisation de faire une chose pareille !
-Personne. Mais il faut bien prendre des initiatives de temps en temps. Et puis, rassurez vous, Christa et Christel sont en très bonnes santé.
-Aucun nom de famille ?
-Aucune nationalité officielle non plus.
-Si je comprend bien, vos dames ont un statut comparable à celui d'un esclave ou d'un animal. Je ne devrais pas être surprise… Mais pensez bien que j'en informerais Oswald et les autorités de la région ! Vous n'êtes qu'un répugnant pervers qui s'imagine avoir des droits qu'il n'a pas.
-Est-ce vraiment la peine d'en arriver là ?…
-Je tremble en imaginant ce que vous avez put faire subir à ces femmes… Vous dénoncer sans plus attendre est la meilleure chose à faire, c'est ce qu'aurait fait Lise. Vous n'êtes qu'une vermine, et j'en ai enfin la preuve.


-Il suffit ! Tonna avec rage la voix de la femme au cheveux noués, qui fit quelques pas en avant vers Kartsa. Je ne tolérerais pas plus que l'on outrage le seigneur Heilwig !
-Comment ? Cet homme vous a manipulées, il ne fait que se servir de vous !…
-Heilwig est mon maître. J'ai juré de le servir jusqu'à ma mort. Vous prétendez vous juste, Kartsa, vous qui jugez sans rien savoir ?
-… Je vois. Vous ne m'écouterez pas de toute façon, c'était à prévoir.
-Vous, écoutez ! Je vous défie en duel, ici et maintenant. Si vous me battez vous aurez alors tout le loisir de cracher votre venin.
-Du calme, Christel, tenta d'intervenir Heilwig.
-C'est hors de question. Quiconque blesse votre honneur blesse également le mien.
Utilisez les armes que vous voudrez, Kartsa. Vous, vous n'êtes pas digne de combattre ma véritable lame. Une épée médiocre me suffira.

 Christel partit vers les murs décrocher un espadon avant de faire quelques moulinets avec aisance. Kartsa décida d'accepter le duel. Christel semblait irréfléchie et visiblement, la sous estimait. Lycanthrope ou non, sans pleine lune, il était peu probable qu'elle lui pose problème. La Friedsang prit sa longue dague ainsi qu'une arme plus courte atypique ayant la forme d'une petite faux.
-Etes vous sûre de vouloir vous battre ?
-Je suis sûre de vouloir VOUS battre,
fit Christel avec un sourire carnassier.
-Kartsa, vous n'avez aucune chance contre Christel, fit Christa avec un air absolument indifférent. Je vous retourne plutôt la question. Vous devriez renoncer, cela accélérera les choses.
-Vous vous moquez toutes les deux de moi on dirait,
s'agaça la chasseuse de vampire avec un sourire nerveux.
-Pourtant, ma sœur a raison ! Kartsa, vous ne me connaissiez pas, mais l'inverse n'est pas aussi vrai. Je vous connais depuis longtemps, j'entends parler de vous, je vous regarde loin, et je vous ai toujours détestée. Vous n'êtes qu'une imbécile qui aspire à être la copie de Lise Friedsang. Votre manière de vous battre en est le symbole même : vous utilisez la même arme unique à Lise. Alors que vos résultats à l'épée bâtarde ont toujours été excellents lors de votre entraînement, vous vous obstinez à utiliser une arme que vous ne maîtrisez pas, négligeant toute progression dans le domaine qui vous sied le plus. Je trouve ça risible. Vous allez perdre. Dégainez donc l'épée d'argent dans votre dos, que je puisse m'amuser !
-… Mes armes me conviennent parfaitement.
-Je m'en doutais. Eh bien tant pis.
-Arrêtez vous au premier sang, tout de même,
fit avec crainte Heilwig. Vous voir perdre un bras ne m'arrangerait pas.
-N'ayez crainte, seigneur Heilwig. Je sais qu'elle nous est indispensable, dans le cas contraire je l'aurais déjà tuée sur le champ. Quelqu'un qui passe son existence à poursuivre l'image d'une autre personne ne mérite pas de vivre.
-Tes propos sont bien violents, ma sœur,
commenta Christa.
-Cela fait bien longtemps que je rêve d'humilier cet être sans identité, laisse moi savourer l'instant.
-Si vous avez fini, pouvons nous commencer ?
Dit Kartsa, à colère contenue.
Les deux combattantes s'avancèrent vers le milieu du cercle, et la Friedsang ne manqua pas de remarquer l'éclat d'un sourire sur le visage d'Heilwig. Même si il n'approuvait originellement pas le duel, voir ses « créations » à l'oeuvre contre elle devait grandement le satisfaire. Cela lui donnait une raison de plus d'humilier cette arrogante gamine.

  Christel n'attendit aucun signal de départ pour passer à l'attaque, engageant le combat avec un coup latéral relativement prévisible qu'elle put esquiver aisément. Malgré cela, la lycanthrope ét ait bien plus rapide qu'elle ne le pensait… Immédiatement après ce coup, elle en donna un autre dans le sens opposé, forçant Kartsa à parer de sa dague et constater que la force physique de Christel était bien supérieure à la sienne. La Friedsang recula alors. Elle restait la plus agile, si elle trouvait un moyen de passer dans son dos pour menacer sa gorge alors son adversaire serait forcée d'abandonner.
  La lycanthrope chargeait à nouveau, assénant un coup avec sa grande épée. Cette attaque était risquée et inconsidérée, Kartsa l'évita sans souci, et cela allait lui offrir l'occasion qu'elle attendait pour passer sur le côté droit Christel, puis dans son dos quand elle serait emportée par l'élan et le poids de son arme. Cependant, la main droite de Christel quitta le manche de la lame pour, contre toute attente, donner un puissant coup de poing dans la poitrine de Kartsa. Le déséquilibre causé par le coup dans l'air de Christel n'était plus à l'avantage de Christel, car le poids de l'espadon qui emportait cette dernière en avant amplifiait la force du coup de poing de la lycanthrope, qui mettait toute la force de son corps dans l'attaque. Kartsa fut repoussée en arrière et une violente douleur aiguë la secoua alors. La puissance naturelle de Christel était déjà élevée, mais quand elle reçu ce coup de poing, Kartsa eu l'impression que sa cage thoracique était presque fracassée. Christel n'était pas simplement forte, elle était douée. Kartsa ne pouvait que se sentir humiliée de s'être fait avoir par cette feinte. Un genou à terre, pâle, elle ressentait encore l'impact du poing qui lui avait coupé le souffle, et Christel posa avec dédain sa lame sur son épaule, regardant de haut son adversaire.

-Vous vous battez comme Lise, mais vous n'êtes pas aussi agile. Elle aurait esquivé ce coup de poing.
-Ne criez pas victoire trop vite, prononça Kartsa en se redressant sur ses deux jambes. Vous ne m'avez pas encore mise au tapis… Et vous vous êtes blessée également.
 En effet, le poing droit de Christel était en partie noirci. Il s'était confrontée aux clous d'argent de sa tenue, hors ce métal infligeait de terribles brûlures aux lycanthropes. La douleur qui en résultait était réputée comme atroce, ce pourquoi Kartsa était assez de surprise de voir que Christel puisse encore afficher une expression si confiante.
-Je ne pensais pas que vous oseriez m'attaquer à main nue… Cette attaque était brave, mais votre main droite en a pâtit. Etes vous de sûre de pouvoir manier votre arme avec aisance dans cet état ?
-Je connais l'argent et sa brûlure glacée. Je ne suis pas une de ces bêtes sans cervelle qui hurlent de douleur si facilement… Et je pourrais vous battre une main dans le dos.
 Christel afficha un sourire carnassier et provocateur, se mettant à nouveau en garde. Son attitude irritait Kartsa au plus haut point, et la motivait d'autant plus à se tenir debout malgré la douleur. Armes en main, les deux combattantes étaient toutes deux prêtes à se jeter l'une sur l'autre.
-J'en ai vu assez, fit une voix, froide et ferme, provenant de l'autre côté de la salle. Il est inutile de prolonger ce combat.
Du confessionnal sortit alors un homme, devant le regard surprit de toutes les personnes présentes. Le personnage aux cheveux blancs, issu de la haute noblesse, portait une veste en queue de pie bleue au aux boutons d'or et à l'intérieur rouge. Il tenait dans une de ses mains gantées de blanc une canne noire au pommeau d'argent, et était affublé d'une cape bleue marine. Sur son visage aux traits durs marqué par l'âge apparaissait une moustache aussi blanche que ses cheveux, et son  regard bleu et froid laissait également apparaître une détermination d'acier. Le son des chaussures noires du noble et de sa canne contre le sol résonna dans le hall, tandis qu'il s'approchait du cercle qui représentait l'arène des deux combattantes.
-Monsieur le comte ? Fit Heilwig, visiblement désorienté par sa présence. Allons, ne me dites pas que vous êtes ici depuis tout ce temps ?
-C'est pourtant le cas.
-Je ne savais pas que vous étiez amateur de farce,
fit le Friedsang avec un rire gêné.
-Cela n'a rien d'une farce. J'ai pris de l'avance pour éviter de me faire repérer si le comte Friedsang apprenait vos déplacements. Par la suite, j'ai jugé intéressant d'observer ce qui se passerait alors, personne ne devait cependant savoir que j'étais présent. Les réactions de Kartsa auraient été différentes. Voyez cela comme une expérience.
-… Et vous attendez dans ce confessionnal pour ça ?… Vous devez vraiment vous ennuyer.
-L'ennui n'existe pas réellement si on sait comment utiliser son temps. Réfléchir à tête reposée est un bon moyen de le faire. Passons.
Je suis là depuis sept heure. Vous n'êtes arrivés que peu de temps après moi, je suis d'ailleurs surpris de ne pas m'être fait repéré.

-Je savais que vous étiez là, intervint Christa de sa voix posée. J'ai repéré votre odeur, mais j'ai décidé de jouer le jeu et de me taire.
-C'était à attendre de votre part, fit l'homme en appuyant sur sa cane sa deuxième main.
-… Je n'ai rien senti, fit Christel avec une légère honte.
-C'est parce que tu n'es pas concentrée, Christa.
-Je ne peux pas être aussi douée que toi !
Ragea sa sœur en enfonçant avec colère l'espadon dans le dallage d'un seul coup.

L'homme l'ignora pour avancer vers Kartsa et lui tendre la main.

-Mon nom est Téko Dyra.
-C'est donc pour cela que Heilwig vous a appelé Comte,
fit elle sans répondre à sa poignée de main. Heilwig ! Quel est le sens de tout cela ? Téko Dyra est censé être recherché, nous devrions l'arrêter sur le champ.
-Allons, du calme !
S'agaça un peu Heilwig. Tout le monde a eu sa dose de violence, maintenant, nous devrions parler calmement en tant que personnes responsables ? D'autant plus que vous n'êtes pas en état de faire quoique ce soit.
Il était vrai que si ils étaient tous de mèche, elle étant blessée, n'était même pas certaine de réussir à battre en retraite. Et sa cage thoracique continuait de lui faire mal. Christa, la plus calme des deux sœurs, apparut alors à ses côtés et lui présenta son bras.
-Madame, vous tenez à peine debout. Je vais vous aider à vous asseoir ailleurs.
-Je n'ai jamais demandé votre aide…
-Je n'ai aucun désir de vous aider, pour ma part. Tout ce que Christel a dit de vous, je le pense également. Mais vous êtes nécessaire, alors je ferais tout pour vous garder en bonne santé et vous protéger. Cela vous pose un problème ?
Christel,
fit elle ensuite en se tournant vers sa sœur, tu devrais aussi soigner ta main.
-Bien sûr, je pars, ma sœur ! Fit elle avec irritation. Je ne voudrais pas vous déranger…
Christel quitta la salle, laissant l'espadon planté dans le sol, non sans jeter un dernier regard noir à Kartsa. Cette dernière prit le bras de Christa, la douleur surpassant l'orgueil, et elle la fit alors asseoir contre le mur tandis que, visiblement, Heilwig et Téko discutaient.

 Peu après, ces derniers vinrent la voir, Heilwig avant et l'ex comte en retrait.
-Téko Dyra a été condamné à mort pour trahison… Par conséquent, en étant son complice, vous vous exposez à de grands risques.
-Je le sais bien ! Je vais commencer à croire que vous me méprisez vraiment, c'est vexant… Laissez moi donc vous expliquer mes intentions. Puis-je, comte ?
-Je n'y vois pas d'inconvénient. Evitez en revanche, de m'appeler ainsi. Je n'ai plus aucun titre.


-Très bien, acquiesça Heilwig avant de se racler la gorge. Nos derniers rapports sont inquiétants, Kartsa. Nurenuil est victime en ce moment de massacres très clairement dû à des créatures maléfiques. Et peu semblent réellement s'y intéresser. C'est ce qui m'a motivé à commencer ce projet…
Tu n'es pas sans savoir que les vampires utilisent depuis la nuit des temps un système reposant sur trois seigneurs voué à établir l'équilibre. Ce genre d'événement nous prouve que ce système est obsolète. Les vampires et les humains sont destinés à se combattre, par leur nature même. Plus jeune je pensais qu'il suffirait d'exterminer toute la race vampirique pour régler le problème… Mais j'ai vite réalisé que cela était impossible. J'ai perdu ma plus chère amie et mon œil en persistant dans ma traque… Je me suis alors renseigné sur toutes les tentatives d'extermination pour réussir dans la mienne, mais toutes ont échouée, même celle du temps de l'inquisition des quatre fondateur ! L'Entreprise n'était que pure folie. Même en étant de force supérieure, la victoire est impossible. Pareillement, il est impossible que les vampires asservissent les humains, l'histoire l'a prouvé… Nous sommes donc destinés à un combat éternel.
  Mon but suprême est de pouvoir nous offrir à nous, les Friedsang, une retraite. Nous vantons la gloire du combat et du meurtre de monstre, mais il n'y a rien de glorieux à cela. Ce n'est qu'un besoin de se défendre contre ces créatures que nous avons maquillé avec des grandes valeurs. Mais la réputation et la fierté ne valent pas la peine que l'on risque sa vie pour elles.
-Vous voulez que les combats cessent, mais vous venez de dire que cela était impossible.
-J'y viens donc. Mon plan consiste simplement à parvenir à une collaboration entre nos deux camps respectifs. Cela est actuellement impossible, car il nous faudrait détruire l'actuel système… La route sera difficile. Mais trois seigneurs sont trop à porter, trop à gérer. Il n'en faudrait qu'un seul. Une sorte de roi.
-Un roi vampire,
s'esclaffa Kartsa. Vous vous entendez ? Et quel seigneur vampire pourrait les diriger tous ?
-Ca… Cela reste à voir.
-C'est l'une des questions que nous nous posons,
dit Téko Dyra. Mais en premier temps, il nous faut éliminer de la liste ceux qui refuseraient l'accord à coup sûr. Et avant cela encore, nous avons bien d'autres priorités. Reprenez, Heilwig.
-Nous ne pouvons actuellement rien faire de tout cela. Seul Oswald a les informations dont nous manquons sur les seigneurs. Et par dessus, nous ne sommes que quatre en vous comptant, Kartsa… Bien que j'ai une légère influence sur la famille, je ne peux pas faire grand-chose pour m'opposer à lui. Et soyez certaine que jamais il ne nous révélera ses secrets de son plein gré. Enfin, la mentalité des Friedsang est totalement inadaptée à mon plan, pour cela nous devrons d'abord changer notre famille de l'intérieur… Et cela prendra du temps. Enfin, avant toute chose, il nous faut renverser Oswald. Sans cela nous sommes pieds et poing liés.
-Renverser Oswald. Vous voulez que je rie encore ?
-C'est là que vous entrez en jeu !
S'exclama Heilwig en désignant Kartsa de sa main, ignorant son commentaire. Les Friedsang respectent les lignées et l'héritage impérial de manière presque religieuse. Vous avez donc quelque chose qu'il n'a pas, et ne pourra jamais avoir : le sang impérial. Et vous êtes la seule lumieuse de notre famille en vie, en plus d'être la disciple de Lise Friedsang. Vous avez déjà des arguments nécessaires pour être populaire. Kartsa, je veux faire de vous la prochaine comtesse Friedsang !
-C'est donc pour cela que vous vous intéressez à moi. Je refuse. Je me suis écartée des études pour me concentrer sur le combat, et vous le savez. Non seulement je ne suis pas à apte à remplir ces fonctions, mais j'ai refusé d'avoir la possibilité de le faire un jour il y a déjà dix ans.
-Peut-être, cependant le moment de revenir sur cette décision vous est offert. Ce n'est pas sans intérêt.
-Trouvez vous quelqu'un d'autre,
dit Kartsa, lassée, en se relevant avec difficulté, ayant l'intention de partir.
-Il n'y a personne d'autre, dit clairement Téko. Vous seule pouvez surpasser les enfants d'Oswald dans la sélection de l'héritier du comté.
 J'ai observé tout les rapports rédigés de votre main qu'Oswald a put trouver, et tout les documents vous concernant. Les dires de Christel vont également dans mon sens : vous tentez de copier Lise Friedsang. Vous avez imité son style de combat, sa coiffure, vous êtes allée jusqu'à copier sa calligraphie. Vous tentez en vain d'adopter un comportement similaire.  
-Et alors ?
S'énerva Kartsa. Vous me reprochez tous ceci, mais qu'y a t-il de mal à cela ? J'aime Lise plus que tout, vous ne pourrez jamais comprendre à quel point cela compte pour moi.
-Aimez vous Lise ou juste l'image que vous avez d'elle?
Intervint Heilwig. En vivant des années avec votre mentor, jamais il ne me semble que vous avez porté de l'intérêt à la personne qu'elle était… Je me souviens que, quand vous avez appris que Lise fut l'amante de Milo Aspida, cela vous a mis folle de rage. Je comprends mieux pourquoi à présent pourquoi, et pourquoi vous avez tenté de le tuer lors de ce tournoi à Cromwill. Je m'étais fait l'idée que cela était par jalousie, mais j'étais loin du compte : vous ne supportiez pas que l'image que vous aviez de Lise fut ternie. Cependant cette image est morte. Allez vous continuer à la suivre malgré tout ?
 Kartsa ne répondit pas. Elle savait qu'elle n'avait pas d'autre ambition que d'imiter Lise, jusqu'alors. Elle était persuadée qu'un jour elle parviendrait à son niveau, et, bien qu'elle savait depuis un moment que la chose était impossible, persistait à l'imiter en tout point. Pour Kartsa Friedsang, c'était la meilleure manière de vivre.
Mais à chaque fois que Lise ne répondait pas à ses attentes… Kartsa ressentait un profond sentiment de frustration, qu'elle rejetait sur autre chose. Mais, et si la Lise qu'elle voulait devenir et aimait, et la personne qui l'avait entraînée étaient différentes ? Si sa recherche n'avait aucun sens dès le départ ?

-Poursuivre un idéal n'a rien de mauvais, poursuivit Téko. Cependant, l'erreur commune est d'excuser la recherche de cet idéal par la dévotion. Cette recherche ne peut-être motivée que par un désir. Comme toutes nos bonnes actions partent de désir égoïstes…
Kartsa, copier Lise n'a rien rapporté à cette dernière. C'est pour vous que vous l'avez fait, et non pour elle. Je ne vois cependant aucun inconvénient à copier un autre individu si les résultats sont présents. Ce n'est pas le cas ici. Christel vous sous estimait, se retenait, et vous a tout de même presque mise au tapis… Alors que vous vous êtes encore plus entraînée que cette dernière. Votre méthode n'est pas la bonne. Vos résultats restent toujours dans la moyenne des Friedsang…
Vous ne pouvez pas devenir Lise Friedsang. C'est une évidence. Mais nous vous proposons un rôle que vous seule pouvez remplir. La décision est votre. Sachez simplement que personne d'autre que vous ne bénéficiera que vous copiez Lise.
-… Et vous pensez que je pourrais devenir forte, avec une autre méthode ?
-Cela encore dépend de vous.
-Quel est votre rôle dans tout cela exactement ?
-Si vous acceptez notre marché, je serais votre superviseur. Je vous aiderais à acquérir les compétences nécessaires pour convaincre la famille Friedsang que vous êtes la seule apte à hériter du comté.
-Monsieur Dyra a déjà démontré ses talents,
commenta Heilwig. Il était suffisamment rusé pour que l'empereur le craigne.

 Kartsa, encore une fois, ne put s'empêcher de se demander ce que Lise ferait à sa place. Mais ce raisonnement ne lui servait à rien. Lise n'avait jamais été dans cette situation, Lise n'avait jamais eu à copier qui que ce soit… Elle s'était entraînée avec l'objectif de devenir forte.
C'était le seul moyen de l'égaler un jour. Non, de surpasser tout ce qu'elle avait pût être. Kartsa devait chercher à devenir forte, et si elle le pouvait, ce n'était pas aux côtés d'Oswald, pour qui elle ne valait rien.


-… Je suis prête à revoir mon opinion. Cependant, j'aimerais que vous précisiez vos intentions. Une cohabitation avec la race vampirique me paraît être une absurde fantaisie.
-Je ne le vois pas comme une cohabitation, mais comme un accord mutuel,
expliqua Téko. A long terme, le but est d'avoir un contrôle sur les vampires sans conflit, ce qui se fera lentement. Il serait même possible d'en faire un atout un jour, mais ce n'est qu'une supposition qui a peu de chance de se réaliser.
D'autant plus que nous sommes loin de notre but. Il nous faut tout d'abord éliminer les seigneurs vampires nocifs à ce projet, ce qui est déjà une tâche immensément ambitieuse. Et avant cela, il nous faut réorganiser les Friedsang, et donc remplacer Oswald. Une fois ceci fait nous aurons accès à toutes les forces de la famille, ses armes, ses recherches, y compris le vampire majeur gardé en souterrain depuis maintenant plus d'un siècle. La route à faire sera longue, il est fort probable que ni Heilwig ni moi ne vivent assez vieux pour voir le projet aboutir à sa finalité.
En un premier temps, calmer la menace vampirique de Nurenuil est urgent. Hors, Oswald semble préférer l'ignorer car cela ne concerne pas encore Haynailia. Ce comportement pourrait fortement jouer contre sa faveur, nous l'exploiterons donc. Cependant, cette menace prend également des proportions croissantes… Notre temps est limité. Ce pourquoi nous devons vite remplacer Oswald par vous.
-Je suis prête à croire en votre projet. En bref, vous voulez pouvoir tenir les vampires en laisse au lieu de leur livrer bataille ?
-C'est un bon résumé.
-Vous m'entraînerez donc à devenir comtesse ? N'est ce pas trop risqué pour vous d'être là ?
-Si. J'ai tenu à être présent en personne, ce qui s'est fait grâce au soutient d'Heilwig. Mais cette situation ne saurait durer trop longtemps… Ce pourquoi nous irons à Waien. Je suis un criminel ici, mais là bas, j'ai obtenu ma citoyenneté et je suis un résident légal. Qui plus est, à Waien, Oswald n'a ni yeux, ni oreilles, ni voix.
Cependant, comme je l'ai souligné, notre temps n'est pas sans fin. Je ne vous accorderais que six mois, pas un seul jour de plus. En ces six mois, vous devrez surpasser Oswald en tant que combattant et en tant que comte. Ce ne sera pas aisé.
-Surpasser Oswald…
Fit Kartsa avant de laisser échapper un léger sourire. C'est un défi que je suis prête à relever.
 
 Téko clos les yeux un instant dans un léger soupir avant de se retourner, se dirigeant vers la sortie. Heilwig le rattrapa.
-Elle a accepté finalement ! Je me doutais que nous y parviendrions. Que pensez vous d'elle ?
-C'est lamentable.
-Vous êtes dur…
-J'ai dis lamentable, non sans espoir. Au moins la volonté y est.

Kartsa, nous nous reverrons à Waien. Partez le plus tôt possible.

  Ainsi, Téko quitta la salle, accompagne du Friedsang. Kartsa était dorénavant seule dans la salle avec Christa, qui n'avait pas prononcé un mot de toute la conversation. Cependant, son regard ne quittait jamais Kartsa, et cette dernière ne parvenait pas à lire ses intentions… L'ex Comte était froid et avait un regard intimidant, mais cette femme avait des yeux de prédateur prudent.

-Kartsa, maintenant que nous sommes seules, j'ai quelque chose à vous dire.
Ma sœur et moi, nous vous haïssons. Car vous êtes née Friedsang, notre plus grand désir à toute les deux, irréalisable. De surcroît vous êtes une haute noble. Vous voir poursuivre une route futile à nos yeux a transformé notre jalousie en animosité. Christel, qui s'entraîne chaque jour avec l'espoir d'être un jour anoblie, vous maudit à chaque fois que l'on vous évoque. Nous, nous n'avons pas d'espoir. Heilwig est le seul à nous avoir donné de l'amour et de la reconnaissance. Ce que vous pouvez obtenir sans difficulté.
N'allez pas croire que, parce que vous avez changé de voie, cette rancune est enterrée… Si vous échouez, Christel vous tuera. Et je ne vous protégerais pas.


C'est tout ce que j'avais à vous dire. Faites de votre mieux.

A son tour, Christa partit. Les deux sœurs pouvaient définitivement être une menace pour elle… Certainement plus dangereuses qu'Heilwig, même si elle restait persuadée que ce dernier tentait de cacher son jeu.
Quand à Dyra… Il fallait aussi le surveiller. Kartsa acceptait de joindre leur camp, mais ne leur faisait pas confiance. Elle était prête à les trahir si il le fallait, bien que les deux lycanthropes l'en dissuadait quelques peu.

  Comtesse Friedsang… Jamais Kartsa n'aurait imaginé cela elle même. Maintenant qu'elle y repensait, cela ne la déplaisait pas. Peut-être était ce l'occasion de commencer une nouvelle vie. La vie de celle qui pourrait être la vraie Kartsa Friedsang.
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Message par DALOKA Sam 6 Avr - 19:30

Date originelle du post: 3 Aout 2016

Jackal


La jeune Christel était encore couverte de bleus aujourd'hui. Mais cela était devenu une habitude. Elle endurait ces types d'entraînements depuis si longtemps que, à présent, la douleur des coups n'avait pour elle rien d'extraordinaire. Cela ne voulait pas dire qu'elle n'était plus présente, non, mais qu'elle avait cessé de pleurer.

Aujourd'hui était un jour particulier cependant, ce pourquoi Heilwig, son tuteur, l'avait prévenue qu'elle ne combattrait pas aujourd'hui. C'était pour elle et sa sœur, leur 10ème anniversaire de leur rencontre avec le seigneur Heilwig. Car elles ne savaient pas leur date de naissance, c'était ce qui était pour elles le vrai début de leur vie qu'elles fêtaient, quand bien même elles étaient supposées avoir autour de quatorze années. Néanmoins, elle n'était pas avec Christa, cette fois ci, car Heilwig avait un cadeau spécial à lui remettre à elle seule. Christa avait déjà eu le sien l'année dernière, ce qui avait rendu Christel morte de rage… Elle avait toujours eu l'impression que sa sœur était la favorite, sans doute car cette dernière avait toujours été plus douée qu'elle sur tout les point. Mais aujourd'hui, c'était son jour à elle ! Et malgré toutes ses blessures, elle affichait un grand sourire joyeux, ne sachant pas contenir ses émotions. La dominant de plusieurs tête, Heilwig, celui qui était comme son père, se tenait à ses côtés.

-Christel… Fit il avec un sourire compatissant. Pardonne moi pour l'année dernière. Je pensais que tu n'étais pas prête, mais cette fois ci nous y sommes. Derrière cette porte se trouve mon plus grand cadeau. J'ai passé la première moitié de l'an à y réfléchir, l'autre à la faire forger.
Le premier, Heilwig ouvrit la porte. Dans la petite salle, au dessus d'un piédestal était placée sur un présentoir une grande épée. Noire d'encre, à l'exception de sa lame aiguisée, dont la pâleur brillait à la lumière. A tranchant unique, la lame était très large, au moins deux fois plus qu'une épée normale, et si l'on prenait en compte le long manche recouvert de lanières de cuir, était plus grande que Christel. Un joyau rouge décorait le pommeau de l'arme, et en s'approchant, elle put voir que de multiples gravures parcouraient le large plat de la lame. Elle passa sa main dessus pour sentir les creux de ces gravures au toucher, fascinée par l'arme.
-Christel, voici la Jackal, fit Heilwig derrière elle, main dans le dos, un grand sourire satisfait sur son visage.
-Elle est superbe… Souffla la jeune fille.
-C'est ton épée, Christel. Tu peux la prendre.
Avec hésitation, elle saisit le manche d'une main, et souleva la lame de son piédestal. Son poids manqua de l'emporter en avant, mais elle rattrapa l'épée de sa deuxième main. Le bout de cette dernière frappa tout de même le sol, avant qu'elle ne la soulève lentement devant elle de ses deux mains, non sans difficulté.
-C'est… Lourd. Bien plus lourd que toutes les lames que j'ai jamais tenues.
-Oui. Cette lame est lourde… Mais tu es forte Christel. Le fait que soulève cette épée actuellement en est la preuve…

Heilwig s'abaissa et posa gentiment sa main sur la tête de Christel, d'un air paternel.
-Quand tu seras plus grande, tu la manieras sans difficulté.
-Vous le croyez vraiment ?…
-Si je le crois ?…
J'en suis certain.


A ce moment là, elle s'en souvient, son cœur s'était rempli d'une immense fierté. A partir de ce moment, plus aucune blessure n'eut jamais d'importance. Elle pouvait le faire, elle pouvait être forte. Elle ne dépassera pas juste sa sœur, mais tous ! Elle s'entraînerait, encore et encore, jusqu'à ce que tout le monde se taise, jusqu'à ce que tout le monde la respecte. Jusqu'à être la plus forte.
Alors enfin, sa famille la reconnaîtrait comme digne.



Aujourd'hui encore, Christel s'entraînait. Elle et sa sœur avaient été ordonnées par Heilwig de suivre Kartsa Friedsang dans son entraînement, afin de la surveiller et de s'assurer de sa protection. Christel n'accordait que peu d'importance à cette tâche, mais ne désobéit pas à l'ordre. Ce pourquoi elle était à Waien…
Kartsa était supervisée par Téko Dyra, mais également par un chasseur de vampire indépendant, Isocrate Karanis. Cette dernière prenait très peu de pauses, ce pourquoi Christel ne pouvait se permettre de perdre la face. Quand elle affronterait Kartsa, elle voulait l'écraser à nouveau…

Christel prit une grande inspiration, refermant fermement ses deux mains sur le manche de la Jackal. Faire de grand mouvement avec cette arme lui était à présent si aisé… Elle fendait l'air sans difficulté, et cela l'épuisait beaucoup moins. Elle était forte ! Plus que n'importe quel Friedsang, et peut-être même plus que sa sœur. Personne, elle le savait, ne pouvait se prendre de plein fouet un coup et se relever quand elle portait cette arme. La Jackal n'était pas simplement une épée intimidante et dévastatrice, c'était également son bien le plus précieux.

Elle entendit, alors qu'elle répétait les mouvements qu'elle exerçait depuis des années, des bruits de pas. Quelques coup de canne lui firent vite comprendre qu'il s'agissait là de Téko Dyra qui s'approchait. Son entrée dans la salle confirma son constat, et elle stoppa ses mouvements en se retournant vers lui.

-Bonjour, fit il poliment.
-… Bonjour.
-Je vous ai entendue vous entraîner. On peut dire que vous mettez du cœur à l'ouvrage.

Elle ne pouvait pas sentir ce personnage… Au sens littéral et figuré. Téko Dyra n'avait presque pas d'odeur pour elle, à moins de se concentrer dessus, ce pourquoi Christel se demandait comment sa sœur se débrouillait pour le repérer comme si de rien était… Elle devait travailler sur sa concentration, encore. On pourrait la prendre par surprise un jour.
Dans tout les cas, elle n'avait pas particulièrement envie de voir cet homme.


-Que venez vous faire ici ? M'observer ?
-J'étais curieux de voir comment vous vous exerciez.
-Je me passerais bien de me faire reluquer par un vieil homme.
-Jouer la carte de l'agressivité ne vous servira à rien, Christel. Si vous voulez que je parte, dites le. Ca ne me pose pas de problème.
-Ah ! J'osais espérer que vous seriez au moins vexé ou que vous tenteriez de vous défendre… Mais qu'est-ce que j'ai de si extraordinaire pour éveiller l'intérêt d'un indifférent comme vous ?
-Manier une épée de cette taille n'est pas donné à tout le monde. Simplement car peu arrivent à en faire bon usage. Vous tirez avantage du poids conséquent de votre arme pour donner des coups puissants, ce qui n'est pas sans intérêt à étudier. La dernière personne que j'aie vu manier une arme si grande proportionnellement à sa propre corpulence était Fryma Bräam, et c'était il y a onze années. Bien sur, vous n'êtes pas aussi grande que lui alors votre épée n'est pas aussi grande également, mais cela est une prouesse impressionnante.
-Fryma Bräam ?
Fit Christel, soudainement intéressée. Vous avez rencontré un des fondateurs de l'inquisition ?
-J'ai connu rencontre plus agréable,
fit Téko en commençant à parcourir la salle d'entraînement, jetant son regard sur les armes qui y étaient exposées. Mais oui, je l'ai rencontré. C'était lors de l'opération Rapace Pourpre, en 58, là même ou j'ai été arrêté.
-On raconte que vous avez affronté l'empereur en personne.
-C'est vrai.
-Je suis forcée d'admettre que vous remontez dans mon estime. Fryma est un de mes exemples.
-Il n'y a pas de quoi. J'ai perdu ces combats, vous savez.
-D'ailleurs, pourquoi perdez vous votre temps ici ? Vous êtes censé superviser Kartsa, et je n'ai nullement besoin de vous.
-Kartsa est actuellement avec Isocrate. Je n'ai donc rien de particulier à faire en ce moment. Il m'est ensuite venu à l'esprit en vous entendant que suivre votre entraînement n'était pas une perte de temps. D'autant plus que j'avais à vous parler,
fit il en se retournant à nouveau vers la lycanthrope.
Je considère moi même qu'il n'y a pas à mêler travail et sentiments personnels, aussi, si je ne vous demande pas d'éprouver de la sympathie pour elle, vos menaces de mort envers Kartsa m'inquiètent. Quel que soit leur motif.
-Ah, je m'en doutais bien, fit Christel, moqueuse. Ne vous inquiétez pas, je ne compte pas la tuer si vous réussissez à en faire quelque chose.
-Cette réaction me paraissait exagérée.
-Pensez ce que vous voulez. La vie est un bien précieux, voir certains gâcher leur existence comme cela m'a toujours répugné. Particulièrement chez ceux dont la naissance offre de grande possibilité… Quand je les vois, se lamenter, alors qu'ils ont tout, j'ai toujours envie de les écraser. Car pour moi ils ne méritent pas de vivre.
-Vous n'avez pas de droit de vie ou de mort sur les gens.
-Je sais… Maintenant je le sais bien. Mais je suis un monstre. J'ai toujours pensé que, parce que j'étais une lycanthrope, il était normal d'avoir envie de les tuer. Que c'était ma nature. J'ai relativisé, mais je reste ce que je suis. Je sais que si je les tue pour un motif si petit, je le regretterais. Cependant j'ai toujours envie de les tuer malgré cela, et j'ai décidé de faire avec. Un homme qui se retient de voler n'en auras pas moins envie, même si il ne le fait pas, non ? Avoir des désirs ce n'est pas monstrueux, tout aussi absurdes soient ils. C'est humain. Je ne vois pas pourquoi j'aurais honte de cela.

Je n'irais pas assassiner Kartsa. Ce n'est pas mon genre, et je ne suis pas si stupide que vous le pensez, même si je suis impulsive. Disons simplement qu'un jour, je la défierais à nouveau. Et que je ne me retiendrais pas. Tant pis si alors elle ne tiens pas le coup.
Alors, rassuré ?
-Je ne suis pas là pour vous juger. Je dirais donc que, tant que vous ne blessez personne, cela me convient.
-Allons. Je parle, je parle, mais si je tranchais en deux tout ceux qui ne me plaisent pas, j'aurais déjà ma tête tranchée elle par Oswald depuis un moment et personne n'y aurait vu d'objection, rit Christel en posant sa lourd lame sur son épaule.
Je n'attaque personne comme ça. Les nuits de pleine lune, par contre, je peux faire un massacre...
-Je vois…
-Ne me fixez pas avec ce regard là ! Je plaisantais. Je sais quand même me gérer. Vous me prenez pour quoi, un ours ?
Enfin, ceci mis à part, comment se déroule l'entraînement de l'autre imbécile ?
-Nous partons presque de zéro, pour ce qui est de la politique et l'administration, et Isocrate revoit entièrement ses bases en combat. Ce n'est pas gagné.
-J'aurais pensé que la disciple de Lise Friedsang aurait plus de facilité.
-Kartsa est têtue. C'est réapprendre qui est plus compliqué pour elle. Mais tant qu'elle n'est point découragée, nous devrions obtenir des résultats.
Si je puis me permettre une question : que penseriez vous de quelques échanges ? Je connais l'escrime.
-Moi, contre vous ?
S'exclama Christel, comme si elle avait entendue une mauvaise plaisanterie. Ce n'est pas sérieux.
-Je plaisante rarement.
-Vous n'êtes pas trop vieux pour ça ? Vous avez une canne.
-Ca ? C'est pour l'élégance. Un conseil d'un ami.
-J'ai toujours cru qu'il fallait être un vieux croulant ou un aveugle pour en porter…
-Pas vraiment. Figurez vous que je suis en parfaite santé. Qu'en est il donc de ma proposition ? Ce ne serait qu'un combat amical, pas un véritable duel.

-Si vous n'avez pas peur que je vous tranche un bras par mégarde, pourquoi pas ? Répondit Christel avec un sourire, abaissant son épée.

Christel recula de quelques pas et sans plus attendre, se mit en garde, les deux mains sur la Jackal. Téko quand à lui, tira sur le sommet de sa canne. C'était bien entendu une canne épée. Christel en était persuadée, c'était bien le genre de cet homme. Cependant, ce n'était pas avec une telle arme qu'il stopperait sa lame. Téko, le regard toujours impassible, se mit en garde d'escrime haynailienne, sa main gauche dans le dos. Il était imperturbable, impossible pour Christel de dire si il était anxieux ou sur de lui. D'habitude, elle était capable de déterminer cela assez aisément.
La lycanthrope grimaça. Penser à cela ne l'avancerait à rien, elle devait laisser place à l'action ! La défaite n'était pas une option. Ce n'était pas parce qu'elle ne devait pas tuer son adversaire qu'elle pouvait se permettre de relâcher son attention.

Il lui suffisait de le frapper de la partie non tranchante de sa lame pour l'avoir. Christel engagea le combat en chargeant pour donner un coup de pommeau à Téko, mais ce dernier l'anticipa et l'évita d'un petit bond en arrière. Après cela, elle donna un coup latéral de sa lourd épée vers le côté gauche de Téko, qui évita le coup vivement, se retrouvant vers la gauche de la lycanthrope. L'homme tenta alors un coup de taille, mais elle releva son épée pour le bloquer, puis, une de ses paumes sur le plat de la lame de la Jackal, le repoussa pour se remettre en position d'attaque et relancer une offensive. Elle fit changer sa lame de côté et attaqua cette fois la droite de Téko, afin de repousser son épée. L'attaque ne visait qu'à lever sa garde, mais ce dernier se baissa tout en s'avançant, faisant glisser sa lame sur la Jackal, qui passa au dessus de sa tête. La seconde d'après, la pointe de la canne épée de Téko était contre la cuirasse qui protégeait l'abdomen de Christel.

-Vous m'avez pris de vitesse… Grogna la lycanthrope, enrageant. Ca me fait mal de l'admettre, mais vous remportez cet échange.
-Peut-être
, fit Téko en se redressant. Mais en combat réel ce coup n'aurait pas suffit à vous mettre à terre, et j'aurais été à votre merci. Ce genre de coup téméraire pourrait me tuer, je crois que ma fierté m'a un petit peu emporté.
-Vous êtes plus rapide que je ne le pensais. Mais ma sœur l'est bien plus encore. Elle ne vous aurait laissé aucune chance.
-Heilwig m'a en effet vanté les prouesses de Christa.
-Je n'ai pas gagné un seul combat contre elle
, fit elle avec un sourire un peu amer. Elle a toujours plusieurs coup d'avance sur moi, et s'entraîne pourtant bien moins… C'est assez frustrant.
-Certaines personnes sont douées, c'est ainsi,
fit Téko en rangeant sa lame. Christa a néanmoins tort de ne pas s'exercer fréquemment.
-Vous savez… Contrairement à moi, elle n'aime pas se battre. Ironique, pas vrai ?… Elle, qui ne veut que vivre en paix, c'est elle qui a le don pour tuer.
-Je n'aime pas me battre non plus.
-Comment ? Mais vous venez de me proposer une joute, et de l'emporter, qui plus est,
s'agaça Christel en s'appuyant sur sa grande lame maintenant plantée dans le plancher.
-C'était un combat amical. La violence me fait horreur, et j'essaye d'éviter les conflits… J'étais originellement contre ce genre d'enfantillages, d'ailleurs. Je crois que l'âge m'a ramolli.
Voyez vous, autrefois, quand j'étais un peu plus jeune que vous, je m'escrimais souvent avec une de mes amies. Ce genre de duel me rend un peu nostalgique.
-C'est bien la première vois que je vous entends parler de vous comme ça. Vous n'êtes pas un grand sensible, en vérité?
-Ce n'est pas tout
, fit Téko en posant ses deux mains sur sa canne. Après cette joute, je constate désormais certaines de vos faiblesses. De sorte que je sais désormais comment vous vaincre, même sans faire usage de magie.
-Vous êtes d'un fourbe…
-Je ne perds jamais mon temps.
Néanmoins, même avec cela, vous défaire ne serait pas aisé. Vous vous débrouillez admirablement bien, vous ne devriez pas vous sentir inférieure à Christa. C'est justement parce que vous aimez vous battre que vous pouvez la dépasser. Sans volonté, le talent est inutile. Il ne sert à rien de s'en vanter.
-Merci,
répondit Christel avec un sourire sincère, avant de tendre la main droite à Téko pour une poignée amicale. Vous valez mieux que ce que je ne le pensais. Je suis honorée de combattre à vos côtés.
-Et moi de même, Christel,
répondit Téko en lui serrant la main.
-… Mais vous souriez ! C'est aussi le conseil d'un ami ?
-Ah ! En quelque sorte.
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Message par DALOKA Sam 6 Avr - 19:31

Date originelle du post: 4 Aout 2016

Coyote




 Christa ouvrit les yeux, tirée de son sommeil par les premiers rayons du soleil. Elle vit alors le visage endormit, doux, serein, d'Heilwig, et sentit son torse nu sous son bras. Ils étaient tout deux dévêtus, dans les même draps. Ce n'était pas la première fois qu'elle se réveillait en ayant pour première vision le visage de celui qui était tout pour elle. Chaque fois, cela remplissait son cœur de bonheur. Elle aurait même voulu que chaque matin de sa vie commence ainsi.
Passant sa jambe par dessus le genou de l'homme qu'elle aimait, elle se colla à lui et caressa sa longue chevelure blonde avec un regard tendre, savourant son agréable odeur. Heilwig avait toujours l'air guilleret, et assez faussement… Mais cette expression de paix qu'il portait lors de son sommeil, seule elle pouvait la voir. Cela était son bien le plus précieux. Ce qu'elle avait juré de protéger.
 Malgré cela, pour l'heure, il lui fallait se réveiller. Elle ne pouvait être égoïste et le garder ainsi pour elle. Christa embrassa doucement, la joue d'Heilwig, puis, approcha ses lèvres de son oreille pour lui chuchoter doucement des mots qui leur étaient familiers à tout les deux. Lentement, calmement, peu à peu, il se réveilla, ouvrant son œil droit, clignant légèrement, avant de tourner son visage vers celui de Christa.

-Bonjour, dit Heilwig avec un sourire.
-Bonjour, répondit Christa en lui rendant ce dernier.
Elle l'embrassa chaudement, frissonnant au contact de leurs lèvres. Elle caressait tendrement la peau de son torse de sa main gauche, tandis qu'elle sentait celle d'Heilwig se poser sur ses hanches.
-Vous devriez un jour apprendre à vous lever tôt, se moqua t-elle gentiment. Imaginez que l'on sache que vous restez cloué au lit sans personne pour vous réveiller.
-Eh bien le peu que j'ai de réputation en tant qu'homme sérieux et laborieux en pâtirait…
-Mais je n'aimerais pas que vous changiez. J'aime avoir à vous réveiller
, souffla tendrement Christa.
-Ne serait-ce pas cependant un peu égoïste ?
-Peut-être… Mais après tout pourquoi pas ?

 Elle savait bien qu'elle ne pouvait pas abuser de ce genre d'égoïsme, un jour peut-être, mais pas pour l'heure. Heilwig avait encore beaucoup à accomplir, tout comme elle, et Christel également.
-Christa, j'avais quelque chose d'important à te dire, fit Heilwig d'un air plus sérieux, retournant son regard vers le plafond.
Je voudrais que toi et Christel accompagniez Téko Dyra et Kartsa à Waien, et assuriez leur protection.
-Est-ce réellement nécessaire ? Ils seront en présence d'Isocrate Karanis, et vous m'avez vous même vanté son expérience.
-Oui. Monsieur Karanis est une grande pointure, il est vrai, cependant… Peut-être que nous sous estimons nos adversaires. Lise s'est faite vaincre, et n'a même pas put battre en retraite… Je crois que son agresseur l'a laissée en vie en tant qu'avertissement. Sans compter qu'il a prit du temps à la mutiler. Si un vampire de ce niveau apparaît, je crains le pire… Ce pourquoi ils auront besoin de votre soutien. Originellement, je pensais envoyer uniquement Christel, mais elle est encore trop imprudente.
-Elle est bien plus forte que vous ne le pensez.
-Je ne disais pas qu'elle est faible… Mais elle manque de confiance en elle, au fond. Et elle est obsédée par l'idée de prouver sa valeur, aussi ! D'autant plus que j'ai peur qu'elle cherche à provoquer encore Kartsa. Voilà pourquoi il faudrait que tu y aille également… Et puis, vous formez un magnifique duo.
-Vous êtes juste inquiet...
-Mince. On ne peut rien te cacher,
rit Heilwig avec ironie.
-Je devrais m'inquiéter encore plus que vous, cela me fait honte… Très bien, j'irais.
-Merci Christa.
-Vous n'avez pas à me remercier, c'est mon devoir, après tout.
-Je pense que ce voyage sera fructueux pour vous deux. Nos prochains combats seront difficile, une telle expérience ne pourra que vous enrichir. J'ai une confiance absolue à Dyra et Karanis sur ce point là. Je les tiens en haute estime.
-Et vous ?… Vous vous en sortirez, seul ?
Fit Christa, soucieuse, appuyant sa tête contre l'épaule d'Heilwig.
-Bien sur. Je suis en sécurité, dans le comté Friedsang. Pour ce qui est des vampires en tout cas… Le seul danger serait qu'Oswald découvre tout notre plan, mais ce dernier me fait confiance. Il ne me pense pas capable de lui nuire, je ne sais pas exactement si je dois m'en sentir honoré ou insulté.
-La plupart des Friedsang pensent que vous n'êtes qu'un savant fou…
-Ont ils tort ?
-Si ils savaient qui vous êtes… Pourquoi vous vous battez… Parce que vous ne chassez plus les vampires, ils vous méprisent. Leur fierté les aveugle.
-Tu sais Christa, je ne me bats pas pour la reconnaissance. Tout ce que je veux, c'est que mon rêve aboutisse.
-Je le sais bien… Mais voir que tout le monde est aveugle…
-Ne dis pas n'importe quoi,
fit Heilwig avec un large sourire. Je t'ai toi, et j'ai Christel aussi. Vous avez toujours été là.
-Cela m'inquiète justement de vous laisser seul ici. Vous pourriez avoir des ennemis que vous ne soupçonnez pas, et vous n'aurez aucun allié pour vous défendre…
-C'est peut-être vrai… Mais je dois rester. J'ai plusieurs choses à faire. Premièrement, je dois régler ce problème : nous avons besoin d'allié. Il me faut convaincre des Friedsang et des membres des familles vassales, cela appuiera encore plus la légitimité de Kartsa en tant que comtesse. Enfin… Il faut que je convainque Oswald de me laisser voir ce qu'il appelle le ''joker '' de la famille.
-Vous parlez du vampire enfermé dans l'ancienne bibliothèque.
-C'est cela… Celui qu'on nomme Saint Eleison. Il me faudra le convaincre également.
-Comment voulez vous que je parte rassurée en entendant cela ?
Fit Christa, d'un ton bien plus sérieux.
-Christa… Je dois le faire. Tu le sais. C'est un combat que je dois mener.
-… Vous avez raison. Je n'ai pas envie de l'admettre, mais vous avez raison. En vérité...

Christa se pressa alors  encore plus contre Heilwig, approchant son visage du sien.
En vérité j'ai juste envie de passer plus de temps avec vous. Encore une fois, je suis égoïste.
-Tu pourrais l'être bien plus.

Avec un sourire, Christa se redressa sur son coude et, passant son autre bras de l'autre côté d'Heilwig, se plaça au dessus de lui, appuyée sur ses coudes et ses genoux.
-C'est une avance que vous me faites là ? Dit elle en plongeant son regard langoureux dans le sien.
-Peut-être… Répondit Heilwig en caressant doucement la joue de Christa. Je suis égoïste également.
-Dans ce cas vous me laisserez prendre un peu plus de votre temps…

 Sur ces mots, Christa l'embrassa goulûment à nouveau, avant de s'abaisser pour coller son corps entier à Heilwig. Il accepta son étreinte et referma ses bras sur elle, lui caressant le dos et les hanches. Ils refirent alors l'amour avec passion.

 Cela faisait six ans déjà qu'ils avaient ce type de relation. Personne d'autre qu'eux deux ne le savaient, et Christa faisait tout pour que même sa sœur l'ignore. Surtout elle. Christel ne devait rien savoir, cela la bouleverserait d'une manière qu'elle n'osait imaginer… Si sa sœur le savait, jamais plus elle ne les considérerait de la même façon, elle et Heilwig. Elle les détesterait. Ce pourquoi il fallait mieux qu'ils le cachent. Christa n'aimait pas dissimuler la vérité, surtout pas à ceux qu'elle aimait, mais plus que tout, elle ne voulait perdre ni Heilwig, ni Christa. A quoi bon sinon ? Son combat n'aurait plus aucun sens. Et sa vie non plus.

 Quand leur chaude étreinte arriva à leur terme, Heilwig partit, lui faisant confiance pour informer Christel et organiser leur départ. Il allait lui manquer, mais certaines choses devaient être faites.
 La jeune femme se leva et s'habilla. Contrairement à sa jumelle, elle appréciait porter d'autres vêtements que son armure. Christel ne se souciait pas vraiment de son élégance : c'était une guerrière née. Cela effrayait un peu Christa parfois, mais c'était ainsi qu'était sa sœur. Ceci la rendait plus robuste qu'elle sur certains points…

 Christa se souvenait. Ce qui l'avait autrefois blessée pendant longtemps, et ce que sa sœur avait enduré, ignoré. Cette blessure lui rappelait à quel point elles étaient différentes…
Elle se souvint de ce jour ou Heilwig l'avait blessée il y avait 4 ans.

Christel avait été enfermée pour une raison qu'elle ignorait. Bien évidemment, Christa était allée sur le champ la rendre visite pour connaître l'origine de cette sanction : elle savait que sa sœur pouvait agir au quart de tour, et s'attendait à ce qu'une telle chose arrive un jour de manière à lui attirer des ennuis. Christa n'était donc nullement surprise, bien qu'extrêmement agacée.

 Elle retrouva donc Christel dans les cellules du grand manoir Friedsang réservées aux petits criminels. On ne la jugeait nullement assez dangereuse, bien que lycanthrope, pour représenter une réelle menace. Cette dernière tirait une face ennuyée coudes sur les genoux et menton sur les paumes, assise sur le banc de la sombre cellule presque vide. Quand elle sentit sa sœur approcher, son regard se tourna vers les barreaux derrière lesquelles Christa apparaissait. Bien qu'irritée elle ne semblait nullement inquiétée par sa petite incarcération temporaire.

-Salut, fit Christel avec un sourire gêné.
-Tu t'es mise dans un sacré pétrin, ma sœur.
-Ca aurait put être pire. Je dois seulement passer la journée ici.
-Si tu me regarde comme ceci c'est que tu sais que tu es coupable
, dit elle en croisant les bras, adoptant une expression lourde de reproche. Cela nous fera gagner du temps. Qu'as donc tu fait pour qu'on décide de t'enfermer ici ?
-J'ai voulu frapper Oswald, voilà ! Pas grand-chose hein. Juste un coup de poing, qu'il ne s'est même pas prit d'ailleurs.
-Tu as quoi ?
Fit Christa, choquée.
-Tenté de frapper Oswald.
-Cela aurait pu être pire, tu l'as dit !
S'énerva Christa. Le connaissant j'aurais imaginé que ta sanction aurait été bien plus grande pour cela. Tu es folle ? Ne recommence plus jamais ça !
-Je sais, je sais,
soupira Christel avec lassitude. C'était stupide.
-Pourquoi l'as tu donc agressé ?
-J'avais mes raisons,
dit elle, ne voulant visiblement pas répondre.
-Christel, insista sa sœur avec un regard intimidant.
-J'avais demandé à parler à Oswald… Je voulais lui demander si il était possible pour nous de devenir un jour Friedsang.
-Evidemment.. Qu'a t-il répondu pour te mettre dans cet état, à part un non catégorique ?
-J'étais en colère. Terriblement. C'était pire qu'une insulte… Mais je me suis remise.
-De quoi parles tu ?…
-Après tout, ce n'est pas si grave. Je veux dire, ça ne correspond pas au type de vie auquel j'aspire. C'est peut-être même mieux, au fond.
-Mais de quoi tu parles ?
Dit elle, haussant le ton.
-Moi, ça ne me dérange pas tant que ça. Mais c'est un peu comme avoir une partie de soi en moins… C'est un peu bizarre.
-Cesse de m'ignorer !
-… Mais même si ce n'est pas si important pour moi… Je n'en sais rien pour toi, Christa…


… Après avoir apprise les paroles d'Oswald, Christa était hors d'elle. Heilwig leur avait menti… Tout ce temps… Tout ce temps elle s'était faite des illusions. Des rêves qui jamais ne se produiraient. Comment avait il pu ?
Ce jour, Christa hait Heilwig de tout son cœur.

Oswald avait répondu à Christel en la raillant, lui recommandant de rester à la place qu'elle méritait. Il avait également ajouté que le seul espoir qu'elle aurait put avoir de rentrer officiellement dans la famille était de parvenir à devenir la femme d'un Friedsang pour fonder avec lui une famille. Ceci était impossible, avait il renchérit. Non pas à cause de leur bas statut, ni même à cause de leur nature monstrueuse.

Christa était venue trouver Heilwig, folle de rage. Ce dernier sembla comprendre immédiatement la raison de sa colère. Christa était une personne assez contenue, mais l'expression qu'elle adoptait quand la fureur la prenait était réellement effrayante. Ses yeux semblaient réellement devenir ceux d'un monstre. Quand elle retrouva Heilwig dans son bureau, ce dernier se leva, mais trembla légèrement. Il avait toujours pensé que ce moment viendrait, sans doute, et qu'il devrait faire face à son propre mensonge.
-Heilwig, fit Christa, serrant les dents, à colère contenue.
Nous sommes stériles ?
-… Oui. Cela s'est fait quand vous étiez petites
, fit Heilwig d'un ton monotone, cachant son propre désarroi.
-Comment avez vous pu ? Comment avez vous pu laisser Oswald vous ordonner cela !
-C'était ma décision. Ma proposition de contrepartie pour vous garder en vie. Oswald autorisait mes expériences mais refusait tout risque que votre sang salisse un jour la famille, sachant que vous vivriez à proximité des Friedsang… Non. Il refusait même que votre lignée existe. Les Friedsang accordent une importance sacrée aux lignées. Ce pourquoi la possibilité que vous ayez un jour des enfants… N'était pas tolérable.
J'ai fait cela pour vous protéger.
-Et pourquoi nous n'en savions rien ?
S'emporta Christa en s'avançant brutalement vers Heilwig. Cela aussi était pour nous protéger ? Tout a une justification à vos yeux ?
-Il suffit, Christa ! Nous en parlerons plus tard, à froid. Tu n'es pas en état de comprendre.
-… Pas en état de comprendre ?…

 En un instant,Christa saisit alors Heilwig au cou de ses deux mains, plongeant son regard enragé dans le sien.
-C'est vous qui ne comprenez pas ! Rugit elle, se mettant à l'étrangler, les yeux noyés de larmes coulant sur ses joues. Cela fait deux ans. Deux ans que vous profitez de moi, que vous ne cessez de répéter que vous m'aimez ! Deux ans que je mens à tous sur nous, et vous n'êtes même pas capable de me révéler cela ? Vous pensiez que j'étais trop jeune pour comprendre ? A d'autre ! Vous me prenez pour une imbécile ! Je suis votre amante ou votre fille? Décidez vous, Heilwig ! Vous ne réalisez pas que je vous aime ? Que je vous aime comme une femme, et que cela fait deux ans que je me fais des illusions ?
  Je suis peut-être naïve parce que je suis jeune, mais je voulais les voir… Les enfants que j'aurais de vous…
Elle resserra l'emprise de ses mains sur la gorge d'Heilwig, incapable de réagir.
-Un garçon, une fille, peu importe… Je voulais les voir, je voulais les porter, être leur mère, être votre femme ! J'ai rêvé deux ans pour rien !
-Christa…
S'efforça t-il de dire, étouffé. Je… Je t'aime.
-… Ce n'est pas ce que je voulais entendre, Heilwig,
dit froidement Christa, relâchant d'un coup ce dernier.
Vous n'êtes même pas capable de vous excuser.

  Christa était partie ce jour là, la haine au ventre, et resta longtemps ainsi. Elle ne parla plus à Heilwig, sans que sa sœur ne comprenne exactement pourquoi. Elle s'était même mise à penser qu'il ne les avait stérilisées que pour profiter d'elle, bien que l'idée était absurde et nourrie de rancune. Le temps effaça cette haine, Heilwig s'excusa un jour à plat ventre, plein de regrets, et elle le pardonna.  C'est à partir de là qu'il commença à se confier à elle et que leur relation, bien que toujours secrète, devint autrement plus intime entre eux.
Peut-être ne pourrait elle jamais être mère comme elle le souhaitait, mais rien ne l'empêchait pour autant de vivre en paix à ses côtés, quand tout aurait changé, et quand il n'aurait plus à se battre. C'était là son vœu : passer ses jours au côté de l'homme qui était pour elle le monde. Poser ses armes et son armure, ne plus jamais les porter, tel était le rêve que Christa avait en tête jour et nuit, ce qui la motivait à vaincre et à souffrir encore.
Un jour, elle quitterait cette vie.

  Plusieurs années s'étaient écoulées, mais le rêve de Christa restait inchangé. A 21 ans, elle et sa sœur étaient encore jeunes et avaient tant à vivre. Elle mettrait fin à cette guerre, pour ne pas perdre plus de leurs futures années. ''Une vie est précieuse. Il est intolérable de la gâcher.'', ceci était un principe cher aux deux sœurs.

Ayant prévenu Christel du départ, Christa devait à son tour se prépara. Elle retourna dans sa propre chambre ou se trouvait son matériel. Jamais la famille Friedsang ne leur avait accordé une chambre plus grande qu'une cellule, ce pourquoi l'étagère où se trouvaient ses livres et le coffre où se trouvaient ses armes, ceci ajouté à son armure, remplissaient presque la moitié de la salle, à cause de la manie de cette dernière à ne pas utiliser les salles d'armes. L'autre moitié était remplie par son lit miteux.
Tout d'abord, elle fit de maigres bagages. Elle n'avait pas beaucoup d'affaires à emmener, aussi elle ne prit que quelques livres et potions. Après quoi elle enfila son armure, qui était le second cadeau que Heilwig leur avait fait.
Elle ouvrit le coffre et sortit de ce dernier un long et lourd coffret noir rectangulaire. A l'intérieur se trouvait le premier cadeau que Heilwig lui avait fait, quand elle avait alors treize ans. La Coyote.
Christa déverrouilla et ouvrit le coffret. A l'intérieur reposait une longue chaîne noire, disposant à son bout d'une longue pointe gravée de symboles runiques. En vérité, chaque maillon était gravé. C'était la chaîne enchantée, sa plus terrible arme. Sa pointe sombre était en vérité en chêne, arrangée pour être aussi solide que la roche. Une fois lancée contre un ennemi, cette chaîne visait toujours le cœur.
Pour un vampire, un coup au cœur d'un pieu de chêne était fatal. C'était une arme d'excellence pour affronter ces créatures… Mais elle n'était pas si aisée à manier. Il était vrai que l'on disait que cette chaîne visait le cœur, mais ce n'était pas exactement vrai. Si elle avait été forgée pour cela, la volonté du manieur devait guider cette dernière, elle ne restait après tout qu'une arme. Cela demandait une grande concentration et un sang froid exemplaire au combat, une qualité qu'elle possédait. Ce pourquoi sans doute, Heilwig lui fabriqua cette arme.
 Christa saisit de ses deux mains la chaîne et la souleva devant elle, la fixant un moment. Cette arme était horrible, mais c'était la sienne. Pour y renoncer, elle devrait l'utiliser, encore et encore, autant qu'il le fallait. Pour son rêve, Christa en tuerait dix mille.

 La lycanthrope serra les poing, et tendit la chaîne avec force.
Avec la Coyote, elle ne saurait être vaincue.


Dernière édition par DALOKA le Mer 10 Avr - 0:57, édité 1 fois
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Message par DALOKA Sam 6 Avr - 19:32

Date originelle du post: 26 Mai 2017

« … Deux problèmes majeurs font que ce vampire doit être identifié et éliminé au plus vite, même si il ne semble pas si fort individuellement. Premièrement, sa capacité à échapper aux chasseurs avec aisance. Deuxièmement, le grand nombre de civils qu'il abat, qui est alarmant. Un vampire n'a besoin que d'une victime par mois pour survive, mais on recense en moyenne 8 à 12 meurtre mensuels de ce dernier.
Ses méthodes de chasses sont d'une simplicité troublante. Personajes s'introduit dans des maisons de nuit, handicape sa victime en endommageant ou tranchant ses membres, puis l'emporte avec lui. Les cadavres sont parfois retrouvés dans des rivières, secs et décapités. C'est l'identification de ces derniers qui nous confirma la nature vampirique de Personajes. »

Extrait du Dossier sur le cas N°836, alias ''Personajes''. Rédacteur : Heilwig Friedsang.


Un Sang Maudit 1


-975…

Le vampire encapuchonné tenait entre ses mains une tête humaine. Une tête dénuée de tronc, posée sur ses genoux comme une balle. Elle avait appartenu à une jeune femme, une jeune femme banale. Il ne savait même pas son nom, mais elle avait de belles lèvres et surtout, de très beaux yeux vairons. Une qualité rare. Il y a quelques années, jamais il n'aurait osé approcher une femme trop jolie pour lui, même d'un milieu social égal au sien…

-… 982, 983, 984…

Il plongea ses longs doigts blancs dans les orbites de la damoiselle morte, afin d'en arracher un œil qu'il amena à sa bouche pour le lécher, en savourant la succulente saveur du sang. Il était bien content de pouvoir conserver les parties qu'il désirait. En comparaison à la succion du sang, manger une tête était un repas bien plus varié. Il y avait toujours quelqu'un pour aimer son fruit avec la peau, ou désirer les parties dont personne ne voulait. Le monde était bien fait.

-… 991, 992…

Mais il lui était plutôt difficile de se concentrer sur sa tête fraîche avec cette énergumène. Marty leva le regard de sa tête pour contempler avec incompréhension le spectacle sous ses yeux. Dans ce phare en ruine où le rez de chaussé prenait l'eau, elle avait décidé d'installer sa base temporaire. Il n'y avait cependant pas grand-chose à part des tas de livres, des rochers, et cette femme aux cheveux blancs qui, la tête en bas, faisait des pompes, tout en soulevant au sommet de ses jambes un bloc de pierre sans doute quatre fois plus lourd qu'elle.

-1001… 1002…

Mais voyant qu'elle ne s'arrêterait pas à 1000, Marty décida d'engager la conversation afin d'éclairer sa lanterne.

-… Pourquoi tu fais ça, au fait ?
Kazhaar le regarda un instant de ses yeux jaunes, avant de projeter le bloc de pierre en l'air d'une poussée de ses jambes, reprendre pied, et frapper ce dernier de son poing. Fissuré, le rocher fut séparé en deux. Sa main droite saignante de son propre sang guérit pourtant bien rapidement de cet immense choc.

-Franchement, ça ne correspond pas à ton image de t'entraîner, fit il en suçotant son œil. Et ça m'effraie.
-Mon petit Marty… Sourit-elle. Pourquoi penses tu que je chasse des tueurs Friedsang depuis quatre ans ?
-… Pour qu'il y en ai moins ? On n'aime pas trop ces gens là…
-Il y aura toujours des chasseurs de vampire, dit Kazhaar en haussant les épaules. Ils sont d'excellents sujets pour acquérir de l'expérience de combat.
-Mais t'es déjà grandement balaise.
-Voilà l'erreur que font la plupart d'entre nous,
déclama t-elle en levant un doigt. Il y a plus de dix ans, un mage et inquisiteur ont manqué de mettre fin à mes jours alors que j'étais certaine de ma victoire. Si je n'avais pas eu de la chance, je serais morte à ce moment là.
-Tu ne mange qu'un humain tout les un ou deux mois… Ta puissance n'augmenterait pas si tu en mangeais plus ? Vu que tu n'as pas peur des chasseurs.
-C'est ce que j'ai pensé Marty…


Les cheveux blancs de la vampires devinrent plus longs, jusqu'à atteindre le sol. Kazhaar s'assit sur ses cheveux vivants qui formèrent comme une chaise. Le vampire mineur lui, écoutant, achevait son œil.

-Il semble que j'ai déjà atteint mon potentiel maximum de puissance en buvant du sang. Ou plutôt, celui que j'ai toujours eu. Comment t'expliquer… Imagine que chaque vampire est une bouteille. Les seigneurs vampires sont les plus grandes bouteilles qui se trouvent être pleines. Chaque bouteille se remplit quand l'on se nourrit de sang, ce qui augmente notre puissance.
Moi, je suis une bouteille naturellement pleine. Je suis affaiblie quand je ne bois pas de sang frais pendant longtemps, mais c'est tout.

En d'autres termes, je ne peux que développer mes capacités actuelles.

-Je vois pas en quoi faire de l'exercice physique rend un vampire plus puissant…
-Tout juste. Le corps d'un vampire étant mort, il ne peut pas réellement se développer. Je suis surprise que tu le comprenne…
-… Te moques pas de moi parce que je sais pas lire.
-C'est justement dans un livre que se trouve un de mes moyens ! Contrairement aux autres vampires, mes fonctions vitales fonctionnent encore. Mais si mes capacités physiques sont décuplées par mes pouvoirs, je peux aussi augmenter mes capacités physiques naturelles… Imagine que la force humaine commune est à 100. Je ne peux pas passer de 4x100 à 5x100, mais je peux passer de 4x100 à 4x110, 4x120, etc. Essentiellement, la méthode est simplement différente.
-Euuuuh…
-… Bon,
fit la vampire avec lassitude en reposant son menton sur sa paume. Tu te souviens que j'ai perdu mes jambes contre ces deux humains ? J'ai donc pris à une femme les siennes pour les greffer à mon corps. Quand ces dernières s'étaient totalement adaptées, et que je les assimilai totalement, j'ai remarqué que leur force était légèrement supérieure à celle de mes précédentes. Même si la différence n'est pas immense, elle est significative. J'avais pris les membres d'une combattante entraînée. Avant ma vampirisation, je n'avais fait quasiment aucun exercice physique de ma vie.

Et c'est là que je me suis penchée sur ceci.

Une mèche de cheveux de Kazhaar vint saisir le livre ouvert au sommet de la pile. Marty savait qu'elle s'infiltrait souvent dans des bibliothèques pour emprunter des livres. Mais ceci sans autorisation… Même si elle les rendait, ce n'était pas plutôt du vol ?

-''Thèse sur le renforcement physique et mental''. C'est un livre écrit par un médecin et artiste martial bérilien, Fei Long. Il explique au chapitre 15 que les muscles endommagés peuvent devenir plus forts par la suite. C'est ainsi que l'exercice, en les mettant à l'épreuve, les font se rompre pour devenir plus tenaces. Un phénomène similaire se produit sur les os.
Bien sur, cela ne signifie pas qu'être blessé rend strictement plus fort, vu que certaines blessures graves peuvent endommager à jamais un membre. Quelqu'un qui se ferait broyer la main aurait grand mal à récupérer correctement… Cependant le problème ne se pose pas pour moi.
Je peux guérir de n'importe quelle blessure. Cela signifie que je peux me renforcer bien plus rapidement, même dans la limite de mon petit corps.
-C'est pas simple, devenir fort chez un humain. Jamais j'aurai pu devenir fort moi,
fit Marty en piochant le second œil de sa victime.

-Laisse moi te montrer. La pratique te démontrera l'efficacité de la théorie.

Kazhaar, dans un bond, se leva pour se diriger vers le mur derrière Marty. Sa chef avait toujours des idées effrayantes…

Cette dernière prit une grande inspiration et frappa le mur de son poing gauche. Le mur éclata, mais sa main se brisa tout autant, tout comme son poignet se tordit.
Puis, elle frappa quelques mètres plus loin du poing droit. Cette autre partie du mur subit le même sort, ruinant un phare déjà en piteux état, mais Kazhaar n'avait que le poing en sang.

-J'utilise toujours le poing droit pour frapper. Voilà la différence… Il faut donc que j'entraîne autant mon poing gauche.
A l'aide de ces méthodes, je dois avoir les capacités physiques d'un seigneur vampire… Mais il n'y a pas que cela. Apprendre des techniques humaines, étendre l'usage de mes cheveux, tout cela fera de moi une combattante bien supérieure.


-Tu veux affronter un seigneur ? S'angoissa Marty, craignant surtout pour sa vie à lui si sa protectrice mourrait.
-C'est dans mes projets oui, sourit Kazhaar. Si possible, cette pédante Refinia. Mais mon corps n'est pas encore totalement au point. Ma main gauche doit atteindre le niveau de ma main droite. Et enfin… Je n'ai pas encore testé mon atout sur quelqu'un.
Néanmoins, je comprends mieux mes aptitudes. Mon véritable pouvoir n'est pas ma chevelure, mais l'entièreté de mon corps. A l'aide de technique, je pourrai tuer plus puissant que moi.


-Je sais pas… Ca m'a l'air imprudent cette histoire…
-Bien sur, ce n'est pas pour tout de suite. Il faut d'abord que j'observe la différence… Je dois affronter un adversaire à cent pour cent de mes capacités.
-Hmm… Moi, je n'aime pas me battre.
-Moi non plus Marty,
fit elle avec un grand sourire en lui donnant une tape dans l'épaule qui lui brisa les os, lui faisant pousser un cri soudain de douleur.
Mais j'aime gagner.

-Je me demande, fit un Marty à l'air peiné, En quoi je te suis utile ? Je ne suis pas si fort, ce n'est même pas toi qui m'a vampirisé, et je n'ai pas la meilleure des conversations.
-Je pense qu'en grande partie, les vampires restent humain. Et en cela, nous avons besoin de compagnie. Bien sur, tu es un rustre, mais ce n'est pas comme si tu pouvais me faire du mal.

Il était vrai que si il devait tenter d'agresser cette dernière, il mourrait dans l'instant sans avoir pu faire quoique ce soit. Sa résistance ne lui permettrait jamais d'être plus tenace que ces murs. Il paraissait que le sang de Kazhaar était d'un goût exquis et particulièrement puissant, mais pour Marty cela était trop peu pour risquer sa vie. Il préférait manger dans la main des forts que mordre la leur.

-D'ailleurs chef, tu as un gamin non ? Il ne te manque pas trop ?
-Bien entendu qu'il me manque. Mais mon mari semble vouloir l'éloigner de moi… Un conflit familial trivial, rien de plus. Je reverrai Seth quand j'en aurai fini ici. J'espère qu'il va bien…
-C'est drôle,
dit avec un sourire Marty, j'ai tendance à oublier que tu es une vieille peau de plus de 40 ans…
-N'est ce pas ? Se réjouit elle, flattée. Je suis la chose la plus adorable en ce monde après mon fils.
-Je vais pas te contredire,
fit le vampire en arrachant avec nonchalance le nez de la tête qu'il n'avait pas lâché.
-Oh, ce n'est pas comme ton opinion comptait beaucoup.


Après ces mots, la vampire s'avança vers les livres. Tandis qu'elle étirait ses bras, ses cheveux s'activaient à ranger les livres correctement.
-Dépêche toi de manger. J'en ai fini ici, nous partons donc.

Marty regarda sa tête en soupirant, avant de mordre à pleine dents la bouche du cadavre pour en sucer tout le sang. Quand cette dernière fut si sèche que l'on pouvait en décoller la peau avec les doigts, il la jeta par le trou qu'avait fait Kazhaar dans le mur. Ce dernier prit ensuite dans son manteau un objet blanc. Un dôme de la taille d'un visage, percé au milieu d'un grand trou.

Le vampire mit son masque. Il fallait repartir en chasse, si la chef le disait.
-On va où ?
-Nous laissons ça ici et allons traverser la frontière cette nuit, nos amis nous attendent là bas… Je vais rendre une petite visite aux Friedsang.
-Je vais encore risquer ma vie moi…
-Je ne m'inquiéterais pas à ta place. Tu es Personajes, n'est-ce pas vrai ?
-Ouais, ouais…

Dans la nuit, l'être encapuchonné et la jeune fille quittèrent le phare, en direction de nouveaux désagréments.
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Message par DALOKA Sam 6 Avr - 19:33

Date originelle du post: 4 Juin 2017

Un Sang Maudit 2

Après de longues négociations le comte Oswald Friedsang avait accepté qu'Heilwig obtienne l'autorisation de rencontrer la créature cachée dans le sous sol du domaine. Eleison, le saint devenu vampire, le tout premier apôtre de l'ordre haynailique. Le vampirologue se demandait bien quelle singularité pouvait il avoir pour que même lui doive tant batailler pour une entrevue. Mais ses arguments étaient venus à bout de la méfiance de son oncle.

Heilwig attendait comme convenu Oswald à l'entrée du couloir des interdits. Il s'aventurait souvent à l'intérieur mais il restait proscrit à un Friedsang seul d'en ouvrir la porte. De telles mesures de sécurité étaient essentielles car un examen sur un vampire était parfaitement susceptible de dégénérer. Parfois, il arriva aussi que des Friedsangs furent convaincus d'aider à la libération d'une créature.

Heilwig se leva quand il entendit Oswald, l'air toujours aussi rigide, descendre les escaliers. Allant à sa rencontre, il lui serra la main avec politesse. Chez les Friedsang, le rapport au comte était plus celui avec un supérieur hiérarchique qu'avec un parent.

-Vous ne portez pas d'arme.
-Je ne m'abaisserai pas à cela. Si vous avez peur allez donc chercher vous même une épée longue.
Heilwig, haussant les épaules, inséra la clef dans l'immense verrou circulaire de fer, et dans de multiples cliquetis, elle s'ouvrit. Le fameux couloir s'aligna alors devant eux. Étroit, il ne devait recueillir qu'une poignée de cellules : c'était là que l'on enfermait les pires prisonniers qui étaient faits lors des chasses.
Oswald s'avança le premier et Heilwig vint à sa suite. Le vampirologue savait très bien ce qui se trouvait derrière les barreaux d'argent. Des créatures affamées et au bord de la folie, mais nul homme saint d'esprit également ne se jetterait dans cette sinistre salle. Les monstres se montraient apathiques et restaient cachés dans l'obscurité tandis qu'Oswald ne leur adressait pas un seul regard. Heilwig connaissait chacun des prisonniers du domaine Friedsang, et, en silence, prenait en pitié ces monstres.

Quand Oswald passa devant la sixième cellule, une main pâle et griffue se jeta alors entre les barreaux comme pour saisir le comte, qui n'était nullement à sa portée, et restait sévère comme flegmatique. Le bras, pour passer à travers les barres peu espacées, avait dû se broyer contre l'argent, et sa chair en était partiellement noircie.
-Oswald… Vomit une voix féminine dans la cellule. Quel plaisir de te revoir…
Heilwig, surprit, avait reculé d'un pas, mais le comte ne fit qu'adresser un regard plein d'indifférence et de mépris.
-Je vais sortir, reprit la voix dans un rire étouffé. Je vais sortir et tu n'imagine même pas combien je jouirai de ton malheur ! Tout ceux dans ce bâtiment mourront…
Elle ne put finir sa phrase, car Heilwig incanta sur son bras un sort d'incinération. Son membre ainsi dévoré par les flammes, elle se retira dans sa prison en gémissant de douleur. Oswald lui, avait continué son chemin sans écouter la vampire.

-Naquanda est une vampire majeure très puissante, dit il à son oncle, une fois sortis du couloir. Vous êtes trop imprudent.
-Heilwig, si je me présentais ici armé, ces vermines auraient l'indécence de croire que je les crains. Ils doivent bien comprendre que leurs espérances sont nulles, et que leur race est insignifiante.
-Très bien, admettons que cela est nécessaire… Naja Naquanda est une vampire majeure de presque un siècle, vous l'avez affrontée, je n'ai rien à vous apprendre sur ses aptitudes. Il serait plus raisonnable de l'exécuter.
-Ah ? Et pourquoi donc ? Risque t-elle de poser un problème, enfermée ici ?
-C'est que, selon les règles de détention, nous avons ordre de supprimer les vampire majeurs après un maximum d'un mois d'emprisonnement.
-Tant qu'il y a de la place dans ce couloir, elle restera ainsi. Telle est ma décision.
-… Je serais très franc avec vous, monsieur, nous n'avons aucun intérêt à garder ici des vampires dans l'unique but de se délecter de leur souffrance.
-Vous cachez votre pitié sous des intérêts logistiques,
sourit sèchement Oswald. Je n'ai que faire de votre tendresse. Je tiens plutôt à savoir quand cette vampire entrera dans le même état de dessèchement mental que le reste du couloir. Si le sujet vous dérange tant, écrivez un rapport détaillé et nous y repenserons.
Passons à autre chose, voulez vous.

Ils descendirent les escaliers au bout du couloir, ce qui les conduit à une immense porte de métal, bien plus massive que celle de l'entrée. Entièrement noire, elle était recouverte d'une série de mécanismes complexes et animés par la magie, qui se mêlaient aux multiples gravures religieuses qui tapissaient la surface de fer.
-J'ai la clef avec moi, dit Oswald, la cherchant dans sa veste. Et vous allez ouvrir la porte.
-Je le veux bien, mais je ne comprends pas cette requête.
-Taisez vous, et regardez.
Oswald tendis une chose incarnat à Heilwig, et il réalisa avec horreur ce que ce dernier lui désignait. Une clef blanche entourée de chairs, de nerf et de muscles encore vifs, comme si elle était elle même un organisme vivant. Il comprit que la clef avait été en vérité taillée dans un os, mais ne put concevoir comment ces amas organiques informes pouvaient s'y attacher et palpiter ainsi.
-Vous feriez mieux de porter des gants comme moi.
-… Messire Oswald,
dit Heilwig dans un rire faux et apeuré, l'usage de cet objet ne serait-il pas dangereux ?
-Vous vous posez trop de questions,
siffla t-il, voilà pourquoi je ne vous informais de rien. Il est plus raisonnable que vous utilisiez un objet peut-être dangereux à la place de votre supérieur. Je vous dédommagerai si problème il y a.

Peu confiant, Heilwig sortit des gants de son habit et prit la clef. L'objet ne le répugnait pas, mais l'interrogeait trop pour qu'il puisse rester serein… Le regard d'Oswald néanmoins, se faisait pressant.
Le vampirologue inséra la clef d'os dans la serrure. Les gravures, alors, s'illuminèrent de doré, et les mécanisme s'enclenchèrent dans une symphonie de cliquetis. Heilwig crut entendre des chants graves venir de la porte, tandis qu'elle s'ouvrit naturellement. Oswald, ouvrant la marche à nouveau, passa sans crainte entre les deux plaques massives de fer, et Heilwig, suivant ses pas, s'y engouffra à nouveau.
La grande salle, massive pour un lieu sous le manoir, avait l'air de deux choses. L'air d'une salle du trône, par ses dimensions grandioses et sa forme rectangulaire construite comme un immense couloir, et l'air d'un laboratoire par la multitude d'appareils et d'ustensiles qui peuplaient le lieu, leur acier noir entachant presque la noblesse du lieu. Heilwig reconnut là des appareils d'hémologie, de par les nombreux objets cylindriques et sphériques qui étaient consacrés au stockage et au filtrage du sang. Mais l'hémologie était un art macabre, et voir autant de ces objets, même sans savoir qu'ils étaient pleins ou non, mettait Heilwig mal à l'aise.
-Quelles types de recherches sont effectuées ici ?… Pourquoi n'en ai-je jamais été informé ?
-Taisez vous donc un peu. Les runes éclairent mal le lieu, mais l'on approche du fond… Vous comprendrez quand vous le verrez.

Cela ne le rassurait nullement. Le clown ne se sentait guère d'humeur à plaisanter, et si il ne soupçonnait pas Oswald capable de lui tordre le cou, il oserait s'offusquer contre son ignorance. Quels vampirologues étaient donc impliqués dans cette mascarade ?

Plus ils s'approchaient du bout de la salle, plus le mystère se faisait clair. Car au fond se trouvait bel et bien un trône, où était assise une silhouette… Inerte. Nul vampire imposant, mais à la place, un corps pâle et desséché d'un grand vieillard dans des grands habits ecclésiastiques poussiéreux. Heilwig avait étudié de nombreux vampires, et il ne pouvait penser que cette chose en était un. Les corps des vampires morts se putréfiaient à vue d'œil et étaient quasiment impossibles à conserver, et pourtant, ce qu'il avait en face de lui avait bien l'air mort. Mais une autre chose attirait son regard : les multiples tubes métalliques, qui perçaient le dos du vieillard courbé… Pour en extraire, à ne pas en douter, son sang.
-Voici Eleison. N'êtes vous pas déçus ? Railla Oswald en croisant les bras.
-Je… Vous me devez des explications, monsieur le comte. Quelle est cette chose ?
-Je viens de vous le dire. Vous n'êtes pas sans savoir la légende qui dirait que le saint des saints, Eleison, fondateur de l'Ordre Haynailique, s'est retiré du monde après avoir été victime d'une terrible malédiction. Cela fait 35 ans que nous avons récupéré ce corps, dans une crypte où il s'était reclus… Nous nous attendions, comme vous, à un vampire surpuissant de plusieurs siècles. Nous n'avons trouvé que ceci. Son corps, tout le confirme, mais dans un état… De sommeil.
-Il n'est donc pas totalement inactif.
-C'est pour ça que cette porte est utile. Il est ici totalement isolé du monde.

-Je comprend bien le désir de l'isoler… Mais que faites vous exactement, avec cette créature.
-Sa singularité est étudiée. Et elle est terriblement intéressante… Suffisamment pour que j'investisse dans ces expériences. Eleison a une singularité d'hémomancien… Bien que nous ne savons pas si il serait capable de s'en servir soi même.
Normalement le sang d'un vampire est nocif aux humains… Mais celui d'Eleison agit de manière différente. Si le sang vampirique est dangereux à l'homme, c'est que l'introduction d'essence dans un corps doté d'âme est contre nature.
-Une âme ne peut s'entendre avec l'essence, et cette dernière tentera donc d'affaiblir l'autre pour la remplacer…
-Et si elle réussit, le corps humain, non fait pour survivre par l'essence, périt. Cela, comme vous le savez, cause un sévère traumatisme physique au corps, pendant qu'âme et essence luttent… Ici, l'essence a pour effet de conférer une forte capacité de guérison au corps, guérissant donc les séquelles physiques de la lutte interne. En résulte donc un corps qui, s'étant abîmé et régénéré à de multiples reprises, devient bien plus fort. Les muscles atteignent leur pleine forme, tout comme les os, qui deviennent plus solides, les articulations, qui deviennent plus souples…
-Je vous arrête de suite,
dit Heilwig, déboussolé. Vous êtes en train de me dire que vous drainez le sang de ce vampire… Pour créer des soldats augmentés ?
-Vous avez bien saisit l'idée. L'inquisition poursuit de telles expériences depuis plus longtemps que nous, mais nous possédons le monopole de la vampirologie ! Nous seuls, les Friedsang !
-Cependant, vous l'avez dit, une telle expérience conduit à la mort du sujet.
-Pas si nous trouvons l'exact dosage de sang et une âme assez forte pour que la lutte entre les deux forces ne s'achève jamais… Nous pourrions même atteindre un état de cohabitation entre l'essence et l'âme. L'avantage de cela, c'est d'être remarquablement plus rapide que les expériences inquisitoriales, qui s'effectuent sur des fœtus ou des nouveaux nés. Si nous vendons ceci au gouvernement… Réalisez vous ? Un procédé pour transformer n'importe quel guerrier en machine de guerre !
-… Vous avez décidément perdu la raison,
dit le vampirologue d'un ton grave.
-La chasse aux vampires ne paye plus, vous le savez.
-Pensez vous sérieusement qu'un procédé si immoral et hasardeux fera bon commerce ? Vous n'êtes pas si idiot…


Oswald émit un rictus d'agacement. Heilwig était désemparé par son comportement, à ses yeux beaucoup moins rusé qu'il n'y paraissait… Avaient il le moindre réel contrôle sur la force entre leurs mains ? En vampirologie, un concept essentiel était bien la conscience des risques. Voilà tout ce qui les séparait vraiment des inquisiteurs ! Oswald bafouait tout ces principes… Pour de l'argent ? La famille avait des terres, avait du renom, et les caisses n'étaient pas vides. Si il voulait tant devenir riche, qu'il devienne un réel commerçant !
Le comte, frappé de silence, tourna le dos vers le cadavre. Il était sur de lui, comme il l'avait toujours été… Mais n'avait plus le sens des réalités. Il fallait que Kartsa devienne comtesse, au plus vite, ou ce serait la ruine de la famille…
Mais un doute terrible transperça l'esprit d'Heilwig. Il tourna les talons, et retourna vers la porte.
-Déjà parti ?… N'avez vous pas tant de questions?
Les mains du vampirologue se faisaient moites quand il atteint la porte… Et l'examina des deux faces avec une grande attention.
-Vous avez bien dit que cette porte servait à empêcher le vampire de sortir.
-C'est exact,
dit Oswald, s'approchant rejoindre Heilwig.
-Mais tout près, se trouvent une dizaine de vampires dangereux. Il y a donc bien une double mesure de sécurité pour les empêcher eux aussi de forcer la porte…
-Merci de me couvrir de vos fabuleux constats!
Eclata t-il, agacé. Je vois que vous n'avez rien d'autre à faire. Devrions nous donc partir sur le champ ?
-… Oui. Cet endroit me donne la nausée,
rit il à voix haute. Prendre l'air me fera le plus grand bien.

Il y avait sans aucun doute un sort anti vampirique sur la porte… Et c'est pour cela qu'Heilwig n'osa pas poser sa question qui, en vérité, dépassait toutes les autres. De l'identité des autres vampirologues au moyen qui leur permit de découvrir ce corps…
Pourquoi Oswald lui avait il demandé d'ouvrir cette porte ?
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Message par DALOKA Sam 6 Avr - 19:35

Date originelle du post: 30 Juin 2017

Un Sang Maudit 3

Oswald rangeait scrupuleusement ses dossiers ; des dizaines et des dizaines de feuilles, de contrats, de documents sur des cibles, de traités de vampirologie… Tant de choses qui étaient à présent inutiles. Le comte Friedsang sourit, mettant pour la dernière fois ces papiers dans l'armoire.  La lumière du soleil, agressive, perçait à travers les rideaux de la grande fenêtre.

 Des pas se faisaient entendre. Ils montaient les escaliers, et étaient tendus. Oswald évalua leur nombre à trois, et ils s'approchaient rapidement. Il était évident que quelque chose clochait, pour qu'on s'avance d'un tel pas vers la porte du maître des lieux. Cette dernière ne tarda pas à s'ouvrir, révélant Heilwig Friedsang accompagné de deux chasseurs. Oscar et Wolfgang étaient tout deux des vétérans aussi respectés qu'expérimentés… Et ils étaient venus équipés.
 Haussant un de ses sourcils blancs et broussailleux, Oswald jeta son regard vers ceux qui n'avaient même pas frappé avant d'entrer. Ces derniers affichaient chacun une figure sérieuse. Bien qu'enveloppé, Oscar était un colosse imposant au double menton et à la force considérable, tandis que Wolfgang, plus jeune, avait néanmoins assez de cicatrices sur sa face pour attester de son vécu. Cependant, c'est Heilwig qui s'avança le premier.
-Monsieur le comte, selon le quatorzième article des mesures d'urgences, nous devons vous placer en interrogatoire immédiatement, dit il fermement.
-Quelle audace, siffla Oswald, s'asseyant sans montrer aucun signe de menace, et toujours désarmé. Puis-je au moins être informé des raisons de l'application de cette mesure ?
-Il m'est permis, en tant que vampirologue, de remettre en cause la légitimité de votre place si vous êtes soupçonnés d'être en lien avec une créature maléfique. Je possède les signatures du conseil des Blancs. Une dizaine d'entre eux a révisé et approuvé mon dossier. Nous avons l'autorisation, si il le faut, d'utiliser la forcer pour vous appréhender.
-Assez de votre logorrhée administrative,
fit il sèchement, poings sur la table. Je ne veux même pas voir vos signatures ou quoique ce soit écrit de vos mains. Dites moi donc clairement : de quoi me soupçonnez vous ?
-Je vous soupçonne d'avoir effectué sur vous une mutation à l'aide d'essence, tout comme je remets en cause votre légitimité à dissimuler des recherches ainsi que les noms de tout les vampirologues concernés par ces dernières.
- Il n'y a pas besoin de passer pas toutes ces procédures
, intervint Oscar, tirant sa lame d'argent de sa ceinture.
 Mon oncle, êtes vous devenu un vampire, ou non ?
-Avez vous été entraînés ici ?
répondit il, écarquillant les yeux d'étonnement dans un sourire. Comment aurais-je pu me dissimuler si longtemps, jusqu'à gagner une apparence humaine, et assurer malgré tout ma présence régulière ?
-Voilà pourquoi
, reprit Heilwig en baissant l'épée du chasseur, je pense que vous avez utilisé le sang du cadavre sur vous. Et je veux que vous nous dites tout au sujet de ce dernier, pas que vous emportiez ces secrets dans votre tombe.
-Je vois. Il fallut que je vous tendisse la main pour que vous vous rendiez compte de quelque chose
, fit il, moqueur. Je suis lassé de ce petit jeu : esquiver tout l'argent du manoir est réellement une épreuve en soi.
-Le chien !
Grogna Oscar. Etes vous tombé si bas, mon oncle ?
-Pardonnez moi de vous décevoir, tout les trois, mais j'ai bien peur que nous n'ayons aucun lien de parenté.

 Alors, sous les yeux horrifiés des Friedsangs, le visage du comte se déforma, comme si sa chair était liquide. Son grand corps devint plus maigre, et ses cheveux pâles se noircirent, tandis que sa face prenait une forme bien différente. Maintenant, Oswald avait l'air d'un bel homme aux cheveux noirs, et aux yeux d'un jaune brillant.
 Un seul vampire pouvait ainsi changer d'apparence, et Heilwig se souvint sans peine des documents sur lui. Lucius Fledermaus, capable d'imiter à la perfection tout ceux dont il avait déjà goûté le sang, se tenait assit à la place d'Oswald, et bien que seul, s'affichait en grand vainqueur devant les chasseurs de vampires. Si Heilwig ne prenait pas la parole, les prochaines secondes seraient un bain de sang, et il ne saurait rien.
-… Oswald est mort, je présume. Depuis quand l'avez vous remplacé ?
-Qui sait ?
Haussa t-il les épaules.
-Ne jouez pas avec nous. Vous êtes à présent à notre merci, et votre plan cesse ici de se mouvoir, quelqu'il soit.
-C'est regrettable en effet
, dit le vampire, ne semblant guère intimidé. Regrettable que vous ayez quelque tours de retard. Pensez vous vraiment que je vous aurais laissé voir le cadavre avant d'avoir achevé ce que je désirais ? Il y a une raison pour laquelle j'ai tant retardé ce rendez vous à un vampirologue tel que vous.
-Qu'avez vous fait exactement ?
-Tout ce que j'avais à faire ici. J'ai recopié tout les dossiers de la famille, et les ai envoyé autre part. Vous vous doutez bien que le corps du saint n'est également plus ici…
-Dans ce cas, nous vous soutirerons ces informations.
-Il est vrai qu'il fait jour, hélas,
fit Lucius en acquiesçant. Mais je ne suis pas moins cerné que vous. Pas plus que je ne suis surpris de votre présence… Souvenez vous, j'ai accès aux clefs. A toutes les clefs.
-Malédiction…
Souffla Heilwig avec surprise, avant de se tourner, l'air paniqué, vers les deux chasseurs Friedsang. Les cellules pourraient être ouvertes !
 Comprenant immédiatement la situation, Wolfgang, après un geste bref du menton, sortit dans un pas pressé, dans le but de prévenir tout le domaine de la situation.
 
   N'en pouvant plus d'attendre, Oscar chargea vers le vampire toujours assit, un air cynique au visage. L'épée d'argent traça un croissant vers le cou de Lucius qui, se renversant en arrière sur sa chaise, évita le coup pour   se redresser après une roulade sur le sol. Le chasseur, furieux, sauta par dessus le bureau, les yeux injectés de sang.
-Reculez Heilwig ! J'en fais une affaire personnelle !
-J'ai bien peur de ne pouvoir répondre à vos avances,
lâcha Lucius, reculant lentement. Je préfère me faire désirer…
 Le vampire sauta en arrière, et le chasseur ne fut assez vif pour l'attraper avant qu'il ne passe à travers la fenêtre ouverte sous la force du bond. Oscar courut vers cette dernière, mais quand il observa la cour, Lucius disparaissait déjà, et le lieu était trop haut pour qu'il saute en toute sécurité.
-Le chien !… Gémit Oscar, serrant le rebord de la fenêtre. Notre oncle, décédé depuis si longtemps !…
-Reprenez vos esprits
, signala Heilwig. Vos compétences seront plus utiles pour sécuriser le couloir… C'est fâcheux, mais nous devons le laisser filer et espérer capturer un de ses complices.
-Très bien,
fit il. Allons rejoindre Wolfgang et faire de la bouillie de ces créatures.


  Dans le couloir des interdits, toutes les cellules avaient été ouvertes par un homme. Un vampirologue à la solde d'Oswald, qui s'était éclipsé aussitôt sans demander son reste devant les vampire ébahis. Tous surpris sauf une. Naja Naquanda sortait la première, dévoilant à la lumière des torches un corps blanc, maigre, et sec. Dessous des cheveux noirs sales en bataille, se dévoilait un visage à l'air fatigué, mais aux yeux jaunes brillants d'une flamme de rage. Les autres vampires sortirent, tous dans un état comparable, laids, blessés, et décharnés. L'Un d'entre eux, reconnaissant Naja comme la seule vampire majeure, l'approcha.
-Connaissez vous une voie pour sortir en sécurité? Dit il avec empressement. Je vous en prie, guidez nous…
 Mais le vampire ne put finir sa phrase, car elle le saisit au cou, le soulevant d'une main. Voyant sa face plus clairement, il vit que le bas de son visage était couvert de cicatrices, formant de multiples becs de lièvre. Il était difficile de voir autre chose que de la colère dans cette bouche macabre, mais elle exprima alors un grand sourire.
-Tu te prends pour qui ? Un honnête citoyen ? Tu n'as pas l'air assez dangereux pour être ici… D'où viens tu ?
-Waien,
dit il, étouffé et paniquant.
-Ah, un compatriote. Très bien. Tu as fait ton service, soldat ?
Il acquiesça lentement.
-Alors ouvre grand tes oreilles. Cela vaut pour vous tous. On ne sortira pas en finesse sans se faire attraper… Nous allons donc nous enfuir en faisant un maximum de dégâts.
-C'est ridicule,
intervint sèchement un autre vampire. Nous sommes trop faibles, ils nous faut nous cacher…
-Oh, toi. Toi t'es une grande gueule, hein ?
-Ce n'est pas le moment de se battre…
-Exact, c'est pour ça que vous allez suivre mes ordres. Tous. Ainsi je vous garantis que la plupart d'entre vous s'en sortirons vivants.


 Elle finit par libérer le pauvre vampire de sa poigne, et toute la salle finit par tomber d'accord, bien que moyennement convaincue. Ils étaient tous affamés, et se séparer n'était pas une bonne idée pour affronter les chasseurs. Satisfaite du succès de son opération, Naja fit craquer son cou par deux fois. Ce jeu organisé avec Lucius touchait à sa fin, et elle avait joué son personnage jusqu'au bout, comme ce dernier… Maintenant, elle pourrait enfin casser du chasseur de vampire. Son équipe était faible, mais reprendrait vite du poil de la bête à la première victoire. Alors il ne serait pas difficile de tuer quelques uns de ces chasseurs perturbés, même au prix de quelques un de ces vampires…

  Naja passa à travers la porte ouverte du couloir. L'escalier serait facile à défendre, et les bancs de la salle d'entrée pouvaient servir de protection.
-Nous allons tenir cette position jusqu'à la tombée de la nuit à l'extérieur. Je veux que deux des plus forts d'entre vous utilisent les bancs en tant que bouclier contre l'argent, nous allons rester sur la défensive. J'ai aussi besoin de quelqu'un avec une bonne ouïe.
  Les neufs vampires affaiblis, tous de différent âge, origine et sexe, mettaient chacun leur fierté de côté pour unir leurs forces. Si ils avaient été bien enfermés dans ce couloir, ils valaient quelque chose, même si la captivité avait étourdi leurs esprits autant que leur corps.
-Pensez vous réellement que nous serons capable de tenir cet escalier ? Demanda une autre vampire, s'approchant de Naja. Il n'y a pas d'arme ici.
-J'ai songé à cela. Nous allons fendre le mur et en récupérer des morceaux, que nous lancerons sur nos ennemis. Par ailleurs, vous me laisserez le premier mort que nous ferons.
-Je pense que nous serions tous ici partisans du partage de ce dernier…
-Du calme. Je ne vais pas vous abandonner… Quand je serais en forme, nous pourrons leur tenir tête, plus que si tout le monde regagne un peu d'énergie. Je vous donnerais les autres cadavres. Comprenez le bien : nous sommes en territoire ennemi. Si nous ne travaillons pas tout les dix, nous sommes morts. La plupart des chasseurs ont été envoyés en mission par le comte, mais ceux restant ici ne sont pas des plaisantins. Et cette fois, ils ne feront pas de prisonniers…
-J'entends des pas !
Fit un des vampires qui tendait l'oreille vers l'escalier.
-Plus tôt que prévu… Dit-elle dans un hideux rictus d'agacement. Mauvais timing, Lucius.
Les gros bras, en position ! Nous allons leur montrer ce que des immortels valent.


  Les vampires concernés saisirent les lourds bancs arrachés aux murs, leurs chaînes toujours pendantes, et se ruèrent vers l'escalier où apparaissait déjà Wolfang, Oscar, et une poignée d'autres chasseurs. Equipés et prêts à en découdre.
 Naja leur adressa un large sourire, dévoilant ses dents pointures et étirant les difformités de sa bouche. Les chasseurs chargèrent les vampires nus en haillons, et le choc des forces commença.
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Message par DALOKA Sam 6 Avr - 19:37

Date originelle du post: 6 Juillet 2017

«Les interrogatoires classiques et la torture à l'argent ne semblent pas faire céder Naja Naquanda, ce pourquoi j'ai fini par tenter une autre méthode, en l'approchant d'une manière plus humaine. Bien que cela se révèle d'habitude efficace après des années d'emprisonnement, Naquanda n'y est aucunement réceptive et semble s'être enfermée dans sa haine d'Oswald Friedsang. Elle est dans un état psychologique instable, bien que parfois des moments de lucidité laissent évoquer une intelligence brillante. Néanmoins, Naquanda reste fermée à toute forme d'intervention, même de la part d'autres vampirologues. Bien qu'elle soit si diminuée qu'elle ne représente qu'une faible menace à elle seule, la maintenir en vie va à l'encontre du protocole de précaution contre les vampires majeurs. »

Heilwig Friedsang, rapport du 6 octobre 1869.

Un Sang Maudit 4


Cela faisait déjà trente minutes que le combat faisait rage, et les chasseurs ne parvenaient pas à passer en force. Si les vampires étaient fatigués, leur endurance avait aussi une limite, et conserver ce statut quo n'était pas à leur avantage… Cependant, Wolfgang et Oscar étaient confiants. A 16h30, le soleil était encore haut dans le ciel. Même si il était l'hiver, ils avaient encore le temps nécessaire pour forcer leur défense. Quand cela arriverait, leur élimination serait aisée.
Wolfgang était pour le moins surprit d'observer que ces vampires étaient parvenus à s'organiser. Epuisés, affamés, leur premier réflexe aurait du être de trouver des proies et de s'enfuir, quitte à ce que les autres meurent. Les vampires, même parfois en groupe, croyaient bien plus en leur force individuelle. Il aurait eu besoin du dossier sur cette vampire majeure, Naja Naquanda, car c'était sans doute elle qui avait orchestré cette défense, ou du moins avait l'autorité pour unir les vampires. Une situation ou Heilwig aurait été bien utile…

Mais suite à la révélation sur l'identité du comte, la maison Friedsang était débordée. Pour Heilwig, il était primordial de trouver et capturer les complices de Lucius. Il devrait par la suite inspecter la salle ou était disposé Eleison, mais avec le conflit qui devait être mené en bas, la chose n'était certainement pas possible. Normalement, ils ne devraient cependant pas avoir trop de difficulté… Naja Naquanda était un cas inquiétant, mais il avait fini par la diagnostiquer comme folle. Et il espérait ne pas s'être trompé.


-Allez, on manque de pierres!
Beugla Naja. Jetez leur tout ce que vous pouvez, nous finirons par en faire tomber un.
Les vampires s'activaient à la tâche. Naja ne s'attendait guère à un combat facile, et ils n'avaient que leur force et leur résistance aux blessures de leur côté. Si ils étaient plus organisé, il aurait été aisé pour les Friedsangs de récupérer d'urgence l'équipement nécessaire pour les sortir de leur isolement, mais tout leurs effectifs actuels devaient être occupés.
Cependant, les vampires avaient les poings et les doigts en sang à force de désosser les murs, et leur blessures ne guérissaient pas. Par ailleurs, à force de reculer, ses troupes allaient perdre espoir. Il était visiblement le temps d'accomplir une action risquée… S'approchant du mur, Naja s'irrita les chairs pour sortir un bloc entier, et le tendre à ses alliés.
-Ne ratez pas ce jet, commanda t-elle.
Naja trottina vers l'entrée où le combat faisait rage, et commanda dans un cri aux vampires devant elle de se baisser, ce qu'il firent. Le pavé de pierre frappa Wolfgang, qui tenait aisément tête aux créatures, en plein visage, lui éclatant le crâne et les dents. Immédiatement, Naja se glissa pour le saisir et l'attirer vers eux avant que ses alliés ne puissent l'aider. A sa grande satisfaction, le gaillard n'était pas mort sur le coup. Les autres vampires, attirés par l'odeur du sang, s'approchèrent naturellement.
-Il est à moi ! Rugit elle. Restez sur vos positions !
Son ton suffit à rappeler à l'ordre les vampires, qui se souvinrent de l'importance de leur stratégie et survie. Naja cependant était loin d'oublier ses instincts, et l'excitation la prenait déjà. Elle devait faire attention aux clous d'argent de la tenue du chasseur, mais son cou derrière lequel s'offrait un sang chaud et frais était à la merci de ses crocs. Oscar, voulant sauver son camarade, se débattait comme un fou furieux en hurlant des injures, mettant en grande difficulté les vampires. Pour l'instant.
La vampire ouvrit sa bouche mutilée aux dents longues, mordant ainsi dans la chair de Wolfgang rendu inconscient par le coup. Le plaisir qu'elle ressentit quand son sang rejoignit son corps si longtemps réduit au régime dépassait aisément celui d'un orgasme. Alors que cette chaleur se répandait dans tout son être, ses membres maigres devinrent plus fermes, son visage cessa d'être creux, et son physique regagnait sa figure athlétique d'antan. Quand Naja s'arrêta, Wolfgang avait l'allure d'une momie. La vampire repue, les lèvres humides de sang, lâcha un soupir de satisfaction avant de redresser son corps.
-Bien. On passe à l'attaque maintenant, dit elle, regagnant une nouvelle confiance. Je mène la charge.

Alors, sans prévenir, Naja sauta sur le dos d'un des robustes vampires qui gardaient l'entrée, arrivant ainsi face à face à Oscar Friedang qui la dépassait d'une tête et l'incendiait de son regard plein de haine. Mais la vampire évita son coup facilement, cependant sans contre attaquer. Sans armes, les clous d'argents des Friedsang seraient une plaie. Se blesser pour s'en débarrasser était trop risqué, à cause des autres chasseurs derrière lui. Naja, esquivant un autre coup de la lame d'argent, sauta pour se retrouver derrière Oscar, qui se retourna immédiatement. Elle était désormais prise en tenaille par ce dernier et deux autres chasseurs prêts à en découdre derrière elle…
-Chargez ! Cria Naja. En réponse à son ordre, les deux vampires à la défense foncèrent sur Oscar, portant leurs bancs devant eux pour le faire chuter. Le Friedsang, bien que surprit, mit ses bras en avant pour les intercepter. Il avait l'avantage du poids et de l'ascendance, mais il restait surprenant qu'il puisse contenir les deux vampires, même fatigués.

Les deux chasseurs, armes tirées, se préparèrent au combat. L'un d'entre eux tira de sa poche une poignée de poussière d'argent qu'il jeta. Le métal fit son effet sur Naja, la brûlant partiellement, bien qu'elle eut fermé les yeux assez tôt pour ne pas être aveuglée. Cela l'empêcha d'attaquer Oscar de dos, puisque les chasseurs eurent le temps d'atteindre Naja au corps à corps. Ces derniers prenaient garde à ne pas se tenir trop haut, de peur de se prendre un lancer de pierre meurtrier. Naja ne pouvait donc compter que sur elle même… Cela faisait longtemps qu'elle ne s'était pas réellement battue. Elle espéra ne pas avoir perdu la main.
Sous l'œil méfiant des chasseurs qui ne la quittaient pas du regard, une masse se forma dans le bas du dos de Naja. Emergea rapidement une longue queue blanche qui dépassait aisément sa taille. Ayant l'allure de celle d'un reptile, mais dotée d'une peau pâle comme sa détentrice, elle était épaisse à sa base pour devenir plus fine vers son extrémité.
La queue de lézard s'agita dans l'air, comme pour détendre ses muscles, et Naja, se tenant solidement sur ses appuis, invitait les deux Friedsang à venir la chercher. Elle était dos au mur à présent, et un des chasseurs s'avança pour s'en débarrasser au plus vite. Quand il entra dans le rayon d'action de Naja cependant, il se produit à peine un bruit de claquement avant que la gorge du chasseur ne soit ouverte. Au bout de la queue se trouvait maintenant une excroissance osseuse, qui prenait la forme d'une lame à sens unique. 5 pieds devant et 7 derrière elle, c'était son rayon d'attaque. Elle fit un pas sur le côté, et dans un autre claquement, la nuque d'Oscar se fendit d'un seul coup, éteignant ses grognements, et permettant aux vampires de passer en soulevant son cadavre. Le dernier chasseur, constatant qu'ils n'avaient pas pu tenir avant l'arrivé des renforts, et craignant pour sa vie, décida de battre en retraite. Naja ne le poursuivit pas, et se retourna vers les vampires qui montaient tous au trot, galvanisés par l'espoir de victoire.
-Buvez ! Et n'en laissez pas une seule goutte !
Et ils n'attendirent pas pour se jeter sur les cadavres.
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Message par DALOKA Sam 6 Avr - 19:38

Date originelle du post: 30 Juillet 2017

Un Sang Maudit 5


A quelques lieues du domaine Friedsang, ainsi que quelques heures plus tard, deux autres chasseuses se pressaient dans la nuit agitée. Les arbres rendus nus par l'hiver se tordaient, et c'est à travers leurs branches semblables à des griffes que l'on pouvait voir Christa, menant la marche, talonnée par Kartsa Friedsang. Cette dernière, bien différente dans son allure qu'il y avait sept mois, portait ses cheveux devenus longs en queue de cheval, ce qui aurait donné un air plus serein à son visage si une brûlure ne lui grimpait pas de la base du cou jusqu'à l'oreille. Sa tenue de Friedsang n'ayant pas survécu au voyage et à l'entraînement, elle portait un long manteau de cuir en guise de remplacement.

Mais l'urgence de la situation nous force à ne pas nous attarder sur ces détails. Kartsa et les sœurs louves, revenues récemment dans la région, avaient croisé sur le chemin du retour à leur maison un messager des Friedsang, chargé de répandre la nouvelle d'une situation de crise aux chasseurs encore présents dans les environs. Peu de détails étaient connus, si ce n'était la libération des vampires captifs, suffisante pour justifier un tel empressement. Sachant cela, Christel était partie la première, se séparant du groupe avec imprudence. Sa sœur se faisait un sang d'encre, autant pour elle que pour Heilwig. Malgré sa figure stoïque, son emportement était tel que Kartsa n'avait pas pu lui toucher un mot, même en étant sa supérieure hiérarchique. Un mépris qui l'agaçait, mais dont elle ne tint pas rigueur.

-Il est étonnant que Christel parvienne à nous distancer si facilement, fit remarquer Kartsa.
-Peut-être ne serais-je pas ralentie si je n'avais pas à rester près de vous, fit Christa sèchement. Elle était décidément d'une humeur massacrante. Sa jumelle fonçait toujours sans prévenir, et elle ne voyait pas comment la contrôler… Elles s'étaient pourtant mises toutes trois d'accord pour rester groupées durant tout le voyage.
-Inutile d'être si acerbe. Vous m'en voulez encore pour d'étroites raisons ?
-Vous ne gagnerez pas mon respect, à moi, en six mois.


Kartsa réprima un rictus d'agacement. Elle était en meilleurs termes avec Christel, mais sa sœur restait totalement hermétique alors qu'elle semblait être la plus raisonnée. Kartsa n'était certes pas devenue une autre personne, mais avait prouvé pouvoir mériter le titre de comtesse, chose que la lycanthrope ne considérait pas un seul instant.
-Stop, fit abruptement Christa, cessant sa course. Nous ne sommes pas seules.
Kartsa s'arrêtant également, et détacha le fourreau de son épée des lanières qui l'attachaient à son dos, la tenant ainsi dans sa main, prête à être dégainée. Christa, qui avait toujours sa chaîne enroulée autour du bras, en fit tomber la pointe qui pendait maintenant près de son poignet. Le regard de Christa se tourna par la suite vers les hauteurs d'un arbre à sa droite. Kartsa suivit son regard, et vit la même chose.

Perchée sur la branche d'un arbre, une femme blanche aux longs cheveux de neige, s'agitant lents et joueurs, comme des serpents dont elle était la charmeuse. Accroupie sur la branche peu épaisse, la pointe de ses deux pieds sur l'écorce, elle reposait son menton dans le creux de sa main, arborant un sourire nonchalant.
-Bien le bonjour, s'exclama t-elle d'un ton enjôleur.

Christa, portant son regard sur l'adolescente en bretelles et en culotte courte, reconnut le ''démon'' blanc des rapports. Un vampire majeur qui tuait des chasseurs de vampire comme passe temps, et un danger du plus haut niveau. Alors que la lycanthrope réévaluait la gravité de la situation, et estimait comment pouvaient elles s'en sortir, Kartsa s'avança et s'adressa premièrement à la vampire.
-Kazhaar Dyra, je présume ?
-Oh ?
Dit elle, amusée, passant sa deuxième main sous son menton. Comment savez vous mon nom ?
-J'ai eue l'occasion de dialoguer avec votre frère.
-Voilà qui n'est pas commun. S'il vous a parlé de moi, ce n'est pas par hasard, je suppose ?
-En effet. Il m'a recommandé de ne pas vous affronter.
-Ce galant,
soupira Kazhaar avec plaisir, il tient toujours à me protéger. Enfin, il serait plus correct de dire qu'il veut limiter les dégâts que je cause, mais c'est bien moins romantique, vous ne trouvez pas ?
-… Pourquoi êtes vous ici ? Faites vous partie de l'attaque qui sévit le domaine ?
-Pas du tout.
-Je ne serais pas si sûre de votre parole,
articula froidement Christa. L'homme qui vous accompagne devrait sortir de sa cachette.
-Soit… Personajes, montre toi.

Emergea alors de l'ombre des bois un individu dans une grande cape de toile sale, portant pour visage un masque blanc troué d'un cercle en son milieu. Personajes ne leur était pas inconnu non plus : ce vampire pourtant faible avait fait un très grand nombre de victime.
-Etes vous venue ici pour attenter à la vie de Kartsa, demanda Christa.
-Elle ? Non, pas du tout, nia t-elle en se redressant. C'est votre nouvelle comtesse, je suppose ? Eh bien peu me chaut. Votre hiérarchie ne m'intéresse pas… Pourquoi pensez vous que je chasse certains d'entre vous ?
-J'écoute bien votre réponse…
-Parce que vous êtes le meilleur moyen pour moi de devenir plus forte. Chez les vampires, ce n'est pas le charisme, la beauté, les possessions, qui déterminent le respect, mais la force et la crainte de cette dernière. Il est tout naturel que je la cultive. Ainsi, je cherchais à affronter le Friedsang le plus compétent…
-Est-ce vous qui avez blessé Lise ?
Manqua de s'emporter Kartsa.
-Oh, non. Non non non. Je n'ai pas eu la chance de voir ce qu'elle valait… Mais, maintenant qu'elle ne peut plus se battre, le meilleur d'entre vous n'est plus aisément identifiable. Ceci si l'on s'arrête à la surface… Mais, si l'on s'éloigne des sentiers battu… Alors la réponse est évidente.
Il s'agit de vous, dit-elle en pointant la lycanthrope du doigt. Christa. Et c'est pour vous que je suis là.
-… Alors les choses sont claires,
fit Christa, une flamme dans ses yeux glacials. Je les préfère ainsi.
-Je savais que vous ne reculeriez pas, sourit Kazhaar de toute ses dents, avant de retomber en bas de l'arbre, se réceptionnant sur trois appuis. Personajes, divertis la future comtesse pendant que les dames parlent.
-Tu me pose un lourd travail chef, dit il en se frottant l'arrière de la tête, d'un ton non convaincu. Elle a pas l'air commode.
-Ce rôle ne te va pas,
fit elle, les poings sur les hanche. Tire ton épée, et vite.
Quand à nous deux, Christa, que diriez vous de nous éloigner un peu ?

-Comme vous voudrez, fit la loup garou en partant d'un autre côté du bois, sans quitter Kazhaar des yeux. Vous n'avez pas intérêt à perdre, Kartsa. Je ne pourrais pas vous aider.

Elles s'éloignèrent alors dans un autre recoin de la forêt. Christa étant chargée de la sécurité de Kartsa, cela l'arrangeait que Kazhaar soit éloignée, quand à cette dernière, elle craignait sans doute d'être gênée dans son duel. Personajes les regardait s'éloigner, mais Kartsa, n'avait pas ôté la main du manche de son arme ni le regard de son adversaire.
-… Elles mettent la pression hein ? Commenta t-il. Pas facile tout les jours.
-… Je suis sa supérieure.
-C'est bête, alors,
fit le vampire en dégainant une épée courte de dessous sa grande cape.
-Je ne vous poursuivrais pas si vous vous enfuyez.
-Merci, mais non...


En guise de réponse, Personajes passa à l'attaque. Kartsa, bien que surprise par sa vivacité, para son coup assez facilement. Selon les rapport, il était peureux, et faible au corps à corps… Elle devrait pouvoir s'en débarrasser.


Dans la même forêt, à une centaine de mètres de là, les deux adversaires se faisaient face, et Kazhaar ne semblait nullement inquiété. Un grand contraste avec la figure stricte de Christa, qui n'avait même pas un tremblement. Cela rappelait Téko à la vampire, mais contrairement à lui, Christa débordait d'animosité et ses iris seuls le disaient.
-Si vous comptez combattre, adoptez une allure plus sérieuse, fit Christa. Vous m'insultez.
-Allons, pas la peine de le prendre ainsi…
Kazhaar ne put dire une réplique de plus avant que le pieu de la chaîne de Christa ne fonce vers elle. Kazhaar se déplaça sur le côté en un éclair, mais, à sa grande surprise, la chaîne la suivit dans son mouvement. Elle qui était capable d'éviter des flèches, dut interposer ses bras entre le pieu qu'elle devinait mortel, et sa poitrine.
-C'est un coup surprenant… Fit Kazhaar, le bois maintenant planté dans son bras gauche. Christa se retint de jurer ; si elle avait tenté de saisir le pieu, elle serait peut-être morte. Avant que la vampire ne fasse quoique ce soit d'autre, Christa retira son arme qui revint automatiquement à sa main. Puis, à la grande surprise de Kazhaar, son bras gauche commença à trembler, se tendant. Alors, elle sentit toutes les veines de son avant bras exploser, tout les muscles s'en déchirer, toute sa chair éclater. Suite à cette sensation de douleur inconnue, Kazhaar mis une main à son bras, le fixant avec étonnement.
-Mais… Ce n'est que du bois !
-Du chêne qui a trempé dans le sang de centaines de vampires. Cela a son petit effet, je suppose,
sourit Christa.
Avec un rictus de colère, la vampire constata que son bras peinait à guérir et était également difficilement utilisable. Quelque chose semblait perturber ses forces, empêchant ses chairs de se reconstituer efficacement. Cette arme était plus redoutable encore que l'argent, elle ne pouvait plus se permettre de prendre cela à la légère. Christa faisait des moulinets avec sa chaîne, préparant son prochain lancer, mais Kazhaar passa d'abord à l'offensive. Quand le pieu de bois fut projeté vers elle, les cheveux aussi solides que l'acier de la vampire se disposèrent devant-elle pour bloquer l'arme qui rebondit devant cette barrière. La pointe, alors que la vampire progressait en avant, fondit à la vitesse d'une flèche vers ses jambes. Cependant, à la surprise de Christa, la chaîne ne put atteindre Kazhaar, bloquée alors que sa portée n'avait pas atteint son maximum. Mais la femme aux cheveux blanc ne tarda pas à l'atteindre, et avant que la lycanthrope puisse réagir, donna un violent coup de pied dans l'abdomen de Christa, la propulsant pour qu'un arbre arrête brutalement l'inertie de son corps.
-Tu es tombée contre le mauvais adversaire, dit Kazhaar en la toisant du regard. Contre toute attente de la vampire, Christa, toujours consciente, se redressa. Son armure était légèrement cabossée, mais elle avait survécu à l'attaque de la vampire qui était capable de tuer un homme sur le coup. Le corps de Christa était endolori, mais elle était bien toujours en état de se battre. Sa chaîne ne pouvait plus revenir : Kazhaar avait glissé de ses cheveux entre les maillons.
-J'espère bien pour toi que cette chaîne n'était pas ta seule arme, dit Kazhaar dans un demi sourire. Christa eut un sourire complet, alors que les gemmes blanches qui décoraient son armure se mirent à émettre une douce et pâle lueur. Kazhaar leva les yeux sur la lune, qui n'était pourtant pas encore pleine. C'était là le tour que réservaient les armures que leur avait confectionné Heilwig : amplifier la force de la lune, étendant ainsi la fréquence possible de leurs transformations.

Soudain intimidée par Christa, Kazhaar recula d'un pas par réflexe, sans détacher son regard de la lycanthrope. Dans un bruit de chairs et de craquement d'os, le corps de la jeune femme se transformait, devenant plus massif, plus velu, son visage s'allongeant. La métamorphose monstrueuse se produit trop vite pour que Kazhaar ne songe à l'attaquer, captivée et terrifiée par ce changement. Christa avait laissé place à une immense humanoïde de deux mètres de haut aux pelage brun et à la tête de loup pourvue d'une rangée de longs crocs. Les pièces de son armure, rattachées par des lanières, s'étaient espacées mais restaient en place sur son corps, les perles blanches calmant leur lueur. Une longue main munies de griffes tira la chaîne jusqu'à elle, manquant d'emporter Kazhaar si elle n'avait pas détaché au dernier moment ses cheveux de cette dernière. Son arme revenant à elle, Christa empoigna le pieu à la main, et, sa deuxième patte au sol, se tint prête au combat. Visiblement, la louve avait décidé d'utiliser la manière brutale…

La lycan passa à l'attaque, chargeant Kazhaar qui recula d'un bond en arrière, voyant passer le pieu mortel devant ses yeux. Elle n'avait plus l'avantage de la force et de la vitesse, et son bras gauche était toujours inutile : Christa le savait, et la harcelait au corps à corps sans relâche. Malgré son changement d'apparence, elle exécutait méticuleusement ses coups avec la plus grande force qu'elle pouvait exécuter, sachant autant maîtriser son corps bestial que son corps humain. Pour la stopper, les cheveux de Kazhaar s'étendirent vers le bras armé de Christa, réunissant assez de force pour entraver ce dernier. Alors, la main gauche de la lycanthrope balaya de bas en haut le ventre de Kazhaar, le déchirant de ses griffes. Kazhaar interrompit la montée de la griffe avec son bras, et une abondance d'hémoglobine s'échappa des traits laissés sur la chair de la vampire, qui relâcha Christa pour à nouveau se jeter en arrière, autant à l'aide de ses jambes que de sa chevelure qui agit comme un ressort. Elle entreprit ensuite de battre temporairement en retraite. Contre toute attente, Christa avait des capacités physique suffisantes pour rivaliser avec la vampire, et malgré ses réflexes supérieurs, les bras de Kazhaar avaient une portée bien inférieure. Tant que Christa maintenait une distance de sécurité, elle ne pourrait pas l'attaquer sans subir un terrible coup elle aussi. La vampire ne pourrait par ailleurs pas échapper beaucoup de temps à la louve, qui la retraçait sans difficulté à l'odorat, ce pourquoi Kazhaar donnait juste le temps à ses cheveux de recoudre ses plaies béantes et empêcher ses tripes de sortir.

Bien entendu, le sac à puce qui lui servait d'adversaire n'avait pas tardé à la rattraper, toujours aussi enragée. Ses blessures refermées, Kazhaar se retourna vers Christa qui la fixait toujours de ses grands yeux bleus meurtriers.
-Tu as ruiné mon haut, fit Kazhaar, l'air faussement outré. Le regard et la posture de Christa ne changèrent aucunement.
Bah, c'est sans importance de toute façon, ce vêtement ne me sera plus d'aucun usage. Je tiens à te féliciter, tu es la seule à me pousser à de telles extrémités.

En disant cela, Kazhaar détacha les deux bretelles qui soutenaient son autre habit, avant de retirer de ses mains son vêtement souillé de sang. Alors qu'elle se dénudait, ses cheveux blancs s'allongèrent et l'enveloppèrent entièrement dans un cocon. Christa, ne pouvant l'attaquer ainsi, l'observa prête à réagir en conséquence.
Quand l'œuf blanc dans lequel elle s'était enfermée éclot comme une fleur, la vampire se révéla à nouveau, la silhouette tout blanche. Un tissu immaculé la recouvrait, épousant les formes de son corps comme une seconde peau. Ce nouveau vêtement fait de sa chevelure ne laissait à l'air libre que son visage et son cou, ses cheveux ayant l'air du capuchon de l'habit, et ses poignets pendaient de longues mèches, comme de grandes manches.
Dans ses nouveaux atours, Kazhaar étira ses membres sans inquiétude, brillant à la lumière lunaire. Une main sur la hanche, elle jeta un regard provocateur à la louve.
-Pourquoi tant de prudence ? Je t'affronte nue.
La lycanthrope grogna en montrant ses dents brillantes, sans pour autant passer à l'attaque. La vampire avait visiblement ébranlé sa confiance, et un sourire en coin, leva le bras, tendant son poing vers son adversaire dans un air de défi.
-J'ai gagné, Christa.


Mais Kartsa ne parvenait pas à l'emporter. Tout ses coups étaient bloqués par son adversaire, au jeu de jambe impeccable, réactif, parfait à l'escrime. La Friedsang ne comprenait pas comment Personajes pouvait autant lui tenir tête en ayant été reporté comme inexpérimenté au combat. Ce vampire était non seulement fort, mais savait exactement ce qu'il faisait. Même avant son dernier entraînement, Kartsa aurait put vaincre seule un vampire de bas de niveau, mais elle n'avait pas réussi à porter un seul coup à son adversaire. Kartsa finit par reculer, tentant de discerner quelque chose à travers le masque que Personajes portait.
-Vous n'êtes pas Personajes, fit-elle. Vous ne correspondez pas du tout à nos informations.
-Vraiment ? Vous êtes sure que vous n'êtes pas juste trop mauvaise ?

Il avait un ton incrédule mais se moquait clairement d'elle. Continuer de le combattre à l'épée ne rimerait à rien, même si c'était son point fort. Face à un vampire maniant lui aussi une arme, l'on était dans un immense désavantage physique. Elle s'épuiserait bien avant lui, ce pourquoi ce dernier ne lançait que des attaques prudentes. Alors Kartsa, dans un rictus d'irritation, leva la main gauche pour incanter un sort. Le vampire recula alors mettant sa tête devant son bras, mais rien ne lui arriva. A la place, des sphères enflammées pas plus grosses que des billes flottaient autour de la Friedsang, comme des lucioles. Personajes, voyant ceci, se montra bien plus hésitant à attaquer. Ce tour n'était simplement qu'un bluff… Et elle avait un certain temps avant que son opposant ne réalise que ces flammes ne lui exploseraient pas au visage. Avec méfiance, le masque fit quelques pas sans la quitter des yeux, traçant un demi cercle autour de Kartsa qui tournait son regard afin de l'avoir toujours de face.
-Alors, on a peur ? Fit Kartsa dans un sourire arrogant, alors que la pointe de l'épée de Personajes était toujours pointée vers elle. Le Vampire ne réagit pas, restant ferme comme une statue.

-Je vous attend !
Dit-elle de plus belle, frappant sa poitrine de sa paume gauche et reculant de quelques pas. Kartsa n'était pas sure que son plan fonctionnerait, et le vampire ressenti son manque d'assurance. Avant qu'elle ne fasse un pas en arrière de plus, Personajes fondit sur elle, repoussant son arme d'un coup de taille pour atteindre son épaule, sa tenue se faisant ronger par les billes incandescentes qui n'étaient au final que des flammèches pas plus intimidantes qu'un feu de bois. Cependant, son fer percuta quelque chose de solide. Personajes eut un instant d'hésitation, vérifiant que Kartsa n'avait bien aucune plaque d'armure, avant de réaliser qu'était maintenant sur sa poitrine une pièce métallique sur laquelle brillait un symbole runique dont la lueur s'effaçait petit à petit. Son bras gauche fut alors arraché par l'argent de Kartsa, tombant sur le sol avec son épée fermement tenue dans le poing. La Friedsang avait disposé cette pièce enchantée sur sa tenue pour solidifier son corps, et n'attendait qu'une attaque pleine d'assurance telle que celle ci. Ce plan avait malgré ses doutes fonctionné, et le fil de sa lame menaçait maintenant Personajes qui leva sa seule main disponible.
-… On peut discuter ? Fit il, la voix hésitante.
-Non.
L'épée de Kartsa fit un mouvement rapide vers Personajes, qui évita le coup en bondissant en arrière, et estima que la fuite était une stratégie optimale. Crachant un juron, Kartsa se mit sur le champ à sa poursuite. Elle doutait être très utile à Christa, malheureusement.



Mais Kazhaar et Christa étaient toujours face à face, les yeux jaunes brillants rencontrant les sphères bleutées injectées de sang de la lycanthrope. Kazhaar fit se mouvoir dans l'air avec délicatesse les doigts de son bras gauche blessé, sentant ses fibres musculaires s'y ressouder à l'intérieur de son armure de tissu blanc. Ses cheveux accompagnaient chacun de ses mouvements, et elle sentait ces derniers vibrer à chaque mouvement de l'air. A l'aide de cette nouvelle peau, elle se sentait bien plus légère, bien plus forte, plus consciente et confiante que jamais. Christa, voyant la flamme dans son regard, peinait à formuler un plan d'attaque et Kazhaar sentait à sa respiration que la lycan faisait de son mieux pour contenir son excitation qui lui hurlait de bondir en avant. La vampire sourit de toute ses dents.
Elle n'avait pas l'intention d'adopter une telle retenue.
Kazhaar courba son nouveau corps dans une posture féline, fonçant vers la louve qui se décida à réagir, abattant son pieu vers la vampire qui cette fois eut le culot de s'approcher, stoppant le bras au moins deux fois plus épais que le sien aisément dans sa petite main. Les griffes de Christa ricochèrent sur la maille blanche dont était recouverte la vampire, et un genou blanc frappa la gueule de la louve dans un bond de Kazhaar, qui poursuivit son saut pour sauter par dessus ses épaules et atterrir derrière elle.
La pression des crocs de Christa n'était plus une menace, les os de sa mâchoire inférieure en miettes, la victoire était déjà presque emportée. Elle ne savait pas la solidité du métal qui recouvrait Christa, mais elle l'aurait aisément plié si son bras gauche était en meilleur état. Cependant la sensation agréable de la guérison de ses chairs était un signe heureux de son futur rétablissement…

Quand elle tourna les talons vers son adversaire, la chaîne de la louve se glissait dans l'herbe tel un serpent pour s'enrouler à son pied, ce qui ne fit que faire doucement rire Kazhaar. Mais, saisissant les maillons noirs de ses deux griffes, Christa souleva d'un grand geste la Coyote et avec elle la cheville du démon blanc. Kazhaar, aussi blanche que légère comme une feuille, s'envola spontanément dans un grand cri aigu qui signifiait sa surprise, avant de percuter un arbre, en fendant l'écorce. Presque enfoncée contre le végétal qui avait ployé sous l'impact, Kazhaar fit en sorte que ses cheveux l'y attachent, de peur que la louve s'amuse à continuer de la secouer comme un sac à patate contre tout ce qu'elle trouverait.

-Bien joué Christa, fit elle dans un rictus entre le sourire et l'agacement. Elle sentait la louve tirer sur sa chaîne de plus de belle, mais son corps ne daignait pas se détacher de l'arbre. Kazhaar allait lâcher une autre phrase provocatrice, mais la chasseuse de vampire, sa chaîne noire par dessus l'épaule, continuait cet acte futile. Puis, Kazhaar entendit des craquements de bois. L'arbre se penchait petit à petit. La lycanthrope bandait ses muscles qui se gonflaient sous l'effort, utilisant sa force titanesque pour arracher l'arbre du sol, puisqu'elle ne pouvait en arracher la créature de la nuit.
-… Sérieusement ? Exprima la vampire, l'air aussi surprise que médusée alors que les racines s'arrachaient de la terre et que le pilier naturel s'écrasait sur le sol, ainsi que Kazhaar avec. Christa continua sa charge en avant en se tenant sur trois pattes, traînant au sol son adversaire qui gisait sous l'arbre en même temps que ce dernier. Sa course fut forcée de s'achever quand le bois finit par se coincer entre deux troncs. Et la louve continuait de tirer sur sa jambe! Avait-elle l'intention de la démembrer ou d'arracher d'autres arbres ? C'en était trop. Kazhaar saisit la chaîne elle aussi, opposant sa force à celle de Christa. Les griffes des pieds de la lycan labourèrent le sol, la situation s'inversant. Elle disposait de bien plus de force brute que ce sac de poil, et elle ne perdrait pas dans un bras de fer ! Lentement mais sûrement, la masse de Christa était traînée vers Kazhaar, qui finit par se détacher de l'arbre et fondre sur la louve à l'aide de l'arme. Mais le regard de prédateur ne semblait guère étonné de ce bond, se jetant également à corps perdu. La garou plaqua Kazhaar au sol, l'enserrant de ses membres et saisissant sa tête. Solidement accrochée à la vampire, elle resserra de plus en plus son étreinte avec l'intention de lui briser les membres et le cou, puis de la broyer. Cette concentration de poils et de muscles lui faisait une étreinte un peu trop brutale à son goût, et si son corps était apte à se régénérer, il n'était pas encore assez solide pour résister à cela. Malheureusement pour la louve, la vampire ne comptait pas se laisser faire.

Etendant les bras dans la solide prise de Christa, Kazhaar força l'étau à se desserrer. La loup garou tendait sa musculature jusqu'au limites de son corps, et ses griffes grattèrent le corps blanc de la vampire sans succès. Elle ne voulait pas laisser sa proie s'échapper, mais, alors qu'elle éloigna lentement ses bras, Kazhaar regardait la lycan d'un regard plein de confiance. La salive mêlée au sang de la gueule canine enragée coulait à grosses gouttes sur Kazhaar, absorbée comme une éponge par ses cheveux. Un chien était bien moins dangereux sans ses crocs, se dit-elle avant de poser son pied contre le ventre de Christa pour d'autant plus la repousser. Cet être si petit comparé à son adversaire dominait cette lutte, et le corps de la loup garou perdait de plus en plus le contrôle de la situation. Les doigts blancs s'enfoncèrent dans le métal des gantelets et le cuir des bras, les perçant comme des petits crocs et teintant la fourrure brune de rouge.
-Peut-être serait-il temps d'abandonner ? Fit Kazhaar d'un air suffisant. Je pourrais faire ça toute la nuit.

Christa était si investie dans cet effort que sa chaîne était maintenant inanimée et avait lâché le pied de Kazhaar. Les tendons et la chairs de la louve lâcheraient avant les siens, et elle les sentait s'étirer jusqu'à la limite. L'adrénaline et la lycanthropie permettaient à Christa d'ignorer totalement la douleur, mais sa force avait ses limites : dans un craquement sonore des ligaments, un des bras finit par lâcher, et en moins d'une seconde le démon blanc s'était extirpé.

Etendant les cheveux à ses manches jusqu'à un arbre, Kazhaar s'y envola. La bête n'avait à présent plus que deux choix : poursuivre le monstre à l'allure de jeune femme, ou s'enfuir en se sachant inférieure.
Christa sprinta vers Kazhaar, bondissant pour la saisir. Mais elle s'était déjà déplacée vers un autre arbre. Le sac à puce ne semblait pas renoncer malgré tout… Sans doute par volonté de protéger ses pairs. Christa menait des assauts rapides, mais qui lui permettaient de facilement se replier : elle faisait perdre du temps à la vampire. Kazhaar sauta d'arbres en arbres, évitant toute attaque de la lycanthrope enragée, qui ne perdait pas de son endurance. Malheureusement, la vampire n'avait aucune intention de laisser le combat s'éterniser. Jamais Christa ne la toucherait : les cheveux qu'elle laissait derrière elle à chaque saut captaient chaque mouvement et formait un véritable réseau dans le bois. Kazhaar, à l'aide de ses sens et de ses réflexes, pouvait prévoir les prochains coups de son adversaire naturellement. Et elle n'avait plus qu'à lui tisser un piège…

Tout à coup, les mouvements de Christa se stoppèrent. Elle commença à enfin le remarquer, mais il était trop tard : des fils blancs enserraient maintenant son corps. D'autres, comme des fins tentacules, la ligotèrent d'autant plus. Suspendue ainsi en l'air, elle pouvait à peine bouger ses membres, et Kazhaar, perchée sur une branche, l'observait comme étant fière de son œuvre.
-C'est fini,maintenant. Je t'ai fait courir sur un bon kilomètre, et mes cheveux s'étendent maintenant sur toute cette zone de la forêt et au-delà encore. Pas un oiseau ne s'y poserait sans que ne le sache, et il me paraît évident que je suis la plus forte d'entre nous deux.
Ne l'écoutant pas, Christa mobilisait les forces qui lui restaient pour tenter de s'extirper en déracinant les arbres. Ainsi liée, la lycanthrope n'en aurait pas la force, mais achever le combat maintenant était préférable.

La vampire sauta au sol, ses cheveux grandissant dans son dos pour s'onduler en ressort. Fléchissant ses jambes, Kazhaar réunit la force de son corps entier, du moindre muscle, de la moindre fibre de sa chevelure, afin de se propulser vers Christa. Elle se jeta comme un obus vers la lycanthrope, poing en avant. Ses phalanges blindées frappèrent l'acier de l'armure, creusant un trou à travers la protection en l'enfonçant, puis déchirant l'épaisse peau et les muscles minéraux de l'abdomen, transperçant comme une lance sa chair et ses intestins pour exploser d'un seul coup un de ses reins. Le bras ensanglanté ressortit de l'autre côté du corps de Christa, les cheveux aspirant spontanément le sang qui les recouvraient. La louve, tremblant de tout ses membres, lâchait des gémissements saccadés et étouffés, et Kazhaar retira d'un seul coup son avant bras. Passant sa langue sur le sang odorant et les chairs qui restaient encore dessus, la jeune femme émit une grimace.
-En effet, le goût du loup garou n'est pas très délicat…
Pas étonnant qu'il ne soit pas comestible pour les vampires. Mais pour autant, Christa ne lui serait pas inutile. Bien qu'elle ne se débattait plus, elle était toujours vivante.
Des filets sortirent de ses mains pour entourer la louve et d'autant plus la resserrer dans ses cheveux. Elle pourrait plus aisément la transporter ainsi.
Kazhaar sourit, caressant doucement la tête canine d'une Christa inconsciente. Une victoire sans encombre était toujours agréable.
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Message par DALOKA Sam 6 Avr - 19:47

Date originelle du post: 1er Septembre 2017

Un Sang Maudit 6


Jamais Heilwig n'avait eu à gérer une telle situation de crise. Les vampires s'étaient échappés de leur prison et n'avaient qu'un seul désir : rejoindre l'extérieur, maintenant que la nuit était finalement tombée. En l'absence de comte Friedsang, et avec la mort des plus éminents chasseurs présents alors  sur le domaine, Heilwig avait du s'imposer en meneur, la disparition de plusieurs vampirologues n'arrangeant rien. Malheureusement, il était bien trop tard pour rattraper cette situation qui avait évoluée en crise catastrophique.
 Les vampires, ayant récupéré leurs force et leur entrain, avaient enfoncé leurs défense et prit le contrôle du bâtiment qui était leur prison. Ils n'avaient su ralentir leur progression, et Heilwig avait jugé plus sage de se réunir dans le hall en attendant l'arrivée de ces derniers… Mais pouvaient ils gagner ? Ils étaient une vingtaine certes, mais dénués de leurs meilleurs éléments, et face à des vampires qui était tous redoutables avant leur capture. Oeil de Lune suait d'effroi. Jamais il n'avait voulu repartir sur le terrain, affronter de nouveau les crocs… Et voilà que le terrain se déplaçait jusque chez lui. Il aurait voulu déléguer sa responsabilité, mais pour cela aussi, il était bien trop tard.
 Les chasseurs attendaient, tous aussi inquiets que lui. Ils étaient armés, équipés, les pièges à argent étaient déjà disposés et les arbalètes chargées, mais personne n'était véritablement prêt. Derrière les chasseurs, Heilwig, accroupi lui aussi, fixait avec appréhension les entrées du hall de son œil unique. Il avait été impossible de les condamner à temps de manière à stopper la force colossales de ces créatures et seule la sortie principale avait été scellée magiquement. Tant de choses auraient été possibles, si leur organisation n'avait été démantelée par les événements ! Heilwig ressentait que la situation présente n'était pas le fruit d'une inattention, mais d'une accumulation d'erreurs. Qui avaient déjà coûté la vie à huit chasseurs… Un septième de leurs effectifs totaux.

 Une explosion retentit. Les pièges à argent, se dit Heilwig. Mais point de rugissements ou de cris… Les futés l'avaient repéré, ou plutôt la futée. Naja Naquanda, un soldat de la révolte Waienne… Une ancienne héroïne même. L'idée d'Oswald, ou plutôt de Lucius, de la garder était une manipulation, car elle était une pièce maîtresse de son plan.

  L'explosion avertit les soldats de l'entrée par lesquels les vampires allaient entrer… La moitié de la double porte sortit de ses gonds, portée par un robuste vampiris, qui la jeta d'un grand geste vers le sol. Les runes de feu qu'Heilwig avait disposé s'activèrent et incendièrent la porte de bois… Naturellement, un second piège était prévisible, et la dizaine de vampires fondit sur eux, suivis de trois pauvres cadavres de chasseurs réduits à l'état de goules enragées. Les vampires portaient sur eux tout ce qu'ils avaient pu trouver : bouts de meubles pour se protéger des flèches, projectiles, armes et boucliers… Cela était déjà une petite troupe, et Naja se tenait derrière eux. Ses blessures aux lèvres étaient cachées par un drap noir qui voilait le bas de son visage, mais pourtant elle n'avait aucun équipement.
Les arbalétriers qui étaient hissés en haut de l'escalier du haut, derrière les rambardes, tirèrent leurs carreaux. Les tirs étaient moins effectifs que prévu, leurs cibles étant rapides et parfois couvertes, mais un nombre suffisant d'entre eux atteint leur cible pour les ralentir. Trois d'entre eux chutèrent à terre, mais Heilwig ne les croyait guère mort, il fallait rester prudents.
  Mais Naja ne chargeait pas. Pas dans la même direction que le reste du groupe, qui entrait en confrontation directe avec les chasseurs armés de lances et d'épées d'argent. Elle se dirigeait vers les arbalétriers en train de recharger leurs carreaux en hauteurs, se croyant suffisamment éloignés du combat.  Heilwig les prévint du danger, mais elle courait trop vite, et d'un seul bond, elle saisit d'une main la rambarde et se hissa derrière cette dernière, sa queue déployée. Ils n'avaient pas dégainés leurs armes, les autres combattants étaient loin, c'était un massacre. Les chasseurs ne perdaient pas pour autant leur ardeur, et plusieurs d'entre eux vinrent se placer entre Naja et Heilwig, menaçant la vampire de leurs fers argentés.
-Mr Oeil de Lune, dit elle d'un air de salutation, sa queue ensanglantée s'agitant derrière elle. Je m'attendais à vous revoir.
-Naquanda… Vous devez être fière de votre acte. Vous m'avez lu, trois fois…
-Hmf. Vous n'êtes pas chasseur, ni commandant. Je vois votre regard, mais ces hommes sont morts par votre faute. Et votre défaite est causée également par vos mains… C'est la responsabilité d'un meneur de troupes.
-Vous dialoguez beaucoup. Je ne vous ai guère connue ainsi.
-Je vous ai bien trompé, pour cela aussi
, rit-elle. J'aimerais passer plus de temps à vous tourmenter, mais vous avez bien raison, nous sommes sur un champ de bataille, et il n'y a pas de place pour cela… Je me délecterai donc de votre sang !

 Naja s'avança vers les deux chasseurs qui protégeaient Heilwig, tandis que ce dernier incantait un sort de flammes dans sa main. Il était clair que ces derniers ne faisaient pas le poids, car elle avait récupéré sa force physique et contrairement à la plupart des vampires, se battait avec technique. Peut-être Lise ou Christa auraient eue une idée pour l'abattre, mais il ne pouvait guère penser à cela maintenant. Les chasseurs comprirent qu'il fallait se baisser pour éviter les flammes, et Naja également. La gerbe de feu passa au dessus de sa tête et elle roula sur le côté, cassant le bois de la rambarde, et chutant un bref instant avant de saisir le bord de l'escalier des mains et de se propulser à la force de ses bras vers Heilwig. Pour lui, tout ceci s'était déroulé si vite qu'il ne put que vivement reculer… Mais sa main gauche, déjà, volait à ses pieds, emportée par la queue rapide comme un fouet de la vampire. Heilwig gémit de douleur, et même si ses camarades volèrent à son secours, il sentait avec amertume et regret que ses jours était comptés.

 Son désespoir fut bref, car il entendit un hurlement, terrifiant pour tous, mais providentiel pour lui. Celui de Christel. La porte de l'étage supérieur fut fendue en deux d'un seul coup, quand la lycanthrope transformée, sa massive lame dans la main droite, se présentait sous l'arche de cette issue, jetant des yeux bleus assassins vers les vampires et Naja. Les Friedsang, d'abord apeurés, ressentirent également l'espoir d'Heilwig quand ils reconnurent la lycan comme leur alliée dans ce combat.
  La lycanthrope fonça vers Naja, abattant sa lourde épée vers elle. La vampire esquiva, et sa queue fendit l'air à nouveau, laissant une entaille sur l'épaule de Christel, qui l'ignora totalement.
-Christel, s'exclama Heilwig, alors qu'il cicatrisait magiquement sa main. Si tu bats Naja, nous pourrons renverser la situation !
 Et elle le comprit bien. Heilwig savait Christel capable de vaincre un vampire majeur une fois transformée, car elle était presque aussi forte que sa sœur. Qui plus est, Naja ne connaissait pas les pouvoirs de la Jackal… Malgré tout, elle restait sur ses gardes. Elle constatait bien qu'elle pouvait y laisser des plumes, et redoublait de prudence. Même avec son corps immortel, Naja ne prit pas le risque de laisser la lame la blesser, et évita les coups rapides de Christel. La lycanthrope possédait plus de force physique, le combat était terminé si elle saisissait la vampire, ce pourquoi Naja reculait à chaque pas en avant de son adversaire. En vérité, elle ne semblait plus avoir réellement l'intention d'attaquer. Heilwig, même si il était préoccupé par sa blessure, observa la salle, sans rien repérer de suspicieux ou annonçant un piège. Il ne pouvait pas baisser sa garde, même si Naja ne semblait pas avoir l'avantage dans ce combat.
 
  La lourde lame ne volait jamais loin de sa chair, et contrer la force de Christel lui serait difficile. Avec ses bras et la longueur de sa lame, la lycan était capable de frapper sans se mettre dans la portée létale de la queue de Naja, qu'elle finit à son tour par entailler au bras. Alors, sous l'oeil étonné de la vampire, le sang, au lieu de couler lentement vers le sol, était attiré spontanément vers la lame de Christel, l'entourant dans une volute rouge. La Jackal pouvait maintenant se montrer utile !…

 Mais le combat s'interrompit. Autant pour Christel et Naja que pour les chasseurs et vampires. Dans un éclatement et grondement terrible, le plafond explosa et s'effondra. Une grande masse sombre, percuta le sol dans un immense choc dirigé vers les chasseurs, en écrasant trois, ainsi qu'un vampiris qui luttait farouchement contre eux. Un nuage de poussière fut soulevé, des chandeliers s'éteignirent, et les deux camps s'éloignèrent respectivement des morceaux du plafond… Dans le bois et la roche, Christel reconnu la première le corps ensanglanté d'une Lycan, celui de sa sœur, un trou pourpre au milieu du ventre, et se jeta vers elle en ignorant Naja. Heilwig comprit avec horreur la réaction de Christel, et accouru, bousculant les chasseurs, vers Christa.

  Naja, elle, avait le regard tourné vers le trou qui laissait entrer la lumière lunaire… Les vampires et chasseurs levèrent eux aussi les yeux, et ils ne regardaient non pas l'astre, mais l'autre présence immaculé qu'ils pouvaient entrevoir. Celle d'une vampire entièrement habillée de blanc, les toisant malicieusement du regard. A ses côtés apparut alors une figure sombre, portant un étrange masque à la couleur de l'ivoire… Naja semblait avoir attendu ce moment, et souriait sous le drap noir qui voilait son visage. Heilwilg et Christel eux, étaient trop préoccupés par Christa pour le remarquer, et ils constataient avec espoir que cette dernière n'était pas encore morte. Il fallut que Kazhaar lève la voix, debout sur le bord brisé du plafond, pour qu'ils y portent attention.
-Mes salutations, Friedsangs, déclara t-elle en bombant le torse. Moi, Kazhaar Dyra, ai vaincu la meilleure chasseuse qui soit ! Considérez ma merci comme un témoignage de mes respects et ma reconnaissance de votre force.
 Entendant ceci, Christel grogna, prête à grimper là haut pour affronter elle même la vampire, mais  Heilwig lui saisit le bras, l'en dissuadant. Il était terriblement pâle, et tenait à peine debout.
-Si elle a battu Christa, dans l'état de nos forces… Nous ne ne pouvons plus gagner. Si tu l'attaque, tu pourrais mourir… Et ta sœur aussi.
 Ecoutant les paroles de son père, Christel calma ses ardeurs, ce qui fit soulever un sourire à Kazhaar. Heilwig, levant lui aussi les yeux vers la vampire, l'observa avec attention et en déduit qu'elle était très certainement le démon blanc des rapports. Même si elle était un vampire majeur, Heilwig avait du mal à croire qu'elle ait vaincue Christa au maximum de sa force… Mais elle avait laissé cette dernière en vie, et il osa supposer à lui même que Kartsa était donc toujours vivante également. Malgré cela, ceci ne signifierait rien si le combat continuait et qu'ils périssaient tous.
-Je suis en charge de ces hommes, clama Heilwig en s'avançant. Si les raisons de votre attaque sont la libération de ces vampires, alors nous vous laisserons vous enfuir et cesserons le combat.
-Pourquoi se battre quand j'ai déjà prouvé vous surpasser ? Ricana Kazhaar à voix haute, avant d'étendre les bras. J'accepte votre proposition. Montrez vous, mes personajes !
 Suite à ces mots, d'autres figures masqués impossibles à différencier se penchèrent vers le trou. Heilwig en compta quatre, en plus du masque déjà présent aux côtés de Kazhaar. Le nom de personajes ne fut pas inconnu au vampirologue, et il fut médusé de comprendre qu'il y avait plusieurs d'entre eux. Plusieurs vampires avaient été identifiés sous les même actes.
-Vampires ! Reprit-elle. Comme vous le voyez, j'ai terrassé un de nos de plus terribles adversaires. A présent, vous pouvez me rejoindre, ou rester des prédateurs solitaires à la merci de nos chers chasseurs. Le choix est votre.

 Kazhaar était forte. La chose était certaine, mais les vampires ne se faisaient guère confiance entre eux, et suivre cette inconnue n'était pas un choix évident, car ils ne voyaient guère cette dernière comme une salvatrice plus qu'une opportuniste. Cependant, Naja, qui sauta de l'escalier, eut un avis plus tranché.
-Je suis parmi vous.
 Il n'y avait rien d'autre à ajouter. Naja les avait mené au combat, et tout ceux qui étaient vivants pouvaient le reconnaître. Sans elle, ils se feraient abattre, et la liberté qu'ils désiraient ne serait jamais venue. Nul ne doutait en Naja à présent, et pour l'instant, la suivre n'était certainement la pire idée imaginable.
-Dans ce cas… Dit Kazhaar en se tournant vers le masqué à ses côté. Marty, au travail.
 Et c'est en soupirant que ce dernier disparut l'espace d'un instant, avant qu'une corde ne chute de la fissure du plafond, s'étalant dans l'air. Naja n'hésita guère, et bondit pour saisir la corde de ses deux mains. Alors, elle tourna ses yeux jaunes vers les chasseurs, puis Heilwig. Tous enrageaient, et nombreux désiraient se battre jusqu'à la mort, cependant ils durent durement se résoudre à voir l'entreprise futile, et contemplèrent amèrement le fruit de leurs échecs.
-Si vous êtes des vrais chasseurs, nous nous reverrons, dit-elle, avant de commencer son ascension. Heilwig ne tenait plus debout, et Christel serrait les crocs pour ne pas se jeter sur la vampire et la déchiqueter. Il ne restait plus au Friedsang que l'espoir de pouvoir combattre et vaincre un autre jour… Les vampires suivirent le chemin emprunté par Naja, tandis que Kazhaar les regardait, triomphante. C'est ainsi qu'ils s'enfuirent dans la nuit, quittant le domaine Friedsang.
 

Des heures plus tard, à l'orée d'un bois, deux masques se retrouvaient entre eux. Les personajes, vêtus de même façon, se reconnurent et se saluèrent. Ils étaient visiblement éloignés du reste du groupe, mené par Kazhaar. Il n'y avait pas l'ombre d'une vie humaine ou monstrueuse dans cette forêt.
-J'ai entendu dire que tu te faisais poursuivre par la future Comtesse… Pas trop d'ennuis ? Fit un des masques.
-Aucun, Marty, fit le second masque d'une voix suave. Je l'ai faite tourner en rond dans la forêt jusqu'à ce qu'elle renonce.
-Tu t'es bien amusé, alors ?
-Pas vraiment. T'imiter n'est pas vraiment très divertissant.

 Levant la main derrière sa tête, ce personajes ôta son masque pour révéler l'élégant et mesquin faciès de Lucius Fledermaus, qui semblait vibrer de moquerie. Mimant son action, l'autre retira également son masque, révélant la laideur du visage blanc et creux d'un vampire mineur.
-Cette petite m'a ôté le bras gauche, elle se débrouille bien.
-C'est pas problématique ?
-Non. Le plus important, c'est que tout se soit bien déroulé,
dit il avant de soupirer avec plaisir. Si tu savais ce que j'ai ressenti quand ils ont découvert le pot aux roses ! Leur supérieur remplacé par un vampire, depuis des années… Quelle tragédie, vraiment. Exaltant.
-Ouais… Certainement
, fit Marty, peu convaincu, en grattant son crâne chauve. En fait, nous n'avons plus besoin de mes masques, si ?
-Au contraire. Ils sont encore utiles. Je dois te louer pour m'avoir inspiré ce plan… En faisant porter le masque aux vampires que tu as fait naître, et en leur faisant imiter ton mode opératoire, nous avons pu faire passer les agissements de six vampires pour ceux d'un seul. Te transformer était réellement une bonne affaire, et maintenant que nos effectifs ont doublé, nous pouvons continuer dans cette voie. Ils savent que Personajes est plusieurs vampires, mais pourront ils deviner quel personajes vont il affronter, maintenant que leurs forces varient ? Il en sera de même pour nos autres ennemis.

 Leurs conversation s'interrompit alors, car Lucius perçut la présence d'une personne qu'il ne connaissait que trop bien. Naja.
-Elle n'est pas avec le reste du groupe ? Demanda Marty en inclinant la tête d'interrogation.
-Te retracer n'est pas bien difficile, affirma t-elle. Et je savais que Lucius serait avec toi. Cela faisait longtemps que je n'avais pas vu son joli minois.
-Je me vois honoré du compliment,
répondit Lucius dans une révérence. Marty, je te présente Naja Naquanda, une vieille connaissance. Elle mènera les personajes au combat et déterminera leurs déplacement.
-Hm… Je croyais que la chef était… Bah, la chef quoi.
-C'est le cas. Mais ne faut-il pas quelqu'un d'expérimenté pour mener cette folle troupe ? Mademoiselle Dyra n'a aucune envie d'être au commandement et n'a jamais commandé à ces vampires, il s'agit surtout d'une figure d'autorité appropriée. Et forte de symbolique, qui plus est. Je pense que notre cher Haut Sang préfère se libérer de telles responsabilités…
-Plus important,
dit Marty avec une inquiétude sincère. Ce que je veux avant tout c'est survivre... Ce plan était sympathique et je pouvais rester planqué, mais... Vous n'avez pas l'intention de berner Refinia, pas vrai?

 Lucius et Naja tournèrent la tête chacun vers l'autre, s'observant dans un moment de silence pesant ou Marty se sentait presque ne plus exister… Puis, ils s'esclaffèrent tout deux à gorge déployée, Naja se courbant sous le rire, et Lucius posant sa main sur son visage. Marty fit la moue, autant vexé que dans l'incompréhension… Quand ils finirent par calmer leurs rires tant bien que mal, Lucius fit une amicale tape sur l'épaule du vampire mineur, un grand sourire aux lèvres.
-Il est l'heure pour moi d'y aller, fit il. Je vous laisse la suite.
 Sur ces mots, après une seconde tape, il retira sa main et posa son index sur ses lèvres marquées d'un léger sourire. Un sourire malin, astucieux, narquois, sardonique, et plus que tout pour Marty, malsain. Avec cette dernière image, le vampire disparut en une nuée de chauve souris, qui s'éloignèrent dans les étoiles.



 Le lendemain, le domaine Friedsang qu'avait retrouvé Kartsa était devenu sinistre. Nombreux étaient les couloirs qu'elle connaissait qui avaient été marqués de conflit, et aussi nombreux étaient ses cousins et vassaux morts. Les cadavres recouverts de linceul s'alignaient, dans une quantité qu'elle n'aurait pas osée imaginer. Le hall était en ruine, et des chasseurs soulevaient des débris pour en sortir les corps broyés de leurs pairs, la rage au ventre. Christa, blessée mortellement, était inconsciente et alitée. Si elle n'avait pas été blessée lors de sa transformation et n'était pas si endurante, elle n'aurait eu aucun espoir de survie… Elle apprit avec choc qu'Oswald était un vampire ayant prit son apparence et les trompant tout ce temps. Cependant, cela ne l'attrista pas. Sans doute parce qu'elle n'avait jamais aimé ou estimé son oncle en premier lieu… L'humiliation de la tromperie était la seule chose qui la faisait enrager. Toute sa famille était tournée en ridicule par cette supercherie.

 Kartsa trouva Heilwig en allant vers la chambre ou Christa était soignée, quand ce dernier ouvrit la porte pour en sortir. Ses yeux étaient marqués de cernes, autant par la fatigue que par l'humeur qui frappait chaque Friedsang. Cependant, revoir Kartsa fit soulever sur ses lèvres un sourire, alors qu'il refermait calmement la porte derrière lui.
-Quel changement, je vous ai à peine reconnue.
-Vous êtes vivant…
-Etonnée ? Je me débrouille, même si j'ai failli perdre une main
, fit il en indiquant sa main couverte de bandages. Je l'ai refixée à temps… Bien que je ne suis pas certain de vraiment pouvoir l'utiliser correctement, après cela.
-Et Christa ?
-Elle survivra… C'est ce qui importe. J'ai juste peur qu'elle finisse comme Lise… Quoique, peut-être serait-ce pour le mieux. Mais, peu importe ce qui arrivera, je sais qu'elle sera forte. Elle l'est toujours, je la connais bien.
-Christel doit être morte d'inquiétude...
-Ceci l'affecte grandement... Elle enrage de ne pas avoir tué Naja hier, et ne m'a dit que quelque mots depuis.
-J'ai toujours du mal à croire à tout cela
, fit sombrement Kartsa en s'adossant au mur. Vous pouvez me faire un rapport des pertes ?
-Les onze vampires du couloir des interdits se sont échappés, et nous en avons éliminé quatre. L'un d'entre eux a été tué en tant que dommage collatéral dans la bataille. Quand à nos éléments… Nous avons perdu quatorze chasseurs Friedsang, dont Wolfgang et Oscar. Il y a pas moins d'une dizaine de blessés, dont quatre en état critique, sans comprendre Christa. Enfin, nous avons perdu une partie importante de nos archives, et six vampirologues sont introuvables… Et un vampire majeur inconscient caché sous les sous sols a maintenant disparu. Aucune donnée sur ce dernier et le travail effectué sur lui ne reste.
-L'Empereur nous protège…
-Une bonne partie de nos chasseurs chevronnés a été envoyée en mission, ainsi que tout nos entachés. Lucius Fledermaus a organisé ceci afin de nous affaiblir, et cela a fonctionné. Ne pas l'avoir démasqué est notre plus grande erreur dans l'affaire.
-C'est étrange. Les vampires ne se montrent jamais si actifs, ni si agressifs…
-Ces vampires ne sont pas à la solde de la Dame écarlate… Ils ont trouvé un nouveau seigneur, en la personne de Kazhaar Dyra.
-Lucius a toujours été un serviteur de la dame…
-C'est en effet étrange. La vérité est sans doute bien plus dense,
répondit Heilwig. Le corps d'Eleison hantait toujours ses doutes…
Cependant, je soupçonne une chose au sujet de la Dyra. Une suspicion que le comte lui même m'a confié… Cette dernière pourrait vouloir réaliser notre plan. A sa manière.
-Que faire, alors ?
-Je regrette, mais il est trop tôt pour que je le sache… Qui plus est, ce n'est pas ma responsabilité d'en décider. J'ai pris les rennes parce que personne d'autre ne pouvait le faire, mais j'ai aussi du comprendre que je n'étais pas compétent et n'avait pas le sang froid pour cela. La prochaine fois, ce sera à vous de prendre de telles décisions.
-Oui… Je dois prendre les commandes de la famille. Mais êtes vous certain que le moment est bien choisi ?
-C'est le moment
, répondit Heilwig d'un air décidé. Maintenant plus que jamais.
  Suivez moi. Nous allons présenter notre nouvelle comtesse.


 Kartsa emboîta le pas d'Heilwig. Elle allait faire face aux siens, en tant que dirigeante. Une responsabilité immense, dans cet état de crise, pesait sur ses épaules… La Friedsang ne savait si elle en était digne, ni si Lise serait fière d'elle, ni si elle ferait un meilleur travail que le défunt Oswald… Mais elle guiderait sa famille jusqu'à son dernier souffle.


Dernière édition par DALOKA le Mer 10 Avr - 1:14, édité 1 fois
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Message par DALOKA Sam 6 Avr - 19:51

Date originelle du post: 13 Septembre 2017

De la Genèse à la Fin




 La nuit est celle qui transforme l'univers des hommes en un autre ou l'évidence devient cachée. C'est ce qui rend les hommes perdus et vulnérables, et c'est ce qui leur fait haïr les ténèbres et vénérer la lumière, car une chose leur est essentielle : le savoir. Et pour obtenir ce savoir, leur sens premier est la vue. Voilà pourquoi les hommes ont toutes les raisons de craindre l'obscurité, et pourquoi ils se protègent de flammes dans l'espoir de percer la pénombre.

 Les ombres de cette nuit étaient comme des étendues d'encre qui ne sauraient s'effacer. Telles que Lucius les préférait.

 Les chandeliers brûlaient, des têtes de dragons se dessinant parmi les vaguelettes métalliques et l'émail de leurs décorations. Leur lueur rousse éclairait la jeune femme aux yeux dorés et aux longs cheveux noirs, qui de ses fins doigts déboutonnait soigneusement sa tenue, révélant de blanches épaules et une désirable poitrine à la peau lactescente. Son haut de tissu sombre tomba sur le sol et sa chevelure dans son dos, alors qu'un sourire aguicheur se soulevait sur ses lèvres roses et que son ventre lisse était à l'air libre, offert aux yeux de celui qui goûtait du regard son corps.
Allongé sur le lit un gobelet de vin dans la main, l'homme en déshabillé ne cachait nullement le désir qui brillait dans son expression pleine d'assurance. Les vêtements qui couvraient le bas de la jeune femme tombèrent à leur tour, et les courbes de ses hanches et la délicatesse de ses jambes cessèrent également d'être un secret. S'allongeant dans les draps, Lucius pressa son corps parfait contre le torse de l'homme, qui se sentait tel un roi.
-Je me réjouis encore de notre réussite, Lucie, dit-il, car c'est ainsi que Lucius aimait être appelé sous cette forme. La famille Friedsang n'est plus que l'ombre d'elle même et le cadavre du Saint est à nous.
-Tu n'as pas l'air de ressentir de remords Gustav, fit elle avec moquerie. C'est ta famille que tu trahis.
-Je suis troisièmement Friedsang, deuxièmement vampirologue, et premièrement rusé, déclara t-il en passant son bras par dessus les épaules de la femme. Tout comme l'inquisition, les chasseurs de vampires sont poussiéreux et n'appartiennent plus à cette époque. Ceci nous empêche de tirer le plein potentiel du corps d'Eleison. Bien sur, ceci est fâcheux, mais ou on est un homme de morale, ou un homme de progrès. Cette lutte avec les vampires est fatigante et contre productive !… Ceci ne signifie pas que je n'ai aucun regret d'avoir perdu de bons éléments et de bons amis. Heilwig Friedsang n'était au courant de rien, parce qu'il était trop loyal selon moi pour un tel renversement, mais il aurait pu grandement contribuer à nos projets.
-Il y a donc bien quelques regrets là, dit-elle, posant sa main nue sur le torse de Gustav. J'ose imaginer comment tu te sens… Voudrais tu que je te console ?
-Jamais je ne dirais non à un corps comme le tiens.
-Quel flatteur !
-Allons, tu coucherais avec toi même si tu le pouvais.
-Qui sait. Pouvoir prendre une apparence masculine ou féminine à ma guise est déjà une forme de complétion en soi, puisque je connais les plaisirs des deux sexes. Sais tu que dans la culture nurenuilienne, la divinité créatrice est associée au sexe féminin, et la destructrice au masculin ? Ce concept est assez intéressant, et dans mon cas, je peux incarner ces deux aspects. N'est-ce pas une sorte de perfection ?
-Je ne pensais pas que tu t'intéressais à cela.
-Les vampires ont le temps de se cultiver. Même si, pour être honnête, c'est Dame Refinia qui m'a apprise cela.
-Nous parlons trop, et n'embrassons pas assez, dit Gustav, visiblement peu captivé par le sujet. Riant à sa remarque, elle posa ses lèvres sur les siennes avant qu'il ne le fasse et ils s'échangèrent un baiser gourmand et enflammé. Le Friedsang n'était pas vilain, et ce n'était guère la première fois qu'ils s'échangeaient de telles caresses. La main de Gustav se promena vers la poitrine de la femme aux cheveux noirs, avant de glisser vers son bas ventre, puis, lâchant les lèvres de Lucie, il abaissa sa bouche pour la poser sur ses tétons.

 Comblée, elle sourit en caressant ses cheveux blonds. Immortels, beaucoup de vampires finissaient par se lasser de l'amour charnel, qui les préoccupait bien moins que les humains. Pour Lucie et Lucius, cela était toujours un plaisir gratifiant peu importe la forme adoptée. Ressentir un puissant stimuli, physique ou émotionnel, lui paraissait même essentiel à son existence, et collectionner les femmes comme les hommes était un loisir pour le moins exaltant. Ce Gustav était très certainement trop fier pour son bien, mais cela n'était pas dérangeant, bien au contraire.

 Après avoir complimenté son corps de ses mains et de ses baisers, le friedsang suait de désir. S'allongeant sur le dos, Lucie invita son amant à ne plus attendre, ouvrant ses deux longues jambes et s'offrant toute à lui. Suivant ce mouvement, Gustav la pénétra et joua des hanches pour satisfaire sa lubricité et l'hédonisme sans fin de sa compagne. Emportés dans leur chaude étreinte, ils soufflaient et soupiraient de plaisir sur les draps. Elle se complaisait dans cette enivrante lascivité qui la faisait à chaque instant flotter sur sa peau, flotter sur son nez, flotter sur son ventre, flotter dans sa bouche, flotter dans les profondeurs de sa chair. Ses gémissements volontaires gonflaient la fierté et le désir de Gustav, mais rendaient aussi son propre plaisir plus grisant.
 Lucie croisa ses bras et ses jambes sur l'homme, l'accrochant à elle. Quand elle le sentit à bout, elle approcha tendrement ses lèvres du cou de Gustav, et y planta sans prévenir ses deux longs crocs. Le friedsang ne se rendit pas de suite compte, plongé dans l'acte, de ce qu'elle venait de faire. Quand il ressentit les dents enfoncées comme des aiguilles dans sa nuque, il paniqua, interrogé, perdu, trompé, et tenta de se débattre. Mais la force de la vampire le retenait bien là où il était, dans la position où il lui faisait l'amour, et elle se délecta de sa surprise et de sa frayeur. La sensation électrisante de la jouissance se mêla au divin plaisir de l'absorption du sang, tandis qu'elle faisait sienne la chaleur humaine de sa victime. Tout son corps en fut récompensé, et celui de Gustav ne tarda guère à devenir un cadavre pâle au traits creux, tombant faiblement sur elle, le regard halluciné.
-Félicitation Gustav, fit-elle en se léchant les canines. C'est le meilleur orgasme que tu m'aies donné.

 Quelle mort ironique pour quelqu'un qui était sensé tout savoir sur les vampire, se dit-elle, repue. Ne pas être au contact direct avec eux, n'était-ce pas une notion de base ?
 Voyant l'état de Gustav et se souvenant de ses réactions quand il s'angoissait entre ses cuisses, la vampire manqua de rire. Donner ce genre de mort l'amusait toujours autant. Causer la fin de l'existence dans un acte supposer provoquer la création…
 C'était comme parodier la vie.


 
*
Quand Lucius s'était éveillé, ce jour de 1796, il était désorienté comme un enfant perdu. Tout les vampires l'étaient, le jour de leur métamorphose. Il voyait, et sentait à l'intérieur de lui, que son corps avait changé. Son sang ne s'écoulait plus naturellement dans son corps, la pompe dans sa poitrine inactive, et ses muscles lui paraissaient engourdis. Adossé sur un lit, le jeune vampire, ne se reconnaissant plus, paniquait et gesticulait sous les regards de ses aînés qui l'observaient avec une certaine curiosité.
« … Le bras s'est bien fixé. »
« Il n'a pas l'air en bon état pour autant... »
« Madame l'a récolté sur un champ de bataille, comprends sa détresse ! Et va appeler Damoiselle Roberta ! »
Il ne pipait mot à ce que ces créatures disaient en le regardant de leurs yeux luminescents, et, craignant pour sa vie, se pressait contre le matelas de peur d'être dévoré. Ou était l'Empire ? Et les rebelles ? Sa mémoire embrumée ne se souvenait que de son bras arraché, de flots de sangs, de ses confrères qui l'avaient abandonné, de la nuit froide qui l'enveloppait, et de cette femme aux cheveux rouges. Elle lui avait tendu une belle main alors qu'il s'accrochait à la vie avec des ongles écorchés. Lucius n'avait guère réfléchi, même si la douce voix lui avait clairement déclaré ses conditions et les conséquences à venir… Lucius voulait survivre.
 Et Lucius survécut. Les créatures lui expliquèrent calmement qu'il était loin du champ de bataille, et était maintenant tout comme eux, un vampire. Les chocs qu'il avait subi l'avaient plongé dans l'inconscience après sa transformation. Ces monstres, car les vampires les plus faibles étaient laids, étaient bien habillés et se comportait de manière tout à fait polie avec lui, le considérant déjà comme l'un des leurs.
 Lucius ne mit que peu de temps à accepter sa nouvelle nature, la surprise passée. Ce qu'il voulait, c'était vivre, et cela n'était qu'une manière comme une autre. La perspective même de boire du sang pour subsister ne le dérangeait pas tant et lui paraissait tout juste étrange. Ainsi allait la vie.

 Il se souvient très clairement de sa première rencontre avec Roberta Hulgens. Une femme maniaque et autoritaire qui tenait à s'imposer dès le début comme sa supérieure. Derrière la maîtresse de maison, c'était elle qui gérait tout, elle ! Et pourtant il voyait une certaine candeur dans cette excentrique obsédée autant par l'ordre que par le tic tac de ses montres. Elle lui fit regretter bien sur, dès le premier jour, de la considérer avec légèreté, et pouvait se montrer pour le moins esclavagiste avec le personnel immortel, mais beaucoup l'affectionnaient et admiraient sa loyauté sans faille envers la maîtresse de maison, pour qui elle avait une abondante adoration. Roberta était un des véritables piliers du manoir de la Reine écarlate et offrait une immense dévotion à son travail. Lucius la trouvait étrange, mais assez charmante.

 Rapidement, ce dernier se fit à sa nouvelle existence et à son nouvel univers, les serviteurs vampires, des gardiens à la vieille lavandière, lui devinrent familier et il oublia sa famille de sang qui l'avait abandonnée à la guerre. Bien sûr, il ne l'aurait sûrement jamais regrettée.
 Au centre de cet univers se trouvait la Dame Vampire, Refinia. Sa sauveuse, celle qui lui avait donné une seconde chance quand tout lui avait échoué. Mais ce n'était pas cela qui impressionnait Lucius, pour qui la reconnaissance n'avait jamais grandement pesé. La femme aux cheveux rouges était vaine, railleuse et précieuse, mais elle avait bel et bien la beauté et la dignité d'une reine. Il le comprit quand sa présence fut demandée et qu'il grava son image dans son regard pour la première fois, et saisit alors tout le profond respect que ses vampires avaient pour elle. Il se souvient que ce jour là, Refinia l'invita poliment à s'asseoir comme un ami, et alors, elle lui raconta pourquoi lui, d'entre tout les mourants, fut choisi pour recevoir sa morsure.
 « Tu es un homme rusé et opportuniste, dit-elle, car il semblait qu'elle connaissait déjà toute son existence. Et tu as gâché ces talents en tentant de tuer ton frère pour un petit héritage. Tu méritais amplement ton châtiment de mourir envoyé en première ligne contre les rebelles, mais… Je voulais offrir une suite à ton histoire. Tes talents me seront utiles. Tu apprendras ici, et au fil de tes je l'espère très longues années, qu'il y a des choses bien plus hautes que l'argent et le pouvoir, bien plus désirables, et bien moins quantifiables. »
« Je ne suis qu'un fils de petite noblesse. N'auriez vous pas d'autres motifs ? »
« Car j'en aurais besoin ?… Si cela te fais plaisir, tu étais beau, et je m'attends à ce que tu le devienne plus encore en tant que vampire affirmé. Il n'y a pas de mal à s'approprier des belles choses. Cependant, tu es aussi un personnage intéressant… Tu accepte les faits avec un flegme, à présent. Tu vas à présent te nourrir de sang humain. Tu vas tuer, et être considéré comme un monstre. Cela ne te dérange pas ? »
« Il est trop tôt pour le dire, mais n'est-ce pas ce que je suis maintenant, un monstre ? Je n'ai guère envie de me détester moi même pour autant. »
« Tu étais bien effrayant, pour un humain… Mais n'importe quel loup se discipline. Tu apprendras, Lucius, que le monde est une chose merveilleuse et que l'observer est comme le posséder. Je suis tout les jours au théâtre, et le rideau ne se ferme jamais. Admirer la pièce sans fin, n'est-ce pas le plus grand don qui soit ? »

 Ainsi commença sa seconde vie. Refinia était pour lui également une excentrique, mais il y avait une certaine dignité dans son point de vue, et une certaine justesse. L'Immortalité était bien meilleure appréciée qu'utilisée. Comme la Dame Vampire l'avait prédit, les luttes pour les possessions perdirent vite pour lui du sens… Une idée nouvelle et insoupçonnée de la direction de son être se développait en lui, tandis qu'il servait sa Dame.
 Et pas un seul jour parmi eux, Lucius ne fut malheureux.


       
*

-Mesdames, je vous présente le véritable Saint Eleison.
 Lucius avait déclamé ceci d'un air fort et théâtral, mais tout ce que Kazhaar Dyra et Naja Naquanda voyaient était un corps desséché en robe poussiéreuse hissé comme un prince sur un grand trône noir. La dizaine de tubes qui se plantaient dans son corps et en extirpaient les fluides, les crocs jaunis de sa bouche, les yeux laiteux et à l'air mort, les fioles qui s'emplissaient de sang… Tout ceci avait un air certainement  macabre.  Autour du corps se trouvaient deux individus encapuchonnés de blanc, qui semblaient l'examiner et vérifier avec soin que toutes les installations étaient bien en ordre.
-Et tu sais comment cette chose fonctionne ? Demanda Kazhaar, hésitante.
-Oh, bien sûr. Un homme fort urbain m'a tout appris avec grand plaisir sur la vampirologie et j'ai avec moi tout les documents traitant de l'étude du corps.
-D'ailleurs, qu'est-il est advenu des vampirologues ? Ajouta Naja. Je ne les ai pas vu depuis l'attaque.
-Disons que la plupart d'entre eux n'étaient plus vraiment utiles ?… J'ai pris l'apparence de Gustav Friedsang, et je m'en suis débarrassé. Mais j'avais quelque chose à vous montrer, puisque vous êtes les deux vraies meneuses des Personnajes.
 Sur ces mots, Lucius claqua des doigts de sa main droite, appelant les deux chercheurs qui, quand ils redressèrent la tête, se révélèrent masqué de noir et de lunettes en gros verres. L'un d'entre s'approcha des vampires.
-Je suppose que tu veux nous parler des trois personnes derrière ce rideau ? Fit Kazhaar, la méfiance dans le regard, en indiquant un grand voile noir auprès des multiples fioles et autres ustensiles alchimiques ou chirurgicaux. La précision de ses sens ne manqua de surprendre Lucius, qui ne pouvait ressentir ce détail dans la salle baignée de l'odeur du sang.
-Touché, répondit il, avant de lancer au chercheur : Ouvrez, ne cachons rien aux dames.
L'ordre fut donné et exécuté. Quand l'épais tissu s'écarta, Kazhaar écarquilla les yeux de surprise et de frayeur. Installés dans des sarcophages ouverts inclinés vers l'arrière se trouvaient trois humains, une femme et deux hommes inconscients, et pour la plupart assez jeunes. Le plus vieux n'avait pas trente ans. Ils avaient beau partager le teint pâle des vampires, il étaient humains et avaient un air bien plus maladif. Voir ces individus ainsi disposés, endormis et vêtus de robes noires, faisait courir des vers de dégoût sur les épaules de Kazhaar, mais Lucius, avec son flegme habituel présenta les dits individus.
-Voici les prêtres de sang, fit il en les désignant un à un de la main qui flottait dans sa manche gauche, qu'il portait plus longue que son bras par excentricité. Ce sont des humains ayant reçu le sang d'Eleison. Par raison de commodité, je n'ai gardé que les trois meilleurs sujets, leur taux de synchronisation et leur résistance étant très élevée.
-Voilà ce qui se trafiquait dans les sous sols du manoirs et dans les sous sols secrets, dit avec intérêt Naja, contemplant les trois humains. Pourquoi les avoir placé dans un sommeil artificiel ?
-Ils sont incapable de trouver naturellement le sommeil à cause du sang qui coule en eux. Ce qui ne signifie pas qu'ils n'en ont pas besoin, cette mesure est donc nécessaire.
-Ce sont toujours des humains ? Que savent ils faire ? Dit Naja, pressée d'en savoir plus, tandis que Kazhaar détournait le regard des trois personnes inertes.
-Ils restent des humains, mais leur sang n'est plus propre à notre consommation alors inutile d'y penser… L'hémomancie est leur principal atout, et ils peuvent résister à un grand nombre de traumatismes physiques. Ils peuvent aussi utiliser des tomes inquisitoriaux, et j'ai d'ailleurs une réplique de l'artefact de Saint Eleison en personne.
-Ils sont donc particulièrement dangereux pour nous… Es tu sur de ton coup ?
-Ces derniers ne jurent que par le cadavre et me sont obéissants… Leur stabilité physique fut la meilleure, mais ils furent les plus atteints mentalement.
-Il suffit ! Clama Kazhaar, levant la voix. Je ne veux pas entendre de telles choses.
-Je ne fais que vous renseigner sur nos atouts, mademoiselle…
-En apprendre plus sur ceci me répugne. Ces expériences sur ces pauvres gens sont…
-Si cela vous répugne tant vous n'avez qu'à les libérer, dit Lucius en haussant les épaules. Personne ne saurait vous en empêcher.
-… Si j'échoue, alors je vous autorise à les utiliser. Cependant, je ne veux pas en voir plus.

 Ces mots ainsi prononcé avec fermeté, elle tourna les talons et s'apprêta à sortir de ce qui était pour elle un musée des horreurs.
-Nous nous reverrons pour le plan d'attaque, lâcha t-elle sans se retourner, avant de disparaître pour de bon. Les yeux de Naja et de Lucius la suivirent jusqu'à ne plus l'apercevoir du tout.

-Notre supérieure est bien sensible, fit la vampire en croisant les bras.
-Ne lui reproche pas cela, dit Lucius un sourire compatissant aux lèvres, sa main gantée de noir venant caresser la joue d'un des sujets inconscients. Elle s'identifie à ces derniers. Et je sens qu'elle a peur qu'on tente de l'utiliser.
-Et cela n'est-il pas vrai ?
-Ne joue pas avec le feu ma chère, tu sais de quoi elle est capable… Cette femme déteste les vampires, tu sais ? Au final, pourquoi ne serait-elle pas celle qui nous trahis ?
-La perspective n'a pas l'air de te déplaire.
-Ne dis pas de bêtises, fit il dans un léger rire. Je considère simplement les possibilités. Mais que dirais-tu d'assister à leur réveil ? Je n'ai guère besoin du regard de notre dame pour te montrer ce qu'ils savent faire.
-Mais ce sera avec plaisir.

 Lucius commanda aux deux vampirologues d'éveiller les trois sujets et ces derniers, l'air soucieux, prévinrent des potentiels risques. Le vampire dit qu'il ne fallait guère s'en soucier, insistant poliment pour qu'on sorte ces derniers de leur stase dès maintenant, et les chercheurs se mirent au travail, commençant les incantations pour les réveiller. Alors qu'ils étaient côtes à côtes devant ces corps dont les muscles frémissaient de nouveau, Naja posa affectueusement sa tête sur l'épaule de Lucius, observant avec attention les futurs prêtres de sang, et il passa doucement son bras autour du cou de la vampire.
 Les yeux des corps s'éveillèrent. Naja désirait l'épanouissement du potentiel de leur race et de leurs capacités, il comprit donc aisément l'intérêt qu'elle avait pour ces personnes qui représentaient une nouvelle possibilité. Kazhaar quand à elle désirait prendre sa revanche sur Refinia, qui lui avait infligé un traitement similaire à ce que les Friedsang firent à ces enfants…
Ce que voulait Lucius était tout autre, et ces finalités n'étaient pour lui que des phares qui lui permettaient de mieux naviguer. Son but, qu'il était bien plus approprié de qualifier de caprice, était bien plus désirable, et bien moins quantifiable.


*


Ce jour là la tour de l'horloge du manoir était habitée par un vacarme bien plus féroce que d'habitude. Quand Lucie entra dans la salle de l'observatoire, elle manqua bien de subir l'attaque involontaire de quelques écrous et rouages qui chutèrent à ses pieds dans un choc métallique, la forçant à esquiver nonchalamment quelques pièces de métal jetées sans grande conscience. Devant elle s'étendait tout un mur de mécanismes complexes auxquels elle ne comprenait guère grand-chose, et partout sur le plancher se trouvaient divers outils et objets d'acier et de verre. La silhouette de Roberta Hulgens se trouvait en haut de ce mur, la tête plongée dans les mécanismes.
« Quoi ? » S'exclama t-elle, irritée, en détournant son visage de son travail pour remarquer Lucie, qui la salua de sa main gauche, agitant dans l'air sa longue manche.
« Tu n'as pas l'air de bonne humeur. »
« Serais tu là pour te moquer de moi, par le plus grand des hasards ?... »
« Non. Même les vampires peuvent avoir des problèmes sentimentaux, surtout une femme sensible comme tu l'es. »
 Roberta était habituée aux taquineries de sa part, mais son visage résigné révélait bien que Lucie avait vu parfaitement juste et cela sans le moindre effort. Pour la gouvernante du manoir, entièrement dédiée à son travail, mettre fin à une relation amoureuse avec un homme était aussi exceptionnel qu'en commencer une, et malgré ses talents, elle ne comprenait que peu de choses à ce qui reliait les gens entre eux, ou même à ses propres émotions. C'était un cas ou Roberta Hulgens était, comparée à sa collègue, impuissante.
« Tu veux faire une pause ? Proposa Lucie dans un sourire amical. On peut en parler, si tu veux. »
« Je ne te permets pas de me traiter comme les mijaurées humaines de mauvaise vie que tu fréquente. Qui plus est tu sais très bien que je ne me fatigue jamais à la tâche. »
« C'est ce que tu ne m'as l'air guère efficace. Vu l'excitation avec laquelle tu manie tout cela, tu pourrais casser quelque chose, et je sais très bien que tu vois la maladresse comme la pire tare du monde. Ne voudrais tu donc pas détendre un peu ce qui pèse sur ton esprit ? »
« … Soit, je t'accorde une heure, pas plus. J'avais prévu de prendre le thé, de toute manière. »
Quel mensonge évident, se dit elle, alors que d'un bond Roberta atterrit sur le plancher. Comme Lucie s'y attendait, sa collègue ne fut guère avare, une fois lancée sur la conversation, pour lui confier ses soucis et ses doutes. Elles parlaient ainsi entre amies, et elle n'hésita pas à lui donner des conseils et encouragement chaleureux. Cela l'amusait un peu de voir cette vampire de presque trois siècles en proie à des troubles relativement triviaux.
 Ce n'était point par hasard également qu'elle avait pris son apparence féminine en vue de cette conversation. Toujours, Lucius choisissait son apparence selon la personne qu'il fréquentait, adoptant le sexe qui mettrait le plus à l'aise cette dernière ou la charmerait le plus. Et c'est en tant qu'amie féminine que Roberta s'ouvrait le plus à lui sur ce genre de soucis, ceci même si elle savait pertinemment qu'elle était née en tant qu'homme. Lucie s'était tant habituée à se prendre au jeu que cela était devenu une seconde nature, son origine n'ayant guère d'importance. Les mensonges devenaient vite des vérités, et les vérités d'autant plus vite des mensonges.
 Lucie se sentait toujours parfaitement honnête en tant que femme, parfaitement honnête en tant que meilleur amie de Roberta, et c'est avec autant de sincérité qu'elle appréciait ces moments d'amitiés.

 Avec Refinia, sa Dame, son rapport était différent mais encore plus étroit. Depuis sa transformation, elle n'avait jamais manqué de conseil envers son protégé, qui devint par la suite un des hommes en qui elle avait le plus confiance. Mais cela était plus que cela encore. Tout comme Refinia aimait Roberta Hulgens comme sa fille, elle était pour Lucius comme une mère. Toujours, il l'avait estimée, aimée, et respectée comme telle. C'était ainsi que son pouvoir était à ses yeux plus puissant que celui des autres seigneurs vampires, car presque jamais il ne voyait sa dame faire usage de la menace ou de la force, et jamais il n'eut de doute que sa Dame était le meilleur maître qui était.

L'Amour qu'il lui portait lui aussi, était sincère.


*
 

Le plan s'était mis en marche. Les quatorze Personajes, avec Kazhaar à leur tête, étaient apparus dans la nuit au manoir de Refinia, loin dans les montagnes de la bordure Tarodienne, et avaient débuté les hostilités. Les serviteurs de la Reine écarlate, qui virent approcher les vampires hostiles masqués et couverts de cape noires, se révélèrent, et les deux forces étaient égales. Un conflit impliquant plus de dix vampires était une rareté à voir, et particulièrement quand ces derniers se trouvaient dans différents camps. Kazhaar semblait exaltée par l'approche de son objectif, mais aussi, Lucius le soupçonnait, par le pouvoir qu'elle détenait à présent. Un pouvoir suffisant pour appeler la Dame à sortir de chez elle pour venir lui parler d'égale à égale.

 Mais Lucius se tenait éloigné de la bataille, observant les événements caché dans les hauteurs montagneuses que côtoyait le manoir. Accroupi dans la roche, là où il pourrait voir et entendre avec aisance tout ce qui se tramait en bas, il attendait avec impatience de voir la grande confrontation. Pour Kazhaar Dyra, c'était peut-être la conclusion d'un histoire qui avait commencé il y avait trente six ans, quand lui même enleva la jeune fille sous ordre de Refinia. La vampire immaculée, couverte de ses cheveux comme d'un habit blanc, attendait avec assurance aux portes du manoir. Mais cette fois, si la Dame ne se montrait pas, elle n'aurait aucune honte à arracher les portes. La rencontre était inéluctable.
 Et finalement, les portes du château s'ouvrirent, et elle apparut suivie de Roberta. Refinia, la reine aux cheveux rouges et à la robe noire, dans toute sa dignité et sa noblesse, daignant exposer sa présence à la jeune Vampire qui l'observait déjà avec un air de victoire. Cependant, le visage de Refinia lui était ferme, signe d'une colère contenue.
 Le rideau s'était ouvert, et cette fois elle ne serait pas la spectatrice, mais l'antagoniste de cette histoire. Il n'y avait pas d'autre issue, et Lucius brûlait d'impatience de voir le déroulement de ce dialogue.
-Quitte ces lieux sur le champ, clama froidement Refinia. Je ne suis guère d'humeur à plaisanter, ma toute petite fille.
-Ne faites pas comme si vous étiez surprise, grand mère, dit Kazhaar, un sourire en coin.
-Je ne m'attendais guère à ce que tu vienne me provoquer ainsi et maintenant. Sans doute ai-je fait l'erreur de te croire plus raisonnable que tu ne l'es.
-Vous n'imaginez pas combien j'ai attendu ce jour, fit la Dyra en observant ses doigts s'agiter dans sa paume. Et me voilà, à présent, devant votre royaume.
-Tu n'observe pas correctement la situation, dit la dame vampire entre ses dents, retirant un à un ses deux longs gants noirs pour les tendre à Roberta, qui les saisit avec respect et crainte, sachant ce qui se préparait.
Il n'y a pas si longtemps, tu me demandais si j'étais rouillée. Tu vas pouvoir le vérifier de tes yeux.

 Ce n'était pas avec sarcasme et dédain qu'elle disait cela, mais avec un visage qui reflétait son impatience devant ce qui était pour elle outrageant. Déjà, ses bras rougissaient, le sang bouillonnant dans ses veines. Lucius n'était pas sur que Kazhaar puisse gagner, mais cela importait peu dans son plan, et ne dérangeait guère l'aspect dramatique de ce combat. Lucius lui même n'avait jamais vu Refinia réellement se battre, et elle ne faisait usage de ses véritables pouvoirs que quand quelqu'un parvenait à la faire sortir de ses gonds.

-Je peux tolérer tes mesquineries, ma toute petite fille, prononça sèchement Refinia, son irritation de  moins en moins contenue. Je peux souffrir tes insultes et tes provocations… Mais que tu vienne m'attaquer, moi, dans ma demeure, ça, non. Je moque de tes nouvelles capacités tout comme de tes nouveaux amis : tu ne t'en sortiras pas indemne...


Dans un sourire plein d'audace, la vampire à l'air juvénile n'attendit pas les prochains mots de la dame pour courir vers elle avec un air félin et hostile. Refinia leva son bras cramoisi vers elle, le sang dans sa chair semblant presque luire, et un éclair rouge fondit de sa main vers Kazhaar, qui l'évita avec aisance d'un bond, semblant presque subitement réapparaître devant la Dame Vampire pour lui donner un coup de poing dans le plexus de bas en haut, la projetant comme un boulet de canon dans le premier étage de son manoir, explosant les pierres noires du mur au passage. Roberta, horrifiée en voyant cela, s'apprêtait à attaquer Kazhaar en réponse, mais fut interrompue par la voix claire et forte de sa propre supérieure.
-Ne viens pas te mêler de cela, Roberta, fit-elle, sa voix se perdant dans les débris et la poussière du mur du noble bâtiment. Punir cette enfant est ma responsabilité. Tu devrais aider le personnel à exterminer la vermine.
-Ce sera fait, Madame, répondit Roberta, s'éloignant sans quitter du regard Kazhaar qui avait l'attention levée vers les dégâts qu'elle avait causé, non pas aux bâtiments mais à la Dame Vampire, que Lucius ne pouvait voir de sa position. Quand Refinia émergea des poussières, sa tenue était déchirée, sa coiffure désordonnée, et son regard enflammé. Elle avait déjà suffisamment guérie pour se relever, et le bas de sa robe s'enflammait, révélant les jambes de Refinia qui, comme ses bras, prirent un aspect fumant et ensanglanté en dessous des cuisses. Entre ses lèvres rouges se découvrit un rictus carnassier, et elle défit ses cheveux pour laissert tomber une cascade sanguine sur ses épaules, dont la couleur semblait irradier. Déchirant l'arrière de sa tenue, des ailes à la coloration organique sortirent de son dos, du sang bouillant coulant également en elles.
 Refinia n'avait plus l'air d'une dame noble et distinguée, et sa nature vampirique ressortait avec une puissance inouïe. Elle avait l'air d'un véritable être infernal, et le rouge qui brûlait sous sa peau s'opposait au blanc pur qui recouvrait celle de Kazhaar. Dans la nuit, les deux superbes vampires étaient un véritable plaisir à voir.
 
 Elles s'élancèrent, comme un démon contre un ange, et le début de l'acte final débuta. Les projectiles sanguins de Refinia voletaient dans l'air et dans toutes les directions, et Kazhaar les évitait en bondissant avec tout autant d'agilité, consciente qu'elle ne pourrait encaisser que peu de ces puissantes attaques. Ceci n'était comme aucun combat que le dit Haut Sang a mené jusqu'alors, car l'orage rubescent qui se déchaînait sur elle l'obligeait à repousser les limites de son corps et de ses réflexes. Il se demandait comment pourrait-elle tenir, mais cette fille était pleine de ressources et de volonté. Une fois de plus, elle parvint à frapper la Dame Vampire qui volait dans les airs, la forçant à se fracasser contre le sol. Le combat se retournait, contre toute attente, à l'avantage de Kazhaar. Elle était définitivement plus vive et plus forte que Refinia, et lui brisa les jambes sur le champ avant que cette dernière ne se relève. Du sang assez chaud pour faire fondre l'acier gicla et s'écoula en flaque sur le sol, poussant Kazhaar a reculer d'un saut en arrière. A terre, l'épaule également ravagée, Refinia exprima un léger rire, qui fit faiblir l'expression de confiance de Kazhaar.

-Bravo, s'exclama t-elle dans une ironie aride. Tu es remarquablement forte. Regarde l'état dans lequel je suis ! N'es tu pas satisfaite ?
-Vous vous moquez de moi ?
-Ai-je l'air de jouer la comédie ? Fit Refinia en bougeant le bras désarticulé qui s'attachait encore à son épaule brisée. Félicitation, Kazhaar Dyra! Ne devrais tu pas être fière des pouvoirs que je t'ai remis ? N'est-ce pas grâce à cela que tout ces chiens te suivent et te nomment Haut Sang ?
-Vous ne récoltez que ce que vous avez semé, dit-elle avec amertume.
-Moi ? Moi, je n'ai fait que te transformer. Le reste n'est pas de mon fait.
 Kazhaar serra les dents et les poings. Les mots de Refinia semblaient véritablement l'attaquer, comme si le combat continuait toujours mettre quand elle était à terre. Et pourtant, c'était elle qui se tenait debout, sans même une éraflure.
-Réalisez vous ce que être le ''Haut Sang'' signifie ? Cela signifie être traquée par des vampires qui voient ce qui coule dans votre chair comme autant de pouvoir que de plaisir, comme autant un grand cru qu'un château. Cela signifie être un sujet d'expérience pour les humains, qui ne me traitent guère différemment d'un monstre ! Savez vous seulement pourquoi j'apprécie le pouvoir que je possède maintenant ? Parce que je n'ai plus à être cachée, ni à être protégée ! Pour ne pas servir d'objet aux autres, je DOIS les dominer. Je n'ai jamais eu le choix. Vous ne m'avez pas laissé le choix ! Pourquoi, parmi tout vos vampires, suis-je la seule à n'avoir eu aucune décision quand à ma transformation ? Pour une vengeance datant d'il y a deux siècles, de laquelle je ne savais rien !
-Tu n'as pas l'air pourtant de mal te porter.
-Je me porterais mieux si je pouvais redevenir humaine !
 Ces mots criés semblaient s'être soudainement échappés de la poitrine de Kazhaar, de manière incontrôlée. Le visage de Refinia devint ferme et stoïque, alors que son regard était fixé vers Kazhaar et que la flaque de sang s'écoulait lentement vers elle.
-… Ce combat n'est pas un combat d'ego comme vous le pensez, reprit Kazhaar, la voix chevrotante. C'est une vengeance, comme votre haine absurde envers les Dyra. Que pensiez vous ? Que votre gentille toute petite fille allait rester patiemment dans son coin, sans faire de vagues, quand vous avez volontairement arraché son humanité dans un rituel douloureux et humiliant ? Vous pensez que ça n'a pas de conséquence, que vous êtes au dessus de tout ça ?
 Il y a tant de choses qui me manquent autant que le soleil et auxquelles je n'ai jamais pu dire adieu… Même le peu que j'ai réussi à construire est en vérité si fragile. Si vous saviez, ce que ca fait d'être découpée en morceaux, puis vivre enfermée et séparée en six pendant des dizaines d'années ! On devient folle, là dedans. Le temps n'a plus de sens, ce que l'on pense non plus, on récupère chaque bruit, chaque sensation, pour tenter de croire qu'on existe encore ! Et j'ai fait tant d'efforts pour prétendre que tout allait bien, juste dans l'espoir de voir un futur heureux devenir réalité.
 Mais il ne le sera jamais. Vous aviez raison, et je ne peux plus mentir là dessus. Je ne pourrais pas obtenir la quiétude, ni regagner mon humanité. Je peux à peine être bonne en tant que mère, en tant que femme, et une part de moi me hurle de pleurer. Mais je peux faire ce que vous voyez ici ! Votre monde nocturne pourri par les vers va s'effondrer, et vous avec! Tristement, je ne pense pas que vous pourriez survivre un séjour entre six boites.
-Tu as donc fini ton discours ? Dit froidement Refinia.
-… C'est tout ce que vous avez à répondre ?
-Je prends cela pour un oui.

 Kazhaar se rendit compte trop tard que ses pieds déjà baignaient dans le sang de Refinia. Ses cheveux ne sauraient absorber une telle quantité d'hémoglobine, et déjà le liquide rouge se glissait dans son armure. Kazhaar était trop secouée pour réagir correctement, et le sang de la Dame Vampire déjà en elle se mit à bouillir tel le magma, circulant dans tout son corps. Dans des atroces cris d'agonie qui laissaient imaginer la douleur qu'elle ressentait, la vampire était brûlée de l'intérieur. Tombant au sol, incapable de faire quoique ce soit, elle convulsa alors que le sang de Refinia détruisait chaque parcelle de sa chair.
 Se relevant et faisant craquer ses os, ses blessures guéries, Refinia s'approcha de la vampire aux cheveux blancs, s'accroupissant devant elle en l'observant souffrir son supplice sans ciller ni en tirer un quelconque plaisir.
-Apprends que j'ai la décence d'écouter les gens jusqu'au bout quand ils parlent, ma chère, et que j'ai bien entendu tout ce que tu as dis. Je suis en effet responsable d'avoir ruiné ta vie, et même responsable de ce que tu es maintenant. Cependant j'ai bien peur que tu n'adresse pas ces paroles à la bonne personne… Je suis Refinia, la Reine écarlate, tu es ici chez moi, et jamais tu n'auras d'excuses de ma part.
 

 Kazhaar, comme Lucius s'y attendait, avait finie dominée par sa dame. Après une tirade passionnée, elle s'était finalement faite vaincre. Cette conclusion n'était pas entièrement déplaisante, et après un combat bref comme furieux Refinia brillait de gloire et de dignité en assumant ainsi ses actes. Même s'il préférait vivre l'action, il avait été exalté par les événements…
Mais ce final manquait d'un retournement dramatique.

 Quand Lucius apparut sur le champ de bataille, Roberta fut la première à le repérer et à accourir près de lui, affolée par la situation. Ces vampires rustres étaient bien organisés et elle ne s'attendait guère à rencontrer une réelle résistance, cependant voir son collègue si soudainement ne pouvait qu'attirer son attention, comme il s'y attendait.
-Je vois que j'arrive à temps, dit il en observant le chaos ambiant.
-Tu es plutôt monstrueusement en retard !
-Je n'étais pas au manoir, justifia Lucius en levant une de ses paumes.
 Refinia, qui s'assurait que Kazhaar était bien inoffensive, leva le regard vers son serviteur dont elle n'attendait pas le retour. Il semblait que dans cette situation, elle ne se demandait pas que faisait il ici et maintenant quand rien ne les informait de l'assaut, car sa présence était avant tout une nouvelle favorable. Kazhaar vaincue, les intrus seraient en effet aisément repoussé, et son visage se détendit en conséquence. Lucius lui rendit son sourire.
-Je te passerais un savon plus tard, prononça sévèrement Roberta. Ces jeunes vampires ont à leur tête Naja Naquanda, tu dois la connaître, non ? Aide moi à m'en débarrasser.
-Bien évidemment.

 Roberta n'attendit guère Lucius pour s'élancer, et il la suivit dans son mouvement. Un pieu de bois émergea alors de sa manche, et, interrompant la course de la vampire en lui attrapant l'épaule droite, il lui transperça le dos, la pointe de l'arme explosant la poitrine pour en ressurgir. Ce n'était ni la douleur, ni l'effroi, ni la colère qui marquait le visage de Roberta Hulgens en observant, le corps secoué de spasmes, le bois qui lui traversait le corps, mais une expression d'absolue incompréhension. Et, avec cette même fascinante figure perdue et anéantie, cette dernière périt, sans même croire à ce qu'il venait de se produire.

 Qu'est-que trahir ? La trahison, c'est avoir fabriqué une image de soi, pour un jour l'invalider, révéler la confiance portée comme sans valeur, dévoiler cette image comme étant à présent fausse. Pourtant cette image a indéniablement existé. Volontairement, ou involontairement, elle a du être faite, car un mensonge sans substance, sans vérité, ne peut convaincre personne. Trahir, c'est créer une chose, pour par la suite la détruire. C'est acquérir le pouvoir de faire et de défaire.

Trahir est un pouvoir divin.

Refinia venait de voir celle qui était pour elle comme sa propre chair se faire assassiner, sous ses yeux, par l'homme en qui elle avait le plus confiance au monde. Après l'étonnement et l'horreur, ce fut une rage folle qui anima ses traits avant qu'elle ne fonde vers Lucius, semblant presque s'enflammer de pourpre. Mais, dans sa charge, un cercle de runes dorées se traça sous ses pieds, et ses bras s'élevèrent en l'air, maintenus par une force invisible. Le vampire n'avait pas bougé d'un pouce, et tenait toujours le corps inerte de Roberta.

 Trois figures drapées de noirs étaient apparues près de Lucius, semblant surgir du sol dans des flaques de sang. L'une d'entre elle tenait un épais livre à la couverture dans ses mains, et les deux autres avaient levé les deux bras vers Refinia, semblant dans une extrême concentration. La Dame vampire était dans une colère jamais connue encore, et les trois individus semblaient frémir en la réduisant à l'impuissance.
 Et Lucius l'observait, incapable d'en détourner son regard, alors que le corps de Roberta reposait lourdement sur sa poitrine. Le vampire semblait secoué par les émotions qui l'assommaient presque, tant que s'il était humain son visage se serait noyé de larmes.
  Car c'était là le jour pour lequel il avait tant vécu. Cette affirmation de son être éveillait en lui un plaisir puissant et presque physique, une sensation de capacité suprême qu'il ne pouvait obtenir que par la destruction de son précédent être.
 C'était son apothéose.

-Lucius… Siffla Refinia, du sang fumant coulant de ses yeux. Je ne sais pourquoi tu as fait cela mais je jure sur mon honneur que jamais tu ne recevra de pardon !
-Je n'en rechercherai pas, dit il en secouant sa tête, se remettant de ses émotions. Tout ce que je voulais de vous je l'ai obtenu à l'instant…
-Jamais… Jamais je ne t'aurais cru aussi perfide ! Je te faisais confiance, autant qu'elle ! Alors dis moi donc, est-ce par lassitude que tu as fait ça ? Par ambition ? Vas y, mon enfant, crache moi tes réponses avant que je ne te réduise en cendres.
-Madame… C'est vous qui me disiez que nous sommes tous autant que nous sommes, des acteurs. Et quel piètre acteur ne saurait jouer qu'un seul rôle dans sa vie ? L'ironie du sort vous aurait sûrement amusée, si vous n'étiez pas une des héroïnes de cette tragédie… Madame, les sièges de la salle sont vides, maintenant, et nous sommes tous en scène.
-Tu es bien malin… Mais je comprends, en vérité. Je comprends. Tu jouis de tout cela, n'est-ce pas ? Tu en tire du plaisir tordu, et c'est tout ce qui t'intéresse. Tu es une véritable vermine.
-De durs propos, mais bien proches de la vérité en effet.
-Je savais que tu étais fou. Nous les vampires le devenons tous tôt ou tard… Mais penser que tu serais capable de nous tromper, si longtemps !…
-Jamais je ne vous ai dit un mot sans le penser, sourit Lucius en refermant les yeux du cadavre de Roberta. Je tiens à vous remercier pour tout.
-J'accepterais tes remerciements… Quand il ne restera rien de toi ! Ton petit tour est amusant, tout comme tes petits magiciens…
-Je suis surpris que vous ne ressentiez pas le sang d'Eleison qui coule en eux. N'est-ce pas vous qui aviez vampirisé jadis ce prêtre pour vos desseins ?
-Peu me chaut dorénavant toutes ces histoires, tout comme tes fanfaronnades…
 Appuyant ses pieds rouges fermement sur le sol, Refinia insista pour avancer, même quand les mages manipulaient le sang de ses bras. Leurs doigts en l'air étaient secoués de tremblements, et ils peinaient à retenir le sang de la vampire ainsi que sa force extraordinaire, même ses pouvoirs diminués par le cercle du livre. La peau pâle et rosée des coudes de la Dame finit par se déchirer, les fibres de  sa chair lâchant une à une, le cartilage cédant et l'articulation se séparant. Elle répéta le geste avec l'autre bras, l'arrachant de sa seule force physique et quittant le cercle d'or sous ses pieds. Le sang qui coulait à flot de ses bras se divisa en de multiples feus carmins, leur rafale chargeant vers Lucius et les prêtres de sang. Enrageant, elle réalisait que Lucius avait évité, laissant le corps de Roberta derrière lui. Ce n'était pas le cas d'une des figures encapuchonnés à l'air de jeune femme, qui ayant perdu ses jambes gémissait en observant ses moignons fumants. Cela était loin de satisfaire Refinia, et elle chercha des yeux Lucius, ignorant l'humaine à l'agonie. Mais ce dernier n'avait nullement l'intention de faire durer cet affrontement plus longtemps : si Kazhaar n'avait pas pu vaincre Refinia, les prêtres de sang n'avaient pas le niveau suffisant, même en étant préparés. Il était l'heure de s'enfuir.
 
  Sentant la présence dans son dos, Refinia se baissa, projetant un tir de sang vers son adversaire qui s'était déjà prudemment écarté. Elle était recouverte d'une grande cape et avait le visage couvert du masque des personajes, mais restait reconnaissable à sa longue queue blanche qui fouettait l'air. Le drap noir partait en flammes, touché par le sang, et elle dut le retirer, se révélant à Refinia.
-Naquanda… Voyou un jour voyou toujours, fit Refinia dans un sourire plein d'intentions meurtrière. Tu n'as tout de même pas l'intention de te battre contre moi ?
-J'en ai fait assez, j'en ai bien peur.

 Tout à coup Naja recula, et des chaînes d'un or translucide vinrent saisir Refinia en sortant du cercle rituel à côté d'elle, brûlant sa chair au contact dans une brûlure glacée rappelant celle de l'argent. Sacrifier une page contenant un des cinq grands sortilège d'Eleison était fort dommage, mais un prix qu'il avait déjà prévu de payer pour permettre leur fuite.
-Naja, ordonne à tout le monde de battre en retraite et d'achever les ennemis à terre si possible, dit Lucius qui se tenait avec ses deux subordonnés près des portes du manoir. Que personne n'attaque Refinia! Le sortilège serait rompu, et nous avons déjà peu de temps pour partir. Et récupère mademoiselle Dyra.

 La vampire à queue opina du chef, et accomplit les demandes de Lucius, tandis que les deux prêtres de sang allaient à la rescousse de leur camarade agonisant à terre. L'un d'entre, le propriétaire du tome, se tenait le visage douloureusement : il semblait que le sang de Refinia en avait emporté la moitié. Lucius, jetant un regard vers le cadavre de Roberta, s'approcha de sa Dame tout en maintenant la distance de sécurité requise. Si elle se libérait, Lucius savait qu'il ne pourrait que prier, et il n'était guère pieux.
-Madame, fit il dans un air formel, plongeant sa main droite dans sa veste pour en sortir un papier qu'il jeta à ses pieds. Je crois que c'est ici que nos chemins se séparent. Voici ma lettre de démission.
-Un sens pointu de l'ironie, comme toujours.
-Vous m'avez tout appris, dit il, tirant une révérence. Et si je ne m'attache guère aux choses, il faut que vous sachiez que mon amour pour vous est profond. Jamais je n'ai vu de femme plus admirable, et ces moments passés à votre service seront toujours dans ma mémoire.
-Lucius Fledermaus, avant que ne partiez, vous et vos amis, je tiens à vous corriger sur un point…
Nos chemins sont loin de se séparer.
-Oui, en effet, sourit le vampire en abaissant son chapeau sur son visage, se retournant pour partir, les regrets dans l'âme. Des regrets de ne pas pouvoir passer plus de temps avec sa Dame.
-Préparez une grande sépulture pour Roberta, elle le mérite.
-Ne t'en fais pas… Il y aura aussi une tombe pour toi.

 Lucius n'en attendait pas moins.

Il est certes vrai que la nuit est celle qui voile les choses aux hommes, et que les vampires règnent sur cette dernière. Cependant, tout les êtres conscients vivent dans la pénombre éternelle qu'est le théâtre du monde, ou vérité et mensonges s'entremêlent. Faire chuter un masque ne fait qu'en révéler un autre, et car tous se reposent sur les sens pour déceler ce qu'ils pensent être clair et vrai, tous sont aveugles.
 Lucius mentait. Il préférait ses nuits enflammées de torches, projetant des ombres hypnotisantes. Les ombres des fantasmes dont il tirait les ficelles.
DALOKA
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Chroniques de Chasse Empty œil de Lune 1

Message par DALOKA Sam 6 Avr - 19:55

Date originelle du post: 6 Mars 2019

Scission

Octobre 1870. La cour extérieure Est du domaine Friedsang se faisait froide et vide en cette matinée humide. Ce lieu de conversation et d’exercices était tristement à l’image de ce qu’était la famille Friedsang après sa disgrâce et sa défaite, maintenant qu’un bon nombre de ses membres était ou bien mort ou réquisitionné en permanence pour d’importantes missions, et que les futures recrues faisaient tout pour éviter de devenir à leur tour chasseur de vampire et s’engager dans cette guerre. Une seule personne s’entraînait ici sur l’herbe verte et fraîche, et depuis un moment déjà. Christel tranchait le vide de sa large épée noire à multiples reprises, perfectionnant ses mouvements et mettant ses muscles à l’épreuve contre une myriade d’adversaires invisibles. Sa respiration était forte, absorbant à grande bouffée l’air qui l’environnait, refroidissant son corps en ébullition. De la sueur ruisselait sur son visage et ses bras nus, faisant luire sa peau légèrement rougie sous le soleil matinal. Dans ses gestes brusques et puissants, des gouttes de transpirations retombaient parfois sur la verdure encore mouillée par la rosée. La chose la plus difficile lorsque Christel maniait son épée, c’était de ne pas se faire emporter par le poids de ses attaques, ou de maîtriser cette puissance pour en faire un avantage. Malgré sa force, elle ne faisait que soixante kilos ; ses jambes étaient autant mises à l’épreuve que ses bras. Maîtriser cette arme large, faite pour trancher les monstres et non affronter les armures, l’avait forgée, et pourtant ce n’était pas assez. Elle maintenait ce rythme chaque jour, car ce n’était pas assez. Les cris de Christel se perdaient dans la cour du domaine à chaque mouvement d’épée, chaque matinée, et chaque fois elle continuait jusqu’à l’épuisement. Personne ne lui demandait cela, c’était la seule exigence de sa peur d’échouer à nouveau. Parce qu’elle n’avait pas été assez compétente lors de sa mission à Zu Feorn, tant de gens périrent : elle ne pouvait pas compter sur sa seule force de louve pour affronter les vampires majeurs.
Dans son entraînement, elle remarqua ne plus être seule dans la cour : s’avançait dans un manteau blanc de chasseur Kartsa Friedsang, la nouvelle comtesse, qui avait gagné en prestance et en beauté alors que ses cheveux blancs étaient devenus plus long, et que son expression s’était débarrassée de sa sécheresse forcée. Même si elle faisait moins garçonne, elle n’en avait pas moins l’air plus forte. Christel arrêta le mouvement de son épée, estimant le moment idéal pour une pause. Sa poitrine se soulevait fortement à cause de l’effort, et son corps était endolori, mais cela était un type de douleur qu’elle avait appris à apprécier, à considérer comme essentiel. Elle ne salua pas la comtesse, car les mots auraient été étouffés par son besoin de respiration.
– C’est agréable de voir qu’il y aura toujours quelqu’un dont la motivation est intarissable, fit Kartsa dans une expression qui mêlait moquerie et compliment. C’est louable.
– Eh bien… Exprima Christel, encore essoufflée. Vous n’avez pas peur de sentir le chien, pour vous approcher ainsi ? C’est louable.
La lycanthrope fit quelques pas pour poser la Jackal contre le tronc d’un chêne, avant d’elle même s’effondrer sur ses fesses aux pieds de l’arbre, s’adossant contre son écorce. Même avec tout ce qu’il s’était passé, Kartsa, qu’elle avait détestée, méprisée, et insultée, était une des rares Friedsang qui osait entrer en contact avec elle.
– Peut-être voulez vous être mon prochain partenaire d’entraînement ? Fit Christel. Je suis partante, si vous me laissez souffler un peu bien sur.
– Vous êtes plus forte que moi Christel, et il est aisé de s’en rendre compte. Ce ne serait pas utile.
– Dommage… Vous êtes contente de cela ? Nous avions prévu une revanche.
– C’est que je sais que je vais perdre et que je n’aime pas perdre. Et puis, j’ai maintenant des rôles qu’il n’y a que moi pour assumer.
– Vous vous défilez,
fit Christel avec un sourire en coin. J’ai toujours perdu contre Christa et je n’ai jamais renoncé. Mais si vous êtes déjà satisfaite de la force que vous détenez… Je suppose que c’est bien aussi. Je n’ai plus envie de vous tuer d’ailleurs. A vrai dire je vous aime bien, même.
– A-Ah… Fit Kartsa, un sourire gêné sur le visage. C’est une bonne chose. Je pense.
– Enfin, puisque vous êtes occupée ces derniers temps j’imagine que vous n’êtes pas ici pour m’admirer en train de suer.
– Exact. Nous avons un problème… Christa est venue me voir, hier soir. Elle veut que je la bannisse du domaine Friedsang.
– … Quoi ?
– Plus précisément, elle ne veut plus se battre. Heilwig n’est pas là actuellement, et Christa ne s’ouvrira jamais à moi : son opinion sur ma personne n’a pas beaucoup changé… Vous le savez comme moi, Christa est trop importante pour qu’on la laisse partir ainsi. Les derniers événement l’ont peut-être brusquée, je n’aurais pas pu m’y attendre, elle a l’air si calme, si méthodique… Vous êtes la seule qui pourrait la convaincre. Je pourrais la forcer à rester mais… Je préfère éviter. Son regard, il m’intimide.
– Oui, rien de bon n’en résultera si on la force à combattre… Je vais voir ce que je peux faire
.
Christel maintenait une attitude contenue, mais était véritablement choquée par ce qu’elle venait d’apprendre. Sa jumelle n’avait jamais apprécié la violence, mais avait une détermination profonde, était prête à tout sacrifier pour le plan d’Heilwig. Sa dévotion ne connaissait aucune borne… Alors pourquoi un changement si brusque d’avis ? Elle même n’avait aucune idée de comment elle pourrait convaincre sa sœur… Mais elle serait capable de la comprendre. Il le fallait bien.
Reposée, Christel s’épongea le visage, les aisselles et les bras avec une serviette, et décida d’y aller sans plus attendre. Le manoir d’Heilwig était bien à deux heures de marche, vers la campagne en dehors du domaine principal. Hissant la Jackal sur son dos, sa tunique encore collée à sa peau, elle se mit en route. Christel n’y retournait pas toujours pour la nuit, même si là bas au moins on l’autorisait sans problème à dormir dans un lit confortable. Elle se consacrait pleinement à la reconstruction du domaine et à son entraînement… Sa sœur elle n’avait pas besoin d’autant s’exercer. Elle était douée, naturellement.

La longue route de campagne qui serpentait entre les petit bois montait vers des forêts plus hautes et plus épaisses, où se trouvaient quelques autres bâtiments Friedsang dont l’église abandonnée que Heilwig appelait son manoir. Sur le chemin, elle croisa des paysans dont le visage était parfois familier, et qui la reconnurent aisément à la lourde épée dans son dos et à son allure : les villageois alentours connaissaient souvent les sœurs louves. Ils savaient qu’elles étaient des monstres apprivoisés par les Friedsangs, et même après toutes ces années passées à grandir ici, peu de gens éprouvaient pour elles une franche sympathie. Leur lien à la famille Friedsang était une garantie qui les protégeait de leur animosité et de leur peur… Pourquoi sa sœur, qui était rationnelle, voulait-elle courir le risque de n’être plus juste une entachée mais une lycanthrope sans propriétaire, que l’on pourrait abattre avec légitimité ? Ce n’était pas le nom de Friedsang qu’elles espéraient, et c’était un titre humiliant, mais c’est grâce à ce titre décerné par Heilwig qu’elles vivaient.
Après cette longue marche qui compléta son exercice matinal, Christel se retrouva devant les deux grandes portes de l’ancienne église, qu’elle contourna pour passer par un des bras du bâtiment. Les entrailles de ces vieilles pierres avaient toujours été sa maison depuis qu’elle était devenue une créature hérétique… Ironique. Mais Heilwig lui avait appris qu’elle et sa sœur avaient malgré tout une âme, et qu’absolument rien ne prouvait qu’elles n’auraient pas accès à l’autre monde. Oui, même si elles étaient des monstres.

Christel déposa son épée dans la salle d’arme avant de retrouver sa sœur à l’intérieur d’une des tours, qui servait maintenant de cuisine. Christa, sa jumelle, y préparait déjà un repas, et avait disposée sur le feu une large casserole remplie d’eau. Sur la table étaient disposés un lapin ouvert et décapité (Christa était une excellente chasseuse), carottes, poireaux, et autres herbes, ainsi que du pain sec et du vin. Christa portait une longue robe munie d’un tablier qui, même si elle avait une allure de jeune fermière dedans, mettait en valeur ses hanches et dissimulait son physique athlétique. Rien à voir avec Christel et sa tunique d’homme.
– Tu sens la transpiration, se plaint Christa sans salutation, pointant sa sœur de son couteau. Tu devrais te laver au ruisseau et te changer avant d’entrer ici.
– J’avais l’intention de le faire, mais je devais te voir avant.
Sans second commentaire, Christa se mit à couper le lapin en morceau, le déchiquetant méthodiquement. Contrairement à Christel, qui ne savait que se battre, elle avait développé d’autres talents, savait écrire, cuisiner… Cela n’était probablement pas juste de la limiter à la chasse au monstre. Mais elle était la meilleure pourtant, même Christel devait ravaler sa fierté pour l’admettre. Elle était indispensable.
Observant ce qui était disposé sur la table dans son hésitation, Christel approcha sa main de la bouteille de vin avec curiosité, se faisant brutalement interrompre par le couteau de sa sœur qui se planta dans la table juste devant les doigts de la chapardeuse.
– Ne touche pas à ça. Ca peut coûter cher tu sais ?
– Heilwig ne boit pas d’alcool. Ces cadeaux de waien ont tendance à s’accumuler...
– Je ne sais pas comment tu as obtenue cette manie sudiste de boire matinalement, mais cette bouteille servira au repas et est sous ma juridiction. Et n’avais tu pas quelque chose à dire ?
– Oui… C’est à propos de ce que tu as demandé à Kartsa, hier.

Elle n’osait que difficilement nommer la chose directement. Sa sœur leva le regard vers elle un moment, puis repris sa découpe de l’animal en morceaux.
– Je pensais bien que tu serais la première à en être choquée, dit-elle sans interrompre sa tâche.
– Je ne comprends pas, Christa. Je ne comprends pas pourquoi si soudainement tu renonces à tout. Je n’ai jamais vue avoir peur, je ne t’ai jamais vue fuir. Tu as toujours été l’image même de la détermination, tu disais même être capable de te jeter dans un feu pour le plan d’Heilwig… Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
– Si je n’ai jamais eu peur c’est parce que je n’ai jamais échoué,
fit-elle avec un sourire aride. Je n’ai jamais perdu contre un vampire, grâce à mes compétences et à celles de la Coyote. Puis j’ai affronté ce monstre, Kazhaar Dyra, et j’ai perdu.
– C’est une simple défaite qui t’agace à ce point ?
S’énerva Christel, qui repensait à son propre échec en Nurenuil.
– Non, fit-elle en tranchant une articulation d’un coup sec, jetant des yeux impitoyables sur sa sœur. Je n’ai pas juste été vaincue, j’ai été écrasée, au maximum de mes capacités. Elle s’est amusée avec moi pendant plusieurs minutes puis m’a abattue d’un seul coup… Même si je me suis remise de cette blessure, une vérité persiste : jamais je n’aurais pu vaincre Kazhaar. Et il n’y a aucun Friedsang qui puisse la tuer, même toi et moi réunies. Ce jour là… Nous n’avions aucune chance. Tout nos adversaires se sont organisés, sont plus nombreux, plus forts, et nous n’avons pas d’alliés de taille. Ce qui s’est passé à Zu Feorn n’est qu’un autre reflet de ça. Si je me bats, c’est pour un futur meilleur, c’est pour vivre ma vie réellement un jour. Si nous continuons à affronter de tels adversaires, nous mourrons avant d’avoir réalisé quoique ce soit. Il n’y a pas de lendemain en étant chasseur de vampire.
– Ne voulions nous donc pas être naturalisées Friedsang ? Que vas tu faire une fois libérée du combat ? Tu pourras être chassée par n’importe qui pour peu qu’il sachent qui tu es réellement !
– C’est vrai. Mais quel est le pire ? Être chassé par des humains, ou affronter ces monstres ? Même vivre ailleurs en supprimant les curieux me semble plus envisageable que vaincre les Personnajes. Et de toute façon, nous ne serons pas Friedsang de sitôt… Kartsa n’aurait peut-être rien contre, à présent qu’elle a combattu à nos côté une ou deux fois, tant elle est aisément influençable. Mais elle sait également que le faire lui mettrait le reste de la famille à dos. Heilwig aussi le sait, et personne ne veut d’une telle situation pour la famille. Nous aurons le temps de mourir plusieurs fois avant d’être reconnues comme citoyennes normales.

Incapable de se retenir, Christel interrompit sa sœur pour la saisir au col et la forcer à la regarder droit dans les yeux de manière prolongée. Christa présentait ses idées avec calme et logique, mais elle avait peur. Et il était pour Christel inacceptable de voir sa sœur, sa sœur si forte, celle qui la maintenait toujours dans le droit chemin, déblatérer la preuve d’une telle lâcheté.
– C’est donc ce que tu fais de ce que nous avons construit avec Heilwig ? C’est donc tout ce que vaut son rêve pour toi ? Ne me fais pas rire ! Tu ne peux pas le laisser tomber ainsi, tu en es incapable !
– Je ne vais pas laisser tomber Heilwig,
répliqua Christa en saisissant le poignet de sa sœur pour lui faire lâcher prise. Et jamais je ne le ferais. Cependant tu devrais également penser à ce qui serait réellement bon pour lui. Il est de plus en plus fatigué, il a manqué de mourir cette année et était très près de perdre une main. Son état mental est instable, le stress l’accable, et ses responsabilités n’ont jamais été aussi lourdes qu’aujourd’hui. Même pour lui, c’est beaucoup trop. Ca fait longtemps qu’il aurait du prendre une longue retraite… Et je m’attendais à ce qu’elle arrive bientôt. Mais j’avais tort. Heilwig restera enchaîné à sa tâche jusqu’à sa mort, et je refuse de laisser ça arriver. Il reviendra bientôt, alors je lui parlerai… Je le convaincrai d’arrêter, et de se retirer.
– Parce que tu pense réellement que nous avons un tel pouvoir ?
– Je pense avoir un tel pouvoir, oui.

Elles restèrent silencieuses un moment, une tension palpable dans leur dur échange de regard. Le seul bruit qui persistait maintenant dans la cuisine était celui de l’eau en ébullition, qui rejetait dans l’air une vapeur brûlante. La table entre elles n’aurait pas empêché Christel de lui donner un coup de poing, mais il n’aurait pas touché sa sœur, et n’aurait très certainement pas changé son esprit non plus. Sa propre jumelle lui semblait comme un mur imperméable et incompréhensible.
Christa, son poing fermement resserré sur son couteau de cuisine, prit une grande inspiration, et une produit une expiration ponctuée de tremblements, révélant les émotions qui lui soulevaient le cœur, à elle également. Son regard se perdit, elle lâcha le couteau.
– Heilwig sera capable de m’écouter, plus que tu ne l’es toi.
– C’est toi qui devrait-être capable de m’écouter ! Même si tu as peur, ne dévalorise pas ainsi notre combat. Nous avons grandi ensemble, partagé les même convictions, et nous aimons toutes les deux autant Heilwig ! Nous sommes sœurs… De sang de parents, de sang de loup, et de vécu également. Christa… Ne te ferme pas à moi.

Christa se mordit la lèvre de frustration, ses ongles grattant le bois de la table. Son expression se mua en un rictus, qui saisit Christel d’effroi.
– Toi et moi nous sommes différentes. Trop différentes. Je ne veux que ton bien, mais il faut que tu comprenne cela… Tu ne me connais pas, ma sœur. Tu n’as aucune idée de qui je suis.
– Cesse ton petit drame. Je sais ce que c’est avoir peur, je sais ce que c’est avoir l’échec au ventre. Avoir envie de fuir.
– Moi et Heilwig nous passons nos nuits ensemble.
– Cela n’a rien à voir avec ce dont nous parlons ! Même si tu passes plus de temps avec lui…
– Nous couchons ensemble, Christel,
coupa sa sœur, articulant clairement chaque mot. Nous faisons l'amour. Nous forniquons.
Elle appuya également ce mot cru, bas et obscène, comme pour anéantir tout doute et toute fuite, passer à travers la naïveté de sa son interlocutrice. Christel ne pouvait pas faire comme si elle n’avait rien entendu, et était réduite au silence par cette déclaration. Les mots malgré leur clarté et leur nature explicite flottèrent un instant dans l’air, et elle cessa de penser. Lorsqu’elle aligna de nouveaux les mots, leur ordre, leur sens, elle voulut parler pour formuler l’espoir que ce soit une plaisanterie, mais l’idée fut tuée dans l’œuf. Christa ne plaisantait pas, elle ne lui mentait pas, c’était vrai. La vérité était face à elle et à présent c’est bien elle la guerrière qui voulait fuir, fuir à tombes jambes. Effacer cet instant, n’être jamais entrée ici, ne jamais avoir entendu ces mots. Oublier. Oublier. Oublier. Mais c’était impossible : les faits étaient gravés, avec l’impact du burin du sculpteur, au plus profond de son esprit. Elle ne pouvait pas les retirer, les arracher de son cœur. Elle ne pouvait pas faire « comme si ». Elle était face à sa sœur, qu’elle réalisait enfin ne pas connaître. Qui était cette personne ? Et elle même, dans quel monde était-elle ?
– … Depuis combien de temps ? Demanda t-elle, et cette phrase signifiait pour elle un « où suis-je ? ».
– Sept ans. Cela a commencé réellement le dixième anniversaire de notre adoption, la même année où tu as obtenue la Jackal, quand nous avions quatorze ans, peut-être treize. Nous nous aimons non pas comme une fille et son père, mais une femme et un homme. Nos rapports sont réguliers, nous nous échangeons des secrets que tu n’as jamais su, nos pensées les plus intimes, et nous envisagions de finir ensemble notre vie quand tout serait fini. C’est pour ce futur heureux que je me battais, et chaque fois que nous étions en mission je me languissais de le revoir. C’est ce genre de relation que nous avons.
– … Alors tu dis vrai,
fit-elle d’une voix étouffée. Je te connais pas, Christa.
– Nous n’avions jamais parlé d’amour… Eh bien, voilà… La chose est faite.
– Christa… Dis moi pourquoi tu me l’as dit. Pourquoi n’as tu pas continué de me mentir ?
– Je ne sais pas. J’ai menti tout ce temps pour te protéger toi plus quiconque, alors… Je pense que j’ai dis la vérité pour te faire du mal. C’est ça. J’ai voulu te faire souffrir, juste parce que je n’ai pas supporté ta naïveté. C’est le genre de personne qu’est ta sœur jumelle. Il n’y avait rien de bon à te dire cela… Rien de bon, et je savais que je le regretterai. Mais les choses sont dites à présent.

Christel ne pouvait plus supporter de rester dans cette salle, et sa sœur le devinait sans doute avec aise. Silencieusement, elle retourna à sa cuisine, reprenant sa contenance à travers la méthode et la précision de son couteau.
– Je laisserai une écuelle pour toi ici, dit-elle sans lui jeter un regard. Je ne pense pas que nous mangerons ensemble aujourd’hui.

Christel était déjà partie. Elle sortit de l’église-maison, se dirigeant avec vacuité vers la rivière comme sa sœur lui avait dit de faire il y avait quelques instants, sans réellement savoir pourquoi elle le faisait. Elle ne savait plus grand-chose, à vrai dire. Sa sœur avait détruit l’image qu’elle avait d’elle, ainsi que l’image d’Heilwig. Ce faisant, elle avait fait s’effondrer son monde ; tout devait être reconsidéré, et elle ne savait pas comment. Christel était terrifiée. Elle avait peur de ce qu’elle ressentirait en revoyant l’homme qui était comme son père, et elle avait peur en réalisant que plus rien ne pourrait jamais être comme avant. Malgré cela, son corps retrouva avec aisance le chemin du ruisseau à quelques centaines de mètres de là, et s’arrêta à la bordure de l’étendue d’eau. La petite rivière qui tranchait la forêt était parsemée de rochers couverts de mousse, et l’eau claire prenait là un éclat vert… Sans réfléchir, Christel marcha dans le liquide cristallin, puis s’y allongea, toute habillée. L’eau froide imprégnait le tissu de sa tunique, courait sur tout son corps de la tête jusqu’aux pieds. Là où elle était la profondeur était si basse que, tout son dos en contact avec la terre, sa bouche et ses yeux émergeaient de l’eau. De quoi avait-elle l’air ? Pas grand-chose, très probablement. Elle qui vantait sa force et sa ténacité était réduite en miette, et semblait attendre là quelque chose de désespéré. Comment cela était-il arrivé ? Non pas il y a quelques instants, mais bien il y avait sept ans, quand Christa et Heilwig commencèrent leur relation ? C’était très certainement quelque chose qu’elle ne voulait pas savoir, et qu’elle ne demanderait pas à sa sœur, mais elle ne pouvait s’empêcher de se la poser. Cela lui donnait la nausée. Etait-ce le geste d’Heilwig, en premier lieu, ou l’inverse ? Est-ce que cela voulait dire… Qu’elle aurait pu être dans la même situation que Christa, dont le corps était identique? Qu’elle aurait pu être désirée par Heilwig, qu’à un concours de circonstance près elle serait devenue sa sœur qu’elle connaît si peu ? Qu’elle aurait couché avec son propre père et serait devenue son amante? Elle imaginait ce qui serait arrivé si il l’avait confondu avec sa sœur dans la nuit, en l’embrassant. Que se serait-il passé alors ?
Cette fois, c’en était trop, et Christel se redressa brutalement pour vomir dans la rivière. Sa fierté en prenait un sévère coup, cela ne lui ressemblait pas. Face à ce genre de choc, elle réagissait par la colère et par la violence… Mais ici, cela lui semblait impossible. C’était une défaite totale. Crachant, haletant, à quatre pattes dans l’eau, son entraînement lui était à présent inutile. Alors que la rivière emportait au loin le contenu de ses tripes, elle se lava les lèvres avec de l’eau claire, frissonnant à cause de ses vêtements maintenant intégralement trempés, adhérant à sa peau pour épouser les formes de son corps.
– Merde… Jura t-elle. Merde, merde, merde !
Il n’y avait personne pour lui dire la bonne chose à faire ici, et contrairement à Zu Feorn, elle n’était même pas préparée à ça. Se redressant après avoir frappé futilement le sol à travers l’eau, Christel avait le menton levé vers le ciel, les deux poings serrés, ce qui lui fit voir qu’elle n’était malheureusement plus seule. Sa sœur était là, sortant des bois comme si elle l’avait lentement poursuivie, des habits rangés sous l’épaule. Elle n’avait aucune envie de la voir, pas en ce moment, alors pourquoi était-elle toujours là ? Pour contempler son état lamentable ?
– Des vêtements, fit simplement Christa. Tu en as oublié.
– …
– Tu as le droit de me détester,
poursuivit-elle, s’approchant de la bordure de l’eau pour y déposer une tunique. Mais j’ai réalisé autre chose, ma sœur. C’est que je ne peux laisser cette affaire ainsi.
– Il n’y a pas de moyen de régler ça. Tu le sais très bien.
– Ce n’est pas une solution que je propose. C’est bien pire que cela, Christel. Je t’ai déjà fait du mal, je t’ai déjà montré que j’étais une pécheresse et une femme cruelle, alors je peux dorénavant aller jusqu’au bout. Je ne veux pas que tu continue à te battre pour les Friedsang si je m’en vais, tu mourrais dans l’oubli sans avoir rien réalisé, et je ne peux pas l’accepter. Je veux que tu te retire avec moi.
– Tu entends ce que tu dis ? Tu veux détruire mon rêve, également ?
– Oui. Et je sais que tu n’as aucune raison de m’écouter… Ce pourquoi j’ai une proposition à te faire. Quelque chose de concret, que tu seras capable de comprendre bien mieux que n’importe quel discours sans doute. Affrontons nous. Sans nos équipements et artifices. Je veux te prouver définitivement que tu es plus faible que moi, et que tu ne pourras jamais réussir là ou j’ai échoué. Alors tu devras accepter de te retirer de tout cela…
– Et si je gagne ?
– Tu pourras me demander ce que tu veux, déchaîner ta colère contre ton odieuse sœur et cela de la manière dont tu le désire. Si tu le veux tu pourras même souhaiter la rupture de ma relation avec Heilwig.
– … Tu ne pense pas une seule seconde pouvoir perdre, n’est-ce pas ?
– Si c’est pour que tu vives, je suis prête à mettre en jeu même cela.
– Quand est-ce que tu veux que nous réglions ça ? A la prochaine pleine lune ?
– Ce soir même, avant qu’Heilwig ne revienne. Nous n’aurions rien si ce n’est des habits. Ce sera un duel à main nue, sans lycanthropie et sans enchantement. Je serais à la maison au coucher du soleil, devant l’idole de l’Empereur.

Sur ces mots, Christa tourna les talons, marchant vers l’intérieur du petit bois.
– Quoiqu’il arrive… Je veux que tu sache que je t’aime, ma sœur. Même si tu peux penser que c’est pour moi même que je veux te sauver, mon amour n’a jamais été un mensonge.

A nouveau, Christel était seule. Le vertige et le dégoût lui secouaient toujours l’estomac et l’esprit, cependant cet entretien avec sa sœur avait été étrangement bénéfique. Elle savait à présent quoi faire. Même si cela n’apporterait aucune réponse, elle savait qu’elle devrait se battre ce soir. La situation n’en était pas moins absurde, mais quelque chose de familier était revenu dans son monde. Inspirant longuement, elle tenta d’éloigner de son esprit les questions sur cet inceste, et se déshabilla pour se laver cette fois correctement. Sa sœur était devenue son ennemie, tentant de lui retirer ce à quoi elle tenait, et la situation prenait enfin un soupçon de clarté. Même si sa famille venait à être détruite, il lui resterait toujours une part de son monde dans le combat, et elle devait cette défendre cette dernière à tout prix. Un jour elle chasserait avec les Friedsangs en tant qu’égale, c’était le rêve précieux qu’elle ne pouvait voir nié. Celui de sa sœur était une vie de famille éloignée des dangers. Christel l’avait toujours occulté, et ne le réalisait que maintenant, mais leurs rêves avaient toujours été incompatibles. Christa était une tueuse née, mais elle voulait être une femme, la femme d’Heilwig, et sous cette lumière plusieurs aspects de sa personnalité devinrent plus clairs également. Elle était la plus mature, la « grande » sœur car elle voulait être mère. Mais Christel refusait de s’inscrire dans cette idée de sa famille. Elle était la jumelle de Christa, son égale.

Une fois rhabillée, Christel vagabonda dans la forêt avant de retourner à l’Église. Une fois rentrée, elle se força à avaler la cuisine froide de sa sœur, qui cuisinait pourtant bien. Manger ça après tout ce qu’il s’était passé était déconcertant, et Christa avait pourtant disposé son écuelle là où elle l’attendait à l’intérieur de la cuisine, comme d’habitude. Qu’elle s’intéresse à la cuisine avait été une bénédiction pour la maison, Heilwig étant pour le moins médiocre en la matière, mais Christel ne pouvait s’empêcher de maintenant de relier cette image si triviale de sa sœur cuisinant en robe près de l’âtre à son acte d’inceste.
Christel fit des exercices modérés durant l’après midi, avant de se reposer. Elle affrontait sa sœur, elle ne pouvait épuiser ses forces à l’entraînement… Déjà, la lycanthrope s’entraînait fréquemment et avec rigueur, bien plus que sa sœur. Cela ne signifiait pas que Christa ne s’exerçait pas, mais contrairement à elle, elle avait développé un éventail large d’activité… Christel savait essentiellement se battre. Elle avait toujours admiré et jalousé sa sœur à cause de cela… Que penser d’elle maintenant que la sœur parfaite ne pouvait plus être un modèle ?

La soirée approchait, et Christel se rendit alors dans la pièce principale de l’église. Là, elle vit sa sœur priant comme une pure dévote devant le chœur de l’église débarrassée de ses bancs, en effet devant l’idole de l’Empereur. Il y avait sur son visage, les yeux et la bouche close, une sérénité mêlée à une détermination certaine. Christa se releva, ayant aisément perçu la présence de Christel, et elle était habillée en tunique tout comme sa sœur, prête à parler le langage que la guerrière comprenait le mieux. Leurs poings étaient enroulés dans des bandages, afin de protéger un minimum leur mains : pourtant le combat serait brutal. Le sol de l’église était froid et dur, et ni l’une ni l’autre n’auraient l’intention de faire de cadeau à l’autre. Ce n’était, cette fois, pas un match d’entraînement, mais un véritable duel. Le seul qu’elles aient jamais eu.
– Nous permettrons à l’autre de se relever, dit Christa. Cela se termine à l’abandon, où quand l’une d’entre nous ne peut plus continuer.
– Cela me convient.
– Tu semble calme, si je te compare à comment tu étais dans la rivière.
– Eh bien tu te trompe. Je veux toujours combattre ce que tu m’as avoué, mais cela n’est pas possible, et ces émotions s’entrechoquent à l’intérieur de mon corps et de ma tête. Sans trouver de cible, elles hurlent. Parce qu’ils faut bien les diriger autre part, parce que je ne veux pas hurler moi même, j’ai envie de te tuer, Christa.
– Tu es toujours la même, ma sœur. Tes pulsions de violences régissent chez toi tout, c’est pour ça que je t’ai attirée dans ce duel. Jamais tu n’aurais refusé, c’est ce que la chasse a fait de toi. Néanmoins, ce n’est pas un combat à mort, retiens le bien.
– Toi aussi tu es une louve, quoique tu en dise. Un combat entre deux monstres sera nécessairement sanglant, tu le sais très bien.

Christa écarquilla les yeux, et de la colère apparut soudainement sur son expression stoïque. Elle détestait ça. Elle ne supportait pas quand Christel disait, de sa propre bouche, qu’elles étaient des monstres et qu’elle l’acceptait. L’une embrassait ses pulsions de violence et les considérait comme une part d’elle même, l’autre désirait les effacer car elles entraient en conflit avec ce qu’elle désirait être. Même si elle n’était plus sure de connaître sa sœur, Christel savait que ces mots l’outreraient. Reculant légèrement, elle leva ses deux poings au niveau de son visage, et sa sœur fit de même.
– … Oui, pour t’arrêter il le sera probablement, fit Christa, un air impitoyable dans le regard, celui d’une tueuse. Je vais t’anéantir, ma sœur, toi et ton désir.

Christel était maintenant la chacal et Christa la coyote. Sans signal de départ, Christa franchit la distance qui les séparaient et frappa d’un direct du droit deux fois de suite, comme pour tester la solidité de la garde de son adversaire. Les bras encaissèrent les coups rapides de Christa, avant que cette dernière n’envoie brutalement son pied vers l’abdomen de Christel, qui recula en même temps, amortissant l’impact de l’attaque. L’échange se poursuivit et Christa, toujours agressive, faisait pleuvoir une série de coup sur son adversaire qui n’avait que quelques maigres ouvertures pour donner un coup de poing, coup de poing qui était toujours esquivé. Malgré sa fougue, la chacal était repliée sur sa défensive, ce qui ne l’empêchait nullement de se prendre un des coups de la coyote, qui ne l’attaquait qu’avec une prudence certaine, voulant user et épuiser petit à petit l’endurance de l’autre. Physiquement, elles étaient presque équivalentes, Christel n’étant que légèrement plus lourde, mais techniquement l’écart semblait abyssal. Si elle tombait dans les feintes de sa terrible sœur tout comme elle était incapable de la sonder, de l’autre côté Christa lisait en elle comme dans un livre ouvert. Elle força d’un coup de poing Christel à ouvrir sa garde, et utilisa un autre pour frapper au visage d’un coup cette fois puissant : elle sentit les dures phalanges écraser sa joue contre ses gencives et ses molaires, et tomba à la renverse, du sang coulant maintenant dans sa bouche. Il était clair qu’elle ne pourrait pas surpasser sa sœur en combat, retirer leurs armes ne changeaient rien à cette affaire.
Il n’y avait qu’un seul domaine où elle pouvait dépasser Christa.

Se redressant sur ses deux jambes, elle cracha sang et salive sur le sol, et sa sœur l’observait toujours avec ce même regard. Ces yeux impitoyables, arides et pourtant pleins de volonté, le regard qu’elle connaissait le mieux chez Christa… Quel regard portait elle en aimant et en embrassant Heilwig ? Le corps de de Christel se contracta d’inconfort à cette idée. Sa sœur qu’elle ne connaissait pas. C’était peut-être elle, qu’elle voulait effacer en parvenant à frapper Christa. Elle initia cette fois l’attaque, mais Christa glissait toujours entre ses doigts : même la saisir et la plaquer au sol ne fonctionnait pas. Elle portait quelques coups, mais Christa se positionnait toujours de manière à en endurer parfaitement l’impact. Son cœur battait à en rompre ses veines : elle risquait de tout perdre. Elle le savait. Le regard inchangé de Christa transperçait sa poitrine comme un pieu. Un genou lui percuta le ventre, un poing explosa contre sa pommette, suivi d’un coude à l’exact même endroit. L’impact des coups résonnait en des échos dans toute l’église, alors qu’aucun mot n’était un échangé. C’était un pugilat long et brutal, un échange de coup inégal où Christel tomba plusieurs fois aux pieds de sa sœur qui attendait qu’elle se relève pour l’abattre immédiatement. Le corps de Christel était sévèrement endolori à plusieurs endroit, et du sang coulait maintenant dans son œil gauche, la privant de vision. Christa n’avait que des bleus, mais elle aussi était maintenant essoufflée. Malgré sa prudence, les coups qui avaient fait saigner Christel n’étaient nullement retenus : ces attaques étaient véritablement dangereuses. Un rictus d’agacement apparut sur les lèvres de la coyote, et elle adressa une autre attaque comme pour commander à son adversaire de rester à terre pour ne plus jamais se relever, mais face à ce direct du droit né d’un sentiment nerveux, la chacal attaqua : en même temps, les deux adversaires se frappèrent dans un unique choc organique au visage, et la coyote encaissa alors la force du mouvement de sa propre attaque en se retrouvant face au poing de Christel ; cette fois, c’est elle qui tomba à terre, et cracha son sang. Christel avait porté un coup sévère et puissant, et était parvenue à rester debout à son tour. Sa sœur se relevait cependant : son endurance n’avait jamais été pauvre, au contraire… Mais le rictus d’agacement sur son visage, lui, était toujours présent. Le combat reprit, de manière bien plus intense et chaotique. Peut-être parce que Christa se laissait aller à une colère et une frustration progressive, le duel devenait plus comme Christel avait décrété qu’il serait : un combat entre bêtes. Christel profita de cette tension qui se révélait dans le regard de sa sœur, et l’échange de coup se fit plus équitable… Néanmoins, l’affrontement était maintenant une ode à la sauvagerie, le lieu autrefois sacré se souillant des gouttes de sueur et de sang qui coulaient maintenant sur le corps des deux louves, et son enceinte s’emplissant du bruit des coups et des cris. C’était long. Interminable. La nuit était tombée, et aucun cierge n’avait été allumé pour éclairer le déchaînement de violence qui avait maintenant lieu dans un voile léger d’obscurité.
Enfin, Christel sentait à plusieurs reprise ses poings s’enfoncer dans le corps de sa sœur et la blesser. Mais pourtant, il demeurait évident qu’il était impossible d’atteindre la sœur qui lui était inconnue, avec ses attaques.
La douleur prenait maintenant tout le corps de Christel. Lorsqu’elle se relevait après un coup au crâne, un sifflement déchirait son cerveau, mais elle persistait. Il y avait encore une réponse à chercher, elle le savait. Sa sœur n’avait plus du tout son regard de glace, non. Sa frustration, puis sa colère, avait muté en autre chose.
Sa sœur, Christa, sa seule et unique sœur, avait peur.
Elle avait peur et pourtant, même si elle étaient toutes deux blessées, elle conservait un large avantage. Elle était vouée à gagner. Une fois de plus encore, elle projeta d’un puissant coup Christel au sol. Le sifflement, semblable à un grincement métallique, pulsait toujours à l’intérieur de son crâne, mais son corps bougeait malgré pour se redresser. Les bandelettes qui couvraient les mains des deux sœurs étaient couvertes de sang.
– … Non, marmonna Christa en voyant sa sœur se relever encore et encore, comme un mort revenant à la vie.
Elle avait l’air terrifiée, maintenant.
– Reste à terre, ma sœur…
Christel se mit malgré tout en garde, les deux poings rouges levés au niveau de son visage gonflé et pourpre. Son esprit, plongé dans le vague, réalisait qu’elle avait commis une erreur…
La sœur qu’elle connaissait était bien en face d’elle. Celle qu’elle ne connaissait pas également. Celle qu’elle respectait, celle qui la dégoûtait. Elle avait failli commettre l’erreur de Kartsa… Celle qui avait effacé sa propre sœur, Lise, lorsqu’elle n’était plus apte à être son modèle.
Tout Christa était en face d’elle. La Christa qu’elle combattait était sa sœur toute entière : elle aussi était faible, misérable, et terrifiée.
Alors, ce n’était pas une inconnue.

Un autre échange de coups, si vif que les poings tiraient des filets de sang en s’éloignant de la chair frappée. Christel fut abattue au sol.
Et elle se releva encore.
– Reste à terre.
Elle se releva encore.
– Reste à terre Christel !
Et encore.
– RESTE A TERRE !
Christa, devant sa sœur silencieuse et ensanglantée qui persistait à se lever, haletait d’épuisement et de panique. Cette sœur effrayée, elle ne l’avait jamais vue non plus… Pourtant, c’était bien la même personne. Tout comme la femme qui couchait avec son père était la sœur qu’elle avait toujours connue…
Christel, lentement, utilisant les forces de ses muscles qui lui semblaient tous en feu, redressa son corps à présent atrocement lourd. Mais son adversaire, sa sœur, avait les bras le long de son corps, le regard halluciné. Elle n’était plus en position de combat.
– J’abandonne, déclara Christa dans un trémolo effondré. Si nous continuons… J’ai peur de te tuer. Je suis incapable de détruire ta volonté de te battre. Je suis incapable de te faire plus de mal. Par dessus tout, je suis incapable de te protéger… Tu as gagné. Tu as gagné, Christel.
– Ca ne te ressemble pas, Christa
, toussa t-elle dans un sourire. Desserrant finalement ses poings dont elle ne sentait plus les articulations, elle se permit de s’asseoir, avant de finir par s’allonger presque contre sa volonté sur sol. Prenant de longues inspirations, elle retrouva son souffle, calma le bourdonnement à l’intérieur de son crâne.
– Tu peux me demander ce que tu veux, comme promis. Quoique tu veuille, c’est ce que je mériterai.
– Ah… C’est drôle, tu sais ?… Je n’ai même pas réfléchi à ce que je te demanderai. Te demander de stopper dès maintenant ta relation avec Heilwig ne changera rien… Je ne peux pas faire comme si rien ne s’était passé. Cela ne suffira pas pour que je te pardonne ces sept années que tu m’as envoyée d’un seul coup au visage… Je pense toujours être répugnée, mais est-ce à moi de décider de ça? Je ne pense pas. Je ne m’en sentirais pas capable… Alors je conserve ce gage pour plus tard…

Christel était à bout de force, mais son cœur était empli de satisfaction… Ses yeux étaient à présent tout deux fermés, malgré la douleur, et elle abandonna son corps entièrement au sommeil.

Lorsqu’elle se réveilla, elle était dans un des lits de l’église, couverte de bandages. La première chose qu’elle vit était la tête de sa sœur, qui s’était endormie lourdement sur son ventre, les bras croisés par dessus les draps du lit. Jamais Christa n’aurait fait ça volontairement… Visiblement le combat l’avait elle aussi épuisée, d’autant plus qu’elle l’avait portée jusqu’ici, et la voir dans cet état fit soulever un sourire à Christel. Un sourire qui se crispa immédiatement à cause des blessures à l’intérieur de sa joue : elle devrait s’attendre à souffrir un moment chaque fois qu’elle ouvrait la bouche. Les lycanthropes avaient de fortes capacités de récupération, cela était dû à leur transformation qui avait lieu à la pleine lune en plus de leur physique naturellement fort. Ainsi, elle savait que même ses dents cassées repousseraient… Pourtant, se mettre dans un tel état dans un combat à main nue n’était en rien anodin. Elle devrait renoncer, hélas, à l’entraînement pour un moment.
– Si seulement tu avais abandonné… Se réveilla Christa, la tête encore à moitié plongée dans le sommeil. Tu ne serais pas dans cet état.
– Car tu pense que c’est une bonne idée de s’endormir sur moi ?
Se moqua Christel. Tu m’as frappée plusieurs fois au ventre je te rappelle, sans retenir tes coups.
– J’ai fini par vouloir te mettre à terre au plus vite…
Répondit-elle, redressant la tête pour gémir légèrement à cause de ses bleus et de la position inconfortable dans laquelle elle avait dormi. Mais je n’ai pas pu aller jusqu’au bout, alors que je voulais t’emporter avec moi loin de cela… Même si c’était pour t’infliger le fait de me voir moi et Heilwig en sachant maintenant la vérité. Hélas, je n’ai plus de moyen de t’y forcer, tu es trop bornée. Même si je convainquais Heilwig de me rejoindre il ne te convaincrait plus. Alors je n’ai pas d’autre choix que de rester… Parce que je dois te protéger. Je ne pourrais pas supporter de te laisser ici en songeant à ce que tu puisse rencontrer Kazhaar. Ainsi, tu as gagné ce que tu voulais, n’est-ce pas ? C’est ta victoire totale, ma sœur.
– Tu es consciente que j’ai encore le prix de cette victoire n’est-ce pas ?
– Que te faudrait-il donc de plus ?
– Je veux que tu parte.

Christa se figea à cette réponse inattendue qui parut la sonner d’un seul coup. Elle balbutia, perdit ses mots, ne comprenant pas ce changement de désir soudain.
– P… Pourquoi ? Cela ne fait aucun sens, ma sœur !
– C’est ce que tu voulais, partir, non ?
– Tu ne m’as pas écouté. Je ne peux pas partir, pas sans toi. J’ai cru à un moment en avoir la force, mais c’est faux.
– Est-ce que tu ne voudrais pas me garder près de toi, par hasard ? T’occuper de moi comme tu le fais toujours ? Me donner des conseils posés sur ce que je dois faire ? J’ai cru que cela t’agaçais, toute ma vie… Mais je m’étais trompée. Tu aime ça.
– C’est vrai. J’aime te materner, tu peux dire que cela gonfle mon ego si ça t’amuse… Et alors ? Où est le problème avec cela ?
– Tu es ma sœur. Tu es née en même temps que moi… Je suis ton égale, Christa. Même si tu es si douée, même si tu es si responsable. Je ne suis pas plus faible que toi, et je veux moi aussi, vivre comme je l’entends. Je ne veux plus que tu sois dans mes pattes, et je ne veux pas me mêler de ton affaire avec Heilwig. Si je veux risquer ma vie… Je le ferais, quoique tu veuille. J’ai enfin compris réellement que ce n’était pas la vie que tu voulais, que tu avais peur, plus que moi… Et cela me va. Tu as des désirs toi aussi ? Va les accomplir. Je sais moi que tu n’as pas besoin de ta sœur pour te soutenir. Tu te souviens de notre devise ? Une vie est précieuse, et il est intolérable de la gâcher. Il est intolérable de perdre de sa vie inutilement, quand elle est si courte et si difficile.
Je n’ai pas l’intention de te dire adieu, mais il est temps d’enterrer le duo des sœurs louves.
– … Je le reconnais, c’est une belle vengeance… Bravo. Très franchement, jamais je n’aurais accepté une telle demande, duel ou non… Mais… Cependant...

Christa serra les poing, la mâchoire serrée et la bouche close. Des larmes de frustration perlaient au coin de ses yeux rougis et maintenant humides, et elle détourna le regard vers le plafond comme si elle le maudissait.
– Tu es plus mature que je ne le pensais… Et cela me fait étrangement mal…
Dis moi, ma sœur… Christel… Est-ce que je devrais pour une fois aller contre un désir si fort? Est-ce la bonne chose à faire ?

Christel se redressa alors sur un coude, malgré ses membres endoloris, et donna une petite frappe dans l’épaule de Christa, droit sur un hématome bien visible sur sa peau claire.
– Ce n’est pas à moi te le dire, crétine. Depuis quand veux tu mon avis sur ce que tu fais ? Si tu veux ignorer notre gage, je n’y peux rien.
– … C’est insupportable,
fit-elle, essuyant ses larmes en passant son poignet par dessus ses paupières. D’avoir deux désirs égoïstes impossible à réconcilier. De n’avoir aucune bonne solution.
Elle se releva et tourna les talons, refusant de montrer son visage, avant de s’en aller d’un pas de plus en plus vif. Christel était maintenant seule, et laissa son corps s’enfoncer à l’intérieur du matelas, soupirant… Elle avait totalement échoué à remplir la requête de la comtesse Friedsang, maintenant qu’elle y pensait. C’était à présent une affaire entre Kartsa et Christa, où elle ne dirait plus un mot.

Christa et Heilwig.
Elle y repensa, toujours avec inconfort. Mais cette affaire non plus ne la concernait pas, où plutôt elle refusait que ce soit le cas. C’était peut-être une fuite. Non, cela l’était certainement : même si son rapport avec son père lui aussi changerait après le dévoilement de cette vérité, elle refusait de s’impliquer. Parce qu’elle voulait suer et souffrir pour ce qui importait réellement, et pas autre chose.
Parce qu’une vie était précieuse et qu’il était intolérable de la gâcher.


Dernière édition par DALOKA le Sam 7 Déc - 14:55, édité 2 fois
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Chroniques de Chasse Empty œil de Lune 2

Message par DALOKA Sam 6 Avr - 20:04

Date originelle du post: 13 Mars 2019

Réconciliations

La bourgade de Poher était une petite ville miteuse et boueuse située dans le Comté Friedsang, bien à l’Est de Sainte-Croix. En la saison d’automne, les vents sifflaient, arrachant aux doigts crochus des arbres leurs feuilles mortes pour les faire s’écraser contre le sol humide. Le lieu était peu peuplé, lugubre et mal réputé ; il n’y avait réellement que peu de raisons valides de s’y aventurer… Les seuls individus notables qui venaient de temps à autres sur les terres froides, désolées et puantes de la bourgade qui avait l’air d’être le théâtre de contes effrayants étaient certains érudits Friedsang. En effet, le baron, Cognomorus de Poher, était un vassal de la grande famille de chasseurs de vampires, et un mage qui portait, entre d’autres titres, celui bien obscur de vampirologue.
Cette nuit pourtant, un cavalier que nul ne reconnurent entra dans la bourgade, les sabots de sa monture soulevant la boue du sol. Des sacs de voyages étaient hissés sur le cheval ainsi que plusieurs épées, dont un long sabre oriental. Le voyageur ne demanda pas son chemin aux habitants qui le regardaient d’un air curieux ou méfiant, et monta directement jusqu’à la maison du baron comme s’il avait été invité. Personne ne se posa trop de question à partir de là… Le baron et les Friedsang avaient leurs affaires obscures.
Et quand ils les tenaient, mieux valait se taire.


L’intérieur du laboratoire de Cognomorus de Poher aurait certainement répugné le commun des mortels : le mage et ancien vampirologue exposait dans la longue salle sans fenêtre ses matériaux de recherches, et avec les étranges artefacts inachevés et les schémas de dissections se trouvaient des blocs de glace dans lesquels étaient enfermé différent morceaux d’un vampire mineur en stase. Là se trouvait son crâne, divisé parfaitement en deux expressions grimaçantes, ici se trouvait un bras coupé dans le sens de la longueur, ou bien d’autres membres organisés de manière similaires. Ailleurs se trouvait certainement le buste. S’il était libéré de la glace, le cadavre de vampire se désagrégerait très rapidement ; il avait été congelé avant la découpe… Heilwig Friedsang était quelque peu admiratif de la technique de Cognomorus, car cette opération était extrêmement méticuleuse. Néanmoins, il était compréhensible que le mage en vienne à une telle extrémité depuis qu’il avait été interdit de travailler sur les prisonniers des Friedsang… Sous la demande d’œil de Lune, Heilwig lui même. Un vampire devenait alors une ressource sans inestimable, et visiblement la dissection à vif n’avait pas suffit au baron sur cet individu.  
Relevant le nez de la tête du vampire qui avait le cerveau exposé à la lumière des torches, Heilwig remarqua que les domaines d’expertise de Cognomorus s’étaient bien diversifiés depuis son exclusion il y a dix ans des recherches de vampirologie ; le vieil homme ne s’était pas ennuyé. Il y avait à l’entrée du laboratoire un jeune homme armé droit comme une statue, servant de garde sans le quitter du regard : ses yeux étaient sans vie. Pour cause, c’était une « poupée humaine », comme le disait Cognomorus. Un nom bien pompeux pour désigner un individu dont le cerveau avait été lavé suite à un conditionnement psychologique et magique lent. Cette poignée de serviteurs étaient les seuls autorisés dans la maison du sorcier paranoïaque… Heilwig était, grâce à ses propres expériences, capable d’observer avec froideur les restes du vampire, nullement affecté par l’horreur, mais ces serviteurs le mettaient mal à l’aise. Même si il avait été son professeur, Cognomorus était un criminel magique que la famille couvrait afin de défendre ses propres secrets… Malgré tout son aide était requise, et Heilwig était même étonné que le vieux mage prenne si bien l’idée d’être accepté de nouveau dans les recherches uniquement car les Friedsangs étaient en crise.

Cognomorus entra dans son sombre lieu d’étude, passant à côté de son esclave sans le regarder. C’était un homme au large front et aux longs cheveux sombres et gras, sans pilosité faciale mais avec un nez long et un regard lugubre qui ne changeait presque pas, un monocle coincé sur son œil droit. Avec sa large robe noire couverte d’un manteau d’épaisse fourrure, il était une belle opposition à Heilwig, habillé de blanc, dont le verre droit opaque et blanc de ses lunettes lui valait son nom d’œil de Lune, ses longs cheveux blonds et raides tombant sur ses épaules, son manteau blanc, et surtout son sourire presque jovial.
– J’ai connu ce laboratoire en meilleur état, fit remarquer Heilwig.
– A qui la faute, Clown ? Répondit Cognomorus en l’affublant de son méprisant surnom. Je dépends de mes richesses et des mercenaires pour entretenir ces recherches : hors de question de travailler avec Axaques, tu dois le concevoir. De toute manière, tu vas devoir cesser d’admirer mon peu de travail : ton invité est là.
– … Je vois. Tu peux me donner un instant ?

Heilwig avait la gorge nouée, autant que celle d’un individu normal qui aurait observé ce petit salon des horreurs. Il fouilla d’une main tremblante dans sa veste pour tirer une fiole qu’il ouvrit avant d’en avaler le contenu sans rechigner : le liquide amer coula dans sa gorge, et il se dit qu’il ne s’habituerait jamais à ce goût répugnant… Pourtant, il devait en prendre. Sans cela, il n’aurait pas tenu, il en était certain : il devait utiliser ses drogues pour calmer le stress, surtout en ce moment. Il pensait avoir dépassé cela, mais maintenant qu’il était plus accablé de travail que jamais, ses nausées et ses crises étaient revenues… Chaque fois qu’il s’éloignait de Christa et de Christel, il devait prendre ces produits pour rester présentable. Les boucheries chirurgicales étaient une chose, mais tant d’autres agitaient son cœur, telles que les combats, songer au sombre avenir de sa famille… Ou encore rencontrer certaines personnes. Il se sentait misérable d’admettre cela, mais les sœurs louves étaient son ancre, et cela depuis des années. Leur présence savait remplacer les substances, apaiser son esprit… Par l’empereur, il dépendait plus d’elles qu’elles de lui à présent ! Combien de fois, durant ce seul voyage, avait-il voulu se réfugier dans les bras de Christa ou encore voir le sourire simple de Christel ?
La médecine fit effet, et son corps se détendit. Ces pensées furent placées au second plan, car il pouvait maintenant penser à ce qu’il devait faire sans être rattrapé par ses doutes. œil de Lune se retourna vers le vieux Cognomorus, l’air parfaitement détendu ; naturellement le vieux vautour n’était pas dupe.
– Tu devrais utiliser d’autres méthodes si tu veux réellement te débarrasser de ces problèmes, fit-il. Une thérapie complète serait plus efficace.
– Mais c’est ce que je n’ai pas le temps ! Rit Heilwig. Ma présence est indispensable au devenir de la famille. Vous devriez plutôt vous mêler de vos affaires, ainsi que de vos problèmes de dos que je vois vous déranger si fréquemment.
– Tu n’es plus tout jeune non plus, Clown.
– Oui oui, j’ai dépassé la quarantaine : notre invité aussi.

Il se doutait bien que Cognomorus voulait mettre à l’essai une méthode obscure sur lui, et même s’il pouvait être honnête et sa méthode efficace, Heilwig ne voulait pas que son ancien professeur s’implique dans ce qu’il considérait être comme ses affaires privées. L’envie de prendre une pause ne manquait, à vrai dire elle était toujours présente : il souhaitait chaque jour de plus en plus une retraite. Mais ce n’était pas possible, pas encore. Il ne pouvait pas sacrifier l’avenir qu’il leur avait promis. La fatigue rendue moins éprouvante par le produit qu’il s’était administré, Heilwig sortit du laboratoire suivit par le baron pour arriver sur une longue mezzanine qui surplombait le salon d’accueil de la maison. Là brûlait un grand âtre qui chauffait confortablement le lieu de taille relativement modeste, et on y trouvait une table où le baron prenait habituellement ses repas. Depuis sa hauteur, Heilwig put observer le seul homme actuellement assit à cette table. En long manteau de voyage, deux épées, une courte et noire et une longue et courbe, disposées parallèlement devant lui sur table, l’homme aux cheveux blonds mi-longs encore légèrement mouillés par une récente pluie avait une barbe courte d’aventurier, mais ses yeux bleus et pâles contenaient une noblesse qui n’était pas celle d’un mercenaire. Ne bougeant pas d’un cil, il avait l’air calme et patient, le regard plongé dans le feu. Assurément, Heilwig n’aurait normalement pas reconnu l’audacieux Ralph Friedsang. Il lui semblait presque comme une autre personne, et il était probable qu’il n’aurait su articuler correctement une phrase devant lui s’il ne s’était pas calmé au préalable, car le Ralph Friedsang qu’il voyait l’intimidait déjà.
– Était-ce nécessaire de nous rencontrer ici ? Fit Ralph avant qu’Heilwig et Cognomorus n’aient fini de descendre les escaliers. Le baron jurait silencieusement.
– Tu te plains toujours aussi facilement, se réjouit Heilwig en posant une main sur la table, cela au moins n’a pas changé. Tout nos vampirologues confirmés nous ont trahis ou bien sont morts, tous sauf moi. Je suis le seul restant sur cette dizaine de chercheurs… La famille a cruellement besoin de Cognomorus et de son savoir.
– Je ne pensais pas que vous en étiez à de telles extrémités…
– Eh bien c’est le cas. Nous avons besoin de tout les alliés possible, et je ne m’arrêterai pas là.
– Qu’est-ce que vous obtenez dans cela, baron ?
Dit Ralph, bras croisés. Le baron, qui s’était tenu éloigné près du feu en évitant le visiteur se racla la gorge avant de répondre.
– Tout ce que je veux ce sont des vampires cobayes et l’autorisation d’étudier le corps d’Eleison quand nous le récupérerons. J’aurais bien aimé étudier cette Kazhaar Dyra aussi, mais cela semble fortement compromis. Entre autre, je veux simplement récupérer la place qui m’est due et travailler de nouveau dans des conditions idéales.
– J’ai lu les informations sur Eleison dans tes lettres, Heilwig… Lui non plus n’était pas au courant ?
– Surprenamment, non… Je mentirais en disant que je ne l’aurais pas soupçonné de trahison s’il était encore actif chez nous lors de l’attaque.
– Si j’étais au courant pour le cadavre, j’aurais tout fait pour en garder le monopole,
fit le baron sans quitter son expression sèche.
– Ah ah ah ! Au moins, il est honnête sur ses intentions. Cependant récupérer Eleison est actuellement encore un doux rêve.
– Certes, concéda Cognomorus. Enfin, je ne veux plus discuter et nous avons déjà conclu nos négociations… Je vais probablement dormir et faire mûrir ces idées par le repos, je n’ai guère envie d’avoir l’esprit brûlé comme toi Heilwig. Tu es un homme malsain, la faute à tes sourires abrutis. Je me porterais mieux dans une autre salle… Si vous avez besoin de moi appelez mes serviteurs.

Sur ces mots, le baron s’éclipsa en murmurant des séries de phrases inaudibles, laissant Heilwig médusé. Cognomorus de Poher en personne l’avait trouvé malsain, difficile de trouver une insulte plus grandiose. Soupirant, œil de Lune s’assit sur une chaise disposée en face de celle où Ralph était, et se décida à rétablir la conversation vers une route plus cordiale.
– Cela fait bien seize ans que nous ne nous sommes pas vus… Et à vrai dire la dernière fois que nous nous sommes parlés remonte à plus loin encore. Je sais que tu as été en contact avec les gardiens de fer et que tu es lié à cette étrange affaire de 56 où de nombreux ravages ont été causés par une créature mystérieuse avant de passer un long séjour en Bérilion. Et je sais aussi que tu as été en relation avec Refinia, et que tu es redevenu humain… Ce qui est ici la partie qui m’intéresse.
– Tu es très bien documenté. Et toi, alors, qu’es tu devenu ? J’aimerais ne pas être laissé dans le flou si tu en sais autant.
– J’ai mené des expériences sur la lycanthropie, utilisé le sang de Trath -terrifiant personnage, les dieux bénissent son décès-, et je me suis fait une place confortable parmi les vampirologues. D’autant plus confortable que je suis à présent seul à régner! Puis, du côté personnel de ma vie… Disons que j’ai des enfants que j’aime comme jamais, et que j’ai connu l’amour de ma vie. Tout n’est donc pas si noir.
– Je vois
, sourit Ralph. Je suis content de l’entendre, sincèrement. Tu as eu des rencontres pour te remettre de la mort de Charlotte… C’est bien.
– Nous survivons chacun comme nous pouvons dans ce travail… J’ai le regard tourné vers le futur à présent. Je le dois. Tu as l’air de t’être remis également.
– Depuis longtemps, Heilwig. Quand je suis devenu un vampire… Je ne pensais plus à cela. Je ne pensais qu’à moi, à mon humanité, à mes convictions. Mais j’ai dû finir par méditer sur ma vie, affronter mes propres erreurs… Cela m’a fait du bien. Je tenais à te dire que je ne t’en veux plus pour la mort de ma sœur. J’ai été stupide, et je me suis isolé à cause de cette même stupidité. Je ne peux pas savoir à quel point les mots que j’ai pu te dire t’ont heurté… Mais tu n'étais pas responsable de ce qu'il s'était passé.

Le vampirologue resta silencieux un instant. Il était persuadé que Ralph le haïssait pour n'avoir pas pu sauver Charlotte 22 ans plus tôt, pourtant ces mots ne lui apportaient aucun soulagement… Il contint son agacement, mais son cousin autrefois sanguin et rancunier le faisait se sentir extrêmement misérable. Le voilà qui arrivait, reconstruit uniquement par ses propres efforts, comme s’il avait obtenu une illumination apportant une paix immuable à son esprit. C’était horrible, insupportable. Lui qui s’était éloigné de la chasse si longtemps semblait donner une leçon à Heilwig, lui dire qu’il était faible, qu’il aurait pu faire mieux, atteindre la paix sans s’accrocher à l’avenir de deux jeunes filles. Les mots pleins de bonne volonté de Ralph l’écrasaient.
– … C’est une bonne chose, mentit-il. C’est une bonne chose ! J’avais peur que nous ne puissions pas nous entendre, après toutes ces années ! Heureusement nous avons changé, nous sommes plus matures que nous l’étions alors…
– Pardonner la famille n’était pas facile, pour être franc…

Ralph posa une main sur l’une des deux épées sur la table. C’était une épée courte dont le cuir du fourreau noir était décoré des armoiries Friedsang, et une gemme rouge lui servait de pommeau. Cette lame était un des trésor de la famille, Alanocte, une épée qui avait la faculté de stopper les effets des pouvoirs des vampires en entrant en contact avec leur chair. C’était grâce à elle que Ralph n’avait pas adopté de forme de vampire mineur lors de sa transformation, et peut-être grâce à elle qu’il avait pu trouver un moyen de revenir en arrière. C’était un bien inestimable pour Heilwig.
– Je te la donne, ou plutôt, je la rend à la famille. C’est la preuve que je suis prêt à reprendre la chasse avec vous… Loin de vous, je me suis battu pour certaines causes, mais je pense que c’est à vos côtés que je dois retourner à présent. J’ai trop fermé les yeux sur les activités des vampires car j’avais honte de revenir ici.
– Tu n’as aucun sentiment vis à de la mort d’Oswald ? C’était tout de même ton père.
– Peut-être… Mais j’ai cessé d’être son fils il y a bien longtemps, quand je suis devenu entaché. S’il était vivant aujourd’hui, il aurait été pour moi un étranger. Et je suis certain que la nomination de la jeune comtesse est une bonne chose pour la famille.
– Oswald nous a attiré en effet pas mal de problèmes… Je suis même assez content qu’il ne soit plus parmi nous.

Ralph semblait avoir même oublié la profonde rancune qu’il avait envers son père. Il s’exprimait normalement, de façon cordiale, et il n’y avait aucune grande prestance dans son attitude… Mais sa pureté aveuglait Heilwig. Qu’était il arrivé à son cousin ? S’il avait vécu ses expériences à l’étranger au lieu de mener ses sombres expériences, serait-il lui aussi dans cet état si accompli ?
– Je suis donc revenu avec l’intention de partager mon expérience, idéalement pour former les nouvelles recrues. En terme de technique je n’ai rien de si utile à apporter, je suis même rouillé pour la chasse au monstre, mais je pense avoir quelques idées pour forger le mental des prochains chasseurs. Cependant, si tu m’as demandé de venir ici… C’est qu’il y a quelque chose de bien plus important que mon futur emploi.
– Tout juste. Si j’ai besoin de toi c’est parce que j’ai besoin de négocier avec Refinia en personne.
– Tu as donc perdu la tête ? Je vois bien mal notre famille pouvoir faire quelque accord avec un seigneur vampire.
– Si je veux faire en sorte que la chasse s’arrête, je devrais en arriver là tôt ou tard de toute façon… De plus, nous aurons bien besoin d’une décision folle pour vaincre les personnajes  et les vampires de Draugr. Par chance, Refinia est elle aussi en difficulté suite à l’attaque sur son château, et les autres factions vampiriques sont ses ennemis… L’occasion est idéale. Convaincre les hautes tête de notre famille sera difficile mais pas insurmontable : ils devront ravaler leur fierté et accepter de mentir au monde.
– Cela fait bien une dizaine d’année que je n’ai pas revu la Dame écarlate ; je ne garantis pas que je serais d’une grande aide pour les négociations.
– Au moins elle te connaît et te respecte un minimum… Je n’ai pas besoin de grand-chose de plus.
– Alors nous tenterons le tout pour le tout. Comment comptes tu organiser cela ?
– Je la laisserais déterminer un point de rendez de vous à sa convenance, et nous nous y rendrons à trois pour rester discret : toi, moi, et une chasseuse entachée extrêmement compétente. Nous serons ainsi discrets et capables de nous défendre contre les menaces éventuelles.
– Je suis impressionné. Jamais je ne t’aurais cru capable de prendre en main l’avenir de notre famille, de mettre aussi aisément en jeu ta vie et ton honneur.
– Si je ne suis pas capable de ça, autant baisser directement les bras,
dit Heilwig en se relevant.
– Je ne me souviens de personne dans la famille qui en aurait été capable. Si le pot au rose est découvert, tu seras tenu responsable devant l’Empire, et tu seras probablement emprisonné à vie ou mis à mort. Ce n’est pas une plaisanterie, Heilwig.
– … Qu’essayes tu de me dire, Ralph ?
– Rien de particulier,
dit-il en fronçant les sourcils, captant l’animosité dans le regard de son cousin. Si ce n’est que c’est admirable.
Ralph se releva à son tour, saisissant Alanocte pour la tendre à Heilwig. Il souriait de façon franche, le regard empli de compassion. Ce sourire broya celui d’Heilwig, qui était faux, et l’effaça de son visage.
– Plusieurs choses m’ont inquiété dans ton attitude, et tu te force probablement à maintenir ce calme. Je ne sais pas ce que œil de Lune a fait pour changer à ce point mais… Je pense que c’est un homme bien. Car je vois que ses intentions sont bonnes, et qu’il a la volonté nécessaire pour les mener à bien : c’est tout ce qui compte, alors je t’en prie, n’aie pas peur que je te condamne. Je ne veux plus faire cette erreur.

Encore une fois, Ralph lui donnait une leçon, et Heilwig s’en trouvait les bras ballants. Il avait été idiot, lui, de jalouser sa sérénité, de la prendre comme une attaque… Car la seule chose qui l’offensait réellement c’était ses propres fautes. Comment avait-il pu être puéril au point de rediriger vers autrui son ressentiment? N’était-il pas trop âgé pour cela ? Heilwig se mordit la lèvre, saisissant le manche de l’épée que Ralph lui tendait. Par égoïsme, il avait souhaité que cet homme le haïsse pour ne pas se sentir inférieur à lui… Alors qu’il ne voulait que devenir son ami. Heilwig avait oublié, malgré ses filles qui brillaient de milles éclats sans l'éblouir, ce qu'était avoir un ami plus rayonnant que soi,  depuis que Charlotte Friedsang était morte... Il en avait même esquivé entièrement l'amitié, oublié qu'elle était encore possible. Mais peut-être n'était-il pas encore trop tard.
– Nous avons encore beaucoup de choses à nous dire, n’est-ce pas ? Dit Heilwig. Trouvons un coin tranquille et chaleureux, autre que cette vieille maison. Tu me parleras de Bérilion, de tes voyages, de tes combats… Et de quelques histoires qui j’espère nous ferons rire un peu. Nous en avons bien besoin, en ces jours sombres.


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Chroniques de Chasse Empty œil de Lune 3

Message par DALOKA Sam 6 Avr - 20:10

Date originelle du post: 21 Mars 2019


Réunion


– Christel sait tout, Heilwig. A propos de nous deux. J’ai fini par le lui dire.

Un sentiment profondément puissant de fatigue fut la première chose qui saisit le corps d’Heilwig quand Christa prononça ces mots, alors qu’il n’était rentré chez lui que depuis quelques instants. Il venait de faire la route de Poher jusqu’à ici avec Ralph, l’esprit lourd de réflexion, songeant encore au lien qu’il avait renoué avec Cognomorus et à celui qu’il allait nouer avec Refinia, le diable en personne. Alors ce ne fut pas la panique qui le prit en premier lieu, peut-être aussi parce qu’il savait que c’était inévitable et qu’il ne pourrait pas le fuir : Christel savait à présent qu’il couchait avec Christa depuis des années. Que le respectable Heilwig avait touché à sa sœur jumelle de l’exact même âge. Christel était la plus à plaindre… Comment pourrait-elle faire face à une réalité si laide, elle qui croyait tant en eux ? Heilwig ne savait pas comment il pourrait de nouveau lui adresser la parole en sachant que le secret était à présent rompu, il ne savait pas ce qu’il ferait et là au fond de lui il commença à grandir la peur. Elle le rejetterait entièrement peut-être, il ne pourrait plus jamais être son père, ni seigneur Heilwig, ni quoique ce soit. Il perdrait Christel, sa guerrière, son deuxième soleil. Et ce serait de sa faute, entièrement de sa faute. L’idée de ne plus pouvoir communiquer avec elle le terrifiait, et Heilwig s’assit lourdement sur la chaise de bureau. Christa était elle debout, droite, entre lui et la porte ouverte de sa chambre comme pour lui bloquer tout issue, vêtue d’une de ses robes qui retirait son allure de tueuse pour lui donner la grâce d’une adorable femme, même si actuellement elle était plutôt couverte des bleus de son combat avec sa sœur. Parce qu’il avait désiré cette femme, désiré trop, il perdrait peut-être une autre part chère de lui même.

Heilwig ne réagissait pas alors que Christel l’observait fermement de ses yeux bleus. Il avait l’air épuisé et elle aux aguets, mais en vérité c’était bien elle qui attendait une réponse de sa part,ne sachant pas quoi faire. Ainsi le silence d’Heilwig était insupportable.
– … Dites quelque chose, je vous en prie, formula t-elle finalement. Heilwig soupira, le dos affaissé et les coudes sur ses genoux.
– Qu’y a t-il à dire ? Ce qui devait arriver arriva… Je dois assumer ce que j’ai fait.
– Nous devons, vous voulez dire.

Cette phrase était prononcée avec dureté, et Heilwig détourna le regard un instant. Christa connaissait ce parcours de son œil, qui signifiait qu’il regrettait ce qu’il disait, et n’alla pas plus loin. Heilwig insinuait qu’il était unique fautif, et cela le présentait comme un homme qui avait séduit et manipulé abusivement sa fille adoptive, hors Christa refusait intégralement cette idée : elle aimait Heilwig, elle avait choisi d’être à lui de son propre chef et elle s’opposerait jusqu’au bout à l’idée que parce que cet amour était né quand elle était influençable sa valeur en était réduite. Elle avait décidé de s’opposer jusqu’au bout à cela, et peu importe que cela soit sensé ou non ! Chaque fois qu’il l’avait entourée de ses bras, Christa l’avait désiré. Même avant qu’ils ne se couchent pour la première fois nus l’un contre l’autre elle avait déjà eu pour fantasme de partager sa vie, et qu’importe si ces pensées étaient premièrement apparues dans l’esprit d’une enfant. Elle l’aimait ! Et parce qu’elle l’aimait elle se devait d’être au moins aussi fautive que lui.

– Pourquoi vous êtes vous battue ?
Fit finalement Heilwig.
– Nous avons fait un pari stupide… Ou plutôt, nous avions besoin d’exprimer quelque chose. Elle comme moi.
– Quelle immaturité
, rit-il. Je devrais vous sermonner, mais je n’ai pas le cœur à ça. Assieds toi sur le lit, je vais guérir tes blessures.
– Je vais bien.
– Ne discute pas s’il te plaît ; nous pouvons parler de nos tracas pendant. A quoi bon avoir des petites douleurs que tu pourrais éviter ?

Christa finit par s’exécuter, et Heilwig se leva pour se pencher sur son visage. Talentueux avec les sorts de soin, il n’aurait pas de difficulté à la traiter : elle s’était déjà occupée correctement de ces blessures du mieux qu’elle pouvait. Heilwig saisit le menton de Christa et passa ses doigts irradiant de magie sur sa joue, éteignant patiemment la douleur et soignant les hématomes.
– Qu’a décidé de faire Christel ? Demanda t-il, nullement intéressé par qui avait gagné leur pari.
– De cesser de m’écouter, je crois.
– Ah ah ! C’est… étrangement rassurant.
– Rassurant ?
– Oui. Je sous estimais beaucoup Christel, je la voyais trop comme une enfant… Mais elle est sortie de l’enfer de Zu Feorn. Et à présent, elle refuse d’écouter sa sœur. Très franchement… J’ai cru qu’apprendre la vérité la briserait. Mais j’ai tort, et j’en suis heureux.
– Elle pourrait s’éloigner de nous à jamais.
– Oui,
admit-il d’une voix étouffée. Cela est vrai. Mais je dois le supporter, et l’aimer malgré tout.

Heilwig demanda à Christa d’ouvrir la bouche afin de guérir les quelques plaies de l’intérieur de ses lèvres et de ses gencives, et alors qu’il passait ses doigts contre sa muqueuse buccale, elle fixait son visage tout à coup plus serein. Heilwig se sentait sans doute mieux car il savait à présent que sa fille ne s’était pas effondrée à cause de lui, le libérant donc d’un effroi. C’était un homme bon, et il les aimait profondément bien plus que lui même et le reste de la famille Friedsang, Christa n’en avait jamais douté et espérait que sa sœur ne fasse jamais l’erreur de penser le contraire… Quoiqu’elle décide de faire.
– Il faudrait examiner le reste de ton corps, fit-il quand il eut fini de palper la bouche les lèvres et le visage de Christa, qui étaient maintenant intégralement guéris. Il ne restait que peu de traces de la bagarre à présent.
– Je vous ai manquée, n’est-ce pas ? Fit-elle dans un besoin de confirmation et de provocation coquine. Elle commença à se déshabiller sans qu’il n’ait à le lui redire, en commençant par ôter ses bottes.
– Allons bon ! J’essaye tout de même d’être sérieux…
– Je suis sérieuse également,
dit-elle en desserrant sa ceinture. Elle avait réalisé qu’elle ne devait pas tant se soucier de sa sœur, qui était si forte. Christa avait quelque chose d’autre à accomplir, et elle se devait de suivre sa devise et de ne pas gâcher sa vie. Ne jamais être bloquée, ne jamais être hypocrite, sous aucun prétexte.

Sa robe retirée, elle dénoua les cordes qui soutenaient sa chemise et s’assied à nouveau cette fois totalement nue. Son dos arqué vers l’avant exposait sans honte ses seins rondelets et ses cuisses collées l’une à l’autre ne dissimulaient pas non plus la pilosité brune de son bas ventre. Son corps avait une finesse athlétique, le physique agile et l’attitude d’un félin. Mais malgré cela, Heilwig la regarda de son œil unique tout en fuyant son corps de ses pensées, alors qu’il posa ses mains sur les épaules et les hanches de Christa, sentant ses doigts frémir autant qu’elle lors du contact de leur peaux. Le sortilège faisait disparaître les bleus et les rougeurs répandues sur Christa, et il pouvait sentir son souffle soulagé frotter sa nuque. Il ne devait pas taire ce qu’il voulait dire.
– Christa… Ce que je vais te dire te fera sans doute du mal, mais je songe souvent que nous devrions mettre un terme à cela.
Jusqu’alors à l’aise, Christa se paralysa, le regarda avec des yeux terrible. Des yeux qu’il n’avait vu que le jour où elle avait tenté de l’étrangler, folle de rage… Mais elle ne bougea pas ses bras pour le frapper.
– Je sais que ne tu veux pas entendre que c’est moi seul qui ai causé cette relation, quand bien même je ne peux m’empêcher de le penser, mais… Tu es jeune, talentueuse, et belle. Moi je suis un homme fatigué. Je ne crois pas que passer le restant de ta jeunesse à mes côtés, pour me voir mourir quand tu commenceras toi à vieillir et qu’il sera trop tard, soit la meilleure chose pour toi.

– Non…

Christa se jeta sur Heilwig et le fit basculer en avant, l’entourant de ses bras avec un brutalité soudaine, le serrant contre elle et attirant tout le poids du corps de l’homme sur elle jusqu’à sentir son cœur battre à travers son manteau, contre sa poitrine. Désespérément, les yeux écarquillés et humides, elle chercha de ses lèvres la bouche d’Heilwig qui refusait de s’ouvrir à elle, la baisant à de multiples reprises.
– Non… Non… Non… Répétait t-elle dans des souffles aigus d’enfant, alors qu’elle tentait toujours de l’embrasser.
– Je suis désolé Christa, fit-il en esquivant ses baisers, tentant de s’éloigner avant de renoncer aussitôt : elle le tenait fermement, le serrait à lui en briser les os comme si elle voulait ne faire qu’un avec lui à jamais. Je suis désolé mais c’est ce qui tiraille mon cœur depuis un moment. Est-ce que ce ne serait pas moi qui me nourrirait de ta vitalité ? Moi qui dépendrait de toi ? Peut-être devriez vous partir toutes les deux, vous éloigner de moi.
– Je vous aime Heilwig, je vous aime, je vous aime à m’en tuer. Je veux être à vous, c’est ce que je désire, peu importe si cela est mal. Jamais je ne vous pardonnerai de m’abandonner. Heilwig, partons ensemble, renonçons à tout cela… C’est avec vous que je veux passer ce qu’il me reste de jeunesse.
Disant cela, le souffle lourd, elle frotta son corps contre celui d’Heilwig, ne renonçant pas à prendre sa bouche, un de ses genoux levé vers l’entrejambe de l’homme. Le désir d’arracher Heilwig au monde était plus fort que tout, elle était prête à exploiter n’importe laquelle des faiblesses de cet homme qu’elle connaissait tant. Qui sait ce qu’elle ferait si il l’abandonnait vraiment ? Ce n’était pas juste elle qui le séduisait : elle même était obnubilée par les sentiments de son cœur et de son corps.

Mais Heilwig, le ton moins confiant, tenta de se justifier.
– Je devrais passer le restant de mes jours à travailler pour la famille : c’est comme ça que je repayerais mes mauvaises actions.
– Si vous saviez comme je m’en moque !… N’avez vous donc rien à me repayer, à moi ? Si c’est bien vous qui avez causé cet amour et abusé de moi comme vous avez la prétention de le penser, alors vous avez une responsabilité : ne pas abandonner la jeune fille qui s’est éprise de vous, celle que vous avez privée d’enfants.
Je ne peux pas vivre sans vous.

Cette fille disait ne plus pouvoir vivre sans lui, tout comme il se sentait incapable de vivre sans les deux soleils qu’il avait recueilli il y avait si longtemps… Cela aurait dû être une évidence pour lui. S’il tournait le dos à Christa, elle en souffrirait peut-être plus que lui encore, car lui pouvait se parer de l’orgueil du noble sacrifice s’il le décidait. Pas elle. Et il ne se sentait plus capable de lui demander de rester parmi cette famille maudite qui la haïssait, risquer sa vie alors qu’elle désirait vivre paisiblement.
Heilwig réalisa qu’il n’y avait pas de bon choix, et qu’un compromis ne ferait qu’empirer les choses. Il choisit donc.
– Alors… Je renoncerais aux Friedsang. Je le ferais pour toi Christa ; signer un accord avec la dame vampire sera ma dernière tâche en tant que vampirologue.
Il était un homme sensé, ainsi il aimait penser que ses choix étaient nés de raison… Ce n’était pas le cas ici, et il l’admit entièrement au fond de lui même. C’était la chaleur de la femme près de lui qui lui fit changer d’avis, et il lui ouvrit enfin ses lèvres pour l’embrasser.

Christa avait gagné son combat. Si elle avait échoué, pensa t-elle, ses instincts les plus violents et sa colère ne l’auraient pas supporté. Elle aurait peut-être maintenu dans ses bras Heilwig jusqu’à l’étouffer pour ne jamais le voir la quitter. Mais il la couvrait de baisers, parcourant à nouveau son corps cette fois soigné et immaculé de ses doigts fins, glissant sur ses clavicules, ses tétons et la courbe de ses seins. Le lourd manteau blanc de Friedsang tomba sur le sol. Heilwig était débarrassé de ses habits, sa carcasse de vampirologue, son devoir et sa foi. Christa était la seule à pouvoir accomplir cela, et c’était un crime que de l’arracher à la famille, elle le savait très bien. Mais cela n’avait aucune importance dans le contact de leurs corps brûlants. Elle voulait être égoïste, de plus en plus.

Sur un coup de tête, la dévotion d’Heilwig avait été mise au second plan : il ne voyait plus qu’elle avec son seul œil, c’était le pouvoir insoupçonné qu’elle avait sur lui. Son propre désir au sommet de son essor viril, il effleura de sa paume la mousse brune de l’entrejambe de Christa, passant ses doigts sur la fente chaude. Comme il y avait sept ans de cela, il ne saurait s’arrêter. Son image d’homme sage ne tiendrait pas face à cette folie.

Christa trembla d’extase, sentant le sexe de l’homme bouillir pour elle contre sa hanche. Posant une main sur le torse recouvert d’une pâle pilosité d’Heilwig, elle l’interrompit après un moment de délectation pour le faire s’asseoir, massant ses côtes et son abdomen, sa poitrine contre ses cuisses, le gamahuchant, prenant le contrôle de son corps. Comme si elle venait de risquer de perdre la vie il y avait quelque instant, elle voulait faire l’amour d’autant plus intensément. Relâchant l’emprise de sa bouche sur lui, elle glissa sur la surface de son thorax pour se hisser au dessus de ses genoux, l’enserrant de ses jambes.

Alors ils étaient seuls dans le monde et seuls contre le monde. Elle le fit ramper dans sa chair et ils s’unirent reliés par un rythme désespéré. Mais il était heureux de serrer dans ses bras sa sylphide aux mèches de bois, elle était heureuse d’être au plus près de lui, se voir enfin près de lui à jamais.
Leur halètements échangeaient des mots à l’unissons, encore, encore et encore.
Je veux rester avec toi, ou bien je mourrais, tuerais, deviendrais folle. Je te veux comme mon étoile à jamais sur mes pas. Je veux être une avec toi, parcourir ton visage et dévorer tes chairs. Je veux te désirer, arpenter ton corps, t’avoir aussi proche de moi que je le peux.
Je veux continuer à t’aimer, de plus en plus, de plus en plus, de plus en plus.


Dernière édition par DALOKA le Sam 20 Avr - 14:58, édité 3 fois
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Chroniques de Chasse Empty œil de Lune 4

Message par DALOKA Sam 6 Avr - 20:13

Date originelle du post: 5 Avril 2019

Semblable


Ralph Friedsang, après son retour au domaine qui suscita de nombreuses questions, n’avait que peu communiqué avec le reste de la famille. Il n’avait à présent aucunement l’air d’être l’un des leurs, c’est à dire que l’on pouvait sentir entre lui et ses cousins et neveux une connexion rompue, qui faisait de lui un total inconnu. Ceux qui l’avaient connu ne le reconnaissaient qu’à peine, et de nombreux hommes et femmes qu’il fréquentait auparavant avaient maintenant perdu la vie. Il n’était donc pas une surprise que Ralph soit seul et taciturne, et se soit reculé dans une des vieilles salles d’armurerie. Il avait demandé à Kartsa Friedsang la permission d’obtenir une épée en argent, et il l’avait étendue sur une des tables de l’armurerie auprès de long sabre bérilien confortablement disposé à l’intérieur de son fourreau. Ralph passait avec grand soin une pierre à aiguiser sur la surface de la lame, faisant gémir doucement le métal à chaque geste. L’argent pur était redoutable contre les monstres, cependant il s’usait plus aisément que l’acier des autres épées, d’où l’importance au soin qu’on lui apportait. Il était souvent remplacé par l’acier blanc, qui conservait des propriété anti-monstre et était plus durable même lorsqu’il était confronté à un autre métal... Mais l’argent pur avait quelque chose d’étrange et sacré, ou bien peut-être renvoyait-il à toute une tradition, faisant qu’il avait toujours l’affection des Friedsangs. Ralph avait l’air de renouer avec le métal perdu en manipulant cette épée bâtarde, en la soupesant et en éprouvant son fil, mais il s’arrêta vite de l’aiguiser : vu son usage, avoir un fil trop fin ne ferait qu’inutilement fragiliser l’arme.
Reposant l’objet avant de croiser ses deux bras, Ralph jeta tout à coup un regard par dessus son épaule, fixant la porte de la vieille armurerie qui était dans son dos. Surprise, une silhouette qui espionnait derrière l’ouverture de la porte disparut pour se dissimuler derrière le mur. Mais Ralph l’avait repérée à présent, cela était certain, alors après quelques instant d’hésitation honteuse, Christel entra cette fois ci franchement, un large sourire crispé aux lèvres comme si elle tentait d’entrer de manière naturelle. Admettre qu’elle observait Ralph depuis plusieurs instants ainsi était impossible, et admettre qu’elle n’avait pas osé approcher l’ancien Friedsang était pire encore !
– Salut ! Commença t-elle. Enfin, euh, bonjour Ralph. Sieur Ralph je veux dire !
– Si je me suis isolé jusqu’ici c’est pour une raison…
– Mes excuses, je sais que ce n’est pas très poli mais !… Comment dire, j’étais curieuse.

Christel avait plus honte d’avoir joué la voyeuse que d’avoir dérangé Ralph, à vrai dire. Elle tirait une grande fierté d’avoir des tripes et d’être franche, mais cet homme avait l’air solennel, et il avait tant de mystères autour de lui… Elle était tendue à l’idée même de lui adresser la parole.
– Tu es une des entachée d’Heilwig, n’est-ce pas ? Laquelle des deux ?
– Christel ! Je suis celle qui vous escortera jusqu’à Refinia… Christa aurait dû le faire mais il y a eu quelques problèmes, et c’est moi qui la remplace.
– Christel, Christa… J’essaierais de bien retenir la distinction.
– Vous avez intérêt… Je veux dire, j’espère.
– Donc tu es celle qui menace les gens, c’est cela ?
Conclut Ralph.
– Je ne voulais pas vous parler mal ! Vous savez, j’ai un immense respect pour vous. Heilwig m’a raconté de nombreuses choses à votre propos… Vous auriez affronté un monstre terrifiant. Quelque chose pire qu’un vampire, et bien plus fort que moi ou ma sœur… En fait vous êtes ce que j’attendais de rencontrer depuis longtemps, un héros. Un véritable et authentique chasseur de monstre!
Elle était toute excitée à l’idée de pouvoir parler en personne avec quelqu’un d’aussi admirable, et sa langue se déliait sous ce jaillissement d’émotion. Christel, qui n’avait été qu’un monstre toute sa vie, pouvait parler ainsi à une personne si noble !
– Et puis… Vous étiez un entaché lorsque vous avez accompli tout ça. Cela signifie beaucoup pour moi, même si vous êtes redevenu humain.
– Pas sur.

Le regard impénétrable, Ralph saisit la lame d’argent de nouveau et passa sa paume pâle et nue sur le reflet de la lame. Sa main tremblât légèrement au contact du métal, et il ferma les yeux comme pour se concentrer sur cette sensation.
– Je ne devrais pas être vivant. Ou plutôt, je ne le suis que grâce au pouvoir du monstre que j’ai vaincu : il subsiste en moi. L’argent reconnaît cette part monstrueuse, et la repousse : à son contact direct je ressens moi même un certain malaise bien distinct.
Il rangea l’épée dans un fourreau noir, avant de la reposer sur la table respectueusement, comme sur un autel, parallèlement à son autre épée.
– Je peux porter cette arme sans difficulté au combat cependant, et je ne ressens qu’à peine cet inconfort en portant juste le manche… Mais si faible soit cette influence, je reste lié au surnaturel, et à jamais. Il n’existe pas de remède réel au vampirisme, ou alors c’est un pouvoir bien au-delà de notre compréhension.
– Vous voulez dire que vous n’êtes pas réellement humain ?
– Peut-être. Peut-être aussi serait-il futile de prétendre cela ; mon état actuel n’a que des influences minimes sur ma vie ou le regard des autres. Alors la différence est probablement insignifiante pour quelqu’un d’autre que moi. Mais en tant qu’entaché, je peux néanmoins toujours comprendre votre situation et la souffrance qu’elle peut exprimer... A l’époque, la pire douleur était pour moi de ne pas avoir de semblable, ou quelqu’un qui puisse me considérer comme tel.


Ses armes préparées, Ralph quitta les lieux en vue de se préparer pour le départ de mission qui était situé demain à l’aube. S’il ne s’était pas retenu de parler, il n’avait pas l’air d’être la personne la plus accessible, mais elle sentait qu’elle pourrait beaucoup apprendre auprès du héros qui l’avait d’ailleurs considéré avec un respect dénué de crainte ou d’autorité, une chose qu’elle ne connaissait pas réellement chez un Friedsang. Même si elle était maintenant indispensable à la famille, la plupart des gens qu’elle croisait dans le manoir aux couloirs à présent beaucoup trop larges ne la regardaient même pas. Elle savait qu’il se trouvait au fond une humiliation certaine et violente du fait d’avoir deux entachées comme grand atouts de la famille, une honte qui atteignait son paroxysme à l’idée de devoir ensuite traiter avec les vampires. La nouvelle gloire des Friedsangs comme l’ancien comte l’avait rêvée ne semblait malheureusement que s’éloigner de plus en plus… Alors que Christel se sentait plus proche de ses objectifs. Son rapport avec le clan n’avait jamais été clair et strict malgré sa personnalité directe. Elle admirait ce qu’ils étaient et voulait chasser en égale avec eux, mais en même temps elle méprisait leur morale et leur prétention. Elle souhaitait leur respect, mais les détestait pour leur dédain et ce qu’ils avaient infligé à elle et sa sœur. Jamais elle n’avait réellement noué de lien dans le clan, à vrai dire il n’était constitué que d’inconnus qu’elle ne connaissait que de noms. Contrairement à sa sœur, elle avait tenté maintes fois de leur parler comme une camarade, mais cela n’avait fait que lui attirer plus de problèmes qui dégénéraient parfois en coups de fouets, isolations, et blessures à l’argent dans le pire des cas.
Sa sœur devait détester la famille sans compromis, elle. Sa volonté de partir devenait hautement compréhensible aux yeux de Christel à présent.

Lorsqu’elle sortit par la porte principale du manoir, qui était creusée dans une large projecture du bâtiment et menait vers un large demi cercle d’escaliers de marbre, Christel vit qu’une charrette était arrêtée dans la cour du domaine, avec à ses pieds Kartsa qui conversait avec une femme légèrement plus grande, aux cheveux blonds très courts et aux oreilles percées de superbes bijoux d’argent. Cette femme en longue robe blanche portait une béquille, et Christel reconnut alors Elizabeth Friedsang, que l’on nommait simplement Lise. L’ancienne chasseuse la plus redoutée de la famille, qui prit sa retraite l’année dernière pour se marier à un noble, quelques mois avant l’attaque sur le manoir. Heilwig avait été son médecin, et vu ces blessures, il était clair que ses séquelles l’empêcheraient à jamais de rejoindre la chasse… Christel avait déjà regardé Lise avec admiration lorsqu’elle était au sommet de sa gloire, mais ne lui avait jamais adressé la parole. L’entachée descendit les escaliers et s’approcha, car elle avait été habituée à aborder Kartsa plus ou moins naturellement. Remarquant que la lycanthrope s’approcha, Lise releva brusquement le regard, se figeant. La conversation s’interrompit nettement. Bouche mi close, Lise Friedsang avait des yeux froids et étonnés.
– Pourquoi est-ce que cette entachée nous approche, Kartsa ?
Christel était brutalement ramenée sur terre. Lise Friedsang, d’entre toutes les personnes, n’avait aucune raison de considérer les entachés. Elle n’avait pas été aidée par la louve lors de l’attaque, et avait vécu cette dernière année dans le comté Vantusius auprès de gens bien et pieux. Son étonnement et son mépris était naturel, mais il frappa d’autant plus Christel que sa rencontre avec Ralph lui avait montré qu’un inconnu connaissant sa nature pouvait tout de même s’adresser à elle en égale, et surtout en semblable. Pour une fois, Christel ne répliqua d’aucune manière à cette condescendance.
– Pas la peine d’être aussi sévère, Lise, dit sérieusement Kartsa. En tant que comtesse je communique souvent avec les sœurs louves, il est normal que Christel puisse m’approcher. De plus c’est un atout précieux du clan.
– … Je vois. Je suppose que les choses sont vouées au changement avec toi à la tête. Évite tout de même de trop lâcher prise sur les entachés. Enfin, je pense que l’occasion est bien choisie pour cesser de faire attendre le cocher : sois assurée que je parlerai à mon mari de notre crise, et qu’il nous aidera du mieux qu’il pourra. Les Aspida restent une famille de chevaliers.


Lise Friedsang (en vérité Elizabeth Aspida, Christel venait de le réaliser) monta donc dans la charrette, aidée de sa sœur, et la voiture quitta la cour lorsque le portail fut ouvert. Kartsa retourna alors son regard vers Christel.
– Ce n’était pas nécessaire de me défendre, fit Christel.
– Je n’ai fait qu’éteindre la tension. Cela fait plus d’un an que je n’ai pas vue Lise, je préfère éviter que nous nous quittions sur une note sombre.
– Moi qui aurait pensé que vous l’auriez totalement oubliée après qu’elle ait quitté la chasse.
– Je ne sais pas pourquoi je vous permet de me parler ainsi… Enfin, ne le faites surtout en présence des autres.
– Oui, bien sûr,
râla légèrement Christel, même en sachant que Kartsa avait des bonnes raisons de dire cela.
– J’aimais peut-être Lise parce qu’elle était la plus grande des chasseuse, mais cela ne signifie pas rompre contact avec elle pour autant. J’ai toujours ignoré la part d’elle même humaine qui aimait Milo Aspida, un homme dont j’ai fini par être mortellement jalouse, alors j’essaie de renouer avec elle sous un autre angle.
– Et donc ?
Fit Christel, curieuse non sans raison personnelle de la manière avec laquelle Kartsa avait tenté de renouer avec sa propre sœur.
– Disons que je ne la comprend pas vraiment. De plus je n’ai jamais aimé les hommes.
Christel réprima un rire. Kartsa Friedsang, du haut de ses 26 ans, était un mur imperméable aux affaires romantiques… Quoiqu’en y réfléchissant il était fort possible, à l’entendre parler, que son affection pour sa demi-sœur ait été bien plus que filiale. Mais Christel n’était définitivement pas en position de dire une telle chose à sa supérieure hiérarchique qui pouvait décider de lui tordre le cou à tout moment. De plus, sa condition de lycanthrope la laissait elle même dans une certaine solitude pour ce qui était de ce genre d’affection, elle n’en avait eu que des élans passagers qui restaient à peine dans sa mémoire. Elle repensa alors à nouveau qu’elle avait peu de semblables, du moins cela s’estompait lorsque sa vraie nature était sue.
– … Hélas je dois trouver un époux, soupira Kartsa. Les Blancs tiennent à ce que je me marie au plus vite à un homme d’une famille assez puissante pour nous offrir leur soutien. Ceci sans que je ne perde le nom Friedsang et la régence de la famille. Une somme d’ennuis supplémentaires à affronter.
– Je ne risque pas d’être capable de vous aider pour cela. Tout ce que je peux faire, c’est mener à bien la mission de demain.
– Je compte sur vous pour cela, Christel… Je voulais aussi vous dire que je ferais ce qui est en mon pouvoir pour vous donner les honneurs que vous méritez, à vous comme à votre sœur. Cela me fait du mal de l’admettre mais je vous dois beaucoup, et je tâcherais de repayer mes dettes. Le plus tôt possible.

Elle ne savait pas si elle pouvait traiter sa supérieure comme une semblable, avec la distance personnelle et hiérarchique qui se trouvait véritablement entre elles, mais Christel n’était pas seule. Même si elle tournait un jour le dos à sa sœur et à son père, elle ne serait pas totalement seule. Sans rien d’autre à dire à la comtesse en vérité, elle tourna les talons sans dire un mot, le cœur comme une plume. Même pour elles il y avait une place au paradis, Heilwig disait toujours.


Dernière édition par DALOKA le Ven 12 Avr - 19:02, édité 1 fois
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Chroniques de Chasse Empty œil de Lune 5

Message par DALOKA Sam 6 Avr - 23:42

Volonté de chair

A l’heure du départ, le groupe constitué d’Heilwig, Ralph et Christel prépara deux montures : son épée dans le dos et équipée de son armure de louve qu’elle portait dans ses missions, la jeune lycanthrope, qui ne se sentait guère confortable sur un cheval, avait choisi de monter avec Ralph Friedsang, montant derrière lui à l’amazone. L’ancien chasseur de vampire lui avait été rapidement sympathique, cependant il était également vrai qu’elle n’entrait que peu en contact avec Heilwig depuis que ce dernier était revenu. Elle se sentait elle même honteuse de ne pas se sentir capable de lui parler honnêtement, car ne trouvant pas quels seraient les bons mots ; elle comprit en observant le regard de ce dernier qu’il savait que la vérité était révélée. Alors, avant de faire sortir les chevaux de l’écurie, ils s’échangèrent sans un mot des regards accompagnés de sourires désolés qui signifiaient qu’ils étaient tout deux d’accord pour parler de cela plus tard, lorsque cette mission importante serait accomplie. Il valait mieux qu’elle concentre son attention sur ce dernier objectif : l’imminente rencontre avec Refinia. Parce que Christa allait abandonner la chasse, Christel avait décidé de la remplacer pour cette mission même sans être certaine d’avoir les épaules nécessaires pour cela.
Le lieu de rendez vous choisi par la Dame Vampire était un bâtiment de campagne dans l’ouest de la région, un plain-pied à trois jours de là qui n’appartenait pas à la famille Friedsang, mais était la propriété secondaire d’un bourgeois quelconque, sans aucun doute influencé ou charmé par la créature. On disait qu’elle avait un charme surnaturel, une aptitude mineure qui favoriserait les opinions positives envers elle… La perspective était effrayante, et Christel se demanda ce qu’elle pourrait ressentir en la voyant pour la première fois. Lorsqu’ils s’arrêtèrent la première nuit pour faire une halte à une auberge afin de ne pas trop s’épuiser (à cette occasion Heilwig découvrit non sans un air quelque peu médusé l’affection de Christel pour l’alcool), Ralph finit par raconter ses impressions et souvenirs de ses rencontres avec Refinia. Estimant inutile de s’attarder sur son apparence, il la décrivit comme une démone joueuse, fardée, immature, vaine, noble et hypocrite, grandiose et narcissique, hissée au dessus du monde sur un trône d’indifférence.
– Vous n’avez pas l’air pressé de la revoir, fit remarquer alors Christel, essuyant la mousse de bière qui restait sur ses lèvres.
– C’est simplement ce qu’elle est, répondit Ralph. C’est un être cruel ne pensant profondément qu’à soi, mais il est difficile pour moi de réellement la détester. Je sais qu’elle a un don surnaturel, cependant elle disposait déjà d’un charisme certain de son vivant.
– S’il s’agit bien de la femme sans nom que les Dyra ont tenté d’effacer de l’histoire,
intervint Heilwig, ce qui ne fait presque aucun doute à présent, alors elle était une séductrice de princes. Pour être franc, moi qui ai passé ma vie à étudier les vampires, je suis intensément curieux… Mais nous venons pour tirer quelque chose d’elle.

Durant la deuxième nuit qui devait les rapprocher résidence où Refinia les attendrait, sans doute accompagné d’autres vampires, ils longèrent une rivière afin de pouvoir trouver un pont qu’ils pourraient traverser pour atteindre les collines touffues de végétation, là débuterait un long sentier où ils feraient halte. Et alors qu’ils virent ce point de bois, Heilwig et Ralph stoppèrent les chevaux pour observer avec attention le truchement entre eux et leur destination… Qui semblait déjà occupé. Trois silhouettes encapuchonnées, des masses noires de hauteur et de largeur différentes mais toutes munies d’un masque blanc : les personajes, qui avaient l’allure de spectres, les attendaient déjà. Entre une petite  ombre et une grande ombre se trouvait une personne accroupie la pointe des pieds sur la rambarde du pont, ses deux bras reposant sur ses genoux sortant à l’extérieur de sa cape qui descendait en draperies désordonnées.
– Trois vampires qui nous attendent patiemment alors que nous quittons à peine le comté Friedsang, se lamenta Ralph. L’affaiblissement de la famille se constate durement… Que faisons nous, Heilwig ?
– Inutile de tous fuir, nous nous mettrons plus en difficulté si nous nous enfonçons au milieu de la forêt… Mais j’ai prévu cette situation. Refinia m’a autorisé à choisir la date du rendez vous. Ainsi la lune était gibbeuse hier soir, et elle l’est encore.

Disant cela, il se tourna vers Christel qui acquiesça, le visage ferme, avant de tomber les deux pieds sur le sol. Elle avait foi en ses capacités de lycanthrope et c’était l’occasion pour elle se racheter après ses échecs au manoir Friedsang et à Zu Feorn.
– Heureuse de te revoir Heilwig ! Cria une voix sèche de femme, appartenant au personajes accroupi sur la rambarde. Il reconnut immédiatement Naja Naquanda, qui menait sans doute le groupe pour cette attaque ; rien de bien rassurant en somme. Mais pas insurmontable pour autant. Heilwig ne répondit pas, et se tourna vers Ralph.
– Ils se doutent que les Friedsang ne sont guère enjoués à l’idée d’organiser un cessez le feu avec Refinia. S’ils nous dévorent et qu’on retrouve nos corps non loin du lieu de rendez vous tout le monde pensera que la Dame Vampire nous a tué. Les personajes n’ont accompli aucune action contre nous depuis l’attaque du manoir… Mais on dirait que l’idée d’un accord les inquiète.

– Je ne peux pas te toucher un mot si tu ne t’approche pas, siffla Naja en se redressant. Vampirologue de mes deux.
– Moi je veux bien m’approcher, fit Christel avec un sourire en coin alors qu’elle réduisait la distance entre elle et le pont, son épée sur ses épaules.
– Je reconnais cette épée, constata Naja, tu es la lycan que j’ai combattue au manoir Friedsang il y a quelque mois.
– Exact, et nous avons été interrompues. Je suis heureuse d’avoir l’occasion de régler ça une bonne fois pour toute !…
– Alors c’est à cela que tu ressembles en tant qu’humaine. Eh.
– Un problème ?
– Au contraire, je t’imaginais juste plus vieille mais tu dois avoir l’âge que j’avais lorsque je me suis engagée dans la révolution… Oh, tu es bien plus forte que moi à l’époque bien sur. C’est ce qui me réjouit.
– Commandante
, intervint la voix éraillée du personajes le plus grand, s’impatientant. Nous ne sommes pas ici pour cueillir des fleurs ; nous devrions procéder au meurtre immédiatement.
– Cueillir des fleurs, hm ?
Dit Naja, songeuse, en ignorant totalement la dernière remarque de son subordonné. Cela n’aurait pas été si mal mais mes fleurs favorites ne poussent pas en automne.
– Ce n’était pas drôle.
– Ta gueule Goetz. Que connais tu des fleurs ?

Le subordonné se tût en claquant sa langue d’agacement, et Naja tourna la tête vers le masque blanc le plus petit qui était jusqu’alors resté en retrait.
– J’imagine que tu n’as pas de fleurs favorites non plus.
– N-Non,
fit une voix féminine apeurée derrière le masque. Désolée commandante j’y connais rien…
– Paloma… Fais un effort. Quelqu’un comme toi en a forcément une idée. Je t’intimide, c’est ça ? Prends confiance en toi.


La conversation bien trop cordiale en cet instant mettait Ralph et Heilwig mal à l’aise, détonant totalement avec l’inquiétude que leur inspirait les trois masques blancs. Cependant, leurs adversaires avaient toute la nuit pour les tuer tandis que les Friedsangs étaient figés dans leur avancée. Heilwig profita de cet instant pour penser à un plan de retraite, et préparer un sort de feu, alors qu’il avait le regard rivé vers Christel qui fit un pas de plus pendant que les personajes parlaient. Les trois masques se turent et se tournèrent tous vers la chasseuse entachée, comme tout à coup prêts à bondir alors qu’une seconde plus tôt Naja persistait à tirer les vers du nez de sa subordonnée sur ses opinions en botanique.
– Les orchidées rouges, fit soudainement Christel. Ce sont mes préférées.
– Rouges?
S’écria Naja. C’est un peu prévisible. Sais-tu seulement leur sens ?
– La passion et la sensualité,
répondit-elle, mine de rien. Elles traduisent le désir de faire l’amour. Je trouve qu’elles s’accordent bien à moi mais hélas on ne m’en offre pas trop.

Après un silence, Naja rit aux éclats, surprise par la réplique de Christel, avant de descendre de la rambarde pour être debout sur les planches du pont entre la lycanthrope et les autres personajes.
– Tu as bon goût en fin de compte, dit-elle en retirant son masque, révélant ses yeux dorés de reptile. Au point où nous en sommes, autant nous présenter.
– Tu as encore un masque sur le visage,
fit Christel en indiquant sa bouche, et la bouche de Naja était en effet couverte de tissu noir. Je ne me présenterais que si ton visage est découvert.
Ricanant légèrement mais décidant tout de même d’accéder à la requête de son ennemie, Naja abaissa le masque de tissu fin qui épousait la forme du bas de son visage, révélant ses lèvres blanches rayées de cicatrices sur lesquelles apparurent un hideux sourire de fauve, exposant ses dents tranchantes à la lumière nocturne. Passant une main sur visage de bas en haut, elle releva ses courtes mèches noires, remontant sa main jusqu’à révéler l’entièreté de son front, montrant son visage entier comme convenu.
– Naja Naquanda, commandante des Personajes au service du Haut Sang.
– Christel,
répondit-elle dans un sourire nerveux, une goutte de sueur perlant son front. Entachée lycanthrope et servante de la famille Friedsang.

Alors que les deux femmes se regardaient droit dans les yeux, Heilwig cessa enfin de contempler l’attitude fière et le sang froid de Christel, qu’il ne pouvait qu’admirer, et souffla à Ralph d’activer sa monture pour qu’ils s’enfuient tout les deux. Ou du moins fassent mine de s’enfuir, puisqu’il n’avait pas réellement l’intention d’abandonner sa fille. Cependant, ils étaient tout deux les véritables cibles des vampires et s’ils s’échappaient tout leur plan tombait à l’eau : les personajes se diviseraient, et cela faciliterait la tâche à Christel qui aurait beaucoup de mal à un vaincre un adversaire aussi redoutable que Naja si elle n’était pas seule. En deux claquements d’étrier, les cavaliers se mirent à décamper en empruntant la route d’où ils venaient, restant éloignés des profondeurs des bois.
– Ils fuient à l’impériale… Râla Naja, avant de se tourner vers Paloma, la petite personajes, qui ne réagissait que peu. Alors, l’arrière de la cape de la vampire se souleva, faisant apparaître sa queue monstrueuse et son dard mortel, qui transperça d’un seul coup Paloma, s’enfonçant dans son ventre et faisant couler sur le pont des quantités astronomiques de sang alors que la queue s’agitait dans les entrailles de la vampiris.
– CA FAIT MAL ! Cria t-elle de douleur après un hurlement strident, alors qu’elle agitait ses bras et se tordait de panique. CA FAIT MAL COMMANDANTE ARRETEZ S’IL VOUS PLAIT !
– Active-toi un peu, les cibles sont déjà loin,
dit Naja en retirant sa queue du corps de la cape noire. Tu as une singularité utile alors fais en usage.
– O-Oui.

Paloma se laissa alors tomber dans la flaque de son propre sang qui s’étendait jusqu’à couler dans la rivière… Pour disparaître d’un seul coup à l’intérieur de la surface écarlate. Goetz posa également le pied sur le liquide rouge, et s’enfonça subitement dans ce dernier comme s’il avait tenté de marcher dans de l’eau profonde. Le sang, comme doué d’une vie propre, coula alors massivement entre les barreaux de la rambarde pour se jeter dans la rivière… Sur ses gardes, Christel hasarda un bref regard inquiet dans la direction où Heilwig et Ralph étaient partis.

Alors que les deux cavaliers galopaient, une cape noire surgit subitement de l’eau de la rivière pour sprinter vers eux, sortant une colichemarde des épais tissus qui couvraient son corps et tranchant d’un seul coup une des pattes du cheval de Ralph qui s’effondra avec violence à terre dans sa course, faisant également tomber le Friedsang de sa selle. Heilwig interrompit sa propre monture brutalement, faisant hennir le cheval qui manqua de le déséquilibrer par ses ressauts furieux. L’esprit du vampirologue s’agita : le vampire n’avait pas pu nager à une telle vitesse. S’il avait bien entendu ce que Naja avait dit, il se nommait Goetz, et était donc un des prisonniers évadés… Sa singularité ne permettait pas cela. Mais il ne connaissait pas de pouvoir vampirique qui permette de déplacer un allié à une telle vitesse… Un des vampires était totalement inconnu.
Le vampiris à l’épée fondit immédiatement sur Ralph après l’avoir forcé à descendre, mais ce dernier, qui s’était réceptionné à temps, dévia le coup de son épée d’argent nouvellement obtenue avant de se remettre en position de combat, tenant la garde de la lame au niveau de sa tête et la pointe de l’arme vers son ennemi. S’ensuivit un bref échange entre les deux escrimeurs et, malgré les aptitudes physiques de Goetz, Ralph s’en tirait avec brio, évitant et déviant les coups sans faire face à sa force brute ou endommager sa lame.
– Attention Ralph ! Prévint Heilwig. Goetz peut aggraver toutes les blessures qu’il inflige grâce à son hémomancie !
Espérant que son camarade continue à éviter les coups, il tendit la main qui contenait le sort qu’il avait préparé, qui enverrait un trait de feu puissant et précis qui atteindrait le vampire sans toucher son allié pour peu que le tir soit réussit. Mais son cheval émit un cri horrible et funeste, s’effondrant  sur son ventre alors que ses pattes cédèrent, et le tir de feu qui crépitait dans la main d’Heilwig s’évanouit dans le ciel. Il ne pouvait que contempler l’état de l’animal, qui avait été étripé sans même qu’il ne le remarque, ses viscères se répandant dans l’herbe comme des cordages abandonnés. Il vit une flaque de sang se détacher alors de l’étang d’hémoglobine formé par le cheval, glissant vivement sur le sol entre les brins d’herbes, et la vampire nommée Paloma en surgit, des longues dagues ensanglantées dans les mains. Elle ne semblait pas tant gênée par le trou béant qu’elle avait à présent dans son ventre.
– Tu es le Clown dont tout le monde parle ! Se réjouit Paloma. S-Si je te tue on me complimentera…
Par l’Empereur, il était vrai que la plupart des personajes voulaient avoir sa tête ! Il était après tout le seul vampirologue restant sur lequel ils pouvaient avoir leur revanche pour leurs souffrances en captivité… C’était là un fardeau qu’il se serait abstenu de porter, mais la vampiris devant lui ne semblait guère sure d’elle. Même s’il ne comprenait pas exactement sa singularité pour l’instant, cette excentricité serait une faiblesse à exploiter. Quittant la selle de son cheval mort, il tira une boule de feu simple, qui ne serait pas létale même pour un humain, et la vampire, qui émit un cri de surprise, fut immédiatement engloutie par la flaque de sang dans laquelle elle avait ses pieds, flaque qui s’éloigna par la suite en glissant sur le côté avec la vitesse d’une flèche. Heilwig profita de cela pour rejoindre Ralph, se retrouvant dos à dos avec son cousin alors que Goetz se mettait à roder autour d’eux tel un prédateur, cherchant l’endroit le mieux approprié ou planter son épée.
– Deux hémomanciens en un soir, rit nerveusement Heilwig alors qu’il suait toute l’eau de son corps. Je crois que je n’ai jamais vu de chasseurs aussi malchanceux.
– Deux chasseurs qui n’ont pas tué de vampire depuis des lustres…
Ajouta Ralph.
Soudainement, la flaque de sang de Paloma était maintenant en dessous d’Heilwig et Ralph. Aucun d’entre eux n’avait vu cela venir dans la noirceur de la nuit. Absorbée dans son propre sang, la vampire pouvait également se déplacer à des vitesses étonnantes. N’ayant aucune envie de voir ce qu’il se passerait s’ils tombaient dans la flaque, Heilwig dégaina Alanocte, rangée à sa ceinture derrière le tissu de son manteau blanc, et la planta dans la flaque en espérant tirer parti de ses facultés anti-vampiriques. Paloma fut alors brutalement éjectée de la zone entourant les chasseurs, qui redevint du sang banal.
– Q-Quoi ? Ce n’est pas juste… Gémit-elle, à quatre pattes sur le sol. Heilwig avait visiblement trouvé un moyen de neutraliser cette menace.
Mais Goetz avait profité de cet instant pour entailler l’épaule de Ralph, ce dernier échouant cette fois à dévier totalement son épée… La blessure bénigne alors s’ouvrit pour saigner abondamment. Ralph sentit, averti par une douleur atroce, sa peau et ses chairs se faire élargir par une force invisible qui aurait saisit sa plaie pour la déchirer. Avec ce pouvoir, il serait très facile à Goetz de porter un coup mortel s’il approchait trop sa lame des organes de Ralph… Paloma se relevant, ils étaient à présent dos à dos contre les deux masques blancs qui traçaient des cercles autour d’eux.
– J’ai ouï dire que tu étais un homme d’exception, Ralph Friedsang, dit Goetz d’un air suffisant. Que tu aurais vaincu un monstre à l’aide d’une épée ensorcelée… Mais visiblement, sans, tu ne vaux pas grand-chose.
– Allons bon… Je ne suis pas juste rouillé pour la chasse. Cela fait neuf ans que je n’ai affronté personne avec sérieux. Laisse moi donc un peu de temps, et tu verras qu’un simple épée en argent suffit largement pour ta tête.
Ce ton désinvolte que Ralph empruntait rassurait un peu Heilwig… Le vampirologue, qui avait souhaité à tout prix ne jamais se retrouver entre les mâchoires putrides du risque de la mort, et avait été hanté des années par d’immondes cauchemars, se sentait de nouveau apte à se battre du mieux qu’il pouvait. Oui, tant qu’il se concentrait sur la bravoure de Ralph, il pouvait oublier tout cela.

Les gemmes blanches qui sertissaient l’armure de Christel luisirent d’un éclat blanc, projetant des traits de lumière lunaire sur le sol autour de la combattante qui se tenait à présent courbée, le corps tendu dans une posture bestiale. Elle pouvait sentir l’énergie de la lune jaillir dans ses os et ses muscles, faisant bouillir son cerveau d’adrénaline. Le corps de Christel se déformait pour devenir plus massif alors que ses crocs s’allongeaient et que son visage changeait de forme, les plaques de son armure s’écartant progressivement pour s’adapter à son nouveau physique. Naja n’attendit pas en contemplant la scène, et courut à une vitesse folle vers la lycanthrope, mais cette dernière se décala sur le côté, s’éloignant de la vampire pour ne surtout pas entrer dans le rayon d’action de sa queue durant sa transformation. Le temps de cette esquive, Christel avait déjà gagné un physique massif, tenant à une main l’immense Jackal, ce qui poussa Naja à faire quelques pas en arrière. La louve humanoïde de deux mètres de haut au pelage brun avait maintenant l’apparence complète d’une lycanthrope, ses crocs aiguisés brillant entre ses babines retroussées. La bête se jeta sur Naja, qui recula d’un bond en arrière en frappant le sol de sa queue, se réceptionnant plus loin sur la rambarde du pont, et le fil de la Jackal trancha l’herbe en loupant sa cible, poussant la masse de muscles et de fourrure à charger de nouveau en assénant un coup de haut en bas, son arme traçant un arc de cercle noir qui ne fit que briser la rambarde ; Naja avait sauté au dernier moment pour rebondir un bref instant sur le dos de la louve et se réceptionner derrière elle. Christel fit immédiatement volte face, mais la chair au dessus de sa clavicule était maintenant ouverte. L’attaque de la queue de Naja avait manqué un endroit vital mais avait été si vive que Christel ne l’avait nullement perçue, n’ayant entendu qu’un claquement sonore près de ses oreilles lors du bond de la personajes. Elle savait que la queue mortelle de son adversaire, si elle se balançait pour trancher sa cible, avançait bien plus vite que n’importe quel projectile, dans une attaque presque instantanée… Un moment d’inattention dans son rayon d’action serait funeste, et même si elle se tenait à plus de 5 pieds d’elle la vampire n’aurait besoin que d’un pas pour l’attaquer.
Malgré tout, Christel attaqua de nouveau, effectuant cette fois un large geste de bas en haut avec la Jackal, que Naja esquiva simplement en reculant. Alors du sang jaillit de l’épée noire, épousant sa forme pour, lors de l’attaque, en prolonger sa portée à l’aide d’une lame de sang solidifié, et son adversaire ne s’y attendait pas. La Jackal rouge et noire fendit une partie du pont de bois et frappa de plein fouet Naja. Projeté par la puissance du coup porté d’une force monstrueuse, le corps de la vampire cassa la rambarde de bois en la traversant d’un seul coup, glissant un instant sur l’eau de la rivière dans sa charge avant d’y finir nettement plongé.
Naja encore immergée dans l’eau couleur d’encre, Christel bondit dans la rivière de tout ses membres, le poids de son corps éclaboussant les alentours et projetant perles et filins aqueux autour d’elle. Le liquide froid qui courait dans sa direction mouillait maintenant son pelage, et un trait rougeâtre dans la matière sombre et cristalline reliait son épée à Naja. La Jackal attirait à elle le sang de la vampire qu’elle avait touché, augmentant sa masse écarlate ; grâce à son épée, Christel pouvait se mettre totalement en dehors de portée de l’arme physiologique que maniait Naja Naquanda, qui aurait besoin de couvrir au moins deux pas afin de l’atteindre. La créature nocturne aux yeux de serpent se redressa en ressortant la partie supérieure de son corps de l’eau, une large entaille ouvrant sa clavicule et ses côtes, mais se refermant grâce à son pouvoir régénératif. Naja jeta dans la rivière sa cape de Personajes qui entravait son corps, maintenant habillée d’une chemise en partie déchirée, d’un pantalon, et trempée jusque aux os, ses mèches noires collant à son visage blanc et scarifié. Christel passait de nouveau à l’offensive, envoyant de multiples coups fendant l’eau, que Naja fut obligée d’éviter, semblant soudainement acculée. Elle tentait de s’approcher de la louve, mais cette dernière était bien trop vivace dans ses assauts pour le permettre, alors Naja dû utiliser le meilleur de ses réflexes et de son agilité, se faisant à chaque fois frôler par des éclaboussures d’eau et de sang… Jusqu’à ce qu’elle disparaisse du champ de vision de Christel.
Le silence régna un instant, et la louve leva le museau en reniflant l’air pour repérer son ennemie qui avait vivement disparue entre deux éclatements d’eau. Mais c’est son ouïe aiguisée qui la prévint d’un bruit non naturel : cachée dans l’eau, Naja s’était projetée en suivant le sens de la rivière, comme un crocodile chassant sa proie, nageant étrangement bien grâce à son cinquième membre. Mais, alors que la vampire tentait ainsi de se glisser dans le dos de Christel, cette dernière plongea sa main gauche dans la rivière, saisissant la queue de Naja au milieu même de son avancée et l’extirpant de l’eau dans un grand geste sans aucune difficulté. Naja exprima un rictus d’agacement avant de frapper du pied la tête de la lycanthrope alors qu’elle était suspendue en l’air… Et elle ne fit que lui ouvrir la paupière, blessure peu signifiante pour une telle créature. Le grand bras de la lycan, tenant toujours fermement la vampire, la balança avec force contre la rive, y éclatant son corps dans un cri de douleur et d’os fendus sous le choc. Elle porta un coup de la Jackal voulu décisif, mais malgré ses blessures, Naja parvint à se décaler assez rapidement et la lame noire ne fit que trancher sa queue… Mais dans des bruits organiques ignobles, la queue repoussa, d’abord ses muscles à vifs, puis récupéra sa peau blanche et l’os courbe et tranchant qui l’achevait. Christel grogna. Ce satané lézard pouvait régénérer sa singularité autant de fois qu’il le voulait, et la sacrifier à loisir.
Prenant ses distances, Naja fit craquer ses os comme pour les réarranger à l’intérieur de son corps, se remettant en position de combat. Elle observait Christel avec des yeux plein de prudence, alors qu’elle effectuait un demi cercle de lent pas chassés autour de la monstrueuse louve, un sourire carnassier entre ses lèvres déchirées.
– J’ai été effrayée un instant, rit-elle. Tu es un vrai monstre, décidément… Je ne peux pas te laisser approcher mes subordonnés.
Christel, entendant les propos de Naja, releva son épée. La louve avait encore l’avantage… Hors de question de laisser une proie si dangereuse s’échapper.


Malgré sa blessure, Ralph Friedsang faisait jeu égal avec Goetz, l’escrimeur vampire, pourtant plus vif que lui. Durant leur échange, Ralph n’avait récolté aucune autre blessure de la part du personajes, déviant toutes les attaques dans une concentration absolue, et infligeant une entaille brûlante d’argent à travers la large tenue du vampire. Incapable à présent de porter le moindre coup avec succès, Goetz voyait sa singularité neutralisée… Il ne pouvait pas approfondir plus la blessure trop légère qu’il avait infligé à Ralph, et se trouvait ainsi dans une situation difficile lui même alors qu’il lui suffirait d’un coup pour en finir…
Quand à Heilwig, il avait considéré qu’arrêter Paloma, ou plutôt sa singularité, était la priorité, et avait toujours Alanocte dans ses mains. Avec cette épée, il pourrait empêcher la vampire d’utiliser sa capacité, peu importe la condition dont elle avait besoin pour l’activer… Il était cependant piètre escrimeur, et ne pouvait que prier pour que l’Empereur Dieu guide sa main vers la chair de la créature nocturne. Alors qu’il brandissait la lame, il vit Paloma s’ouvrir le poignet, le tranchant presque entièrement, pour que du sang en jaillisse. Paniquant, elle agita sa main afin de répandre son sang qui jaillissait sur l’herbe.
– Dépêche toi, dépêche toi !… Se dit-elle dans des souffles désespérés.
Visiblement, ce manque d’assurance était la faveur que son dieu lui accordait. Avec tout son courage, Heilwig fonça et frappa dans les dagues de Paloma d’un geste gauche, la surprenant un instant et la faisant reculer d’un pas, puis il planta Alanocte dans le flanc de la Personajes. Le sang de Paloma était répandu à leurs pieds, mais comme prévu, elle ne put rien en tirer.
– Encore? Gémit la vampire, constatant son incapacité à utiliser sa singularité. Elle ne savait pas comment réagir, et le vampirologue en profita pour faire remonter l’épée courte à l’intérieur de sa chair, découpant ses organes à travers la cape noire en lui faisant pousser des bruits aigus et bestiaux de douleurs.
– L-Lâche moi !
Elle planta une de ses dague dans l’épaule d’Heilwig, la ressortit de la chair, et frappa à nouveau. Pour une vampire, sa force n’était pas si remarquable, ainsi le vampirologue serra les dents face à la douleur perçante et s’apprêta à lui lancer un sort de feu à bout portant. Mais d’un coup de boule, Paloma le repoussa, faisant chuter ses lunettes, et malgré lui il lâcha l’épée ! En hoquetant, baignant à nouveau dans une flaque de son sang, la petite vampire sortit la lame de son corps et la jeta au loin. Heilwig allait tout de même l’incinérer, mais elle avait déjà disparut dans sa flaque dans un cri tremblotant et terrifié, et la flaque s’était éloignée à une vitesse folle… Avait-elle fui ? Rien n’était moins sur, et il resterait aux aguets. Fort heureusement, elle n’avait pas jeté Alanocte dans la rivière, et il la récupéra pressament dix pas plus loin après avoir ramassé ses lunettes… Heilwig se tourna vers le combat entre Ralph et Goetz, qui avait l’air de bien se dérouler pour le Friedsang. Et si Paloma était retournée vers sa commandante ?… Vu le pouvoir de la Jackal, ce ne serait pas un problème, mais il s’inquiétait tout de même pour le déroulement du combat de Christel, et vu sa blessure à l’épaule s’approcher de Goetz dans l’immédiat serait dangereux. Devait-il y aller ?… Il jeta un regard à Ralph, qui combattait toujours, et ce dernier lui envoya de loin un regard approbateur. Heilwig ferait confiance à Ralph pour s’en tirer.

– Diantre !… Jura Goetz, que la colère commençait à prendre au milieu de son combat. Cette fille, quelle simplette ! Et toi, t’épuiseras tu un jour ?
– Très certainement…
Fit Ralph. Je saigne toujours, après tout.
– Je n’en reviens pas,
poursuivit Goetz dans son exaspération, exécutant un enchaînement agressif d’estocs. Etre incapable de te toucher deux fois, cela fait honte à toute mon escrime !
– Tu parle et te bats comme un aristocrate,
répliqua avec dédain le Friedsang, dont la défense était toujours aussi adroite. Cela ne correspond pas bien à ce costume.
– Un ancien exilé des Friedsangs n’a pas à me faire la morale. Obéir à la waienne ne me plaît pas, mais plutôt ça que d’être un chien galeux.

Les attaques du masque blanc étaient précises et coordonnées, mais c’est lui qui fit une erreur le premier malgré sa vitesse et son endurance : après avoir dévié un coup d’estoc, Ralph s’avança d’un pas et effectua un  coup de bas en haut. Goetz remonta sa lame pour parer, mais bien que les aciers se confrontèrent, l’épée d’argent passa à travers le bras de Goetz, le tranchant. Le vampire tenta de se repositionner, mais un éclair argenté sectionna dès l’instant sa main armée, le laissant sans moyen de défense… Impitoyablement, Ralph trancha également les jambes du vampire, l’incapacitant.
– Tu feras un bon prisonnier, commenta Ralph. Et je trouve ça dommage, pour un épéiste comme toi. Nous nous reverrons dans quelques instants.
Ignorant les jurons et les grognements de douleur de Goetz, Ralph décida de le laisser ainsi. Il ne bougerait guère loin, ses membres coupés par de l’argent pur. Mieux valait rejoindre Heilwig immédiatement : il avait peur que la vampire à la flaque tente de le surprendre.

Simultanément, le combat entre Naja et Christel s’était poursuivi avec fureur. Toujours dans une position défensive, la vampire majeure enchaînait les esquives avec une agilité animale, tentant de se rapprocher afin de lui infliger un coup de sa queue, mais échouant toujours à cause de la portée qu’offrait la Jackal et le sang qu’elle contrôlait. Christel avait également beaucoup de mal à toucher son adversaire : Naja multipliait les bonds et utilisait sa singularité en plus de ses jambes pour mieux sauter et se réceptionner, lui conférant une souplesse et une vivacité incomparable dans ses mouvements. C’était un cinquième membre qu’elle pouvait utiliser avec aisance pour tout ses déplacements. Naja se déplaçait comme un fauve doté de l’agilité d’un singe, mais la plus grande menace restait la potentielle attaque inesquivable de sa singularité, qui ouvrirait sans peine le cuir solide qu’était la peau de la louve ; pourtant, en observant les tentatives d’attaques manquées de Naja, Christel avait distingué deux failles. Elle avait visiblement besoin d’avoir un pied au contact du sol afin d’obtenir sa redoutable vitesse d’attaque, et lorsque cette dernière était effectuée, sa queue devait se stopper un bref instant pour ne pas que la force du coup emporte le reste de son corps.   A l’aide de ses facultés surhumaines, Christel devrait être capable d’exploiter cette faiblesse.
– Tes capacités physiques sont extraordinaires, complimenta Naja, qui lors de ses esquives traçait un cercle autour de la louve dans l’attente de la première erreur décisive. Même si tu es assez prévisible. Au point où tu en es, augmenter ta force serait superflu. A vrai dire, puisque tu es jeune, tu es sûrement au sommet de ta vigueur. Les lycanthropes prennent de l’âge tout comme les humains, après tout. Avec plus de jugeotte tu m’aurais peut-être déjà tuée, mais je n’ai pas l’impression que tu sois si intelligente.
Elle se permettait de la provoquer ainsi en plein combat !… Christel ne pouvait pas répliquer autre chose que des grognements. Naja conservait sa confiance en elle alors que le combat semblait être à son désavantage… C’était aussi irritant qu’admirable. Mais cela voulait aussi dire qu’elle finirait par trouver un moyen de s’approcher, et alors Christel serait finie. La lycanthrope devait elle aussi puiser dans sa confiance en elle même, et elle seule. Pas le temps de se demander ce que Christa et sa coyote auraient fait.
A la suite d’un coup manqué de plus, Christel fit exploser une partie du sang de la Jackal en plusieurs petits projectiles sanguins perçants et tranchants qui volèrent dans l’air, éraflant Naja qui plaça ses bras devant elle afin de protéger ses yeux. L’attaque infligea à son corps de multiples coupures plus ou moins profondes. Christel projeta ensuite son corps avec force vers Naja afin de lui asséner directement un coup, et la personajes vit là une occasion pour elle de frapper. Effectuant un pas en avant en sachant que son attaque serait plus rapide, Naja fendit l’air à l’aide de son arme physiologique. Il n’y eut qu’un claquement sonore, et la lame osseuse ouvrit le cou de Christel, en faisant jaillir du sang… Qui s’arrêta aussitôt. En utilisant la Jackal sur elle même pour contrôler son sang, elle avait stoppé l’écoulement, et sans laisser à Naja le temps d’exprimer sa surprise elle transperça de son épée noire la queue de la vampire, la clouant au sol. Le pouvoir de la Jackal manipula le sang de la vampire à l’intérieur de son corps, le faisant jaillir de toutes ses plaies et depuis l’intérieur de sa gorge, attaquant ses muscles de l’intérieur. L’espace d’un instant, le corps de mort vivant de Naja était sujet à une tempête interne qui déchirait ses chairs, et la peau de ses deux jambes se tordit et gonfla pour exploser, les réduisant à l’état de loques, accumulation d’os partiellement mis à nus et de fibres musculaires pendantes. Avant que la Jackal ne détruise entièrement son corps, Naja tira sa queue de l’épée, perdant son bout en l’arrachant, et se saisit immédiatement le bras armé de Christel. La queue blanche entourait fermement le poignet de la louve pour l’empêcher de porter un autre coup, et le brisa, cassant et pliant son avant bras pour en faire ressortir les os. La main droite de Christel, qui pendait faiblement, relâcha l’arme enchantée, la désarmant, mais elle planta son autre main pourvue de griffes aiguisées dans les côtes de Naja, les lacérant jusqu’aux poumons et ouvrant intégralement la poitrine de la vampire en en détruisant os et organes. Naja était à présent vermeille de sang et de chair, méconnaissable, des morceaux de son poumon droit et de son foie gisant au sol éparpillés… Elle donna deux coups de poings dans le museau de Christel, mais ils ne suffirent pas à la repousser et, déterminée à gagner, la louve mordit le cou entier de la vampire, l’écrasant de sa mâchoire et le hachant de ses longues dents, avec l’intention claire de lui arracher la tête. La quantité de sang rendait la scène inobservable, il inondait autant la vue que l’odeur. Naja allait bientôt mourir, mais l’enchantement de la Jackal qui maintenait le sang de Christel à l’intérieur de sa gorge s’estompa, puisqu’elle ne touchait plus l’épée. L’hémoglobine coula de nouveau, et Naja lâcha le bras de la louve, l’extrémité osseuse de sa queue étant rétablie : incapable trancher avec puissance sans équilibre, elle perça la gorge de la louve depuis l’arrière de sa tête, échouant à viser aussi précisément qu’elle le désirait car la lycan la balançait dans l’air en même temps qu’elle tentait de rompre définitivement son cou. Les dents sciaient la chair et la queue-poignard s’y enfonçait. Les deux adversaires, obnubilées par le sang et le désir de survivre, avaient des sentiments similaires si brutaux et désespérés qu’on ne pouvait les traduire par la pensée, leurs cerveaux s'imbibant de rouge.
Mais Christel, dont l’esprit se brouillait, finit par s’affaiblir et lentement, relâcha sa prise avant de s’évanouir lourdement sur l’herbe, écrasant Naja sous elle. La louve ne pouvait plus continuer le combat.
Naja avait un air médusé, incapable de jurer à cause de sa gorge broyée et déchire. Elle avait du mal à croire qu’on l’ait mise dans un pareil état. Non sans difficulté, elle s’extirpa de la prise d’une Christel à moitié consciente, puis se releva en aidant ses faibles jambes de sa queue pour soutenir son poids, contemplant le corps de la bête à ses pieds.
Cette fille était parfaitement capable de la tuer, jeune ou pas. Cela désolait Naja de faire disparaître un esprit et un corps avec lesquels elle se sentait avoir des affinités, mais la laisser en vie était trop dangereux. Elle ne placerait pas son amusement avant son rôle de commandante.

Avec effroi, Heilwig vit Naja dans son à présent insoutenable apparence debout près du corps étendu de Christel, et pressa le pas du mieux qu’il put, sprintant comme il ne s’en serait jamais cru capable. Christel avait perdu ! Mais cela ne signifiait rien comparé à la terrifiante éventualité de la mort de sa fille. Il ne pouvait croire qu’elle était morte et ne pouvait le permettre ; l’endurance et la faculté de récupération des lycans était exceptionnelle, il pourrait sans aucun doute la soigner.
Mais il y avait Naja.
Serait-il capable de faire battre en retraite ce monstre, même s’il était terriblement affaibli ? Probablement pas. Il la connaissait, elle n’avait rien de comparable avec la jeune vampire qu’il venait d’affronter. Tant qu’elle pouvait utiliser sa singularité, se débarrasser d’un homme frêle comme Heilwig serait fait très aisément… La peur serra le cœur du vampirologue. Jamais de sa vie il n’avait fait le poids contre un vampire majeur, il n’avait rien pu faire pour sauver Charlotte ce jour là… Mais il ne pouvait plus se permettre de fuir ou de rester paralysé, ni même de se reposer sur sa confiance en autrui. Lui seul pouvait agir, cette fois encore, et cette fois il devait protéger un de ses biens les plus précieux. L’une des petites filles qu’il avait maudite et qui l’avaient sauvé.
Son étoile, Christel.
Brillant de transpiration, Heilwig était à présent au milieu du pont de bois, à quelques pas de Naja et Christel. Elle détourna son regard de la louve et projeta ses yeux jaunes vers lui ; ses jambes se régénéraient, mais pouvaient elles bouger dans son état ?
– Heilwig… Marmonna t-elle en frottant son cou écorché, ayant visiblement faiblement regagné ses facultés orales. Qu’est-ce que tu fais, avec cette épée ? Est-ce une blague ?
– Non… Je suis ici pour sauver ma fille. Je n’ai jamais été plus sérieux en vingt ans de carrière.
– Ce n’est pas un laboratoire, et je ne suis pas attachée. Tu pense que ta misérable pyromancie me tuera avant que je t’ouvre la gorge ?
– … Ce n’est probablement pas possible hélas. Si tu peux encore sauter à l’aide de ta singularité, tu devrais pouvoir te jeter sur moi et je n’aurais pas assez de réflexes pour réagir.

Heilwig jeta Alanocte au sol, et elle retomba platement sur les planches.
– Je n’ai pas de plan, Naja. Je ne peux que déclarer forfait.
– Tu réalises que je ne t’épargnerai pas ? Je songe à repayer les humiliations que tu m’as infligé depuis trop longtemps, même si ma captivité était un stratagème et que j’ai cultivé cette haine. Là bas ce n’est pas un homme nommé Oswald que j’ai juré de tuer alors que mon corps supérieur était traité comme un objet, c’était toi.
– Je ne le sais que trop bien, mais ceci est ma fille. Quelque chose d’irremplaçable pour moi, peux tu le comprendre ? Laisse-moi la soigner et laisse-la en vie, tu pourras ensuite me faire ce que tu veux.
– Oh ? Il t’es poussé une paire de couilles, maintenant ?
– Tu plaisante ? Je ne veux pas mourir. Je veux pouvoir revoir Christa et Christel, et j’ai fait la promesse de rentrer en vie. Mais l’idée que je puisse laisser l’une d’entre elle mourir… Cela me terrifie bien plus.

Non loin accourait à son tour Ralph, qui identifia immédiatement lui aussi la situation désespérée alors que le vampirologue et la personajes conversaient. Vu son état, il serait sans doute possible de la tuer ou de la forcer à battre en retraite. Mais dans sa course, il chuta brusquement. Ralph était à présent à moitié immergé dans le sol… Non, dans une flaque de sang ! Il avait lâché son épée d’argent et, car ses deux bras étaient hors de la flaque, il appuya ses coudes contre l’herbe pour ne pas tomber plus profondément encore dans le sang, et tenter de s’extirper. Mais malgré tout ses efforts, pas un centimètre de son corps n’avait été tiré du ruisseau de sang. Paloma ressortit sa tête et ses épaules de la flaque pour apparaître derrière lui, jubilant à présent d’un rire aigu.
– J’ai eu le héros ! Ca apprendra Goetz à se moquer de moi ! Tout ce qui est absorbé par mon sang ne peut en ressortir tant que je ne l’ai pas décidé. Qu’est-ce que tu peux faire maintenant, hein ? Une fois à l’intérieur, tu ne pourras plus respirer, et quand tu seras inconscient je te ferais sortir pour te dévorer!
Ralph portait la main en avant vers l’herbe, tendant tout son corps en ignorant la voix perçante et mignarde de la vampire. Hors de question de finir noyé maintenant ! Agacée par sa persistance, Paloma martela de ses poings les épaules du Friedsang, qui ne céda pas. Sa force physique était pour une vampire, risible, mais son pouvoir était d’autant plus terrifiant qu’elle prenait confiance en ses capacités. Alarmé par les bruits, Heilwig tourna son regard vers la scène.
– Oh mais je sais ! Sourit Paloma en relevant son masque pour révéler sa bouche et ses longs crocs. Je n’ai qu’à te manger alors que tu es occupé !

– Je t’en prie Naja ! Supplia Heilwig.
– … Très bien.
D’un coup, la vampire sauta en se propulsant grâce à sa queue et retomba sur le vampirologue, le coinçant entre ses jambes. Il ne fallut qu’un instant de plus pour qu’elle plante sa queue dans le torse d’Heilwig, qui écarquilla les yeux d’étonnement et de terreur.
– Non… Ce n’est pas ce que je voulais! Je dois soigner Christel !
– C’était naïf de ta part de croire que je tiendrais une telle promesse
, dit Naja, baissant vers Heilwig son visage à l’expression ferme et froide. L’extrémité osseuse s’enfonça intégralement dans le corps du Friedsang. Je ne suis pas un chevalier, mais un soldat.
– Je t’en prie… Laisse moi me sacrifier…
– Tu me fais pitié, clown. Ce n’est pas comme ça que je voulais te voir mourir.


Ralph, dont la vie était aussi mise en danger, saisit finalement le manche de son épée en argent tombée dans les herbes. Effectuant un large geste du bras, il trancha alors d’un coup toute la partie du corps de Paloma qui était en dehors de la flaque de sang. Dans un hurlement strident, Paloma qui n’était plus qu’une moitié de tronc, une tête et deux bras, s’agita pitoyablement au sol dans tout les sens alors que Ralph était maintenant libéré de la flaque. Criant le nom d’Heilwig, il se releva et se remit à courir.
Certaine d’avoir infligée une blessure mortelle à Heilwig, Naja se redressa. Le regard dans le vague,  ses poumons de remplissant de sang, il ne pouvait que marmonner des sons inaudibles. Il ne pouvait pas mourir, pas inutilement. Pas en laissant tomber ses soleils jumeaux. Sa main se releva pour agripper le vide en tentant de saisir la vampire alors que son œil unique observait la lune brillante, à moitié pleine. Est-ce que son dieu le lui permettrait ? Pouvait-il espérer que vivent ces filles qu’il avait vu pour la première fois si maigres, si chétives, si mourantes, qu’il avait vu grandir si fortes, si belles, si lumineuses ? Était-ce trop demander qu’elles vivent heureuses, mon Dieu ? Était-ce trop demander ? Il était coupable d’avoir trahi Christa, celle qui l’avait aimé et chérit plus que tout. Il ne la tiendrait plus jamais dans ses bras, le seigneur ne pouvait-il pas au moins lui permettre de vivre heureuse ? De ne pas en plus perdre sa jumelle ? Ces filles devaient vivre. C’était son simple souhait depuis toujours,
Entendant un bruit derrière elle, Naja constata que la lycanthrope avait rampé dans son agonie jusqu’à son épée et stoppé son saignement avec ses pouvoirs. Visiblement elle tentait actuellement de se redresser, exprimant un douloureux gémissement à la vision d’Heilwig baignant dans son sang, et Naja décida d’aller l’achever une bonne fois pour toute, quand bien même Ralph se hâtait pour les sauver.

– Ca suffit, Naquanda.
Entendant la voix féminine et posée d’une inconnue, Naja tourna immédiatement les yeux pour voir qu’une femme en cape à la peau blanche se trouvait quelques pas derrière la lycanthrope, semblant soudainement apparaître dans la nuit tant son pas était discret. Une vampiris à la figure gracile dont la partie supérieure du visage était voilée par un capuchon noir. Une servante de Refinia sans l'ombre d'un doute . Ralph était lui maintenant au début du pont et dans le dos de Naja, s’approchant à pas lents, épée en main.
– La Dame a bien fait de m’envoyer en avance, fit la vampiris, une main sur la hanche. Même toi tu ne peux pas gagner contre moi et Ralph Friedsang dans ton état.
– … Non, en effet.

Naja plia légèrement ses genoux. Ses jambes devraient pouvoir lui permettre de bouger suffisamment, même si leurs muscles pas encore totalement guéris étaient à vif. Naja sauta dans la rivière à travers le trou de la rambarde causé par le combat, suivant le cours de l’eau avant d’en jaillir pour retomber sur la rive. Elle était à présent à près de Paloma, et courut du mieux qu’elle put pour atteindre sa subordonnée et soulever d’une main ce qui restait de son corps.
– On s’enfuit, Paloma. Tant pis pour Goetz.
Elle rejeta la personajes sur le sol, et Paloma cria avant de replonger dans la flaque de sang toujours humide dont elle avait été séparée à cause de l’attaque de Ralph, qui approchait à grand pas. Malheureusement, Naja disparut à son tour dans la flaque… Qui s’évanouit comme une ombre pour disparaître dans la rivière.

Haletant, Ralph enragea d’avoir laissé les vampires s’enfuir, avant de retourner vers Heilwig et s’agenouiller près de lui. Il l’appela de vive voix, l’observa, prit son pouls. Mais œil de Lune était mort, bel et bien mort. Il n’y avait aucun doute la dessus : son propre sang avait inondé ses poumons et il s’était noyé…
Il ne restait plus qu’une seule chose de sa vie : une expression douce de réconfort. Heilwig avait sourit en réalisant que Christel vivrait.
Sa prière avait été exaucée.

Le cœur serré, Ralph ferma l’œil unique d’Heilwig Friedsang. Christel s’était redressée, le corps trempé de rouge, et hurlait désespérément, museau pointé vers le ciel. L’ondine noire qui ruisselait dans un doux son, finalement libérée des frappes et du sang,  vibrait pourtant sous la force d’un cri si vaste qu’il se projetait dans les étoiles et la lune gibbeuse. Ce bruit affolé et sans fin, qui disparut à travers la forêt dont il faisait frémir les feuilles mortes, était insupportable.


Dernière édition par DALOKA le Ven 12 Avr - 19:02, édité 1 fois
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Chroniques de Chasse Empty œil de Lune 6

Message par DALOKA Mer 10 Avr - 19:46

œil de Lune

Le salon salle à manger à l’étage du manoir Friedsang avait été choisi par Kartsa comme le lieu de cette importante réunion. La vieille maison, guère adaptée aux soirées galantes, avait des murs gris et sombres que l’ajout de quelques tableaux de paysages et de scènes de chasse n’éclairait guère. La résidence principale Friedsang était après tout celle des chasseurs ; même en dimensions la salle n’était pas démesurée et la table ronde qui serait utilisée était faite pour pouvoir accueillir une dizaine d’individus, et pas plus, ce qui créerait une certaine proximité entre les différents participants. Les serviteurs avaient décoré la table de quelques fleurs du jardin extérieur avec l’intention d’égayer cette rigidité du manoir, inconscients du poids de la réunion privée d’une importance phare qu’allait tenir Kartsa Friedsang. Il y avait actuellement au total quatre personnes dans la salle à part elle : Christel était adossée contre la double porte close qui menait aux balcons du manoir, le visage fermé dans un regard qui semblait se perdre au-delà du bois brun de cette porte. Elle était recouverte de bandages qui enserraient totalement son cou, et avait l’avant bras disposé dans une attelle. Sa sœur, Christa, se trouvait adossée du côté opposé de la salle, près de la cheminée. Ses yeux pointaient vers le vide, leur bleu semblant vague et inatteignable. Kartsa savait que la mort d’Heilwig les affectait, même si elle avait demandé leur présence ici alors qu’elles ne participeraient pas à la réunion, elle n’était donc pas surprise qu’elles n’aient pas prononcé un mot depuis leur entrée ici… Kartsa espérait avec sincérité que cette réunion aboutisse à une conclusion positive pour elles.
Les deux autres individus en présence et assis à la table étaient Cognomorus, le baron de Poher, et Ludwig Friedsang, un des doyens parmi les chasseurs encore en activité. Cognomorus n’avait pas été invité de bonne volonté, mais Heilwig était mort et il fallait quelqu’un pour porter le titre de vampirologue à cette table… Ce dernier semblait totalement désintéressé par les événements actuels, ne faisant qu’attendre le début de la réunion. Ludwig Friedsang, qui représentait les chasseurs, était un homme robuste et large, ses bras épais capable de tordre un cou comme une brindille frémissant avec impatience sur la table. Ses cheveux autrefois blonds étaient attachés derrière sa tête en révélant un front élargi par la calvitie, cependant l’homme à l’allure d’ours était un des vétérans Friedsangs encore en vie, et un traqueur d’exception. Qui plus est, Kartsa comprenait parfaitement l’allure tendue de son expression… Et partageait très certainement cette dernière en ce moment. Aucune conversation réelle n’eut lieu dans l’attente, car Kartsa et Ludwig mangeaient leur langues, et Cognomorus n’avait jamais été un homme cordial.

La porte d’entrée s’ouvrit pour laisser entrer un homme svelte portant des vêtements noirs d’aristocrates complétés d’un pourpoint d’un élégant et ténébreux pourpre. Ses cheveux, malgré son âge, étaient teints d’un noir corbeau alors que de longs sourcils sombres hachaient son visage en une expression glaciale qui achevait de décorer son regard d’indifférence, ses yeux vairons bleu et bruns, cette dualité entre son intelligence et sa manie de n’en faire qu’à sa tête, son caractère de glace et de feu. L’homme avait l’air de renfermer un esprit sorti tout droit des enfers, et pour cause Karl Friedsang était à la fois un libertin à la lubricité connue et à la fois un homme qui parvenait à faire imposer ses caprices aux Blancs dont il était un des membres les plus notables.
Kartsa et son père ne s’étaient pas vu depuis des années. A vrai dire, elle ne l’avait jamais rencontré en tant que comtesse. Comment s’adresser à lui à présent qu’elle était l’autorité supérieure de la famille ?
– Mes hommages, Baron, Ludwig… Comtesse, fit-il, ne notant pas la présence des sœurs louves qui restaient à l’écart. Je constate avec tristesse l’état du manoir familial de mes propres yeux… Et également les extrémités auxquelles nous sommes réduits. Il est très tentant de croire à une plaisanterie.
– Il y a eu un changement de plan suite à l’attaque sur Heilwig et Ralph…
 Répondit Kartsa. Nul ne sait ce qui va se tramer ici à part nous tous, qui sommes réunis dans cette salle.
– Ainsi voici tout ceux qui mettront leur vie et leur honneur en jeu dans cette grande mascarade. Tu es la première comtesse a avoir fait entrer un seigneur vampire dans le domaine Friedsang.
– J’en assumerai l’entière responsabilité… Mais je ne vous en veux pas d’être effrayé à cette idée, vous avez souvent fui votre devoir.

Kartsa regrettait déjà ces mots pleins de rancœur, sortis presque contre son gré. Karl fronça les sourcils et, restant debout, posa une main sur la table ronde en projetant ses yeux vers sa fille qui contractait son visage en une expression stoïque.
– Fui mon devoir ? Dit-il calmement mais sans masquer sa profonde exaspération. C’est moi qui ai décidé de légitimer Elizabeth, alors que c’était une bâtarde, et j’ai assumé cet acte devant la famille entière. Sans cela tu ne l’aurais pas connue, et tu ne serais pas là pour me défier. C’est également moi qui ait marié ta sœur Odette au comte Vinnairse, ce qui vous permet encore d’entretenir cette épave de famille après notre crise.
– Vous n’avez pas risqué votre vie contre les monstres
, intervint Ludwig, lui aussi irrité par la personne de Karl. Cela sauva Kartsa qui n’aurait su quoi répliquer.
– Nous avons chacun nos rôles. Est-ce ma faute si vous n’avez pas su assumer le votre ? Friedsang, ce n’est pas qu’une chasse. C’est aussi un nom. C’est aussi une fortune, des terres, et un peuple.
– Sans le prestige de la chasse vous n’auriez pas votre actuelle gloire. Même si vous pourriez toujours vous reposer entre les cuisses d’une vierge j’imagine, tant que vous « assumez », derrière.

Cognomorus soupira en entendant la conversation, marmonnant à voix basse un charabia incompréhensible tant il était prononcé bas et rapidement. Cela hérissait le poil de Kartsa qui ne pouvait plus supporter la cacophonie qui s’installait maintenant entre le sorcier râleur et les deux hommes à couteaux tirés, qui relevaient maintenant tout deux avec le même ton dédaigneux le démérite de l’autre.
– Cessez ! S’écria Kartsa, les deux paumes compressées l’une sur l’autre contre la table. Le moment est mal choisi pour que les chasseurs et les blancs cherchent à savoir qui d’eux a accompli le mieux son travail. Nous avons certainement tous des choses à se reprocher… Père, je vous en prie, asseyez vous.
N’insistant pas plus, Karl fit le tour de la table et prit place sur le siège entre Kartsa et Cognomorus. Ludwig, Kartsa, Karl, et Cognomorus, étaient disposés dans cet ordre là sur le premier demi cercle de la table ronde, et les deux sièges de la deuxième moitié attendaient d’être occupés par Refinia ainsi que Ralph Friedsang, qui avait choisi d’être le médiateur entre les deux camps. Kartsa ne sentait pas qu’elle avait les épaules pour une telle réunion mais il était évident qu’il n’y avait aucune autre personne apte à la tenir. Le calme revint et de nouveau tous furent dans l’attente, l’attente de l’invitée particulière.

La double porte qui menait au balcon s’ouvrit depuis l’extérieur alors, révélant la nuit, et une brise légère portant une senteur de rose envahit la salle. Ralph Friedsang entra le premier, et derrière lui se trouvait la Dame aux cheveux rouges qui referma la grande ombrelle noire qu’elle tenait dans ses mains, suivie elle même d’une grande vampiris en cape noire qui la dépassait d’une tête. Tout les regards se soulevèrent immédiatement et Christel, qui était toute proche, recula vivement quand lors de son passage Refinia s’était trouvée à moins de deux mètres d’elle. Kartsa sentit son cœur bondir de sa poitrine en voyant la créature, et maintint sa contenance en serrant ses deux mains et sa mâchoire. Ludwig avait le cou tendu vers la nouvelle assemblée, l’expression rigide et le corps sur la défensive. Karl écarquillait les yeux d’étonnement sans rien dire. Cognomorus semblât enfin s’intéresser à quelque chose, et dans un silence stoïque observait Refinia avec la plus minutieuse attention. Christa reprit ses esprits.

Le vent referma brutalement les portes derrière le trio, et la Dame Vampire s’avança en faisant résonner ses talons, son corps immortel plein de confiance.
– Messieurs, Comtesse, je vous salue, chanta t-elle, une main sur sa poitrine opulente. J’ai tenu à entrer la dernière, afin de ne pas gêner quelque conversation familiale que vous auriez souhaiter tenir.
Ralph croisa les bras dans une expression exaspérée. Sans doute se doutait-il qu’elle n’avait fait cela que pour accomplir une meilleure entrée. Et elle était à présent le centre de l’attention. Refinia tendit son ombrelle repliée à sa servante alors qu’elle s’avança pour s’asseoir sur un des sièges prévu à cet effet, et la vampiris prit respectueusement l’objet dans ses mains.
Une sensation glaciale glissa dans le dos de Kartsa. La Dame Vampire était du côté opposé de la table, juste en face d’elle, et elle faisait du mieux qu’elle pouvait pour soutenir son regard doré perçant. Son cœur s’agitait dans ses côtes lorsqu’elle fixait la créature, dotée d’un agréable visage et d’une gorge blanche à l’éclat de peau somptueux qui se prolongeait sur ses épaules nues et le haut de sa poitrine. Kartsa ne pouvait pas se laisser influencer par Refinia ! Mais elle ne pouvait pas non détourner le regard, où bien elle admettrait totalement sa position de faiblesse par rapport à son adversaire, et ceci devant toute la famille.
Ralph, qui était le plus calme d’entre tous, prit place le dernier alors que la servante vampiris restait debout aux côtés de Refinia.
– Nous pouvons dorénavant commencer, fit Kartsa après s’être raclée la gorge, jetant un regard circulaire sur tout les individus qui étaient assis. Je suis heureuse de voir que nous avons pu arranger cette réunion malgré les fâcheux événements d’il y a une semaine…
– Eh bien je n’étais moi même que peu réjouie par l’idée de poser le pied sur votre domaine,
répondit la vampire. Mais Sieur héros  m’a convaincue du contraire, me voici donc parmi votre charmante assemblée.
– Nous devons tous connaître tous les noms de chacun ici,
enchaîna Ralph sans relever le sobriquet agaçant que lui donnait Refinia. Entrons donc dans le vif du sujet, ce n’est pas une visite de courtoisie.
– Hélas, Monsieur le Héros a raison. Je ne le montre guère mais je ne suis pas d’humeur à être patiente ces dernières nuits. Pour parler avec franchise, je bout intérieurement. Ne me faites pas perdre mon temps.


Cette dernière phrase souleva de l’agacement chez les Friedsangs, qui n’osèrent cependant répliquer. Visiblement, Karl avait regagné sa contenance, mais cela n’était pas aussi vrai pour Ludwig qui tremblait actuellement de colère… Quand à Cognomorus son comportement n’avait aucunement changé, et il se faisait discret.
– Le principal problème auquel nous sommes confronté est le soulèvement des personajes, poursuivit Kartsa. Cela va sans dire que les vampires de Drognoth ne sont pas en reste, mais le terrain de chasse serait là partagé par les gardiens de fer. Concentrons nous donc pour l’instant sur la menace la plus proche… En plus d’avoir subi une perte colossale dans nos archives,  tout nos vampirologues qui opéraient dans le domaine l’année dernière sont morts sans exception, nous avons perdu quatorze chasseurs lors de la crise et quelques autres plus tard encore… Entre autre nous avons perdu plus de la moitié de nos effectifs depuis l’année dernière, et certains chasseurs sont maintenant trop handicapés pour la chasse : ils devront se reconvertir en vampirologie auprès du Baron de Poher, pour ceux qui en sont capables. Nous devons nous permettre plus d’instants de répit afin de former des recrues, et rayer les vampires de Refinia de notre liste de cibles faciliterait grandement ce travail. Qui plus est je sais que la faction vampirique occidentale a également subit des pertes.
– Ce n’est pas que cela, rétorqua la Dame Vampire. Ma toute petite fille a réuni bien trop d’avantages entre ses mains : Lucius, Naja, un réseau criminel à sa botte grâce à Ephraim Rashan, sans compter les pouvoirs du cadavre que vous gardiez… J’ai bien peur que la récolte en ressource ait été trop généreuse pour elle, tout particulièrement chez vous.
– Je ne veux pas entendre parler d’alliance, temporaire ou non,
intervint Ludwig. Ne serait-ce que par soucis éthique, mais également car les vampires ne tarderont guère à se sentir comme nos supérieurs.
– De plus trop de proximité n’apportera rien de bon,
ajouta Karl. Nous devons penser aux conséquences qui suivront une fois le problème des personajes réglé.
– Je préfère parler de cessez le feu,
rassura Kartsa. Je propose qu’il soit formulé ainsi : nous ne traquerons plus activement aucun des vampires que Refinia nous signalera comme étant rangés sous sa faction. Pareillement, ses vampires ne devront pas être hostiles envers nos chasseurs. Cependant, comprenez que si vos serviteurs augmentent leur nombre de meurtres, s’attaquent à des personnes importantes, ou manquent de discrétion, ils seront considérés comme nos ennemis.
– L’idée même que nous laissons des gens mourir me fait vomir,
renchérit Ludwig. Nous sommes en train de sacrifier des humains afin de pouvoir survivre nous même… Soyez assurés qu’à la moindre dérape, tout accord est rompu.
– En dehors de cela, ce serait une situation très avantageuse,
fit Karl. Si nous sommes certains de pouvoir faire confiance à la faction de Refinia nous pourrons tout d’abord rétablir facilement la sécurité interne de la région, et entraîner des effectifs sans difficulté. Ce poids en moins, je tenterai de renflouer les caisses : je compte également sur le mariage de Kartsa pour y participer. J’y veillerai particulièrement.
– Tout ceci est très bien, mais j’ai une chose à soulever,
intervint Cognomorus, joignant ses doigts dans un air sérieux. J’aimerais pouvoir garder sous notre contrôle le cadavre d’Eleison ainsi que Kazhaar Dyra en cas de victoire.
– Faites ce que vous voulez du cadavre : il ne m’intéresse plus,
répondit Refinia avec dédain. En revanche, je me réserve le droit de décider de tout ce qui pourrait arriver à ma toute petite fille. Hors de question de vous la laisser entre vos mains putrides, c’est à moi seule de décider son châtiment… Et vous ne seriez pas capable de la retenir, de toute façon. Pareillement, Lucius Fledermaus m’appartient, j’ai l’intention de le tuer moi même.
– … Très bien,
concéda Cognomorus, qui ne s’attendait visiblement pas à l’emporter. Cela me paraît honnête : chacun récupérera sa propriété. Je n’ai rien d’autre à ajouter.

Ralph n’avait pas à intervenir, et visiblement les négociations se déroulaient surprenamment bien… Même Ludwig se résignait à accepter, quand bien même il ne dissimulait pas son profond dégoût pour les créatures de la nuit. Cependant, Refinia ne semblait pas satisfaite et, une expression neutre sur son visage, fit glisser son index sur sa joue jusqu’à ses lèvres dans une expression songeuse.
– Vous semblez oublier quelque chose d’important, dit-elle. Un élément inique dans cet accord. Il est merveilleux que vous puissiez renouveler vos troupes, mais vous n’êtes pas les seuls à avoir besoin de sang neuf… Ma faction vampirique est, comme vous le savez, modeste. Je vais devoir sélectionner de nouveaux vampires aptes à combattre, et ces derniers devront se nourrir…
– Cela irait à l’encontre de notre volonté de limiter les morts,
rétorqua Kartsa, qui n’aimait pas où la conversation allait.
– Rassurez vous, je resterai modérée comme je l’ai toujours été. Je n’ai besoin que d’une poignée de nouveaux serviteurs… Ainsi que quelques vies pour nourrir ma chère Adelheid ici présente. En tant que vampire majeur, elle me sera grandement utile pour les temps à venir.
Disant cela, elle présenta de sa main la vampiris encapuchonnée, visiblement la dénommée Adelheid, qui fit la révérence avec un sourire. Toute l’assemblée, à part Cognomorus, réagissait dans une sécheresse silencieuse aux propos de la Dame.
– Cela n’est pas assez clair, fit Ralph. Si tu veux que nous te fassions confiance, sois plus explicite. Hors de question de laisser des zones vagues dans les accords.
– Est-ce si dur à comprendre, Monseigneur Héros ? Je préviens que je ne conclurais cet accord que si vous me permettez une multiplication de mes activités… Disons d’un tiers. Un tiers de vies en plus, ce ne sera pas grand-chose ; vous savez que j’ai été calme comme la plus grande des sages depuis ma confrontation avec Arzteingard il y a presque deux cent ans… J’ai même éliminé scrupuleusement les vampires qui perturbaient l’ordre pendant tout ce temps. Je n’ai un goût pour le chaos que lorsqu’il me divertis, et causer la discorde n’est pas dans mes intentions actuelles.
– Nous vous offrons déjà une main, et vous voulez engloutir un bras !
S’écria Ludwig. La voracité des monstres est impossible à dissimuler.
– C’est trop demandé,
ajouta Karl. Mais si cela est accompli dans la plus grande discrétion, de sorte à ce que l’inquisition ne se rende compte de rien...
– Vous plaisantez Karl ? Nous parlons ici de vies humaines ! Pas de ressources, et encore moins d’image publique !
– Sieur Ludwig,
fit Refinia d’un air doucereux. Ne pensez vous pas que ma toute petite fille, Kazhaar Dyra, ne prépare pas t-elle quelque chose de bien pire ? Votre cœur est dirigé vers les gens, et je respecte cette noblesse, cependant le bien du plus grand nombre pourrait-être l’élimination des personajes… Après tout ils ont le cadavre d’Eleison ET le Haut Sang. Qui sait ce qu’ils pourraient faire ? Sans compter que les vampires de Draugr, au nord, sont définitivement les ennemis de l’humanité. Si ils étaient à ma place, ils ne tenteraient pas de cohabiter avec vous, mais vous dévoreraient tels les animaux qu’ils sont. Il n’y a pas de meilleur choix ici… Mais de plus raisonnable, il y en a un sans l’ombre d’un doute.
– Et quand vous serez renforcée, vous n’aurez plus besoin de nous ! Fit-il en bondissant de son siège. Alors nous serons les dindons de la farce, et nous mériterons bien d’être punis pour notre naïveté… Hors de question. C’est l’occasion parfaite pour établir votre suprématie ! Je ne sais pas ce qui me retiens de...
– Rasseyez vous Ludwig,
fit Kartsa, l’air tendu. Je vous en prie.
– Oui, rasseyez vous, renchérit Refinia d’un air suffisant, souriant en révélant l’éclat de ses dents entre ses lèvres rubis. Il serait terriblement fâcheux que je ne réponde à la violence par la violence, mais comprenez que les événements récents me mettent de plus en plus souvent dans d’ombrageuses dispositions. Essayez de faire durer ma bonne humeur, voulez vous ?
Le sourire de Refinia s’élargit, mais la menace était sérieuse. Ralph, qui était près d’elle, avait senti la température de l’air monter subitement… Kartsa n’avait pas réussi à négocier un rendez vous de jour, et il était certain que Refinia avait donc toutes les raisons de se sentir en confiance. Elle était en position de force ici. Le chasseur de vampire reprit place sur son siège, malgré ses sentiments violents.
– Je partage en partie le sentiment de Ludwig, dit Ralph. A l’exception d’une chose : Refinia ne tentera probablement pas de se débarrasser de nous si ses autres menaces sont écartées… Ce n’est pas dans son caractère, et elle a déjà participé à des plans qui avaient pour projet de conserver de l’ordre dans ce monde. Ce n’est pas pour la valoriser, mais elle est honnête.
– Le prix est peut-être dur à payer, mais pour achever de vous convaincre… Je suis prête à partager, au travers du Sire Héros ici présent, mes informations ainsi que celles que j’obtiendrai à l’avenir. Naturellement, l’échange sera mutuel.

Kartsa ressentait bien que Refinia n’était pas prête à céder… Elle ravala sa salive. Elle avait le sentiment d’emmener de ses mains des dizaines de gens à la mort par l’inactivité qu’elle promettrait… Mais Heilwig était mort. Christa risquait de se retirer de la chasse, et s’il subissaient d’autres agressions de Naja Naquanda ils ne s’en redresseraient pas… Peut-être que Refinia avait raison, et qu’il n’y avait pas de meilleur choix. Elle avait le sentiment de vendre son âme à un démon.
– Toucher à des gens de notre comté restera hors de question, dit-elle… Il en ira de même pour ceux affiliés à notre famille. Si un scandale est déclenché de quelque manière, l’accord est également rompu.
– Kartsa !…
Tenta d’intervenir Ludwig.
– J’ai tenu cette réunion pour obtenir quelque chose ! Il n’y a rien qui pourrait remplacer ces vies, n’est-ce pas, Refinia ?
– L’idée que certains, voire même vous comtesse, puissent offrir leur vie à moi afin de sauver ces gens m’a l’air pour le moins alléchante. Mais si cela exciterait d’habitude ma passion du drame, j’ai ici besoin d’une ressource concrète.
– Je vois… Je vais donc répéter tout les points établis de l’accord.

Kartsa répéta donc, et pendant son discours, elle songea que les sœurs louves, puissantes, auraient peut-être pu servir de monnaie d’échange. Mais la comtesse ne pouvait pas faire ça, et elle ne pourrait pas permettre que ses confrères le proposent. Pas juste car elles étaient leurs meilleurs combattantes, mais aussi parce qu’elle avait promis quelque chose à Heilwig.
– … Sommes nous tous d’accord ?
Cognomorus acquiesça le premier, et l’entente finit par convenir à Karl également, car une absence de vampires dans leur comté et ceux des alliés procurerait au moins à leur famille une bien meilleure réputation d’efficacité. Ludwig resta silencieux, Kartsa interpréta donc son silence comme une acceptation, espérant qu’il ne la maudirait pas à jamais pour cette décision. L’entente fut donc conclue.

– … Nous avons finalement atteint une conclusion. Si cela ne vous dérange pas, j’aimerais ensuite enchaîner sur un débat qui ne concerne pas la Dame Vampire. Vous êtes libres de partir, Refinia.
– Oh, puisque je me suis déplacée ici, je suis curieuse de voir au moins le sujet du prochain palabre.
– Vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a deux combattantes lycanthropes nous ayant grandement aidé, lors de la crise Friedsang… Sans elles, nous aurions subi bien plus de pertes. Heilwig mort, j’ai décidé de les récompenser en leur offrant une identité et une nationalité légale.

Les deux sœurs concernées semblèrent intérieurement bondir à cette idée, portant tout deux une expression frappée d’étonnement alors qu’elles restaient bouches closes et silencieuses. Karl Friedsang plongea son regard perçant vers Christa et Christel et tourna ce même regard incendiaire vers Kartsa.
– Ce n’est pas sérieux ?
– Peut-être qu’assez de concessions on été faites pour ce soir…
Ajouta Ludwig, las. Donner la rédemption à un entaché n’est pas en votre pouvoir à même vous, comtesse. Ne vous pensez pas toute permise.
– Je tiens à plaider en leur faveur,
intervint alors Ralph. Non seulement ces femmes ont sauvé de nombreux chasseurs, mais je dois vous rappeler que vous m’avez accepté en tant que Friedsang, et un digne de siéger à cette table, et vous avez même demandé ma présence car vous étiez dans le besoin… Hors, je suis toujours un entaché. Personne ne m’a lavé de ce titre. Je ne resterais pas ici si ces femmes n’ont aucune compensation.
Kartsa mit alors en évidence une paire de documents disposée sur la table, la saisissant pour bien l’exposer aux yeux de tous.
– Heilwig et moi avons déjà fait la démarche. Ce sont des documents signés par l’évêque des missionnaires d’Haguère : avant les contacts avec Naosia seul eux étaient capable de donner une identité légale aux non humains… Et seuls eux encore sont capable de conférer sur un non humain la bénédiction de l’empereur. Le profil des sœur louves a semblé plus que resplendissant aux missionnaires, et ces papiers attestent à présent qu’elle sont citoyennes d’Haynailia au même titre que vous et moi.
– La démarche est déjà faite…
Rumina Karl. Tu ne fais que nous en prévenir, donc ? Il est trop tard pour donner notre veto sur la question. Cependant cela ne leur débarrasse de leur titre d’entaché au sein de la famille, et nous refuserons de leur donner le nom Friedsang.
– En effet. Cependant, en tant que comtesse j’ai décidé que Christa et Christel, pour leurs bons travaux seraient placées sous mes ordres directs. Aucun Friedsang ne pourra les ordonner à sa guise si je ne lui en donne pas l’autorisation… Ralph soutient ma proposition et il est plus que mieux placé pour évoquer le sujet des entachés.
Kartsa n’avait pas l’intention de lâcher le sujet : elle avait Ralph et les membres importants de la famille réunis dans la même salle. Elle avait beau prendre une décision osée de son propre chef, cela ne signifiait rien si ces vieux hommes ignoraient totalement sa volonté… Kartsa devait les faire se résigner. Elle avait juré à Heilwig qu’elle donnerait à Christa et Christel la liberté qu’elles méritaient, l’occasion de vivre comme elles l’entendaient. Elle ne céderait pas. Les deux sœurs ne dirent rien, leur parole n’aurait pas joué en leur faveur ici, mais leur vie était mise en jeu sur cette table ronde.
Refinia observait toute cette scénette avec un certain plaisir, et son attention était portée sur la comtesse. Elle ne résista pas à l’envie de parler.
– J’apprécie grandement l’esprit de votre nouvelle comtesse. Admettez le, vous avez déjà perdu ; elle a fait admettre au monde et aux dieux la valeur de ces jeunes femmes. Elle n’a pas eu besoin de votre aval pour cela… Vraiment, après cette réunion, c’est le petit morceau de fierté que vous défendez ?
– Pourquoi es tu encore là ?
Soupira Ralph. C’est une affaire privée, à présent…
– Mes excuses. Ne faites pas attention à moi.
– Fais ce que tu veux avec ces filles Kartsa,
reprit Karl. Mais pas de nom Friedsang. Elles ne sont pas nées dans notre domaine, et il est hors de question de salir ainsi la famille, surtout en ce moment.
– J’en suis bien consciente. C’est pourquoi elles ont déjà un nom légal inscrit sur ces papiers que nous avons fait remplir... œil de Lune.


Ludwig et Karl ne protestèrent pas plus, et la chose fut acceptée. Christa Oeil de Lune et Christel Oeil de Lune étaient toujours entachées, et n’étaient pas Friedsang, mais elles venaient d’obtenir tout ce qu’elles avaient toujours désiré. Christa était les bras ballants, comme frappée par la foudre, paralysée devant ce qui venait de se passer sans qu’elle n’en décide rien. Christel fondit en larmes et quitta la salle pour ne pas à avoir à montrer son visage, incapable malgré elle de retenir le flot d’émotion qui jaillit en elle. Tout ces événements avaient abouti à cette conclusion… Les prières d’Heilwig Friedsang avaient été exaucées.

La Dame Vampire quitta enfin les lieux, et la réunion épuisante fut levée. Christel resta, les yeux rougis, aux manoir auprès de Kartsa et de Ralph, mais Christa demeura seule. Dans la nuit, elle sortit pour retrouver malgré le noir profond de l’air et la froideur de son toucher le chemin vers l’Église qui lui servait de maison. Elle commença la route seule, sans rien dire à sa sœur qu’elle ne revit pas après avoir vue cette dernière s’éclipser de la réunion, marchant longuement dans l’obscurité jusqu’à apercevoir la masse de l’ancienne église se soulever parmi les ombres. Christa entra dans la maison aussi silencieuse qu’une crypte, écrasée par le vide immense que lui faisait ressentir la hauteur du plafond, et se dirigea mécaniquement vers sa petite chambre, retrouvant son lit serré entre ses affaires correctement rangées, son armure, et le coffre verrouillé au pied de sa couche. Aucune bougie n’était allumée, et elle se dirigeait à l’aveugle grâce à ses sens et son excellente mémoire des lieux.
Christa avait le sentiment que le destin se moquait d’elle. Elle avait réussi à convaincre Heilwig de vivre avec elle, et sans rien lui en dire il avait déjà prévu la libération d’elle et de sa sœur. Et puis il mourrait, au moment où tout était sur le point de se réaliser pour elle. Quelle ironie. Le cours de sa vie n’avait donc eu réellement aucun sens.
Et maintenant elle était seule. Sans un bruit pour l’accompagner.

Christa s’abaissa vers le lourd coffre et en extirpa le long coffret rectangulaire de la Coyote. Sortant la chaîne noire, arme qui aurait dû l’aider à accomplir leur rêve, elle passa une de ses mains le long des maillons enchantés avant de serrer ses deux poings sur le métal. Le silence lui crevait les tympans.
Christa se redressa. Dans un geste calme et automatique, elle jeta la chaîne par dessus la poutre qui soutenait le plafond de sa chambre, et alors la Coyote s’enroula autour du bois et autour du cou de sa propre propriétaire. Activant les enchantements en allant à l’encontre de l’usage prévu pour l’arme, elle tendit son esprit pour que la chaîne la hisse au dessus du sol et enserre, enserre son cou autant que possible.
… Que venait-il de se produire à l’instant ? Christa se demanda, alors que la chaîne compressait sa gorge comme si elle tentait de creuser sa chair de ses maillons noirs. Il n’avait fallut que cinq secondes pour qu’elle exécute sa pendaison. Mais la Coyote ne s’arrêtait pas, Christa était totalement étouffée. Dans le noir presque opaque, sa figure rigide comme une ombre reliée à l’église par le cordon d’une autre ombre pendait faiblement.
Alors qu’elle perdait la conscience du poids de son propre corps, Christa ressentait une douce chaleur parcourir ses membres. Des points blancs apparurent dans sa vision, et devinrent des étoiles. Un sifflement brisa le silence, pour devenir une étrange brise de printemps. L’intérieur de sa chambre était à présent d’un blanc éclatant, blanc comme les manteaux des Friedsang, et elle pouvait entendre des sons qui s’articulaient en inaudibles syllabes. Libérée de toute gravité et de l’air noir et glacial, elle se noyait dans la lumière. Heilwig s’était lui aussi noyé, et comme par une merveilleuse et inévitable coïncidence, il était là aussi, son visage ressortant à travers la blancheur du paysage. Elle pouvait entendre sa voix, et elle pourrait de nouveau sentir son toucher et le fil de ses cheveux. Il venait auprès d’elle. Elle le sentait venir, de plus en plus proche, de plus en plus proche !…

Le sort céda. Christa retomba brutalement au sol, la Coyote la laissant de nouveau respirer alors que ses poumons hurlaient pour se remplir d’air dans des inspirations affolées. Son corps entier convulsait au sol, elle peinait même à se mettre à genoux.
Christa n’avait pas pu le faire. C’était idiot et irréfléchi : jamais elle n’aurait pu réussir à se suicider avec la chaîne magique qui devait être maintenue par sa volonté. Elle se demanda comment avait-elle pu être aussi stupide, avant de réaliser que si elle avait voulu du fond du cœur mettre fin à ses jours, elle aurait mis à l’œuvre une autre méthode. Son échec signifiait qu’elle n’était pas prête à mourir, même alors que son véritable rêve lui était déjà trépassé.
Peut-être est-ce que le feu en elle n’était lui pas encore éteint. Peut-être devait elle encore souffrir jusqu’à éteindre cet incendie. Peut-être que vivre auprès de la souffrance était la seule solution…
Que lui restait-elle, après tout ?

Epilogue

Les moignons de ses bras et de ses jambes scellés dans du métal, Goetz le vampire était bien incapable de produire le moindre mouvement significatif, malgré sa force passée, étendu et enchaîné sur un lit de torture incliné à la verticale. Voilà qu’il était de retour dans la prison Friedsang, où il avait passé des années après avoir été capturé par ce fichu Ludwig ! Ses alliés le libéreraient t-il ? Il n’avait que peu d’espoirs. Peut-être sans doute allait-il mourir comme un chien après sa vie de meurtre… Mais il avait passé le temps de la rage et des sanglots. Après quelques jours il ne restait de nouveau que le vide et l’attente.

La porte métallique de la salle de torture s’ouvrit, y entra alors une femme brune en robe simple, portant dans ses mains un large sac de cuir qu’elle posa sur le sol, faisant résonner des bruits d’acier à l’intérieur.  Elle ressemblait comme deux goutte d’eaux à la lycanthrope que la commandante avait affrontée, mais cette femme alluma avec soin les bougies, observa le matériel, et enfila de long gants de cuir pour le disposer sur un établi, comme le faisaient parfois des serviteurs engagés à cet effet.
– Qu’est-ce qu’une personne comme toi fait la ? Dit Goetz dans un air provoquant.
– Je travaille ici à présent, dit-elle en continuant son travail. Sous les ordres du Baron de Poher.
– Quel triste destin pour une Lycan ! Alors tu t’es finalement faite jetée par tes propres alliés ? On dirait que nous sommes dans le même panier.

Christa ne répondit pas et continua de disposer les objets, saisissant délicatement des outils d’argent dont la présence même était désagréable même avec l’épaisse protection qu’offrait les gants. La minutie avec laquelle elle faisait cela inspirait à Goetz la plus grande des pitié.
Sa tâche achevée, la lycan s’approcha du lit de torture et abaissa une manivelle métallique sur son côté, l’inclinant lentement jusqu’à ce que le vampire soit allongé à l’horizontale.
– Tu te trompe lourdement sur mon compte, dit-elle pendant le mouvement affreux et grinçant du lit. Je suis ici de mon propre chef.
– Alors tu es folle.
– Peut-être, oui.


Le mouvement du lit s’acheva dans un claquement sinistre, et elle se retourna pour s’abaisser à nouveau vers le sac et en tirer un grand tablier de cuir noir qu’elle noua autour de sa taille, faisant toujours dos au vampire. Il ne saisissait pas comment une lycanthrope pouvait-elle de son plein gré décider de s’enfermer dans un endroit où l’argent pullulait et était même si près de ses mains.
– Cognomorus ne travaillera pas aujourd’hui, poursuivit-elle. Et car j’ai déjà des connaissances théoriques en la matière il a décidé de me laisser les choses en main pour l’instant… Cela signifie que je suis celle chargée de vous interroger aujourd’hui.
– Comment ? Mais… Mais tu n’es qu’une entachée !

Retournant près de lui, Christa bâillonna Goetz à l’aide d’un masque à clous d’argent, capable de neutraliser même la mâchoire terriblement puissante d’un vampire. Goetz émit des bruits de douleur face à la brûlure, avant de refermer immédiatement la bouche afin d’éviter le plus possible d’entrer en contact avec l’argent.
– Non. Je suis une personne légitime à présent, reconnue par l’empire et par l’Empereur Dieu. J’étais supposée prendre une retraite tranquille pour vivre les jours heureux auxquels j’aspirais… Mais j’en fus incapable. Je veux me venger, vous comprenez ? Envers vous tous, votre race qui souille ma vie depuis des années. Je ne peux plus ôter cette idée de ma tête, et où que j’aille je ne le pourrais pas.
Christa parlait calmement, debout près du vampire. Ses doigts gantés de cuir se nouaient et s’agitaient nerveusement entre eux.
– Je n’ai pas la force de vous anéantir. Je dois trouver un moyen alternatif, ou bien un moyen d’obtenir la puissance requise… Cela, je ne peux le faire en tant que chasseuse. L’on a pas compris ce choix, et l’on s’y est opposé, mais je suis une personne libre à présent… Tu as passé six ans ici, tu dois bien te souvenir des jours où Heilwig Friedsang opérait ici, n’est-ce pas ?
Posant cette question rhétorique, Christa posa sa main droite sur l’abdomen du vampire, ses doigts de cuir sec glissant légèrement sur la peau blanche de son ventre avant de se contracter pour tirer un bout de peau et de chair comme pour constater de son élasticité, à la limite de la déchirure.
– Je suis ici pour continuer ses recherches, dit-elle en continuant de tordre la viande du vampire, une expression de glace sur sa bouche. Ses recherches certes, mais aussi… J’ai le sentiment que par ces actes, je me rapprocherai un peu de lui. Comme si je l’avais un peu vivant auprès de moi… Je sais, c’est idiot.
Elle se moquait de lui. Goetz n’était pas idiot, il n’était pas dupe ! Il pouvait le ressentir au timbre de la voix de Christa, qui vibrait d’excitation. Cette putain avait hâte de le faire souffrir, il ne s’y trompait pas, il connaissait trop les Friedsangs. Il sentait que cette femme jouirait de le faire hurler, et qu’il était retourné dans les véritables ténèbres.
– Nous devrions commencer, dit Christa en retourna vers l’établi à outils. J’ai des savoirs sur les personajes à te faire avouer, et si le travail n’a pas avancé avant le retour de Cognomorus on doutera de mes capacités.
Revenue près du vampire, elle agitait à présent des lames entre ses doigts de cuir. La régénération des vampires rendait les supplices de ce genre interminables, le suicide, impossible. Pire encore, Christa en venait déjà aux lames avant les questions… Goetz se souvenait des mutilations occasionnelles de son corps immortel, mais il y avait chez cette femme quelque chose qui le terrifiait. Il aurait tout donné pour ne plus l’entendre. Malgré le fond presque imperceptible de plaisir de sa voix, sa bouche était neutre, et son regard rond et halluciné.
– Un jour, je saurais comment faire disparaître votre chef. Même si le secret ne se trouve pas forcément à l’intérieur de vos tripes… Hm. Je suis bavarde, cela ne me ressemble pas mais je n’ai plus grand monde à qui parler. En conséquence je risque d’être souvent ici, autant donc me présenter. Je veux que vous ayez un nom à haïr, comme vous avez détesté le sien.
Christa émit un sourire mauvais qui ne pouvait être plus faussement cordial, alors qu’elle traçait à la lame un trait rouge sur la surface blanche du corps du vampire. Elle allait retourner sa peau à vif comme on le ferait en préparant un lièvre, comme si elle avait fait cela pendant toute une vie. Les simples mots de la fille d’Heilwig glacèrent le corps de Goetz, comme pour lui affirmer qu’il était arrivé dans des ténèbres plus sombres encore.
– Je suis Christa Oeil de Lune, votre nouvelle vampirologue, clama t-elle avec ironie, gardant ce même sourire faux. Apprenons à nous connaître pas à pas, d’accord ?
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Message par DALOKA Mer 24 Avr - 16:59

Les jambes de Kazhaar battaient lentement sous la table, comme mues par un ennui qui n’aurait pas dû se manifester. Il était là, pourtant, alors que ses cheveux blancs manipulaient avec lassitude les pièces d’échecs blanches et noires… La vampire à l’allure adolescente soupira, laissant son corps souple se courber en arrière, renversant sa tête au-delà du dossier de son siège pour voir le monde à l’envers comme pour le redécouvrir, alors que ses doigts jouaient avec les bretelles qui soutenait sa culotte courte. Deux lignes noires et des genoux blancs révélés à l’air qui lui conféraient son allure juvénile alors que ses yeux jaunes étaient les prunelles arides et cruelles d’une veuve. Son silencieux larbin, l’humble Marty Pantalone, faisant lui aussi les cents pas en attendant la tombée de la nuit à l’extérieur de la salle aux volets fermés et hermétiques. Le vampire mineur noyé dans le noir de sa propre cape tenait au bout de ses bras blancs un crâne desséché, portant l’expression d’un grand mélancolique sur son visage aux traits monstrueux, et faisait doucement rebondir la tête telle une balle qui jouait entre les mains d’un enfant. Assurément, Marty était une créature d’un ennui profond.
« Que pense-tu de tes compagnons ? Lui dit Kazhaar, tête toujours renversée. Des autres vampires que tu fréquentes à présent tant bien que mal. »
– Les autres ?… Je n’en sais rien. ‘Faut admettre quand on ne sait rien. Je n’en connais que quelques un, ce que je dirais serait pas bien passionnant.
« … Cela tombe à pic. » sourit Kazhaar, reprenant sur sa chaise une posture normale pour venir toucher du doigt un joli pion blanc et le soulever au dessus de son nez, un sourire pointu entre ses petites lèvres.
« Je veux raconter l’histoire de mes serviteurs, le récit de ces perdus que l’on a appelé personajes. Des fous disséminés dans le vent, ayant oublié qui ils étaient vraiment. Je veux les raconter à même l’air que les hommes respirent, pour ne pas l’oublier. »
– Je pensais que tu n’aimais pas les vampires, fit Marty.
« Et je les déteste en effet. Cela est paradoxal, je le sais, mais tais toi et écoute. Ces êtres qui me servent, me craignent et me désirent sont définis par l’égoïsme et la folie. Mais même si cette singulière tension entre la terreur de ma force et la faim du sang qui coule dans ma chair semble être le seul lien entre nous, ils disposent d’une chose bien plus simple et bien moins fantaisiste pour laquelle j’ai de l’empathie ; Le désir d’obtenir une vie meilleure.
Comprends tu ? C’est si trivial, si paysan même. Rien à voir les serviteurs de Refinia qui se complaisent dans son aura, ces monstres disposent d’espérances leur étant propres, et que j’ai entre mes mains à présent. Il se peut qu’un jour mes mains trop peu délicates brisent ces espoirs, soudainement, dans un souffle arraché. Alors, quand tout les rêves de ces spectres seront à terre, je veux me souvenir de leur forme et de leur couleur. Ce serait un meurtre, tu sais ? Même s’ils sont morts, cette lumière en eux est vivante. Pour me distinguer d’eux je dois me souvenir de ceux que j’ai utilisé à présent. »
– T’es marrante chef !... Tu veux donner un visage à ceux qui n’ont pas de gueule… C’est le truc le plus bienveillant que tu pourrais faire.
« Ah ? Alors tu n’as pas de gueule ? »
– Le masque est là pour ça. J’étais déjà peu de choses mais quand je suis mort j’ai cessé d’exister pour les gens. Avec personaje, je suis reconnu alors que je suis mort, alors que Marty Pantalone tout le monde s’en fout ! C’est pour ça que c’est « personaje ».
« C’est un moyen d’être quand on est l’inverse d’être. Tu es parfois plus malin que je ne le pense, Marty. Mais en même temps, ce masque qui vous donne une gueule, comme tu dirais, vous a fondu dans une même identité, précisément pour qu’on puisse vous confondre et ne plus savoir à quel personajes on a affaire lorsque l’on vous affronte. Il est donc d’autant plus important de souligner vos identités. »
– On parlera de qui, du coup ?
« Eh bien nous ne parlerons pas de moi, bien entendu. Ni de Lucius, le démon dissout dans tant de visages. On ne parlera pas de Naja Naquanda, qui connaît trop ses convictions à un tel point que je pourrais la résumer aisément sans connaître son vécu. Inutile d’évoquer Ephraim, qui a passé des siècles à répéter la même routine sans se lasser. Et on ne parlera pas non plus des prêtres de sang, Léa, Néhémie, et Isaac, car ils restent humain et donc hors de mon propos.
Nous allons voyager un peu, Marty ! Oh, pas très loin. Juste dans des lieux qui me rappelleront ce que chacun des personajes est. Mais très loin aussi en vérité, loin dans le temps, dans le flot des mémoires, le flot des voix éteintes.
Enfin, à toi Marty, le rôle sera simplement de choisir de qui je parlerai, ceci en exceptant les individus que je viens de nommer. Je ne m’embarrasserai pas de dates, et je ne conterai pas toutes ces histoires dans leur ordre chronologique. A vrai dire, j’en omettrai de nombreux détails afin d’en relever le sens le plus essentiel.
Nous partons dès le lever de la lune, Marty. Raconter des histoires de masques. »



Histoire de Masque: Biffin



Fanglen était une ville qui avait en elle toute les lettres de la fange, et il n’y avait pas une représentation plus certaine de cela que ses quartiers de non droit alors que la guerre régnait. Pas de pavés, mais des rues boueuses avec des planches étalées par dessus les flaques d’eau brune, des odeurs rances d’origines multiples, des chiffons mouillés qui s’accrochaient à la terre. Les maisons de pierre s’élevaient du sol de manière distordues dans cette collection d’élément de misère, et les chiens comme les voleurs erraient dans les vapeurs noires et épaisses de la ville nocturne sans savoir même la cible de leur recherche. Un labyrinthe malodorant pointillé de chats salles qui se confondaient avec les ivrognes agonisants, et quelque chose qui ressemblait à une répugnante bibliothèque de la vie. La vie sans aucun voile. La vie prise comme on plongerait sa main aléatoirement à l’intérieur. La vie qui ne trie pas si fermement ce qui est beau et ce qui est laid.
Mais une jeune femme se tenait sur les épaules de Marty. Marty qui était tout recouvert de sa cape, sa membrane noire qui emportait avec elle des tâches de boue quand il marchait, et masqué du visage des personajes. Ainsi dissimulé, le vampire portait au dessus de son dos bossu une fille aux longs cheveux blancs dont la lueur était sublimée par l’éclat de la lune, et qui se balançaient dans le dos du vampire. Elle semblait être dessinée avec un autre trait, un coup de crayon trop doux et trop fin, qui ne laissait que peu de nuances sombres également sur sa peau blanche légèrement rosée. Kazhaar croisait les jambes sur le torse de Marty, et, ses deux mains sur la tête de son subordonné, s’en servait comme d’une monture, poussée par le simple désir de ne pas de se salir. Marty n’aimait pas ça, mais la fille était trop légère pour qu’il puisse se plaindre avec honnêteté du poids.
– Biffin est un vieux malade. Je pige rien à ce qu’il jacte, à ce qu’il fait. Il se promène dans des rues dégueulasses, peuplées de cons ! Qu’est-ce qu’il trouve, aux cadavres qui ont traîné ici ? ‘Faut aimer la merde. Ouais la merde c’est moi qui te le dis.
« Il est amusant que tu aies choisi le chiffonnier en premier car tu le trouvais le plus incompréhensible des tiens. Je n’oserais pas dire que Biffin n’est en rien repoussant, ou du moins que j’adhère à sa pensée et à son idiome chaotique : si c’était le cas après tout je ne t’utiliserais pas ainsi pour éviter de m’encrasser les pieds. Il a une fascination pour la misère que les gens ne regardent pas… Depuis que nous sommes ici, les personajes mangent plus aisément : la plupart d’entre eux, quand ils n’ont pas d’ennemi mortel à tuer, se nourrissent de criminels désignés par notre cher intendant Ephraim, ou de prostituées qu’il offre généreusement. Pas lui. Biffin refuse qu’on lui serve quoique ce soit. Il arpente chaque soir les rues, avec sa tige de fer rouillé en forme de 7 entre les mains, et ramasse les cadavres. Il ramasse les cadavres et les bouts de corps d’humains et d’animaux, et les dispose à l’intérieur de son sac auprès de tout ce qu’il trouve d’abandonné.
Tu m’agaces un peu Marty. Avec Biffin comme introducteur à nos soirées, je ne peux pas commencer par une histoire. C’est sans intérêt. Il me faut parler de ce en quoi il croit… Tu verras que ce n’est pas si difficile à saisir. Pour lui, ce qu’il fait est un acte poétique. Revenu dans notre domaine, il observe avec attention sa récolte, la trie, la considère, de son aspect gluant jusqu’à son goût âcre. Tout le monde le trouve révulsant, notre clochard folâtre, mais lui s’en moque totalement. Il sait absolument ce que nous pensons, et se moque bien de nous. Son esprit malade lui, enregistre la putréfaction, puis finit par la rejeter sous forme de mots. Sous une poésie sans vers et sans forme qui semble elle se moquer de nous… J’ai quelques petites phrases en tête qu’il m’a déjà clamé :

Ma bouche inondée de bave jette dans la nuit des longs serpents venimeux. Ils expulsent, ces serpents, un lourd venin puant qui tâche les murs et les ronge. Les sophistes qui s’y sont égarés, les pauvres coquins, finissent pas se tordre de douleur, leurs muscles se contractent comme des asticots.  Le poison leur troue la peau et les os. Je cligne des yeux, et voilà qu’ils sont des outres puantes de chair ! Ah, ma sorgue et ma grande sorgue ! Comme vos lèvres sont sèches et comme moi, je suis si triste, triste de ne pouvoir faire sortir moi cette toxine de mon cerveau rongé par les vers. Comme vos bouches sont sèches. Moi, je suis plein de larmes et mes lèvres sont trempées de glaire, alors je vous embrasserai à pleine bouche pour faire couler dans vos gorges ce nectar. 
»
– Brr. Je n’aime pas entendre ces mots sortir de ta bouche. C’est étonnant, aussi, que tu lui ai laissé te dire ça avec son sourire stupide.
« Je suis bien capable de dire et retenir cela. Ne fais pas l’erreur d’Eracle de me prendre pour une adolescente, surtout toi vu que j'ai le double de ton âge… Enfin ses obscénités m'amusent. Il était de toute façon pédéraste, tu ne savais pas ? »
– … Brr.
« Et il est mort trop vieux pour ces choses. Avec un peu d’effort, tu t’entendrais mieux avec lui sans doute. Vous partagez un certain mépris d’autrui après tout… Même si vous ne l’exprimez pas de la même façon. Pour en revenir à sa poésie, Biffin se veut transformer bien littéralement ce qui est pourri en or. En fait il tient à créer à l’aide de ce qui répugne tout le monde, et c’est pour ça qu’il s’intéresse à ce dont personne ne veut. Biffin ne se nourrit que des pires miséreux, des gens parfois à la frontière entre la vie et la mort. C’est ce qui l’inspire. Avant d’être un vampire, il était un véritable auteur, tu sais ? Je suis la seule à savoir son vrai nom, parce que je l’ai reconnu. Quand j’étais une enfant, j’aimais saisir au nez et à la barbe des valets des livres interdits pour les lire en secret. J’ai déjà lu Biffin, et j’ai fini par m’en souvenir en écoutant ses paroles. Je ne sais pas du tout comment mon père s’était procuré cet ouvrage interdit à l’impression ni même pourquoi il l’avait, mais je l’ai lu enfant alors que je ne pouvais rien en comprendre… Hélas, maintenant, ces livres sont introuvables. Je suppose que la perversion et la pourriture de ses œuvres ont finit par le ruiner… Et qu’il a fini par réellement appartenir à cette décomposition qu’il racontait. »

Kazhaar avait fini par décider de changer de moyen de transport. Malheureusement, même de nuit, la présence de l’adolescente spectrale aux cheveux blancs attirait des exclamations de la part de ceux qui la remarquaient, bien plus encore en vérité que l’homme masqué sous elle.
Changement de programme, donc. Kazhaar et Marty se déplacèrent du sol aux toits. Elle avait jeté une longue mèche de cheveux entre deux maisons afin de passer d’une rue à l’autre en traversant la rivière qui hachait Fanglen, et une fois détachée de sa chevelure cette mèche était une fine cordelette blanche qui reliait les deux bâtiments. En dessous coulait l’eau sale à cause des déjections et des cadavres que l’on y jetait, et qui pourtant émettait en permanence son doux bruit de liquidité à travers les voix de violences et d’ivrognerie. La vampire s’élança sur le fil telle une acrobate funambule, conservant un équilibre aussi parfait que si elle avait été sur un sol stable. Kazhaar maîtrisait si bien cet équilibre qu’elle se permit de tourner sur elle même au milieu de sa marche, dansant dans l’air comme une ballerine, levant une de ses jambes d’albâtre alors que ses cheveux agités par la bise froide virevoltaient comme une tornade blanche. A travers ses lèvres closes à l’incarnat léger, elle émit un rire cristallin et amusé. Marty Pantalone lui ne s’amusait pas du tout. Il était courbé comme un animal, les deux mains sur le fil blanc parce qu’il ne se sentait lui pas funambule du tout, tentant tant bien que mal de tenir dessus avec la petite danse féerique de sa chef qui le secouait dans un rythme infernal. Et, comme il s’y attendait, il perdit l’équilibre à cause des mouvements ininterrompus de la corde, et son corps chuta vers le bas bien que ses mains ne lâchèrent pas le fil… Voilà qu’il était suspendu par les bras, comme un imbécile. Et il n’avait aucune envie de tomber dans la rivière sombre.
« Des hauteurs nous pouvons mieux voir la ville. Mes cinq sens sont parfaits alors, pour le meilleur et pour le pire, j’entends et je sens tout ce qui se passe dans ce quartier… Mais observer, cela demande un angle de vue approprié, n’est-ce pas ? Voilà le domaine de notre cher Biffin, où il trouve à nouveau l’inspiration. Pas celle de parler seulement mais celle d’exister… S’il nous voyait il nous reprocherait sans doute de ne pas vouloir toucher le sol. »
– J’étais très bien au sol, moi… Mais je suis pas sur de comprendre chef. Il la trouve belle, la laideur ? Ca n’a pas trop de sens. Parfois je l’entend dire du bien de toi et t’as strictement rien à voir avec ce genre de quartier, en tout cas t’en as pas l’air.
« Ce n’est pas si binaire. Il serait ridicule d’affirmer qu’il faut mépriser ce qui est joli pour apprécier ce qui est bas… Qu’a t-il dit déjà un jour… Oui.
Aucun bonheur plus intense, plus élevant et jaillissant que de trouver dans les tréfonds des entrailles des boues noires, un trésor. Parmi cette encre épaisse comme de la mélasse, oui… Un joyau tombé de la couronne du roi. J’ai du noir plein les mains, et il brille comme une larme.
L’idée que je mène les personajes le fascine. C’est pour cela qu’il me voit sous une bonne lumière ; parce que je suis entourée de la vermine qui m’est hostile, vois-tu ? »
Arrivée jusqu’à l’autre toit, Kazhaar saisit d’une main le fil qu’elle avait tendu, et tira avec force. Se détachant des bâtiments, la corde au bout de laquelle se trouvait Marty était ramenée puissamment vers  la vampire. Marty s’éleva dans les airs prodigieusement, poussa un cri de terreur, avant de s’écraser à côté de Kazhaar, face contre terre et derrière vers le ciel. Il avait bien l’impression de s’être fracturé le crâne.
– C’est dingue que tu retiennes ses bêtises, dit Marty en extirpant sa tête masquée des débris de tuiles. Même lui il les oublie.
« Je n’en ai retenue que quelques unes. Mais il est vrai que Biffin oublie tout très rapidement, et surtout ses propres paroles… Il en est conscient, cependant. Il pense même que c’est une bonne chose… Il est vrai qu’il semble bien tortueux, notre Biffin, quand lui même ne sait pas du tout qui il est ni pourquoi fait-il ce qu’il fait en premier lieu ! »
– Tu connais son nom, toi.
« Oui, je connais le nom avec lequel il signait ses anthologies… Mais réellement, ça n’a aucune importance ! Et c’est là que je trouve Biffin si évident. Il n’a jamais changé. Il répète la même activité encore et encore, une activité qu’il répétait en tant qu’artiste pour créer et en tant que misérable pour manger, une activité insensée. Même en tant que vampire, est-ce que sa vie a réellement changé ? Non, point du tout ! Il n’a fait qu’ajouter des cadavres humains à sa petite collection. Il y a peut-être une raison, un point d’origine à son obsession… Peut-être n’était-il qu’un artiste avant-gardiste au destin malheureux, peut-être encore a t-il rejoint les rues car il ne pouvait supporter les siens. Peut-être n’était-il en somme qu’un homme qui voulait que tous aient les yeux ouverts sur ce qui est laid ici bas, sans détourner le regard en se pinçant le nez ou rester dans les ornières de leur morale. Peut-être aurait-il pu révolutionner les esprits notre Biffin ! Mais ce que je sais de lui est historique et ne me dit rien sur l’âme qu’il avait… Quand à lui, eh bien il ne se souvient de rien. Son amnésie chronique est même antérieure à son vampirisme, une conséquence sans doute de l’âge et de l’alcoolisme.
Biffin répète le même acte, encore et encore, depuis des dizaines d’années. Il est la définition même d’un spectre. »
– Dis comme ça, il a l’air déjà bien assez content. Que voudrait-il de plus? Il peut se suffire à lui même.
« Non. Biffin pleure souvent dans ses paroles, même si ses yeux ne peuvent pas se mouiller de larmes. En étant « l’un des vôtres », il n’est plus seul dans la misère. Il ne peut plus se mêler aux hommes, et il n’y a rien de pire qu’être seul et miséreux n’est-ce pas ? Biffin veut juste quelqu’un pour l’entendre. Il veut un public à sa bouffonnerie et son insolence. Parce qu’il n’est plus qu’un vieux fou capable de parler… Si on ne l’écoute pas, existe t-il vraiment ? Je te l’ai dit, il est extrêmement simple. »

Un cri retentit plus bas au bord de la rivière. Un homme un peu arrosé venait de remarquer la damoiselle aux cheveux blancs qui ondulaient face au vent frais, et identifia bien vite l’anormalité de sa présence ici. Impossible de dire s’il crut à une apparition mystique ou à une haynailienne qui n’avaient rien à faire dans la bonne fédération du sud, mais il la pointa du doigt en braillant des inepties. Grimaçant légèrement d’agacement, Kazhaar attrapa Marty en un éclair, prenant à travers l’épais tissu noir une des ailes de vampire qu’il dissimulait  : il était l’heure de partir.
La vampire sauta avec aisance de toits en toits, faisant autant de bonds que l’on pouvait faire de pas en cinq secondes de course, filant tel une étoile insaisissable entre les tuiles. Et Marty se balançait derrière elle comme un vieux sac. S’il était humain, il aurait certainement gerbé après le second saut.
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Message par DALOKA Sam 27 Avr - 16:01

Histoire de Masque: Rutger


Leur prochain terrain, à travers les halliers de la forêt de Bloodgorn, était un reste d’escarmouche. Dans le bois tortueux aux arbres sombres et griffus avait eu lieu une embuscade : les soldats impériaux qui prenaient le contrôle de la zone avaient été assaillis par les waiens ici et s’étaient entre-tués. Ainsi, dans l’herbe et les branchages, se trouvaient des cadavres de vaincus. Les armures et les emblèmes des deux factions décoraient cette clairière, et d’entre les épaisses racines qui rendaient le terrain irrégulier s’échappaient des épées, des haches, des carreaux d’arbalètes. Des pavois et une lance émergeaient du sol : cette lance avait emporté dans son fer un bout de chair et de gambison.  Le sang et le tissu pendouillaient à présent, comme un drapeau trop lourd pour être agité par la brise.
La présence de Kazhaar dans ce noble décors semblait être presque une moquerie. Au milieu du sang versé des guerriers, une nymphette aux coudes et aux genoux nus, avait poussé le vice jusqu’à nouer ses cheveux de neiges en deux longues couettes qui ondulaient dans l’air bien plus superbement que le tissu de la lance. Assise sur une racine, reposant le menton sur ses phalanges, elle conservait un air pensif. Non loin d’elle, Marty Pantalone fouillait le sol tel un charognard : il allait sans dire qu’il se moquait bien du respect que l’on pouvait éprouver pour les morts, et avait actuellement tout autre chose en tête. Il tira une épée qui n’avait pas eu le temps d’être dégainée avant la mort de son triste propriétaire et la retira du fourreau avant d’observer Kazhaar du coin de l’œil. Pensive, passive, sans aucune allure défensive, le Haut Sang fermait les yeux avec un sourire fin sur les lèvres alors que ses couettes géminées flottaient mystérieusement dans les airs comme si elle était immergée sous l’eau. La chef aimait se donner un style, se dit Marty alors qu’il faisait quelques moulinets avec l’épée.
Tout à coup alors, Marty s’approcha de Kazhaar, et lui porta sans prévenir un coup d’épée destiné à faire saigner sa main, rien qu’un peu. Bien plus vivement que lui, les deux couettes de la vampire battirent l’air, leurs extrémités s’affinant pour devenir fines et rigides comme des lames : les deux tentacules blancs coupèrent aisément les deux mains de Marty, qui tombèrent au sol avec l’épée. Gémissant, le vampire mineur se courba contre la terre, serrant ses poignets contre sa poitrine alors qu’ils ne cessaient d’expulser son sang froid hors de son corps.
« Je n’y crois pas, tu es tombé dans le panneau », fit Kazhaar en ouvrant un œil.
Cette fourbe lui avait dit en route: « Si tu me fais saigner, je t’autorise à goûter le sang qui coulera de cette blessure ». C’était bien évidemment un piège mesquin, mais le Haut Sang avait comme l’odeur du miel pour les abeilles, et la curiosité d’y goûter était lourde sur le pauvre Marty. Et permanente vu qu’elle le trimballait comme un animal. Il n’avait pas réfléchi sur le moment, et voulut au moins tenter.
« Même dans mon sommeil vous ne me surprendriez pas, vous savez ? » Rit Kazhaar en ramenant un de ses genoux vers sa poitrine. Les cheveux de la vampire, dans son immense générosité, saisirent les poignets meurtris et y cousirent les mains de Marty ; au moins sa guérison serait-elle facilitée.
« Enfin, nous étions supposés parler de Rutger. Le monstre de la cage, une brute sanguinaire qui défie vampires et humains à surpasser sa force, et qui ne semble avoir que cela en vue. Mais l’histoire, nous le verrons, est un peu plus tortueuse que du sang et des visages arrachés.
Pour parler du monstre de la cage, nous devons d’abord parler de Naja Naquanda. Rutger est après tout son fils vampirique, au sens où c’est elle qui l’a transformé et fait de lui ce qu’il est… A l’époque, Naja venait de se séparer d’un groupe de vampires dissident à Refinia, dirigés par un dénommé Doprus, suite à un différent dont je ne connais pas les détails. Toujours est-il qu’il y eut un combat dans le sang et que Naja, qui était à l’époque une vampiris, parvint à s’échapper de ses adversaires en surnombre… C’était à l’époque où la guerre faisait rage entre Waien et l’Empire dans la région de Travis, et hélas pour l’actuelle commandante des personajes il ne faisait pas bon vivre là bas, même pour elle : Trath, le redoutable mercenaire lycanthrope, avait été engagé pour se débarrasser des vampires dans la région, et accomplissait bien son travail. Résultat : Naja dût se nourrir des agonisants des champs de bataille en attendant que la tension se calme…
C’est là que vient notre protagoniste, Rutger. Le soldat idéal. Jeune, adroit, vigoureux, motivé comme nul autre, six pieds et trois pouces de haut, une virilité d’âme qui correspondait à ce physique, bon avec ses frères d’armes, un charme avec les femmes, aimant sa famille et sa patrie. Rutger était immaculé, ambitieux, farouche. Il voulait la gloire et il savait qu’il pouvait l’obtenir, se voyant déjà chevalier… C’est ce Rutger, cet homme si brave, qui accepta de chasser avec une poignée d’hommes le vampire dont la morsure avait été repérée sur les cadavres de soldats. C’est ainsi qu’une nuit, il rencontra Naja en train de dévorer tout ce qu’elle pouvait trouver de nourrissant.
La suite de l’histoire, je la tiens de Naja elle même. Naturellement, elle, Rutger et ses hommes s’affrontèrent, et le combat fut difficile. Mais les hommes n’étaient pas préparés pour affronter une vampire, ainsi elle l’emporta et Rutger fut le dernier debout, tenant à peine sur ses genoux, une lance dans ses mains. Et alors, et alors Marty… En observant les yeux de Rutger, condamné à la mort, elle vit tant de bravoure, tant de dure détermination, tant de volonté chez cet homme qu’elle se prit d’affection pour lui. L’espace d’un instant. Elle le voulait. L’envie de non pas juste boire son sang mais d’en faire un vampire la saisit, tant elle vit en lui le caractère inébranlable qu’elle avait avant sa mort… Il pouvait devenir un vampire si fort, se dit-elle. Un potentiel immense se trouvait dans ce corps et cet esprit. Imagine tu ce qu’elle m’a dit Marty ? « C’était comme un coup de foudre ». Tu ne trouve pas ça amusant ? Moi je trouve la scène charmante. Imagine donc : la nuit, sur un champ de bataille aussi saccagé que la clairière où nous sommes. Les cadavres armurés distordus jonchent l’herbe, parmi eux les corps frais et vermeils des frères éventrés de notre héros, un vent glacé d’hiver rase le sol et gèle la chair, et le sang envahi l’odeur ambiante de rouge. Rutger se tient là, un goût ferreux dans la bouche, tout ses muscles contractés d’un seul effort pour ne pas trembler ; il va mourir ici, il reste fier, il reste digne. En face de lui, le véritable monstre qu’est Naja Naquanda, l’ombre de sa queue se dessinant derrière elle, porte ses yeux jaunes sur lui… Et elle ressent dans son cœur un pic aigu d’affection comparable à de l’amour ! C’est merveilleux. Le début d’une histoire romantique entre un homme et un monstre n’est-ce pas ? Je peux être sensible à cette prémisse : à la même époque je retrouvai mon frère.
Mais ce qui va se passer n’a rien à voir avec cela. Naja vainquit naturellement l’homme épuisé, et s’empara de sa nuque pour faire de lui un vampire… Il perd conscience, elle l’emporte dans la nuit. Naja voulut en faire un guerrier nocturne comparable à ce qu’elle est, mais hélas, fut trop naïve. Rutger, réalisant qu’il était un vampire, se cassa. Je veux bien dire qu’il se brisa mentalement ; lui qui était un homme heureux, au sommet de son existence, était à présent un monstre qui ne s’accordait nullement avec ce qu’il désirait réellement. La gloire auprès des siens, les honneurs, l’admiration, l’amour. Comment obtenir cela en tant que vampire ? Qu’est-ce qu’aurait pu valoir l’immortalité et la force physique pour cet homme ? Rutger refuse. Il enrage, mais il ne se suicide pas, il n’attaque pas Naja. Tout le socle sur lequel sa personnalité s’était formée était à présent réduit en poussière, alors que fait-il ? Il crie, il gémit, pleure, hurle pour ses dieux. Il demande pourquoi, pourquoi fallut-il que ce destin s’abatte sur lui, qui vécut toute sa vie sans faire une seule faute ? Il sanglote comme un enfant.
Naja ne pouvait pas le supporter. Bien sur, ces réactions sont en vérité assez prévisibles chez quelqu’un venant de réaliser qu’il est un monstre sans l’avoir voulu. J’ai moi aussi gémit et hurlé pour la pitié de l’empereur lorsque je l’ai réalisé, inutile de faussement se vanter ici… Naquanda le savait également, car ce n’était pas le premier qu’elle avait vampirisé. Cependant Naja avait placé de grandes attentes en lui, comprends tu ? Des attentes pragmatiques envers sa force, mais également des attentes émotionnelles envers lui. Elle voulait en faire son compagnon après tout…
Elle fut déçue, et sans lui laisser d’autres choses que son mépris, elle l’abandonna.

Rutger était maintenant seul, et il décida de ne pas mourir. Il devait tuer Naja avant, afin de se venger de cette humiliation, il le jurait également au nom de ses frères d’armes. C’était à lui et à personne d’autre d’éliminer ce monstre. Alors il survécut, alors il tua. Tout était pour la tuer, uniquement pour la tuer, il n’avait plus que cela en tête et c’est ce qui conforta son esprit lors de ses premiers meurtres, à cet homme noble d’âme. Il devait devenir plus fort pour tuer la vampire, qui elle aussi devenait de plus en plus puissante… Mais à force d’années de violence, de solitude, tout cela teinté par le délicieux goût du sang et de la puissance, l’on change : c’est une fois de plus quelque chose que je peux comprendre.
Mais te souviens tu de ce que cet homme cherchait originellement ? La gloire. Tuer Naja ne lui suffit pas. Je ne sais pas pourquoi, mais mon avis sur la question est qu’il voulut exister en tant qu’autre chose, que le désir d’être acclamé ressurgit lorsqu’il comprit finalement au fond de lui… Que personne n’acclamerait un monstre pour être celui qui vainquit Naja Naquanda. Personne parmi les hommes.  »

Kazhaar se leva, alors que Marty était cette fois silencieux et attentif (il n’avait pas envie de parler après avoir perdu ses mains), et saisit la lance abandonnée, la brandissant vers le ciel. Elle n’avait strictement aucune utilité pour les armes : ses cheveux étaient plus solides et tranchaient comme perçaient avec autant d’efficacité. Porter une épée ou une lance aurait été superflu, sans parler d’une armure, mais l’on pouvait trouver une certaine poésie aux armes… Avec un sourire en coin elle la projeta dans les airs de sa force surhumaine. Le projectile disparut alors comme une flèche de la clairière, pour s’évader au dessus de la forêt.
« Et quand la gloire chez les hommes ne peut plus être obtenue, il ne reste plus que la gloire parmi les vampires. Chez qui une seule chose compte réellement : la force. Il y eut donc un moment où Rutger renonça à qui il était, car à présent, le seul moyen pour lui d’être glorieux était d’être le vampire le plus puissant et le plus sanguinaire possible. Il avait déjà commencé à changer bien avant cela, mais un point de non retour s’établit ici. Quelques temps après cela, il fut chassé par Elizabeth et Kartsa Friedsang et perdit contre les chasseuses… Pour finir emprisonné chez les Friedsangs. Lorsque Naja fut enfermée à son tour, et qu’il finit par la reconnaître malgré son statut de vampire majeure, sa haine se réveilla naturellement. Il n’avait pas oublié un seul instant qu’il devait tuer Naja, ses raisons étaient juste différentes. Il la menaça et l’insulta… Mais elle ne lui accorda aucune attention. Rien que des rictus moqueurs, car elle observa que Rutger n’avait pas changé : un pleurnichard, toujours. Il se fit humilier jusqu’au bout par cette femme ; en vérité à ce moment là, rien n’aurait pu mieux le faire souffrir que le dédain de Naja ! Il avait tant tué avec elle dans ses pensées pour soutenir sa quête. Cette retrouvaille presque destinée ne signifiait cependant rien pour elle. A nouveau, cela a un petit côté romantique, tu ne trouves pas ?
Enfin, les vampirologues finirent par faire taire les beuglements de Rutger, et lors de leur évasion, ce dernier ne fit pas l’imbécile : il devait pouvoir sortir pour devenir plus fort et la tuer. Voilà toute l’histoire, Marty ! Elle est assez pitoyable, et un peu triste. Malgré tout… Rutger n’est pas un monstre complet comme il désire l’être en massacrant de manière si grotesque ses adversaires dans sa cage. J’ai quelques anecdotes amusantes à ce sujet. Qu’il n’ose rien répondre à la jeune prêtresse de sang qu’est Lea Larva est déjà étonnant, mais il faut se souvenir que c’était un homme pieux. Une fille si fervente ne peut que le toucher… Il ne la menace jamais, sous aucun prétexte, peu importe le dur jugement qu’elle pose sur lui.
Et ensuite, il y a sa singularité. Vous connaissez chacun les pouvoirs des autres… Mais pas celui de Rutger, n’est-ce pas ? Il la garde secrète, ne semble jamais en faire usage même dans la pire difficulté… Peut-être est-ce son atout caché ? Eh bien non. Permet moi de briser cette idée. Rutger a honte de sa singularité, et ne veut pas que Naja la connaisse, car elle est absolument inutile en combat ! Son seul pouvoir est de temporairement éteindre chez quelqu’un l’empathie et l’amour. C’est un pouvoir insidieux, un sortilège de manipulateur. Quel est le rapport avec le combat, la force, et le souffle de la victoire ? Pour lui, avoir cette singularité est un déshonneur. Mais peut-être est-ce en vérité le signe… Qu’il ne pourra jamais devenir ce qu’il désire. En tant que mortel, il aurait pu être le sommet, mais en tant que monstre… Il est cet homme en vérité brisé, et rien d’autre. »
– C’est marrant ça, fit remarquer Marty tout à coup presque dans une exclamation. J’ai moi aussi une anecdote qui dit à peu près la même chose. Tu vois, les prostituées qu’Ephraim nous offre parfois à dévorer… Rutger passe la nuit avec. Et il les tue pas. Jamais. Il leur cause même. Un charme avec les femmes, tu avais dit, non ? Putain, c’est vraiment trop drôle.
« … Je ne savais pas cela. Merveilleux Marty ! Cette historiette est en accord absolu avec mon idée. Quand je pense que le bougre t’étriperais sur l’instant s’il était conscient que tu savais et cela et tout ce que je t’ai dit… N’en profite pas pour te moquer de lui. Rutger reste dangereux en plus d’être colérique, un être impardonnable qui a tué sans compter, et compte continuer… Et malgré tout, cet homme qui n’a plus de son humanité que des ruines ne sera à jamais qu’un monstre. Mais un monstre ni fait ni à faire, malheureusement pour lui. »
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Message par DALOKA Mer 1 Mai - 14:40

Histoire de Masque: Paloma

Une belle chambre rouge cette fois, couverte de douces tapisseries où se dessinaient des arabesques orientales, éclairée de chandeliers vifs qui remplaçaient la lueur des fenêtres absentes. Sur les beaux draps du lit à baldaquin pourpre était étendue Kazhaar. Ses cheveux détachés, si longs, tombaient du lit et envahissaient de blanc la salle entière ; elle s’allongeait nue au milieu d’une toile blanche dont les fils caressaient doucement le matelas et le sol tel des serpents. Tout l’écarlate et l’or de la chambre était envahi de la couleur de Kazhaar, et quand à elle, elle se prélassait, dos contre le matelas, son corps blanc sur le lit recouvert partiellement de sa propre chevelure. Couchée ainsi, des mèches d'ivoire entre ses yeux d’or semblant à moitié endormis, ses genoux glissèrent l’un contre l’autre un instant, et elle décala sa tête pour trouver une position plus confortable, exposant le vélin de sa gorge immaculée. La nymphette toute nue, toute blanche et toute rose au milieu de sa toile avait inévitablement l’air lascive, mais elle était seule dans la salle rouge. Après ces expéditions à l’extérieur, elle avait pris un bain pour se purifier de la saleté des bas quartiers et des cadavres, et fit toujours délestée de ses habits une longue sieste dont-elle n’avait nullement besoin.
Quand à sa nudité, il fallait bien avouer qu’elle se sentait ces derniers temps parfois bien plus à l’aise entourée uniquement de ses cheveux, même si elle n’était pas impudique. Après tout, quiconque aurait posé le pied sur un des fils étendus partout sur le sol n’aurait pas vraiment pu profiter du spectacle.

Marty, à l’extérieur, ne faisait naturellement pas exception. Adossé contre la porte en attendant que la longue pause de la chef s’achève, le vampire se taillait un nouveau masque de personajes avec son couteau, puisque leur aventure sur les toits avait abîmé le précédent (et il tenait beaucoup à ces choses là). Il ne s’amusait pas non plus à imaginer à quoi ressemblait sa supérieure derrière la porte, non pas par crainte qu’elle puisse glisser un cheveux dans son crâne pour percevoir ses pensées (encore que maintenant qu’il y pensait, ce serait terrifiant), mais parce que les corps en dessous des visages ne l’intéressaient pas beaucoup. Les parties sensuelles qui affolaient ses homologues masculins ne signifiaient pas grand-chose à ses yeux, et il aimait penser qu’il était pour cela un peu raffiné. Ou supérieur aux autres, au moins.

La vampire bailla longuement et s’étira les bras, arquant son dos et faisant ressortir les traits de ses côtes ainsi que la discrète courbe de ses seins. Elle se redressa, toujours emmêlée dans sa chevelure qui serpentait sur sa peau et recouvrit dans son mouvement la ligne de son dos laiteux.
– T’as fini ta sieste ? Fit Marty avec impatience. J’ai pas de chambre dans laquelle me prélasser moi.
«  Hmm… Hélas, l’endroit est trop confortable. Nous allons rester un peu ici, et puis je n’ai pas choisi un tel endroit par hasard, penses tu. Un lit. C’est parfait pour parler de Paloma, la colombe abattue et ternie. »
– Ah, et c’est pour ça la nudité ?
« Non, absolument rien à voir. Paloma a invité dans son lit de nombreux hommes, et l’intérieur de cette chambre n’est lui réservé qu’aux yeux du spectateur omniscient. Mais je comprends en quoi l’amalgame est amusant. Puisque tu semble si disposé à continuer au plus vite nos histoires, pourrais-tu me dire d’où vient ton animosité pour cette vampire ? »
– Elle cherche rien si ce n’est de l’attention. Avec elle c’est toujours regardez comme je suis fragile, regardez comme je suis misérable, regardez comme je suis mal aimée. Elle donne son avis sur rien, fait mine de rester discrète et de lécher les bottes de tout le monde. Mais elle attend que d’être félicitée, complimentée, à la moindre chose qu’elle réussit. J’ai pas l’air bien malin ni féroce alors elle a cru que j’étais bonne poire, mais voilà : j’en ai rien à foutre de ses problèmes. Ou en tout cas ça changera pas mon image d’elle. La vérité, c’est que c’est une narcissique.
« C’est un mot amusant pour la décrire. Mais je dirais plutôt que le plus horripilant est sa manière d’attendre la reconnaissance d’autrui et se rendre misérable… Je dois admettre qu’elle m’inspire, même à moi, de la pitié. Son histoire et triste et répugnante, Marty : cette fois nous allons devoir imaginer des choses vulgaires, fort heureusement la sagesse de Biffin nous a préparé à de telles extrémités. Mais puisque c’est moi qui raconterait, je resterai aussi sage que possible que sur ce récit. Juste assez pour ne pas en tuer la substance.
Notre conte débute banalement : une jeune femme est réduite, pour des raisons qui ne nous intéressent pas, à devoir vendre son corps pour pouvoir se nourrir et loger sous un toit. Vendre sa jeunesse est hélas pour certaines assez courant, mais ce que je sais est que Paloma n’avait pas prévu cela, et qu’une dernière extrémité l’avait poussée à s’engager dans ce commerce qu’elle ne voulait pas approcher. Les gens, forcés dans une situation, s’adaptent, et acceptent d’une manière ou d’une autre la condition de vie qui leur fut imposée. Pour Paloma, la solution fut de se convaincre que son métier n’était pas si horrible, ni si dégradant, et même qu’elle y prenait plaisir… Les conditions dans lesquelles Ephraim Rashan faisait travailler celles des bas fonds n’étaient pourtant pas honorables, mais l’esprit humain sait quand il le faut trouver la moindre chose à laquelle se raccrocher. Cette chose, ce fut son image d’elle même. Paloma, la colombe comme les hommes l’appelaient, trouva de la satisfaction dans les compliments de ses clients que ce soit sur sa jolie apparence ou sur les services qu’elle procurait. Et c’est ça qui devint son ancre, Marty. Les compliments, du moins le simple fait d’imaginer que l’on pensait du bien d’elle. Qu’on voulait l’enlacer, qu’on la trouvait mignonne, qu’on jouissait d’elle, qu’on l’adorait. Et qu’on l’aimait même parfois. Grâce à cela, elle put tirer du plaisir de ce métier : elle l’avait toujours trouvé disgracieux, mais on l’aimait, elle sentait même parfois qu’elle avait du pouvoir sur autrui. Alors elle oublia que son lit était miteux et sa nourriture répugnante, elle oublia aussi qu’elle finit par tomber malade. Elle voulait simplement être désirée, être adulée, et pour les bons mots elle repoussait bien les limites de ce qu’elle offrait. Elle était prête à tout. A être consommée sur la moindre parcelle de son corps que l’on puisse toucher, de sorte à ce que si le stupre qui l’avait parcourue était un pinceau de rouge alors Paloma serait d’un sanglant absolu. Naturellement, cela se sut, et en vérité certains déjà savaient faire obéir avec aise la colombe juste par leur compliments, qui se firent de plus en plus énormes et décalés de la réalité. Quand à sa bourse, elle restait toujours si maigre...
Cela dura, je crois, une seule année tout au plus. Tout bascula le jour où elle eut la malchance d’accueillir un client fortuné à qui on avait recommandé la jeune femme, quelque chose qui n’aurait pas dû arriver. La routine se déroula habituellement, jusqu’à que l’homme se mit à la battre en l’insultant en plein milieu de la besogne. Naturellement, elle prit peur et le repoussa… Ce qui se passa alors est le point déterminant.
Cet anonyme dit à la jeune colombe qu’elle ne signifiait rien pour lui, qu’elle n’était qu’une putain, un produit de consommation à prix raisonnable que l’on oubliera vite. Pour qui s’était-elle donc prise ? Ce n’était même pas une femme, rien de plus que de la viande qui, inévitablement, mourrait quelque part dans la boue ou le sang, malade ou assassinée. Juste une putain.
C’est si évident, n’importe quel bourru pourrait prononcer ce jugement, à un tel point que je m’étonne que cela ne soit pas arrivé avant… Mais tu peux dire ce qu’il s’est passé, n’est-ce pas Marty ? Son petit nuage qui l’élevait au dessus de la putréfaction s’évapora. Alors je pense que Paloma regarda la chambre misérable, regarda l’homme laid en face d’elle, et regarda son corps nu, maigre, et sale. Meurtri par les bleus et des griffures, endolori à l’extérieur comme à l’intérieur. Elle n’était plus belle, si elle l’avait été un jour. C’était comme si, toute cette année grâce à sa force d’auto-conviction, elle avait vécu sans conscience… Comme dans un rêve, l’ivresse, la folie du meurtre, ou même puisque nous parlons bien de cela, une étreinte impudique. Lorsque l’on se réveille et que l’on réalise avoir fait quelque chose que nous n’aurions normalement, pensons nous, pas voulu, l’on est couvert de honte voire de frustration, n’est-ce pas ? On ressent sur sa peau toute la saleté que notre folie ne nous montrait pas. Et pour Paloma, l’ébriété ne dura pas moins d’un an, et l’émotion fut donc équivalente.
Car l’homme ne voulut pas la lâcher, elle saisit les ciseaux non loin qu’elle utilisait pour se couper les cheveux, et perça la gorge de l’homme. Elle avait déjà envisagé la possibilité de se défendre un jour contre un homme mauvais, mais qu’elle parvienne à le tuer d’un seul coup… Ne pouvait signifier qu’à ce moment là, elle avait senti que c’était bien sa vie, qui était menacée. Comble de l’ironie, c’est cet acte qui y mit fin. »
Kazhaar se retourna et se rallongea sur le ventre, croisant les bras devant elle.  La vampire au physique fin et même légèrement athlétique battait des jambes doucement lors de cette soudaine interruption, car ce n’était pas encore la fin de l’histoire.
Marty avait fini son masque, qu’il peindrait plus tard en blanc, et le hissa à bout de bras pour le contempler. Se levant, il fixa à travers le trou du masque la poignée de la porte d’où il entendait la voix de la chef, un peu dérangé par le soudain silence.
– … Et après ?
« Après… »  Kazhaar redressa son cou et ses épaules, appuyant sa mâchoire sur les paumes de ses mains. « Après, elle fut condamnée à mort. L’anonyme avait une famille importante, et il fallait que la prostituée disparaisse et soit punie… Au nom du Croc Noir.  Ephraim est imaginatif, peut-être un peu trop, ainsi il décida de la vampiriser avec pour but premier d’en faire… Une bête de foire. Une vampire mineure aux traits difformes, au corps blanc et courbé, aux ailes pâles. Elle serait en cage, dans cette hideuse apparence, et pourrait-être victime à tout les sévices possibles pour les membres du Croc qui payeraient l’attraction. De ce qu’il m’a dit lui même, il avait exposé à Paloma cette intention, et lui avait opposé à cela la mort. Je ne sais pas ce qu’il lui a expliqué exactement, mais il s’agit sans aucun doute d’un pacte avec un démon de la pire espèce que Paloma signa. Savait-elle seulement l’exacte nature des vampires ? Probablement pas. Je pense qu’elle s’est faite avoir, tout bêtement, mais Ephraim lui, m’a rétorqué que le désir de survivre des humains surpassait toute logique. Tu as une opinion, Marty ? »
– Je crois que si elle savait à quel point un vampire mineur était moche, elle aurait préféré crever. Ephraim est comme d’habitude juste une pourriture, il n’y a pas à chercher plus loin ! En le voyant elle s’imaginait pas qu’elle serait réellement un monstre.
« C’est ce que je pense aussi. Toujours est-il que Paloma devint ce démon en cage, une alternative à sa prostitution, et perdit toute volonté. Elle savait très bien que tous la détesteraient à présent, que les compliments qui soulageaient son cœur seraient hors d’accès. Son rôle était à présent de rester ici, d’obéir aux demandes des amis d’Ephraim, qui avaient le droit de lui infliger absolument tout ce qu’ils désiraient au monstre tant qu’ils ne le tuaient pas. Voilà qu’une histoire banale et triste devient un répugnant récit horrifique. Je n’ai pas demandé plus de détails sur le sujet, pour des raisons que tu comprendras. Cela m’a l’air assez affreux comme ça… Et m’énerve un peu. Vois-tu, Ephraim en profita pour me clamer que les hommes ne valent pas mieux que les vampires, et que la petite Paloma était la victime dans l’histoire. Bien entendu, les humains ne sont pas des saints, et je n’ai aucun doute sur leur aptitude à la cruauté… Mais qui était à l’origine de cette horreur, en avait eu l’idée en premier lieu? Ephraim. Et qui l’a laissée continuer ? Paloma. Cette imbécile a accepté avec une aisance perturbante sa condition de monstre haïssable, et plus elle subissait, plus son maître lui donnait à manger. Au bout de quelques années, car elle avait cessé d’être populaire auprès de ses connaissances tordues, il proposa à Paloma un autre emploi au Croc, mais elle refusa. Parce qu’elle ne savait rien faire d’autre, vois-tu. Elle était laide, stupide, misérable. Elle ne valait rien. Alors elle préféra rester dans la cage qui l’enfermait et la protégeait. Tu comprends Marty, pourquoi cela m’énerve ? Sans lui et elle, sans les vampires, cette histoire n’a aucune raison d’exister bon sang! Réalise-tu combien cela est long, quinze ans dans cette cage ? C’est autant, non, plus encore que le temps que j’ai passé enfermé dans des boites !
… Enfin, inutile que tu y penses… Je prend cela trop à cœur, achevons donc le récit. Paloma a fini par être mise de force sous les ordres direct d’Ephraim quand sa puissante singularité s’est manifestée, et est à présent parmi nous. La dernière chose d’intérêt dont l’on peut parler est sa relation avec Naja, puisque la commandante est bien que sévère un peu attachée à sa subordonnée… Naja ne supporte pas l’idée qu’une vampire avec un si grand potentiel se considère incapable et inférieure à tout. Elle veut que Paloma prenne confiance en elle… Car il y aurait en vérité un monstre orgueilleux et jaloux caché dans son cœur. Est-ce réellement étonnant cependant ? Lorsque quelqu’un a été abusé et blessé toute sa vie, moralement et physiquement, il peut se renfermer comme Paloma dans une coquille protectrice. Mais qu’est-ce qui peut se cacher derrière le masque de Paloma, après tant de douleur et d’humiliation ? Que se passerait t-il si Paloma gagnait force et confiance en elle ?
Alors elle voudra exprimer sa haine. C’est ce que Naja espère en tout cas. »
– Génial. Elle est encore plus détestable maintenant… Franchement, je préférai qu’elle crève avant de devenir tarée.
Mais pour Kazhaar le démon en cage aurait dû mourir depuis longtemps. Décidant que ce serait le fin de mot de cette histoire, elle se leva du lit pour faire quelques pas sur les motifs du tapis, parcouru de fleurs et d’animaux chimériques se tordant ensembles dans les fils blancs, et commanda à ses cheveux de lui ramener sa tenue. Ils le firent comme le plus fidèle des serviteurs, l’habillant sans qu’elle n’eut à utiliser ses mains. La culotte courte passa le long de ses jambes, glissant sur ses genoux puis ses fesses jusqu’à entourer ses hanches, et son haut sembla s’enfiler presque de lui même avant qu’elle n’utilise ses propres doigts pour refermer ses deux bretelles noires. Regagnant un sourire mesquin, elle frappa des mains en guise de conclusion et le choc de ses deux paumes firent sonner un puissant écho.
« Passons à la suite Marty. Nous devons parler d’un vrai démon, cette fois. »
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Message par DALOKA Sam 4 Mai - 14:52

Histoire de Masque: Kristoff

Elle et Marty étaient dans un salon joliment décoré à l’intérieur des beaux quartiers de Fanglen : une des galanteries d’Ephraim Rashan, leur intendant, qui savait au moins bien offrir ses cadeaux. Assise devant une large table rectangulaire, elle esquissa un grand sourire. La vampire, après sa sieste, avait réduit la taille de ses cheveux qui étaient maintenant comme ceux d’un garçonnet, courts et un peu désordonnés, aux mèches brillantes, d’un blanc éclatant d’ingénuité. Son regard se soulevait de réjouissance en même temps que les coins de ses joues légèrement rosées.
La raison de son expression joviale était les pâtisseries qui envahissaient la table devant-elle, sans laisser grandement place à quoique ce soit d’autre. Et il s’agissait d’un festival de couleur qui s’étendait là devant elle, de sorte à ce que la beauté de ce spectacle écrasait aisément la décoration de la salle qu’il n’était même pas la peine de soulever. Là s’étendaient des macarons dorés, roses et rouges, ici des bonhommes de pain d’épices aux petites parures de sucres et de fruits, ou bien des tartes luisantes sous la lumière des bougies, aux fraises, aux framboises, aux pommes, ou aux abricots. Que dire encore du mille-feuille, des petits gâteaux à la pistache, de l’immense kouglof ? On ne l’avait même pas privée du luxe d’expérimenter quelques fantaisies orientales que l’on nommait makroud, kenafeh, dziriettes, ou d’autres noms du pays d’où elle tenait elle même son prénom.
En voyant Kazhaar saisir couteau et cuillère pour attaquer ces masses incommensurables de sucre, Marty fut profondément écœuré.
– … Et donc ? Kristoff ?
« Mais j’y viens, Marty, j’y viens. » Fit Kazhaar, qui avait déjà commencé à mettre fin aux jours des petits bijoux comestibles. Pour une vampire, c’était de la pure gourmandise. Mais ne risquait pas d’avoir de conséquence sur sa santé (Malheureusement, pensa Marty, car il aurait trouvé ça bien mérité).
« Kristoff est le plus monstrueux des personajes dont nous allons parler. Je n’ai pas de lieu pour le représenter, je me suis donc mis à sa place en changeant de coiffure. Le travestissement que j’incarne sera notre lieu, Marty ! Quand à ces pâtisseries, eh bien Kristoff, l’enfant vampire, en est également friand. »
Cela sonnait comme une excuse aux oreilles de Marty, qui acquiesça doucement.
« Je déteste Kristoff. Je veux dire que je le tuerai un jour de mes mains, la seule question est quand. Ce n’est pas sans raison que je l’appelle l’enfant-démon… Même si je suis probablement la mieux placée pour savoir qu’il n’est en rien un petit garçon, en tant que vampire à l’air juvénile et en tant que mère. »
– Ah ça, c’est vrai qu’il fout les jetons, pour sur ! Mais de ce que tu m’as raconté sur ton propre gamin, il a l’air aussi flippant…
« Comment ? »
Elle avait arrêté de manger alors qu’elle découpait une part d’un gâteau a l’aide de son couteau.  Ses yeux étaient maintenant froids comme des lames, et toute la bonne humeur de son visage s’était évaporée. Alors un frisson d’horreur parcourut le corps de Marty, qui pensa bien sincèrement que son jour était venu.
« Kristoff n’a rien à voir avec mon fils. Seth est un enfant dangereux, mais charmant, fasciné par le monde, désireux d’apprendre, affectueux, heureux de vivre parmi nous, et même parfois prêt à tendre la main à autrui. Kristoff n’a pour toute chose que haine et mépris, et puis il n’a lui pas une âme d’enfant… Enfin ! Je te pardonne pour cette fois, mais si une telle comparaison me vient à l’oreille de nouveau, je briserai tes articulations, t’écorcherai, te crèverai les yeux, et jouerai à la corde à sauter avec tes intestins avant de t’arracher la tête. »
Chaque menace fut un coup de poignard glacé dans l’échine de Marty, qui fut pris de tremblement à chaque verbe prononcé. Il aurait dû le voir venir !… Mieux valait la laisser se calmer et reprendre l’histoire.
« Ce malentendu réglé, je veux développer un peu plus mon dégoût pour l’enfant-démon. Je sais bien que vous restez des vampires, c’est à dire que je suis de la nourriture potentielle pour vos crocs, cependant Kristoff ne songe qu’à cela. Me dévorer. C’est un prurit si intense qu’il doit compenser en demandant de plus en plus de nourriture, et cela ne suffit que rarement, ainsi les oiseaux qu’il dirige lui apportent chair et sang en plus. Très sincèrement, pour quelqu’un vampirisé à onze ans il a presque la faim d’un pervers, même s’il tente d’être en sucre avec moi. Si Rutger est un échec en monstruosité, Kristoff est une réussite totale. La vie des vampires comme des humains n’a aucune signification pour lui : alliés et nourriture, rien de plus. C’est un véritable goinfre, qui se moque bien de l’identité de ses victimes. Il dévorerait un nourrisson, et est capable d’attirer avec sa voix d’autres enfants ou des gens au cœur trop sensible afin de les piéger. Si j’ai disposé Isaac à sa garde, c’est qu’il est le plus patient et perspicace des prêtres de sang… Ce dernier d’ailleurs pense qu’il existe pour Kristoff une possibilité de rédemption. Sa foi qui l’aveugle, sans doute. Il est assez ironique qu’il ait cette empathie pour ce garçon qui est, justement, l’antithèse de la foi. Il hait les dieux et le destin, considère que la fortune n’existe pas dans ce monde, qu’il n’est qu’une machine froide régie par des lois injustes. Il n’est guère étonnant qu’il veuille mettre en pièce la jeune Lea Larva, qui est un modèle de vertu et croit en l’absolution alors même qu’elle pense que le monde est un lieu de souffrance… Comme cela doit le mettre hors de lui ! Il déteste la naïveté, méprise la pureté, et pour lui la seule façon correcte de vivre est l’hédonisme. Ce pourquoi il ne pense qu’à manger, ou bien à jouer avec sa proie. Avant d’être capturé par les Friedsang, ils l’avaient nommé « le faucheur », car il s’était fait passé pour un monstre du folklore local. Il était plutôt malin : ses oiseaux espionnaient tout le périmètre du bourg, et il avait créé et manipulé quelque serviteurs avec brio. Peu de vampires indépendants prennent ce risque. Longtemps, ses crimes passèrent pour des actes d’un assassin spectral armé d’une grande hache qui punissaient ceux qui cachaient des lourds secrets… Et il resta discret grâce à cela dans la région. Cependant, l’histoire ne peut pas finir bien pour un tel personnage, n’est-ce pas ? Ce ne serait pas juste. Kristoff eut, en fait, trop faim. Bien trop faim ! Un humain par mois ne lui suffisait pas, il ne pouvait le supporter… Alors il augmenta le nombre de ses meurtres, terrifiant le village et étendant des banquets de sang. Bien sûr, c’était totalement stupide… Même un vampire simplet l’aurait su. »
Entre ses phrases, Kazhaar n’avait pas cessé de se goinfrer de pâtisserie. Elle avait beau prendre plaisir à abuser ainsi du sucre, Marty songeait plutôt, avec cette histoire de banquet, à un sang parfumé qui lui, aurait étanché sa faim.
– Donc, même si Kristoff a un peu tout les vices… Sa plus grande faille, c’est la gourmandise ?
« Exactement ! » Dit-elle avant de fourrer un carré de mille feuille dans sa bouche. « Son rêve, c’est un plateau garni de délices. Comme ce que j’ai actuellement, en somme. »
– Ca se comprend. S’il se moque de tout, sauf de ce qui est agréable… Eh beh il n’y a rien de mieux pour lui que du sang. Il a l’air bien ordinaire au final.
« C’est sans aucun doute ce qui l’a mené à quitter Refinia. Elle n’aime pas les serviteurs trop gourmands, et lui n’aurait pas supporté d’être mis au régime… Très franchement, il est une véritable plaie. Lucius est lui aussi un traître et un hédoniste, mais plus maîtrisé. Même Kristoff ne sait pas quand il aura trop faim, et Isaac doit veiller sur lui en permanence… Enfin, qu’il manque d’attirer l’attention sur nous sera peut-être un jour une bonne excuse pour le tuer, qui sait ! Et je ne plaisante qu’à moitié. S’il a l’aspect d’un enfant, il a le caractère d’un garçon capricieux incapable de se tenir quand quelque chose lui est refusé. Lorsqu’il veut manger alors qu’il a déjà eu ses parts, et que les friandises ne le contiennent plus, on peut l’entendre gémir comme s’il avait réellement onze ans. C'est une atroce psalmodie aiguë ; « j’ai faim, j’ai faim, j’ai faim... », comme s’il le demandait à sa mère. C’est à en retourner l’estomac! C’est bien pour ça que c’est un monstre : une chose sans morale à l’appétit impondérable. Quelle différence avec une bête sauvage, vraiment ? Lui et ses oiseaux ne sucent pas le sang après tout, ils dévorent la chair et la moelle des os, dans l’espoir de ne rien laisser.
Et c’est à cause de cette faille que les sœurs louves des Friedsangs tuèrent ses sbires et le capturèrent. L’arme de Kristoff, de manière assez amusante, est une grande hallebarde. Mais ce n’est pas idiot pour autant : cela compense la faible portée de ses bras. Et il est un bon combattant, véritablement. Pas autant que Rutger selon moi, mais il se défend bien… Ce qui ne l’empêcha pas de se faire laminer par les sœurs louves en un rien de temps. Toute la ruse du monde ne sert à rien à un vampire incapable de se contrôler, cela était voué à arriver… Je me demande si, une fois en prison, il a tenté d’amadouer les vampirologues avec sa voix d’enfant ? Uh uh uh. Bien sur, il ne passa que deux ans là bas, mais rien que de penser à la torture que devrait être pour lui le jeun !… Ah, bon sang je ne peux pas reprendre une bouchée, je vais la recracher en pouffant de rire. Il est étonnant qu’il ait conservé sa santé mentale ! »
– Il manque un truc, non ?
« Hm ? » Exprima Kazhaar, pouffant encore de rire alors qu’elle tenait un macaron qui n’attendait que d’être pouvoir mangé lorsqu’elle se serait remise.
– Refinia choisit pas n’importe qui. Comment un gamin s’est retrouvé là bas en premier lieu ? Et au final pourquoi est-il si méchant ? J’ai plus entendu ta haine de lui que son histoire, du coup !
« Oh, c’est vrai… Cette partie de l’histoire ne m’intéresse pas beaucoup, aucun vécu ne pouvant expliquer pareil scélérat, mais si tu es si curieux pour cette fois je ferais une exception.
Il était une fois, un enfant qui détestait le monde. Les adultes lui dirent, bien sage comme ils étaient, que les prières réconforteraient son cœur et apporteraient dans sa vie la fortune… Mais il était battu, abusé, et méprisé. Peu importe comment il tenta de croire, il n’y parvint jamais, car la laideur de son monde ne lui donna jamais l’envie de croire vois-tu. Et il refusait de penser que le monde lui en voulait, qu’il y avait une raison à son malheur, alors que les autres avaient une si bonne vie ! Pourtant, cette pensée était obsédante, s'attachait à lui comme une tique. C’est ce que Isaac m’a dit de lui, et la raison pour laquelle il pense que Kristoff peut être sauvé un jour. Le garçon avait décidé, à cause de ses malheurs, de devenir l’ennemi du monde et des dieux ! Rien que ça. Mais si le monde le détestait, autant que ce soit réciproque, n’est-ce pas ? S’il ne pouvait jamais obtenir ce qu’il désirait, alors il n’avait qu’à l’arracher autrui. Kristoff ne rêvait à rien d’autre si ce n’était un jour pouvoir sortir de la misère… Et manger une tarte chaude, parfumée, sucrée, qui lui mettrait l’eau à la bouche. Pouvoir se nourrir de tout les délices qu’il voulait ! Il n’était après tout qu’un enfant. Mais parce qu’il n’était qu’un enfant solitaire, impossible d’atteindre cela tout seul. Sa solution fut l’occultisme. Atteindre l’antithèse des dieux, les démons, avec lesquels il pourrait obtenir la fortune ! Il appela des mois et des mois, réunissant des ossements humains pour ses rituels, devenant de mauvais augure dans son quartier… Ce qui attira l’attention de notre fauteuse de trouble favorite, Refinia. Elle se présenta comme un démon, et elle lui proposa de rejoindre son monde pour être immortel. C’était bien plus que Kristoff n’en espérait… Enfin manger à sa guise, et  toute sa vie, sans avoir peur des maladies ? Il accepta sans hésitation. Refinia s’est sans doute prise un peu d’affection pour lui… Plus comme une femme envers un chiot qu’une mère envers un enfant, je pense, mais une sorte d’affection au moins, sinon elle ne l’aurait jamais mordu. Hélas le chiot s’est révélé être un diable ! Ce n’est pas comme si manger était réellement sa seule préoccupation… Son mépris des choses le pousse à la cruauté, et il prend véritablement plaisir quand les autres eux, perdent foi. Il est expressément et volontairement mauvais… Je n’ai eu qu’une seule véritable conversation avec lui, à propos de Refinia. Tu devrais savoir qu’elle aime profiter de son immortalité pour contempler ce monde, n’est-ce pas ? Kristoff a rapidement trouvé cela insupportable. Car lui, ne voit rien d’admirable dans la vie des mortels. C’est d’ailleurs en vérité la raison que lui, donne à son départ, à la place de sa voracité. Sachant que la dame écarlate était mon ennemie, il a cru bon de se confier à moi… Alors il a sourit, et dans une expression détestable m’a dit : « J’ai envie d’enlaidir ce monde qu’elle aime tant, et qui ne mérite pas d’être beau ». »
– Il ne voudrait pas juste rendre tout conforme à sa vision ?
« Probable. Peut-être est-ce sa définition du bonheur. Un monde où il n’a pas à sentir qu’il aurait pu être autrement, un monde où il n’a pas le sentiment d’être moins fortuné qu’autrui. Même si je pense que derrière ces grandes paroles, il veut avant tout vivre éternellement en pouvant s’accaparer ce qu’il désire quand il le désire, dans tout les cas devenir plus puissant sera un pas en avant vers cela… J’ai une riche idée Marty. J’essaierai d’attendre qu’il atteigne la puissance d’un vampire majeur qu’il envie tant… Alors, tout s’effondrera quand il verra enfin la fortune lui sourire. Oui ! C’est une bonne conclusion à l’histoire, j’ai hâte! »
Enroulant une des mèches de ses cheveux de garçonnet autour de son index, elle exprima un sourire plein de satisfaction en observant la table à présent presque vidée du festival de gâteaux. Marty ne releva pas le sadisme de sa chef, qui l’inquiétait un peu même s’il n’avait pas vraiment de sympathie pour Kristoff, puis haussa les épaules. Si la plupart des gens étaient mauvais, le gamin était immonde. Ce serait mieux pour tout le monde. Sans plus y songer,  Marty prit par curiosité un macaron, et le mangea.
– Urk.
Jamais il ne saurait se goinfrer de sucreries.
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Message par DALOKA Mer 8 Mai - 12:17

Histoire de Masque: Jimena



La nuit tombée de nouveau, Kazhaar et Marty revinrent à la lumière de la lune, pleine et éblouissante. Le décor était un jardin intérieur conçu à l’orientale, une fontaine rectangulaire tenant le rôle de centre et, tel un miroir allongé au milieu d’une végétation colorée, reflétait les éclats blancs du ciel. Les bourgeois waiens avaient parfois pour leurs architecture des influences scarrath qui distinguaient un peu plus leur goût de l’esthétique impériale, ce qui n’étonnait pas Kazhaar, mais cela coulait simplement de source pour une résidence d’Ephraim Rashan. Depuis l’intérieur du bâtiment même, l’on pouvait entendre des instruments à cordes jouer une musique exotique. Dans ce paysage, Marty, qui avait complété son nouveau masque, avait toujours autant l’air d’un fantôme, d’une masse noire effrayante qui se soulevait dans le noir de la nuit et glissait sur le sol tel un spectre, où un mollusque dirait plutôt Kazhaar avec mesquinerie. Il avait bien prêté l’oreille aux histoires de ses camarades, qui étaient pour le moins désespérantes… Lui, un pauvre moins que rien transformé purement par coïncidence et qui n’avait rien vécu dans sa vie était définitivement le plus normal ici. On pouvait bien le juger sur son attrait pour les têtes, cela n’avait aucune différence avec ceux qui aimaient manger yeux et langues d’animaux quand lui n’en voulait pas. Une chose affreusement triviale. Et à côté de ça, l’on avait un poète fou, un héros déchu, un monstre accablé de tout les malheurs de la vie, et enfin un enfant démon.
Marty était assez curieux de voir en quoi l’histoire de Jimena rejoignait tout cela. Au moment où il penchait la tête dans un angle improbable sous la tension rare de sa réflexion, Kazhaar entrait dans le jardin, ayant changé cette fois de tenue. Pour s’accorder avec l’endroit, elle était à présent dans un vêtement de danseuse scarrath d’un tissu zinzolin brillant et garni de joyaux pour le moins ostentatoires, la silhouettes de ses jambes apparente à travers le tissu à moitié transparent de son large pantalon, son ventre lisse et blanc visible,  ses cheveux à nouveau longs noués en une tresse qui tombait au niveau de ses fesses. Il détestait particulièrement quand elle jouait la princesse ainsi… Mais à bien y réfléchir, c’était tout le temps, et peu importe sa parure.
« Nous voilà enfin à Jimena. Nous en aurons mis, du temps… Aurais-tu par hasard, une dent contre elle ? »
– Pas vraiment. Elle a juste pas l’air très intéressante alors j’y pensais jamais. Elle est la plus dévouée à son travail, passe son temps majoritairement à aider Néhémie pour qu’il n’ait pas à faire de la magie pour se déplacer… Vu que depuis la perte de ses jambes il ne peut plus faire grand-chose sans. Je me demande comment elle le supporte: il est infernal et capricieux. Bien content de pas avoir à le fréquenter… Même si, il faut l’avouer, il a un très beau visage surtout pour un homme, si on peut dire qu’il en est un. Sa peau a l’air douce comme celle d’une femme, ses traits sont aussi délicats, ses boucles blondes sont très belles et ses yeux… Bref. Je peux pas m’empêcher le fixer.
« Le castrat est un bel éphèbe en effet, je peux comprendre pourquoi il attise le regard d’un pervers comme toi. »
– Eh, tout de suite !
« Allons bon, Marty, tu es comme les autres une vermine. Tu as simplement trop peur de moi, tout comme tu as peur de Néhémie. En vérité ce qui te rend sympathique à mes yeux, c’est bien ta faiblesse ! Je n’ai jamais été malhonnête sur la question d’ailleurs. »
– Ouais ouais, abrégeons. C’est Jimena que j’ai désigné, pas moi !
« Tu as raison. Par ailleurs malgré cette parenthèse, le noble faciès de Néhémie n’a ici aucun rôle à jouer dans cette histoire. »
– Jimena est très, très proche de Néhémie, pourtant ! Moralement, et physiquement vu qu’elle doit souvent le tenir dans ses bras comme une princesse. En plus d’endurer ses caprices. Il y aurait rien entre eux ? Même à sens unique ?
« Tu es un peu superficiel, ne trouve tu pas ? Il est vrai que certaines de nos histoires continrent des tensions et des désirs, mais cela ne peut pas être le cas de toutes. La passion est dans un bon nombre de vie, secondaire, même moi qui suis plutôt romantique je ne peux que l’admettre humblement à présent… De plus, si trop de nos récits tournent autour de cela nous allons manquer un peu d’originalité ! Cette fois ci, pas de désir sentimental, charnel, ni de même de faim. Mais de l’amitié et de la loyauté, certainement. Je me souviens encore distinctement du jour où j’ai assigné Jimena à la garde du prêtre de sang qui venait de perdre ses jambes. Les premiers mots qu’elle lui adressa, au garçon qu’elle devrait protéger et soutenir, furent dits avec un fond d’intimidation: « Même si je dois m’occuper de toi à présent, je voudrais que tu garde à l’esprit que je ne suis pas quelqu’un de bien ». A ce propos étrange, je dis car cela car le sens moral est bien le cadet des soucis d’un vampire, Néhémie Nympha, qui n’était pas encore remis de l’intense douleur de ses moignons, lui répondit « Alors je serais quelqu’un de pire encore ». L’enfant n’avait aucune intention de perdre la face ; il voulait être celui qui commandait et c’était sa manière de le faire comprendre à Jimena. Et c’est sur cet échange aux relents de rivalités que commença leur relation. Comme tu le sais, Jimena finit par devenir extrêmement protectrice avec Néhémie… Oh bien sur quand il l’agace trop elle a tendance à le laisser se débrouiller seul pour lui donner une leçon, mais cela ne change rien au fait que l’affection qu’elle a pour le soprano est plus que professionnelle. Comme tu l’as si bien constaté, les deux sont pour le moins inséparables. »
Fixant Marty, elle exprima alors un soudain sourire plein de moquerie et de malignité dirigé droitement vers son larbin.
« Je repensais à la manière dont tu parlais de Néhémie puis de son rapport avec Jimena… Ne ressentirais-tu pas, par hasard, de la jalousie ? »
– Par pitié tais toi ! Néhémie est un malade violent qui ne pense qu’à lui même. J’ai juste dit qu’il était très beau, et même toi tu l’as dit alors ne grossis pas les traits !… Et puis, continue l’histoire.
« Très bien, très bien ! Après tout c’est moi qui ai dit qu’il fallait s’éloigner de ces sujets, alors respectons notre contrat même si c’est aller à l’encontre de mon caractère. Pour comprendre comment Jimena et Néhémie sont devenus si proches, il nous faut passer par l’histoire de la vampire scarrath. Et ainsi faire un petit voyage mental en orient : le décors de ce soir parle de lui même, même si j’avoue que c’est peu inspiré et que je voulais profiter du petit jardin et de la musique de la résidence d’Ephraim.
Jimena est donc la grande sœur d’une fratrie de cinq enfants, dont le père est décédé dans des circonstances que je ne connais pas et qui n’auraient que peu d’intérêt ici. Ne reste en tout cas que Jimena et sa pauvre mère fatiguée pour s’occuper de la famille, ce qui la pousse, en tant qu’aînée, à gagner rapidement un sens de responsabilité d’adulte. Elle multiplie les petits travaux afin de rapporter de l’argent, mais cela ne suffit naturellement pas. Alors la jeune scarrath finit par entrer en contact avec son grand-père paternel qui n’est autre qu’un membre du Croc Noir, travaillant en tant qu’organisateur dans la branche du commerce des drogues. C’est ainsi que la carrière de Jimena commença, tout cela dans le but de nourrir sa famille. Elle passa par un bon nombre de tâches criminelles, du transport des drogues à la casse et la menace pour se débarrasser de concurrents. Déjà, elle avait un fort tempérament, de la prudence, une certaine forme de rigueur, et surtout, Jimena avait quelque chose pour nourrir sa détermination. Le bien être de sa famille surpassait tout les autres, elle n’avait pas de doute là dessus. A force de temps et d’épreuve, même tuer ne devint qu’un problème mineur, et car elle était douée de talent et de chance elle grimpa dans la hiérarchie. Sa famille finit par ne plus avoir aucun soucis pour manger, mais Jimena ne s’arrêta pas là : elle voyait plus loin, pensait à l’avenir de ses frères et sœurs. Alors pour leur bien elle continua de monter dans les échelons du Croc Noir, mue par le seul objectif de gagner argent et pouvoir pour le bien de ce qu’elle tenait cher. Il y a, sans doute, une forte noblesse derrière cette idée cependant cela avait changé Jimena. Pas tant son rapport avec sa famille, bien qu’elle ne la voyait que peu, mais son rapport au monde. Elle avait accepté l’idée de devenir une mauvaise personne pour le bien des siens, et même si elle réalisait en gagnant en maturité qu’elle détruisait des vies chaque jour, qu’elle  venait tirer son or à même la chair d’autrui, elle décida tout de même que c’est ce qu’elle devait faire à tout prix. Qu’elle deviendrait quelqu’un de mauvais pour que plus jamais sa famille n’ait à s’inquiéter de rien, et ainsi, n’ait jamais à devenir mauvaise… Car seuls les gens cruels survivaient ici. C’est avec cette idée, que je trouve un peu naïve, qu’elle poursuivit sa quête sans relâche... Alors c’était déjà quelqu’un se nourrissant de la vie d’autrui sans remord… Pour cela, et c’est ce qui exceptionnel, sa transformation en vampire me paraît presque anecdotique. Et il faut dire que quand Curse, le fidèle bras droit de Sharkaan, la transforma, ce n’était qu’une montée en grade de plus. Certes, cela la priva à jamais de la fréquentation de sa famille, mais elle ne les voyait plus depuis longtemps, et continua même après son vampirisme de se renseigner sur l’état de chacun d’entre eux. Elle restait au final une membre du Croc Noir, et même si elle n’avait pas assez de compétences martiales à l’époque pour faire partie de l’escouade des Venins, son vampirisme était bien une récompense pour ses bons efforts. Hélas, un jour elle fut enfermée par les Friedsangs pendant plusieurs années alors qu’elle était en mission à l’étranger… On la tortura dans l’espoir de soutirer des informations sur le Croc Noir, mais son plus grand tourment était l’idée de ne pas pouvoir avoir de nouvelles sur le bien être de sa famille, ici, coupée du monde, coupée même des lueurs du ciel qui l’avertissaient du passage des jours. Cela était bien pire que la douleur qui elle ne lui était déjà pas inconnue. Lorsqu’elle sortit enfin, elle apprit que son monde avait été défiguré ; le croc noir n’était plus et tout ce qu’elle avait construit s’était donc effondré quand qu’elle ne pusse y faire quoique ce soit… Sa première préoccupation quand nous vinrent à Waien fut de partir en Scarrath afin de savoir quel était le destin de ses frères et sœurs, et je lui accorda cela à la condition qu’elle se tienne à son rôle de garde de Néhémie et l’emporte avec elle. Je pense encore que c’était une bonne décision.
Une fois de retour au pays des sables, elle enquêta accompagnée du fardeau bavard et égocentrique qu’est Néhémie. Les débuts durent être difficiles, mais elle avança malgré tout dans sa quête… Sa famille s’était séparée entre les quatre frères et sœurs qui ne purent plus dépendre de l’argent du croc. Le premier frère avait été agressé et tué par des membres de l’iris lors d’une rixe, le second était parti loin en voyage à aurore après le changement de gouvernement, la première sœur était morte de vieillesse avant la chute, et la deuxième continuait plus simplement sa vie de famille à Algor avec son mari. Rien d’intéressant, n’est-ce pas ? Tout était bien simple, au final. La vie continuait, même sans elle, et tous la considéraient morte depuis des dizaines d’années. Jimena n’était plus indispensable depuis longtemps… Sa famille était vieille, si vieille qu’elle en avait des arrière petits enfants. Elle réalisait que le monde qui habitait son esprit n’était plus le présent, et qu’elle était restée en arrière, figée par sa propre immortalité.
Alors Jimena était comme perdue dans le désert. Elle se sentit si vide qu’elle aurait put s’asseoir au beau milieu du néant sans éprouver satisfaction ou déception, ceci pendant des éternités, comme un golem abandonné… Mais Néhémie ne pouvait pas permettre cela. Je n’ai pas entendu ses mots, mais je peux aisément les imaginer tant son esprit et son orgueil sont en vérité purs et simples.
« Ne reste pas plantée là, triple buse. Réalise tu que je ne peux pas bouger sans toi ? Pense-tu que je vais te regarder là sagement et pourrir moi même ? C’est hors de question ! Tu es devenue une mauvaise personne pour le bien d’autrui, et à présent tu ne sais plus pourquoi tuer? Alors je vais te donner une raison de tuer, Jimena. Tu es ma servante, ma domestique, ma bonne à présent, à moi et à moi seul tu m’entends ! Si être mauvaise est la seule chose que tu peux faire à présent, tu n’as pas à t’inquiéter. Là où je passerais, il y aura assez de sang pour te nourrir. »
Jimena déteste les jeunes gens doté d’un tel tempérament… Mais cet impertinent la ramena pourtant au présent. Ce n’était pas encore la fin de sa route, même pour quelqu’un de mauvais comme elle. Elle avait encore des raisons de prendre la vie d’autrui… Pour protéger ce salle gosse qu’elle commença à traiter comme sa seule famille. Quand exactement s’est-elle mise à le considérer ainsi ? Je ne le sais pas. Peut-être après ce discours, peut-être avant, pendant leur voyage. Peut-être eux même ne connaissent-ils pas la réponse à cette question. »
– Et c’est comme ça qu’on finit ? C’est un peu décevant.
Marty, s’était assit au bord de la fontaine, et semblait un peu désappointé d’apprendre que Jimena n’avait au final pas de lourd secret qui révélerait son histoire comme répugnante ou misérable. Kazhaar, juste de l’autre côté de la fontaine, se tenait à présent à l’envers, en équilibre sur ses mains, voyant de nouveau Marty renversé comme le soir où elle avait décidé de commencer ses histoires.
« Dis moi, Marty, n’aimerais tu pas les histoires tristes par hasard ? » Fit-elle en souriant, alors qu’elle levait une des deux mains qui la maintenaient au sol et repliait quatre des doigts de son autre main, se tenait en équilibre parfait sur un seul index.
– Je crois pas que les gens puissent être bien intentionnés, surtout ceux pourris comme elle. Alors cette histoire elle me laisse perplexe.
« Je pense pour ma part que ce monde n'en vaudrait pas la peine si ce genre d’histoire n’était pas possible. C’est une bonne fin. Même si Jimena meurt pour protéger Néhémie, ce sera une charmante fin.
N’est-ce pas rafraîchissant de temps en temps ? »
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Chroniques de Chasse Empty Épilogue du jeu de rôle (1/3)

Message par DALOKA Dim 2 Aoû - 13:04

Épilogue du jeu de rôle sur les Friedsang, terminé sur roll20 en Juillet.


Ibn Zohr

Les batailles de Fanglen avaient pris des tournants amers : les Friedsang réussirent à abattre de nombreux vampires mais furent ultimement défaits, et pendant leurs derniers efforts, les rebelles Waiens tentèrent de reprendre la ville en frappant de l’intérieur. Les forces de l’empire avaient-elles réussi à défendre la ville? Pour Ibn Zohr, qui n’était néanmoins pas politicien, ce succès n’était que relatif. En effet, les rebelles avaient été arrêtés, mais à quel prix ? Pour une force en supériorité numérique, l’empire avait perdu bien plus d’hommes et de moyens matériels. En somme, ces combats avaient été une catastrophe pour tout le monde.
Raison de plus pour quitter la ville discrètement, et rapidement. Le médecin scarrath ne s’était pas fait prier pour se replier sagement dans sa prison, se sentant en vérité plus en sécurité derrière d’épais barreaux et dans l’obscurité. Finalement, parce que les chasseurs de vampires ne revinrent pas, les gardes du bureau communal se dispersèrent, l’endroit devenant trop dangereux, en l’oubliant totalement. Il put alors tranquillement attendre, même si pour être honnête les bruits des épées fracassées qui inondaient l’extérieur du bâtiment ne faisaient pas la meilleure berceuse. Quand le silence redevint roi, il se décida à pointer le bout de son nez dehors, alors que la fraîcheur matinale prenait le pas sur la nuit. L’Empire arrêtait encore des gens pour un oui ou pour un non, il lui suffirait de recroiser un détachement de soldat pour retourner derrière d’autres barreaux : autant alors retourner à la Cour des Miracles. Il n’aurait pas l’occasion de rentrer chez lui y récupérer du matériel, mais y connaissait quelques routes discrètes. Il décida d’éviter à tout prix les ponts, et traversa donc à la nage la rivière sale et boueuse de Fanglen pour passer de l’autre côté de la cour. Épreuve extrême, vu son manque d’endurance et son physique, mais préférable à tenter de jouer les sprinteurs face aux hommes qui gardaient chaque ponts.
Cela ne l’empêcha pas de ressortir de l’eau essoufflé comme deux hommes, gonflant ses poumons à n’en plus pouvoir. A quatre pattes par terre, trempé jusqu’aux os, il fut immobilisé un instant. Et pendant qu’il reprenait son souffle, trois personnages à l’air peu sympathique approchèrent, le toisant de toute leur hauteur.
Un pâle colosse au physique d’athlète et au sourire carnassier, affublé d’un grand capuchon, et ses complices, un petit homme maigrichon et mal rasé, équipé d’une arbalète, et un adolescent aux vêtements sales mais un peu bourgeois, une épée ensanglantée en main.
Les ennuis ne finissaient donc pas.
– Bien le bonsoir Shirk, fit poliment le Scarrath. Content de vous voir encore en vie.
Naturellement, il se moquait du caniche de la Cigale comme de sa dernière chaussette. Mais avait-il le choix ? Lui et ses gaillards n’étaient pas venus simplement le saluer, c’était certain.
– Notre chef a besoin de vous, expliqua le plus jeune du groupe.
– Le moment est mal choisi, vous avez vu l’état de la ville. Je comptais quitter les lieux sans trop m’attarder…
– Je suis d’accord, tonna la voix de Shirk,
alors qu’il se courbait vers le Scarrath. Fanglen n’a plus rien à m’offrir.
– Nous quittons aussi la ville, chef ?
S’étonna le jeune homme.
– Eh bien ça se comprend, fit Ibn Zohr. Réfléchissez, tout les grands acteurs de cette ville, Haynailia, les Friedsangs, les vampires, vous même, ont été affaiblis. Tous sauf Jaco, le roi des mendiants. Le petit rusé a eu la sage décision de ne jamais sortir de chez lui et d’attendre comme les choses évoluaient… Résultat, il n’a perdu aucun de ses lieutenants. C’est le grand gagnant de cette histoire, la ville lui appartient presque.
– Et ce statut quo n’a aucun intérêt,
cracha Shirk. Nous allons rejoindre d’autres charognards, à la recherche de cadavres plus frais à dévorer. Les vrais corbeaux, larbins de Jaco Bouche De Sable ? J'ai des projets plus intéressants.
– A Scarrath on dit que la meilleure façon de gagner au jeu de la guerre est de jouer en dernier. Mais oui, je comprends que cela ne vous amuse pas beaucoup. Ceci dit, qu’est-ce que je peux bien faire pour vous ? Je n’ai plus de mana, ni de matériel.
– Chenorig,
fit Shirk. Elle part avec nous.
– … Et est-ce que vous pouvez m’expliquer comment une telle chose est possible ?
– C’est à toi de savoir. Pas moi.
– Ca va demander une opération sacrément complexe, dans tous les cas. Entre nous je ne comprends pas pourquoi s’accrocher autant à la vie, dans un pareil état. L’euthanasier ne serait pas plus simple ?

Shirk perdit son sourire, lui jetant un regard glacial. Ibn Zohr comprit qu’il n’en serait donc pas question… Quelle plaie. Shirk était-il vraiment attaché à cette chose ? Il ne comprenait pas vraiment leur relation. Mais de toute façon ça ne l’intéressait pas, autant aller droit au but.
– Au minimum trouver une solution nous prendra la journée entière. En croisant les doigts pour que Naja ait quitté la ville et ne revienne pas, on pourra être à l’abri au Nid à Rat un petit moment… Ceci en espérant bien sur qu’on puisse accéder à Chenorig en premier lieu, les Friedsangs pourraient avoir semé le bazar dans cette cave... Durant ce temps, vous devrez me protéger, et continuer de me protéger jusqu’à mon départ de cette fichue ville. Alors j’aiderai mon ancienne collègue. Tope là ?
Shirk lui tendit la main, et redressa aisément Ibn Zohr par la force de son seul bras droit. Le marché était conclu… Même si Ibn Zohr n’avait aucune idée de comment allait-il faire quitter la ville à Chenorig. Mais s’il se montrait trop inutile, alors il pouvait dire adieu à sa vie, et ça ne l’arrangeait pas. Alors il allait bluffer, jusqu’à trouver une solution. Après tout il savait bien faire ça, bluffer.


Dernière édition par DALOKA le Ven 12 Fév - 11:04, édité 1 fois
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Message par DALOKA Lun 3 Aoû - 16:14

Christel

Christel se réveilla, le corps en feu, dans des draps trempés et une pénombre totale. Son premier réflexe, bouger, fut interrompu par des douleurs cinglantes qui abattaient l’entièreté de son corps contre le matelas inconfortable sur lequel elle se reposait, un lit de paillasse. Elle avait encore frais dans la tête les souvenirs de son précédent combat, de la dernière confrontation chez Ephraim à Fanglen… Et de leur défaite à eux, les Friedsang.
Sa solitude ne dura pas. Entra dans la salle, une lampe à huile de roche à la main, sa sœur jumelle. Christa, dont les restes d’élégance et de beauté se battaient en duel avec les cernes, le regard devenu sombre, les cheveux devenus longs, hirsutes et sales. Mais pas de rides. Et pourtant, elle ne ressemblait à rien à la sœur de ses souvenirs, même si son visage n’avait pas tant changé. La lueur ondulante de la flamme lui donnait un air spectral, et creusait les pommettes de son visage amaigri.
– Pourquoi suis-je encore en vie ? Marmonna Christel, l’air hagard, fixant le plafond.
– Grâce à moi, fit sèchement sa sœur. Quand à pourquoi tu as été épargnée, cela, je n’en sais rien.
Ah, Christa l’avait sauvée, encore une fois…
– Qu’est-il arrivé aux autres ?…
– Les autres ? Eh bien Naja s’est enfuie, bien sur.
– Je ne parle pas de ça…
– Oh, oui, évidemment. Nous avons récupéré Hedwige Friedsang aux portes de la mort, le reste n’était plus que cadavres, sauf Elmutt qui est porté disparu, et Éliane qui a dû être emportée par les personajes.
– C’est un échec total… J’ai perdu, une fois de plus, face à Naja alors que j’avais juré de venger Heilwig. Et je n’ai pu sauver personne alors que j’étais la plus forte parmi nous. J’aurais dû m’opposer à ce que Éliane mène l’opération, mais ça ne m’a même pas traversé l’esprit. Résultat… J’ai été un poids, et mes compétences au combat n’ont rien rattrapé. Toutes ces années pour ça… Je suis bien faible, en fin de compte.

Sa sœur marqua un silence tendu, et lorsque Christel se hasarda à observer son expression plutôt que le plafond, elle vit que son expression stoïque se muait en un rictus d’agacement.
– … Tu as raison, fit-elle finalement.
– A quel sujet ?
– Tu es faible, Christel. Eh bien quoi, t’attendais-tu à ce que je te rassure, te pouponne, comme lors de notre enfance ?
– Pas la peine d’enfoncer le clou.
– C’est vrai, même un clou ne rentrerait pas dans ton crâne épais.
– C’est pour m’insulter que tu es venue ici ? Ce n’est pas juste moi qui a perdu, je te rappelle ! C’est nous tous. Toi compris.
– Non,
sourit-elle soudainement. Je n’ai pas perdu.
– Ne plaisante pas, tu as rencontré Kazhaar…
– Et l’ai fait battre en retraite.

Qu’est-ce qu’elle chantait là ? Était-elle finalement devenue totalement folle en passant ses journées enfermées dans ses laboratoires ? Torturer des vampires avait donc fini de dévorer son bon sens ?
– Mais qu’est-ce que tu raconte…
– Oh, je ne l’ai pas battue, ne me fais pas dire ça. Mais nous nous sommes affrontées, et elle a fini par déterminer que fuir lui prendrait moins d’effort que de me tuer, ce qui est déjà une victoire. Qui plus est, si nous comparons nos blessures respectives, mon succès n’est pas à prouver.
– Comment aurais-tu fait une telle chose ?
– De longues séquences de réflexion. Un plan. Des moyens alternatifs. J’ai passé 15 ans à étudier la magie en ce but. Résultat, presque tous les vampires qui accompagnaient Kazhaar Dyra sont morts, et j’ai une chance de plus de réfléchir à comment l’abattre.
– Et les hommes avec toi ?
– Ils sont tous morts, malheureusement. Lorsque j’ai confirmé la présence de Kazhaar à Bloodgorn, j’ai décidé de mener l’assaut.
– Tu aurais dû revenir à Fanglen. Tu as outrepassé ton autorité, désobéi aux ordres d’Éliane et aux directives de Kartsa.
– Je n’ai rien outrepassé. J’étais l’autorité en présence, mon grade et mes origines n’ont pas d’importance. Tout le monde connaît mes compétences, et je n’ai que faire des ordres de cette mijaurée, quelque soit son nom. Quand à la comtesse je crois qu’elle me fait bien assez confiance.
– Tu as peut-être tué beaucoup de vampires, mais tu as emmené tout ces hommes à la mort !
S’énerva Christel, se redressant sur un coude. Ce n’est pas une victoire, ça. Ils ne sont donc rien pour toi ?
– Non Christel, ils ne sont rien. Les Friedsangs ne sont rien pour moi depuis qu’Heilwig, l'homme que j'aimais, est mort. Tout ce qui me maintient ici c’est la lutte contre les vampires. Eux ils sont un moyen, rien d’autre.
– Tu ne peux pas dire ça. Je ne te le permet pas. Tu ne serai rien sans Kartsa.
– C’est vrai, mais il faut se rendre à l’évidence : les chasseurs Friedsang ne font pas le poids, et ne l’ont jamais fait. Ne sont-ils pas plutôt inutiles en fin de compte ? La famille ne peut pas se passer de moi, une lycanthrope, pour tuer Kazhaar. Et moi, je peux bien me passer d’une dizaine d’hommes. Les humains n’auraient jamais dû tenter de chasser les monstres au final, ce n’est pas leur place.

S’entendait-elle ? En disant ça, elle admettait qu’elle était un monstre. Jamais elle ne l’aurait fait auparavant.
– Naturellement, poursuivit Christa avec la même amertume, cela s’applique aussi bien à votre groupe. Deux d’entre vous en fui, et je ne peux pas leur en vouloir. Vous avez misérablement échoué, à partir du moment où l’autre entaché… Quel était son nom déjà ?
– Caieu.
– Oui, voilà. Nous n’avons jamais pu nous supporter, tous les deux. Toujours est-il que lorsque le monstre tombe, ses maîtres suivent peu après.

Tout à coup, Christel réunit ses forces pour attraper sa sœur au col, un regard assassin dans ses pupilles. Elle ne parlait que peu à sa sœur à présent, elle n’avait pas réalisé à quel point elle avait changé pour pouvoir oser dire ce genre de choses.
– Ta gueule, Christa ! Les chasseurs se sont battus et ont exterminé plus vampires que leur propre nombre ! Sans le support promis par la garde !
– Et ? Vous avez tué Naja, oui ou non ?
– Tu m’as très bien entendu. Ne salit pas la mémoire de ceux qui sont morts.
– La force des vampires est individuelle, je vous félicite pour avoir tué Kristoff mais la majorité de votre tableau de chasse est constituée de larbins remplaçables.
– Tu sais que c’est faux. Pourquoi est-ce que tu prends plaisir à rabaisser ces gens ainsi ? Je vois bien ton sourire. Qu’est-ce qui t’as changé pour devenir comme ça ?
– J’ai cessé de croire que je pouvais accéder à une vie normale. Je suis comme toi maintenant, je n’ai plus que la chasse.
– J’en ai rien à foutre, retire ce que tu as dit, excuse-toi.
– Ah ? Et que ferais-tu si je refuse ? Tu te lèverais pour me frapper ?
– Peut-être bien ouais.

Un sourire sardonique aux lèvres, sa sœur saisit cependant sa main et en compressa le poignet avec une force qui, comparée aux muscles affaiblis de Christel, était tout simplement colossale. Sans effort, elle éloigna le bras de Christel.
– Je ne crois pas. Je suis plus forte que toi, je l’ai toujours été mais c’est d’autant plus vrai à présent. Ta force a stagné en quinze ans, la mienne a augmenté. Tu n’as pas progressé d’un poil à mes yeux, et tu ne vas faire que régresser. Quand on y pense, c’était il y a quinze ans que tu avais les plus grandes chances de tuer Naja, c’était probablement ta dernière occasion. C’est sans doute pour ça que Naja t’as laissé en vie alors qu’elle tenait tant à tuer auparavant… A l’approche de 35 ans, toute lycan que tu es, tu es un peu plus faible… Petit à petit, 40, 45 ans. 50 ans. L’écart va se creuser. Tu ne peux pas vaincre Naja, c’est tout simplement impossible.
– Lâche moi…

Elle continuait de serrer.
– Ironique, n’est-ce pas ? Combattre est ton seul talent, et tu n’es même pas infaillible à cela. Sans le combat, sans la chasse, sans toute ces histoires, dans un monde par exemple où les vampires n’existeraient pas, que serais-tu pourtant ? Probablement une ivrogne, en train de te faire culbuter par je ne sais qui dans je ne sais quelle rue…
– LACHE MOI !

Coupée dans son élan d’acidité, Christa laissa finalement tomber le bras de Christel, quelque peu refroidie. Un silence à nouveau. Christel avait du mal à digérer tout ce qu’on venait de lui dire, elle prenait le temps d’y songer un peu… Sa sœur avait peut-être raison. Christel n’avait pas grand-chose à offrir en tant que personne après tout, la chasse lui avait donné une raison de vivre. Mais elle voyait très bien que, plus que vouloir l’aider, sa sœur déchaînait ses frustrations sur elle… Et ça, non.
– Tu es vraiment devenue une salope, dit-elle crûment en retombant dans son lit.
– C’est vrai, admit-elle avec tristesse. Tu ne trouve pas ça triste ? Les dieux m’ont donné à moi tout ces talents, et pas à toi. Je sais que tu es heureuse avec les Friedsangs, les choses ont été faites à l’envers. C’est sans doute moi qui actuellement devrait être une putain sans nom.
Christel ne répondit pas. Elle en avait assez.
– … Schaleweiss est mort, tu le sais ? Fit-elle en fermant les yeux dans ses draps sales. Tu étais proche de lui, non ?
– J’ai récupéré son cadavre.
– Pourquoi ?… Que vas-tu en faire ? Il devrait-être enterré au domaine, non ?
– Cela, ma chère sœur, ça ne te concerne pas. Nous reparlerons de la suite des opérations… Quand tu seras sur pied.

Et elle quitta les lieux, la laissant seule. Christel se lamentait plus tôt de ses échecs, et à raison, il y avait de quoi pleurer, hurler, se fracasser le crâne contre le mur. Mais autre chose la préoccupait. Elle réalisa, bien trop tard, que malgré sa force et son génie sa sœur était bien plus vulnérable aux conséquences des échecs. Christel savait se relever. Elle savait qu’elle était capable de le refaire à nouveau. Mais sa soeur, elle, ne le savait pas. Ses échecs la brisaient de plus en plus, la changeaient définitivement, et Christel ne savait pas comment l’en sauver.
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