Chevaliers de l'Eclipse
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Plume d'un dernier songe

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Message par Edelweyys Jeu 21 Aoû - 18:27

J'en parlais déjà depuis un moment, hein. Donc voilà. J'utiliserai ce topic en guise de recueil pour tout ce que j'écrirai. Que ce soit court ou long, j'posterai tout ça ici. Ce premier OS devait être plus long, j'ai décidé d'en faire autrement parce que je voulais garder la suite pour plus tard... Enfin bon voili voilou. Oh et ne cherchez pas de signification particulière au titre du topic, c'est un truc que je garde depuis longtemps. Bref, c'est donc un flashback sur Edelweyys. Avant qu'elle n'entre à Eclipse et je dirais approximativement trois à quatre ans après qu'elle aie perdu la vue. (Oui on s'en fout de ça et alors?) Soyez gentils, hein. Sivouplé.

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Perle de sang


« La pitié n’est autre qu’une faiblesse d’esprit que l’homme sage ne cesse de commettre… La cruauté, elle, revient à la même théorie. Cependant... Les criminels ne sont pas les seuls à s’octroyer le droit d’être cruels. Lorsque l’homme sage n’est pas là pour te laisser la vie, ce sont des gens comme moi qui s’occupent de rats comme toi. »

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Ton nom.

L’atmosphère lugubre qui régnait dans les sous-sols caverneux de la taverne abandonnée dans laquelle ils se trouvaient était étouffante. Les parois suintaient d’humidité et de nombreuses taches de sang tapissaient déjà la roche du sol, ces dernières étant la dernière trace d’une lutte acharnée avant que l’intruse ne soit maîtrisée et attachée fermement. Une dizaine d’hommes l’entouraient, armés jusqu’aux dents et hargneux de s’être fait découverts. Au milieu de la pièce dont seule une faible torche maintenait une piètre luminosité, trônait une chaise en métal. Elle était assise sur cette même  chaise, pieds, mains et jambes attachés par de solides chaînes en fer qu’elle ne pouvait espérer briser ou même s’en délester. Les hommes qui la détenaient enfermée l’encerclaient, arbalète, lance ou épée à bout de bras afin de lui désister l’envie de tenter quelconque fuite. L’odeur du sang, âcre et poisseux, s’infiltrait dans ses narines comme si l’on lui avait mis sous le nez un tas de cadavres à peine exécutés. De fait, en plus d’être le sien, le sang qui résidait à présent à terre était en grande partie celui de ses détenteurs. L'intruse avait vaillamment combattu avant d’être submergée par le nombre d’ennemis, ayant toutefois réussi à les fatiguer considérablement. En plus d’être pour certains grièvement blessés, son ouïe sur-développée lui permettait d'entendre leur épuisement avec aisance par la respiration saccadée et essoufflée de ses assaillants. D’une part, elle pouvait s’estimer chanceuse de ne pas être plus blessée (seules quelques entailles au visage et certaines plus profondes au niveau du flanc droit), néanmoins le fait restait que la jeune femme n’avait pas été suffisamment à la hauteur que pour se débarrasser d’eux. Elle savait depuis le début qu’éliminer autant d’ennemis, qui plus est des ennemis non pour le moins redoutables de part leur force de frappe, relevait de l’insouciance et qu’elle risquait gros à s’aventurer seule là-dedans, mais sa fierté et son trop plein de confiance en ses capacités l’avait menée à convaincre ses coéquipiers de la laisser tâter le terrain seule. Chose qu’elle regrettait à présent, car elle se trouvait dans une bien fâcheuse situation.
Ton nom !  

Le poing ferme et sale du chef lui percuta la mâchoire de plein fouet. Sous sa force, sa tête décrivit un arc de cercle forcé et elle crut un instant que sa nuque allait lâcher. La douleur dans la partie inférieure gauche de son visage l’électrifia et une grimace arbora ses traits pendant quelques minutes. Après quoi la captive cracha un filet de sang à terre pour après rester tout autant muette. Derrière son agresseur, ses larbins s'agitaient. Il les fit taire d’un mouvement sec de la main puis réajusta toute son attention sur la mercenaire. Le chef du clan douteux qu’elle et ses compagnons traquaient depuis des jours entiers la fixa de ses petits yeux noirs et arrogants. Il empestait, tant lui que ses vêtements pouilleux. Sous l’odeur fétide, la jeune femme aurait bien détourné la tête mais au vu de la situation, ç’aurait été une bien grande preuve de faiblesse et de soumission, ce qu’elle refusait catégoriquement, qu’importe si la situation était critique ou pas. Elle sentit son visage s’approcher du sien par l’odeur. Lorsqu’il ouvrit la bouche pour lui susurrer quelques menaces, de viles petites dents crasseuses et pointues firent mises à découvert. Son haleine fétide embauma le sens de l'odorat de la prisonnière.
Tu vas mourir. Seule et torturée. Tu te souviendras de chaque moment de ta pauvre vie pendant que mes gars et moi on s’occupera gentiment de toi. Tu sentiras ma lame glisser le long de ton cou et trancher ta carotide. Tu t’étrangleras dans ton sang pendant que moi je trinquerais à ta mort ! Tu pensais vraiment pouvoir nous avoir ? Tu te trompes, regarde où t’en es. Pauvre gamine misérable. Il tourna la tête et cracha à terre, là où elle l’avait elle-même fait pour se débarrasser du sang qui baignait dans sa bouche. Cependant… Il fit quelques pas en arrière, toujours en la fixant droit dans les yeux, pour pivoter sur lui-même et désigner l'ensemble de ses hommes par ses deux bras. Mes hommes et moi on te donnera une dernière chance de t’en sortir pas trop mal. À une seule condition. Il s’approcha une fois de plus d’elle, d’un pas rapide. Si tu nous donnes ton petit nom et celui du mec pour qui tu bosses.

Ses réflexions tournaient à plein régime. Assise sur une chaise de métal, attachée et les yeux bandés – car oui le chef avait tenu à les lui bander, au cas où elle mentirait sur son statut d’aveugle –, la jeune mercenaire était dépouillée de tout moyen risquant de la sauver de sa situation. Ses armes et sa cape avaient été placés dans une autre pièce lorsqu’elle fut hors d’état de nuire, les gardes jugeant trop délicat de les garder dans la pièce même. Elle se prit à respirer nerveusement, et régla immédiatement sa respiration, en expirant et inspirant de manière calme et posée afin de ne surtout pas perdre son sang-froid. Une brise légère vint gémir à ses oreilles, ce qui lui permit de connaître la localisation plus ou moins exacte d’une possible fenêtre, ou porte. Ses oreilles frémirent. À quelques mètres de la chaise métallique, vers la gauche, se tenaient deux gardes assez rapprochés, discutant à voix basse. Le léger souffle de vent qu’elle avait perçu plus tôt semblait venir de cette partie de la pièce. Pièce dont elle ne connaissait pas la superficie exacte mais dont elle en jugeait par l'écho et la répercussion immédiate des bruits sur les murs qu’elle ne devait pas être fort spacieuse, plutôt restreinte au strict nécessaire. Devant elle, Jian Konor – c’était son nom – fit comprendre d'un bref signe de la main à plusieurs de ses hommes de quitter la petite salle, afin qu’il ne se retrouve qu’avec un nombre de gardes minimum s’il ne lui arrivait quelque chose. Un rictus mauvais s’étendit sur ses lèvres lorsqu’il s’approcha à nouveau de sa proie. Seuls restaient la jeune femme, son futur bourreau et quatre vigiles veillant sur la porte. Le métal froid du poignard que Jian tenait entre ses mains vint lentement embrasser la chair de la nuque de la captive, y laissant une fine marque. Du sang s’y écoula en un long trait fin, le chef ricana.
C’est dommage, tu viens tout juste de brûler les quelques chances qu’il te restait de ne pas crever torturée… Il hocha la tête négativement, en fermant les yeux. Lorsqu’il les rouvrit, une flamme mauvaise y dansait et il planta sa dague sous la gorge de la mercenaire. Protéger ce mec ne sert plus à rien, tu vas mourir. Alors dis-moi gentiment comment tu t’appelles et comment il s’appelle. Je lui enverrais ta tête pour qu’il sache que t’as lamentablement échoué, et qu’il est sur le point de crever aussi. Il força sur son cou, le tranchant de la dague pénétrant un peu plus sa peau. C’est ta dernière ch…

Une masse vint brusquement percuter la porte de fer et des gargouillis d’agonie retentirent de l’autre côté. Jian leva la tête, fixa la porte de manière incrédule puis pesta. Ayant compris qu’une faille de sa garde d’assez grande envergure avait été découverte par quelqu’un, et que cette personne était parvenue à s’introduire dans les sous-sols, il accéda à une colère sans nom. Jian Konor hurla de fureur et planta inopinément son arme dans l’épaule de la jeune femme pour ensuite lui affliger de son poing un deuxième coup qui, sous sa force, la fit choir, elle et sa chaise. Sous la surprise, elle ne put réprimer un hurlement de douleur. La souffrance la prit de toutes parts et tout son corps en fut rapidement submergé. Se recroquevillant autant que ses chaînes le lui permettaient, ses plaintes – qu’elle aurait plus que tout souhaitées silencieuses – retentissaient inlassablement dans la pièce. Les quatre gardes protégeant la porte se tenaient en position de combat, les muscles bandés et leur attention fixée sur la porte menaçant à tout instant de céder. Un des leurs fut éjecté à quelques mètres de là par leur propre chef, furieux. Ce dernier les chassa de la porte et leur ordonna de veilleur sur leur otage. Jian ouvrit violemment la porte métallique, qui claqua contre la paroi de roche en un bruit assourdissant. De l’autre côté, l’endroit était désert. Seuls gisaient trois hommes nageant dans leur propre sang, la gorge tranchée ou une flèche plantée entre les deux yeux. Jian n'hésita pas un instant et marcha sur les corps de ses hommes, la mâchoire crispée, les poings tremblant de fureur, et hurlant à qui voudrait l’entendre que si l'intrus osait ne serait que pointer le bout de son nez, il trouverait la mort sous ses mains. Le chef s’élança alors, vociférant des paroles incompréhensibles, traquant seul la personne à l’origine de l’intrusion.

Un des gardes s’avança prudemment vers la souffrante, toujours attachée à la chaise, le visage plaqué contre la pierre froide du sol. Sa respiration était rauque, ses cheveux en bataille et ses traits douloureux. Du sang s’écoulait de la plaie créée par le poignard, toujours planté dans son épaule, et son bras entier commençait lentement à s’engourdir. Si la douleur émanant de son épaule était déjà importante, la torture mentale que pouvait s'infliger la captive l'était tout autant. Elle avait échoué, complètement échoué et les dieux savaient que l'échec pouvait lui être insupportable. Et pourtant elle était là, étendue sur le sol froid dans un état de souffrance et de fatigue plus que pitoyable. Son corps était parcouru de spasmes irréguliers, un seul mot se répercutant continuellement dans sa tête ; échec. Ses paupières se fermèrent doucement, tandis que sa blessure la tordait de douleur. Puis, soudainement, quelqu'un lui empoigna ses cheveux et la souleva. À nouveau, un hurlement de douleur fut difficilement réprimé. Une fois assise, l’homme qui l’avait tirée du sol s’approcha de son visage. Un souffle chaud désagréable vint caresser ses pommettes. Une main se posa lourdement sur le poignard fiché dans son épaule et appuya dessus, l'enfonçant un peu plus. L’élancement s’accentua de plus belle. Les traits de la jeune femme se déformèrent en une grimace témoignant de sa souffrance. Le garde passa un doigt crasseux sur la joue de l'aveugle et remonta jusqu’à sa vieille cicatrice. La mercenaire détourna la tête afin de se débarrasser de la déplaisante caresse. Si seulement... Si seulement elle pouvait se détacher. Elle leur arracherait les yeux et leur trancherait tous la gorge.

Soudain, une flèche siffla dans l’air. L’homme  face à elle vacilla un instant puis chuta, la flèche, tirée un peu plutôt, plantée entre ses deux yeux. Derrière elle, les trois autres gardes s’ébranlèrent. Deux autres hommes étaient arrivés et il ne lui fallut que quelques instants pour déterminer leur identité. Deux de ses coéquipiers. Un large sourire s’étira sur ses lèvres, puis s’effaça lorsque l’élancement de son épaule reprit. Un garde chut, raide mort, une plaie béante saignant abondamment à la poitrine et la nuque brisée. Les deux gardes restant étaient tous deux armés d’un sabre à double tranchant. Les épées des deux partis s’entrechoquèrent, tandis que la jeune femme trépignait d’impatience à être libérée. L’adrénaline coulait à nouveau dans ses veines, son ardeur naturelle reprenait à nouveau le contrôle sur ces émotions futiles qu’étaient le découragement ou l’abandon. À nouveau, le bruit sourd d’une chute parvenu jusqu'à elle. Un seul garde était encore debout. L’un de ses compagnons ordonna à l’autre de s’occuper de l’homme tandis qu’il la libérait. L’autre acquiesça et redoubla d’acharnement quant à son combat contre le dernier garde. La jeune femme sentit indistinctement que son frère d'armes jetait quelques petits coups précis sur ses liens à l'aide d'une dague, ce qui suffit pour que quelques secondes plus tard, ses chaînes se brisent d'elles-mêmes. Alors qu’elle se massait les poignets, son coéquipier s’occupa des chaînes restantes. Une fois debout, elle jouit vraiment pour la première fois de ce qu’était sa liberté. Se savoir liée à des chaînes lui devenait insupportable. L'aveugle allait remercier son sauveur quand, derrière elle, le dernier garde se laisse choir en arrière. À côté du dernier garde, agonisant, son autre coéquipier tomba à genoux, un sabre traversant sa poitrine. Il sourit tristement, hocha la tête doucement et chancela quelques secondes avant de s’effondrer sur le sol. Son ami, à côté d’elle, serra les points et jura. Cela ne servait à rien de le déplorer leurs morts pour l’instant, ni de s’effondrer à leurs côtés. Il était mort. Leur objectif était de sortir à tout prix, de fuir. Sans un mot, son coéquipier lui tendit sa cape et plusieurs de ses dagues. Elle voulut esquisser un sourire de remerciement, mes ses valeurs le lui interdisaient. Par son inconscience, un des leurs étaient morts, et elle ne savait rien de l’état des autres. La jeune femme serra les poings et attrapa ses affaires. Sa cape sur le dos et deux dagues dans ses mains, une fureur froide guidait à présent ses pas.Si la mercenaire ne s'octroyait le droit de ressentir des émotions, la colère était la seule qu'elle ne pouvait se refuser, elle en était incapable.
À peine la jeune mercenaire se tourna-t-elle vers son ami que ses yeux vides s’écarquillèrent, le souffle de l’homme l’ayant sauvée avait disparu. Et pour cause ? Jian était là, son épée ayant tranché la majeure partie du torse de son allié.

Edelweyys, hein ? Edelweyys Pilkann ? C’est ça ton nom ? Lança Jian en délestant son épée du corps en le poussant avec son pied.

Le chef du clan s’avança lentement vers elle, la pointe de son arme léchant le sol dans un grincement pénible. La prénommée Edelweyys demeura immobile, régulant sa respiration afin de garder son sang-froid, tenant fermement ses dagues, prête à dégainer à tout moment. Son capuchon, son emplacement original lui ayant été restitué, cachait à nouveau ses traits. Jian Konor tourna autour d’elle comme un lion en cage puis se stoppa et la toisa.
Comment je le sais ? Ah, c’est une bien triste histoire. Un grand sourire vint flotter sur ses lèvres pour finir en un rire mauvais. J’ai choppé une fille, Hanna qu’elle s’appelait, je crois. Je l’ai attrapée à essayer de fouiner dans mes affaires. Elle a tellement été surprise que je la trouve qu’elle n’a même pas bougé d’un poil. Alors on a discuté à ma manière... Faisant glisser, avec toute la délicatesse dont je fais preuve, mon épée, il désigna son arme actuelle, sur chaque parcelle de son corps. À la fin, ta coéquipière avait tellement mal qu’elle m’a supplié de l’achever. Il rit gravement, rejetant sa tête en arrière à chaque spasme d'hilarité. T’aurais dû voir sa tête ! Il fit la moue, imitant grossièrement la voix de sa coéquipière. « Pitié, pitié, je vous en supplie ! Arrêtez, arrêtez ! Achevez-moi une fois pour toutes… »

Les intentions premières de Jian étaient de la provoquer pour que ses mouvements soient guidés par sa colère afin qu’il puisse facilement l’éviter et l’abattre aisément. Toutefois, il n’aurait pas su le prendre en compte, un des grands atouts d'Edelweyys, en plus de percevoir avec une grande précision ce qui l’entourait, était que sa fureur ne la rendait pas prévisible - loin de là - et que son sang-froid était toujours contrôlé. C’est cela qui, en grande partie, menaient à la réussite ses missions. Ses yeux se fermèrent doucement tandis qu’elle tentait de visualiser le terrain grâce aux sons de la salle. Jian la fixait, un rictus tordant les traits de son visage. La jeune femme soupira. La colère de se sentir démuni, sans homme, et l’adrénaline d’être certain de pouvoir l’éliminer rendait Jian très prévisible. Sa position était instable et il se balançait, d’un pied puis l’autre, tout en tenant son arme d’une poigne légère de fermeté. Ses petits yeux lançaient des regards fous à la mercenaire. Il ne tenait aucune défense. Le verdict était lancé depuis longtemps. Edelweyys se tenait droite, les bras le long du corps et le souffle discret, posé.

Avec un grognement sourd, l’homme s’élança, épée à la main. Son front dégoulinant de sueur et sa garde inexistante, son visage était à nouveau déformé par l’évidence de son échec. Jian lança un premier coup droit devant lui, espérant la toucher de face. D’un pas sur sa gauche, la jeune mercenaire évita aisément le coup. Sa position étant désespérément instable après la première attaque, elle lui porta un premier coup au niveau de l’omoplate. Toutefois sa blessure à l’épaule l’handicapant considérablement, ses mouvements en étaient par conséquents restreints. L'encapuchonnée fut donc surprise par la vitesse à laquelle Jian s’était remis de son coup, lui portant lui-même un coup fulgurant au flanc droit. Edelweyys chancela quelques instants avant de se remettre dans un position stable, jambes légèrement écartées, son poids étant répartit sur ses deux pieds.
L’un était au bout de la pièce, l’autre en face de lui. L’homme la toisait durement, tandis qu'Edelweyys fixait le sol de son regard vide. Des gouttes de sueur perlaient sur le front de l’adversaire de cette dernière, tandis que de son épée s’égouttait le sang frais de ses camarades. Si elle ne pouvait le voir, elle pouvait cependant le sentir et l’écouter. Son propre sang s’écoulait toujours de son épaule et, à présent, aussi du flanc. Le liquide écarlate avait dessiné sur ses vêtements de longues traces rouges tandis que ses blessures la brûlaient de toutes parts. L’aveugle essuya d’un revers de la main le sang mélangé à la sueur qui occupait son visage. L’homme en face d’elle ne se décidait pas à bouger, trouvant ça curieux et étrange, Edelweyys avança d’un pas. Un souffle chaud derrière elle mit en alerte tous ses instincts. Elle ne s’était pourtant déconcentrée que quelques secondes… En était-ce réellement le résultat ? De toute la fluidité dont la mercenaire était capable, elle tenta d’éviter le coup à la nuque que projetait Jian de lui porter. Cependant, cela ne suffit pas car en plus d’un violent coup sur la tempe gauche, la force du chef de la bande l’envoya quelques mètres plus loin, dos à terre et souffle coupé. Des coups d’œil affolés autour d’elle prouvaient que le choc avait perturbé ses sens et qu’elle avait perdu son sens inné de la perception. Jian, lui, ricanait tout en laissant tomber derrière lui son épée puis se baissa sur sa rivale.

C’est donc tout ce dont tu es capable, Pilkann ? Il rit gravement, tout en appuyant une main sur l'épaule blessée de la jeune femme. Je m’attendais à bien plus de ta part, tu semblais si… Prompte à m’abattre et tu puais la conviction d’en être capable. Jian se pencha sur Edelweyys et sortit de sa ceinture un poignard, qu’elle sentait recouvert de sang frais. J’ai achevé ta jolie coéquipière avec ça. Plus tard, quand je t’aurais abattue et que j’aurais fini de te regarder t’étouffer dans ton sang, je t’arracherais les entrailles comme je l’ai fait avec la petite Hanna et je les donnerais à bouffer à mes chiens. Il appuya sa lame sur sa gorge, à l’endroit exact où se situait sa carotide. Un filet de sang s’écoula le long de son cou. Quand même, quel dommage d’avoir gâché une si jolie fille… Je me la serais bien gardé pour une nuit ou de-…

Edelweyys grogna, son sang battait violemment ses tempes. Jian n’eut probablement pas le temps de voir ce qu’il lui arrivait. Si sa colère avait toujours intimidé bon nombre de personnes, la fureur froide qui guidait à présent ses moindres gestes allumait une flamme sombre dans ses yeux vides. Effrayé, l’homme cligna plusieurs fois des yeux afin d’être certain de ce qu’il voyait. Ces secondes lui furent de trop et le firent avancer un pas de plus dans sa tombe. D’un coup sec du bassin, la mercenaire le fit rouler sur lui-même et attrapa furtivement le poignard que tenait Jian pour le poser non-loin d’elle. D’une main, elle plaqua son bras droit au sol. De l’autre, elle lui trancha le poignet avec une de ses propres dagues. Le chef hurla d’un cri rauque de douleur, tandis que son sang s’échappait sur la pierre froide du sol. Son corps tenta plusieurs d’éjecter celui de l’aveugle, se démenant comme un diable en chaînes. Y remédiant sans tarder, Pilkann attrapa sa deuxième dague, traça lentement une marque sur toute la longueur de son bras gauche puis planta brutalement l’arme un peu plus bas que son épaule, à quelques centimètres de son cou. Nouvel hurlement de douleur. Alors que la flamme sombre qui dansait dans ses yeux brillait toujours, Edelweyys sourit doucement. Si elle ne pouvait voir ses traits douloureux, sa respiration saccadée et ses cris n’en étaient que plus délicieux à l’écoute. Par des gestes d’une lenteur exagérée afin de laisser souffrir son adversaire, elle se remit sur pieds en prenant soin de reprendre sous ses yeux le poignard de Jian. À côté de lui l’hémorragie due à l’absence de sa main droite ne cessait de s’accroître, une grande tâche écarlate commençait déjà à entourer son avant-bras. Un des pieds de la jeune femme vint s’appuyer sur le haut du sternum du souffrant, pour se pencher sur le visage de l’homme.
Nous y voilà, Jian, souffla-t-elle d’un ton froid. Dis-moi, à quel degré évaluerais-tu ta douleur ? Car tu sais, j’ai encore la possibilité d’augmenter ça. Son pied s’appuya encore un peu plus sur sa cage thoracique, lui coupant le souffle. Les yeux de l’homme s’écarquillèrent, il tenta de parler et s’agitait en tous sens pour essayer de se libérer. Ça ne vaut pas la peine de te démener comme ça, Konor. La mercenaire se pencha de plus près et à la place de son pied vint se poser son genou, ses yeux brûlant de colère, elle s’approcha de l’oreille de sa proie. Tu vas crever, fit-elle en insistant sur chacune des syllabes.

Le poignard qui était alors fiché dans son épaule lui ouvrit la moitié du torse, lui décrochant un autre cri, plus empreint de souffrance que les autres. Son visage était couvert de sueur et totalement tordu par la douleur. Il se mordait la lèvre inférieure, ses yeux –clos– se plissaient de plus en plus à mesure que ses blessures le brûlaient de l’intérieur. Son sang se répandait sur sa poitrine, les mains d’Edelweyys en étant recouvertes. La plaie béante de son torse ne cessait de lui arracher des gémissements, mais Jian Konor était résistant, il ne lâcherait pas prise sur sa vie aussi facilement. Son corps se roula sur le côté et il tenta de se tenir sur ses jambes. Une fois chose faite, il se tint devant son bourreau. Un flux considérable du liquide écarlate s’écoulait de ses blessures, et si l'ancienne captive ne l’achevait pas de sa lame, il se viderait lui-même de tout son sang. Sa vue se troublait et ses jambes ne tarderaient pas à le lâcher -il en était sûr- mais il se refusait de flancher aussi aisément devant une mercenaire telle que Pilkann.
S-salope… Susurra-t-il à l’intention de la jeune femme, tout en s’approchant d’elle de quelques pas.
Il s’appuya sur ses hanches pendant un instant et inspira profondément. La résistance dont l’homme faisait preuve était stupéfiante. Rester en vie après de telles blessures… Son statut de chef du clan noir le plus recherché à  Waien ces dernières semaines lui était largement mérité. Dans son dernier élan de force et d’adrénaline, ce dernier élança son poing fermé vers elle. Edelweyys évita le geste avec facilité et le projeta à terre d’un violent coup de pied dans le bas dos lorsqu’il fut derrière elle. Jian s’écrasa sur le sol en une plainte sourde, face contre terre. Quelques secondes se passèrent alors qu’il ne se releva pas. La femme à la cape souffla d’ennui.

C’est tout ? Tu comptes mourir comme ça ? Relève-toi, Jian ! Claqua Edelweyys d’un ton froid, à en être effrayante. Je n’aime pas exécuter des incapables tels que toi alors qu’ils ne se battent même pas de manière convenable, sans une once de volonté.

L’interpellé ne semblant toujours pas vouloir se remettre sur pieds, Edelweyys  le poussa sur le côté à l’aide de son pied pour y découvrir un homme à moitié mort avec très certainement plus de la moitié de son sang hors du corps, celui-ci en étant presque entièrement couvert. Prise d’une pulsion soudaine, une poigne de fer s’empara du col de Jian et le souleva comme s’il n’était plus que plume pour l’écraser contre le mur. Le choc ne lui fit échapper qu’une autre plainte sourde, une expiration silencieuse, des bribes de son dernier souffle. L’aveugle grogna et s’empara d’un geste du seul poignard qui lui restait, l’arme de Jian qu’elle avait un peu plus tôt accroché à sa ceinture. La lame était – elle devait l’avouer – une très belle arme. Le manche, en cuir, était lacé par de fines cordes elles-mêmes en cuir noir et la lame se teintait tantôt d’un gris aux reflets noirs, tantôt d’un bleu sombre. Longue d’une vingtaine de centimètre, un espace vide séparait l’arme en deux sur dix centimètres – approximativement – pour se lier à nouveau avant la pointe. Si un côté paraissait lisse, l’autre était parsemé de petites dents. Elle ne doutait plus du tranchant mortel de l’arme, si en plus d’une lame en valium elle avait été forgée pour déchiqueter n’importe quoi. Alors qu’Edelweyys s’était laissée distraire par l’arme, Jian, devant elle – toujours dos au mur –, rendait peu à peu l’âme.
Je ne te laisserai pas t’en aller aussi facilement, sans que ce soit moi qui mette fin à ta misérable vie, Konor…

Si dans les yeux du souffrant se lisait une certaine détermination, l’aveugle ne pouvait le voir. Mieux, son ouïe lui permettait d’entendre les battements affolés de son cœur et la respiration lente et fuyante de son captif. C’était un don dont elle se délectait un peu plus chaque fois qu’elle se retrouvait face à une ordure de son espèce, chaque fois que ses proies voyaient dans sa façon de se mouvoir et de parler leur future mort. Un petit sourire s’étendit sur ses lèvres fines…

Quelques secondes lui suffirent largement. Son corps lentement pivota, sa main droite lâcha prise sur le poignard en valium recouvert de sang frais, et sans jeter un regard en arrière se dirigea à pas lourds vers la sortie.
Derrière elle, Jian Konor gisait, assis dos au mur, la gorge tranchée, s’étranglant dans son propre sang. De nombreux gargouillis d’agonie résonnaient dans les sous-sols de la taverne, et la mercenaire en apprécia le son de chacun. Jian Konor était mort ainsi que toute sa bande, certes. Leur mission était accomplie. Mais à quel prix ? Ses compagnons étaient tous morts.
Alors qu’elle n’était plus qu’à une ou deux dizaines de mètres de la surface, Edelweyys tomba sur le corps en charpie d’Hanna. Recouverte de sang et d’organes vitaux, le corps de la petite blonde était lacéré profondément, son visage n’était plus qu’un amas de lambeaux de chair et de liquide écarlate. Si elle n’avait pas connu la jeune mercenaire auparavant, l’aveugle aurait eu bien du mal à reconnaître son corps tant il était déchiqueté. Le sang enivra ses narines et sa tête lui tourna. Ses jambes lui faussèrent le support et elle tomba à genoux, juste à côté du corps sans vie. Un hurlement de rage résonna longtemps dans les tunnels des caves. Edelweyys frappa brutalement un de ses poings au sol et un craquement sinistre se fit entendre. La douleur la prit de pleine face et elle hurla de nouveau. Les flammes sombres dansant un peu plus tôt dans ses yeux s’éteignaient peu à peu.

À l’extérieur, un orage éclata. Les éclairs ainsi que la pluie tombèrent brutalement sur la terre ferme et voir à plus de quelques pas devant soi devint impossible. Un vent d'une force titanesque vint balayer le sol et la flore environnante eut bien du mal à ne pas se laisser emporter par les bourrasques. Elle sortit néanmoins de la taverne, le regard plus absent qu'à son habitude, ses yeux fixant un lointain horizon. La pluie se chargea rapidement de la tremper jusqu'aux os tout en nettoyant ses blessures d'où le sang affluait toujours, alors que l'aveugle se laissa lentement choir à terre. Ses genoux rencontrèrent la terre humide et froide, son dos s'arqua légèrement afin que son visage fasse face au ciel et ses mains lâchèrent prise sur les poignards qu'elles tenaient.

Si l'averse avait déjà parsemé son visage de fines gouttes de pluie, un rayon lunaire put accrocher la goutte - d'une toute autre nature - qui lui perlait au coin de l’œil. Cette même perle couru le long de sa joue jusqu'à rencontrer la fine marque d'une de ses blessures, d'où une autre perle - de sang cette fois-ci - s'écoulait. Les deux liquides fusionnèrent, puis une larme d'une couleur rouge écarlate fini sa course pour s'écraser sur terre.
Ses poings se crispèrent, son visage se tordit une énième fois de douleur.

Elle se retrouvait à nouveau seule.






//Oui, ça se doit d'être un peu beaucoup cliché, sur certains points et beaucoup de choses peuvent vous sembler encore floues étou, mais dans ma tête tout a une raison, ça viendra au fur et à mesure. Oh et pour ce qui est du cliché... Edelweyys est un peu un cliché en elle-même, alors bon. =3=//
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Message par Edelweyys Mer 1 Oct - 14:54

C'est parti pour le deuxièèèème /o/ (et la quatrième fois que j'essaye de reposteeeeer) Bonne lecture les enfants.

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Cauchemar d'antan


« Le passé seul entrave le présent, le reste n'est qu'illusion. »

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La mer, en cette fin de journée plutôt nuageuse, était particulièrement agitée et le souffle du vent ne cessait de s’accroître en puissance. Une lune ronde et pleine projetait son reflet dans les vagues tumultueuses pour venir s’écraser contre les énormes blocs de roches longeant la plage. Le vent devint rapidement glacial au fil des heures, et la température ambiante faisait de même depuis longtemps. Un temps plus qu’exécrable régnait en maître absolu sur l’endroit.

Toutefois… Une silhouette parfaitement découpée, se tenait droite, debout, au beau milieu de l’amas rocheux. Le souffle titanesque avait beau battre son visage et ses cheveux. Les vagues, s’écrasant contre les blocs de pierre, avaient beau la menacer de mort à chaque rouleau s’approchant d’elle. La pluie, fraîchement tombée, avait beau lui fouetter les joues et la tremper jusqu’aux os… Elle restait de marbre. Le regard absent, les yeux rivés vers l’horizon dissimulé par un brouillard épais, elle ne cillait pas. Les battements de son cœur étaient d’une lenteur affolante, sa respiration était presque inaudible. Ses traits étaient comme figés dans le temps, une telle immobilité relevait de l’inhumain. Puis finalement, elle crispa son poing droit et sa main s’entoura d’une aura sombre pendant quelques instants. En une fraction de seconde, la silhouette s’était armée d’une longue et élégante épée noire. Si ladite épée avait pu l’écarter de tout ce qu’elle chérissait, au fil des années l’arme était devenue une partie d’elle. Sa présence lui procurait un vague réconfort et se battre avec elle était un réel plaisir, ou toutefois ce qui pouvait ressembler à du plaisir. L’épée, inlassablement, luisait d’un noir plus profond que la nuit. Son armure cliqueta quelque peu lorsqu’elle s’ébroua lentement afin d’enfin sortir de sa transe. Un long soupir s’échappa de ses lèvres fines alors qu’elle fit volteface. Son visage aurait pu être attirant s’il n’avait pas été si sombre. Une maigre mèche de cheveux plaquée sur son front, la jeune femme portait des traits durs. Ses cheveux étaient attachés en une longue queue de cheval qui battait sa nuque inlassablement. La poigne détenant l’épée raffermit sa prise, tandis que la femme en armure s’éloigna hâtivement de la vaste étendue d’eau.
Une fois par mois, elle revenait en ces lieux froids et mornes que n’importe qui aurait voulu fuir. N’importe qui… Sauf elle. Les quelques pauvres habitants peuplant cette région reculée de Nurenuil s’était finalement habitués à voir mensuellement une des femmes les plus connues du continent pour sa puissance et son grade prendre place dans la petite auberge du village et y loger pour une nuit. Le lieu aurait pourtant dû la hanter pour le reste de ses jours, la jeune femme appréciait cependant le voyage. Du moins, de toute l’appréciation dont elle pouvait à présent faire preuve.
Si les années avaient passé, le traumatisme subit ne s’en estompait pas pour le moins, c’est donc en guise d’hommage et par un profond amour passé qu’elle se rendait au village natal de son ancien amant.

Comme à son habitude, un calme parfait dominait la taverne et les lieux environnants, et c’est donc aussi par habitude que lorsque la marche grinça alors qu’elle y posait son pied que la maîtresse des lieux vint lui ouvrir la porte de l’auberge… Mais c’est avec étonnement que la femme en armure découvrit sur le pas de la porte une jeune femme dont les traits lui étaient plus que familiers. Ses longs cheveux bruns, en bataille, encadraient un visage finement taillé, marqué cependant par des yeux fatigués dont les cernes avaient atteint un niveau affolant.


-Lyra… Nous t’attendions… Fit la jeune femme, à voix basse.

La prénommée Lyra, sans un mot, entra silencieusement dans l’humble bâtisse qu’était l’auberge. Les lieux étaient bien plus silencieux qu’à la normale. Personne ne pipait mot, tous étaient répartis sur plusieurs tables. Ce n’est que lorsque Lyra dû s’approcher un peu plus d’eux pour atteindre le comptoir qu’ils, pour la plupart, levèrent la tête un instant pour s’empresser aussitôt de baisser le regard. Elle les avait toujours un peu effrayés, toutefois la situation actuelle semblait plus particulière. Jetant un rapide coup d’œil à la jeune femme l’ayant accueillie, elle comprit aussitôt.
-Que s’est-il passé ?
-Je ne sais pas…
Elle baissa les yeux pour fixer le sol, aux bords des larmes. Personne ne sait. C’est arrivé, un jour, comme ça… Je… La jeune femme essuya du revers de sa manche une première larme, mais ne put réprimer un léger sanglot. Je -... Je pense qu’elle n’a rien voulu nous dire… Je la trouvais particulièrement faible ces derniers temps, mais de là à ce que… Enfin… Que…

Lyra posa une main sur l’épaule de la jeune fille, et hocha la tête avec un semblant de compassion.
-Où est-elle ?
-Mère… Mère est à l’étage, dans la chambre… Dans la chambre d’Ethan.
Fit-elle, en détournant le regard à nouveau.

Les doigts fins de la jeune femme se crispèrent soudainement à l’entente du prénom masculin. Gardant cependant la tête haute et droite, Lyra remercia d’un signe de la tête la fille de la maîtresse des lieux puis, toujours sans un autre mot, se dirigea vers les escaliers, à l’arrière de l’auberge, menant à l’étage supérieur. Si elle ne s’accordait que mensuellement l’envol de ses pensées vers son ancien amour, l’entente de son prénom était toujours après tant d’années une chose difficile. Et pour cela, sa Sarth, Zenophia,  accomplissait merveilleusement bien son travail, car elle ne faisait que souffrir plus encore de sa perte. Cela faisait bien des années qu’elle n’était plus qu’un corps dont l’âme avait été emportée par la douleur, en plus des effets dévastateurs de l’épée.
Sous son poids, le plancher en bois ne cessait de craquer, chose qu’elle dépréciait fortement au vu du calme auquel elle était habituée. L’étage était désert en plus d’être relativement étroit. Arrivée en haut des escaliers, Lyra put constater un maigre couloir menant à trois pièces. Une menait à la réserve, l’autre était occupée habituellement par les deux femmes et la dernière était naguère occupée par le fils aîné. Au fond, en retrait par rapport aux autres, la lumière naturelle provenant de la fenêtre en face illuminait ridiculement la porte en vieux chêne menant à son antre dont lui avait à maintes reprises parlé Ethan, autrefois. S’efforçant de toute sa volonté de ne faire aucun bruit, la jeune femme parvint non sans peine à la porte. Raide et emprunte d’une émotion qui lui était méconnaissable, elle tendit la main vers la poignée pour se raviser lorsqu’elle ne fut plus qu’à quelques centimètres. L’endroit avait toujours ravivé de mauvais souvenirs mais, malgré le temps passé, Lyra avait toujours catégoriquement refusé de faire un pas dans cette partie de la maison. De la pièce émanait une atmosphère qu’elle répugnait et l’idée d’entrer dans cette pièce sans lui, lui était parfaitement inconcevable, insupportable. C’est alors avec appréhension qu’elle finit par poser sa main sur la poignée en bronze, lentement, la gorge nouée. Avec un grincement déplaisant, la porte s’ouvrit sur une petite pièce, toute de bois faite, dont un seul petit lit et une armoire en faisait l’inventaire. C’est à la vue du corps pratiquement inerte, gisant sur le lit, que, le souffle coupé, Lyra se stoppa. Le sourire chaleureux de la maîtresse des lieux avait toujours fait en sorte qu’elle ressente un semblant de confort en ces lieux qu’elle redoutait plus que tout, jadis. À présent, son visage semblait plus creusé par les cernes que quiconque, pâle à l’effrayant et de ses traits ne ressortaient qu’une douleur intérieure. Ses jambes la guidèrent en silence vers le corps presque sans vie de la seule femme qui l’ait vraiment aidée après le massacre de Macise. C’est elle qui, quelques mois après son élévation au sein du cercle des Chevaliers Saints d’Arzteingard, d’elle-même, la contacta, se proclamant au courant d’informations capitales concernant le criminel que la jeune femme recherchait depuis plusieurs semaines, sachant que si elle s’annonçait mère de son défunt amant le nouveau Chevalier Saint refuserait de la recevoir. C’est ainsi que leur rencontre se déroula, bien que Lyra, encore assez instable lors de grands secouements émotionnels, fut à quelques doigts d’abattre la vieille femme lorsqu’elle lui informa la vraie raison de sa venue. C’est après s’être calmée que la pauvre femme s’expliqua, précisant qu’elle était au courant de la relation qu’elle avait pu avoir avec son fils grâce à une lettre qu’il lui avait envoyé, quelques jours avant sa mort. Leur première rencontre fut très courte, après s’être présentée, la vieille femme s’était levée de sa chaise en ne laissant que sur un bout de papier le nom du village où elle habitait, tout en affirmant qu’elle était la bienvenue dans son humble village, qu’importait l’heure ou le temps.
Son premier voyage vers Nurenuil ne se déroula que plusieurs semaines après l’apparition de la mère d’Ethan, et si sa première visite fut douloureuse en émotions, Lyra finit par prendre l’habitude de s’y rendre et d’être accueillie si chaleureusement qu’elle s’y sentait presque chez elle. Voir cette femme si aimante dans un si piteux état lui était difficile, Lyra ayant fini par la considérer comme une mère.

Sur son visage se dessina alors un doux sourire, un sourire soulagé.

-Ah… Tu es donc enfin arrivée, ma chère petite Lyra, murmura une faible voix. Approche, je t’en prie…

À pas lents et mesurés, la nouvelle venue brisa la distance qui la séparait du matelas pour s’agenouiller aux côtés de la souffrante. De nombreuses minutes s’écoulèrent alors qu’aucun mot ne fut proféré, les deux femmes profondément dans leurs pensées. Un silence pesant s’était installé, jusqu’à ce que la vieille mère de famille prenne doucement la main du Chevalier Saint dans la sienne. Le regard doux et presque aveugle de la malade se posa sur son invitée, pour qu’un sourire immense se dessine par la suite sur son visage.
-J’aurai tellement donné pour te connaître avant qu’Ethan ne meure. J’aurai tout donné pour voir ce sourire qu’il devait avoir lorsqu’il était avec toi… Je… Sa voix s’éteignit dans une quinte de toux abominable.
-Ne vous fatiguez pas avec de telles sottises, fit la jeune femme en détournant le regard.
-Sottises ? Que de balivernes. Et cesse de me vouvoyer, combien de fois en presque dix ans ai-je dû te le dire ? Sa main pressa un peu plus celle de Lyra puis la fixa longuement. Mon fils t’aimait. Tu le sais, n’est-ce pas ? … Je ne vais pas t’apprendre beaucoup de choses en te disant cela, mais… Lyra, ma chère Lyra… il est mort pour toi. Mon garçon est mort en t’aimant plus que tout son être, mon fils est mort pour assurer ta survie. Je sais que tu es au courant que s’il n’affrontait pas son adversaire, et qu’il fuyait, tu allais en payer de ta vie. Je sais aussi que tu ne veux pas te l’avouer… Mais, mon enfant… Lorsque je ne serai plus de ce monde, qui te le dira ? La vieille femme se tut pour reprendre son souffle. Je ne serai plus présente pour t’assommer avec mes sermons, et c’est pour cela que je veux, une fois cette conversation terminée, que tu partes. Que tu partes en ayant accepté tout cela, et que tu ne reviennes plus ici. Beaucoup trop de souvenirs y ont été enfouis. Tu ne dois plus revenir. Tu dois passer à autre chose. Tu dois vivre, Lyra. C’est ce qu’il voulait et ce qu’il aurait voulu. Ses yeux s’embuèrent de larmes alors que son souffle se faisait de plus en plus faible. Je connaissais Ethan  mieux que quiconque. Il était mon petit garçon… J’ai tout perdu si vite, tu sais… Et Aska n’a jamais été présente, elle n’est revenue que sous peu, pour une raison que j’ignore encore… Et que j’ignorerai certainement jusqu’à la fin. Elle a toujours été fort distante avec nous… Enfin, je… Ses yeux quittèrent le visage de Lyra, pour que son regard se pose sur la fenêtre à sa droite. Enfin, bon… Je radote. On dirait bien que c’est la fin, n’est-ce pas… Un rire chaleureux s’échappa de ses lèvres pendant quelques secondes. Pars. Je ne veux pas que tu gardes une telle image de moi, mourante et faible.

Avec un demi-sourire, la vieille dame lui intima de quitter les lieux d’un mouvement de la tête. Sans un mot, Lyra tourna les talons et quitta la pièce. Ce n’est que lorsqu’elle fut sur le pas de la porte que derrière elle, la mère de famille lui lança :
-Il serait fier de toi. Il serait tellement fier de toi, Lyra. Tellement.

La jeune femme ne s’arrêta qu’une fraction de seconde, à l’entente de ses derniers dires. Elle reprit ensuite sa marche, accélérant un peu plus chaque pas afin de sortir de l’établissement au plus vite, le poing au sceau crispé, à deux doigts d’invoquer la présence de Zenophia.  
Tout ceci était inutile, futile. Elle n’aurait jamais dû accepter, il y a des années de cela, l’invitation de la vieille femme quant à la visite des lieux. Elle aurait dû se refuser le voyage. Elle n’aurait jamais dû écouter ses belles paroles et redonner vie à tous ses anciens fantômes. Elle venait tout juste de briser sa promesse, elle venait de déshonorer elle-même le serment qu’elle s’était faite. Elle ne devait jamais plus s’attacher, si les effets de Zenophia venaient à ne pas agir. Elle ne devait plus aimer. Elle ne devait plus faire preuve d’une telle faiblesse, d’une telle pitié ! Si, depuis le début, elle avait refoulé les sentiments qu’elle avait pu éprouver pour Ethan, sa vie ne se résumerait pas à toute cette misérable histoire, son nom ne serait pas maudit, on ne la connaitrait pas comme la meurtrière froide et sans cœur qu’elle était. Tout cela était de sa faute, sa vie n’était que désespoir, au fond, à cause de lui ! À cause de cet Ethan, mort soi-disant pour la laisser vivre ? Mais qui vivait en elle sinon une âme perdue ? Vivait-t-elle seulement ? Elle n’en avait plus l’impression, et ce depuis bien longtemps. Ethan n’avait qu’à se retourner dans sa tombe, ce misérable n’avait pas le droit de faire d’elle ce qu’elle était aujourd’hui !

Son poing s’entoura alors subitement d’une aura sombre, qui changea rapidement et se teinta d’un noir profond. Lyra raffermit sa prise et, d’un coup violent imprégné de sa rage, frappa la pointe de la lame sur le sol. Ayant pris appui sur le pommeau de l’épée, la jeune femme, haletante, reprit alors ses esprits. La petite bâtisse était à une centaine de mètres d’elle, la porte grande ouverte. Elle ne se souvenait pas avoir quitté l’établissement, et encore moins d’avoir parcouru cette distance en si peu de temps. Lui vint en tête alors ses propos, ses yeux s’en écarquillèrent puis se posèrent sur la grande épée noire. Il pouvait parfois lui arriver, lors de certaines situations extrêmes, de perdre le contrôle d’elle-même, suite aux effets de la Sarth. Les précédents événements en étaient la preuve. Intérieurement, elle se maudit d’avoir osé penser de telles insanités. Après quelques instants, Lyra finit par se lever et allait faire partir Zenophia, quand une voix, au loin, lui parvint. Une certaine distance avait beau les séparer, le Chevalier Saint réussit à discerner une petite forme trapue,  debout sur le porche de l’auberge. Lors des premiers appels, la mercenaire eut bien du mal à comprendre ce que le vieil homme tentait de dire. Puis, un nom, lui surgit en tête. Aska ?

Il lui suffit d’un battement de paupière. Cela lui suffit grandement.
Une détonation extraordinaire retentit. Ils n’eurent très certainement pas le temps de se rendre compte de ce qu’il passait. Les flammes prirent le dessus en quelques secondes à peine. Des flammes d’un volume et d’une hauteur impressionnante. Le bâtiment s’était embrasé en si peu de temps… Dû au choc, le vieil homme appelant quelques secondes auparavant Aska s’était retrouvé expulsé une dizaine de mètres plus loin. Elle doutait très sérieusement de son état mais ne se permettrait pas de le laisser souffrir une seconde de plus s’il était toujours en vie. Lyra ne réfléchit pas sur le coup et fonça. Il lui fallait agir vite. Très vite.

Arrivée sur les lieux, elle put découvrir que le vieillard n’était pas encore mort. Il était cependant grièvement blessé, son flanc droit et une grande partie de son corps étaient carbonisés. Son souffle, toutefois, persistait. La mercenaire allait le relever et lui faire prendre appui sur son épaule lorsque de nombreux bruits de pas et de sabots se firent entendre dans son dos. Avec appréhension au vu de la situation déjà alarmante, Lyra fit volte-face avec lenteur.

Ce fut-là, à cet instant précis, que son monde, une deuxième fois, s’écroula. Face à Lyra s’étendait une troupe considérable d’hommes, ceux qui lui faisaient face tenant entre leurs mains une bannière qu’elle ne connaissait, malheureusement, que trop bien. Deux longues lames fichées dans un faucon noir aux yeux jaunes perçants. Son corps, malgré elle, fut pris d’un spasme violent et elle lâcha inexorablement le corps blessé du vieil homme. L’air se fit pesant, un silence mortel – interrompu seulement par les crépitements du brasier – se déclara maître des lieux. Devant elle, les hommes s’agitaient alors qu’une diligence fit son apparition. Une diligence noire. Marquée par le temps.

Tout cela était impossible, absolument impossible. Elle avait mis fin à ce cauchemar voilà presque dix ans, et voilà qu’il refaisait surface ? Il ne pouvait être là. Il ne pouvait être en vie. Elle avait elle-même… !

-Je vais te poser une question.

La voix retentit, forte et grave. La porte de la diligence s’ouvrit et un homme en descendit avec précaution. Le bout de sa canne en bois verni claqua sur le sol.
-Crois-tu aux fantômes ?

Son cœur s’arrêta. La vieille douleur viscérale qui la hantait depuis tant d’années refit surface, lui tailladant les entrailles.

Il se tenait face à elle, comme il l’aurait fait dix ans plus tôt. Méprisant, la toisant du regard. De haute taille et les épaules larges, l’homme s’avançait une main sur sa canne, à pas mesurés. Une cape noire bordée d’un rouge sombre reposait sur dos, masquant entièrement son flanc droit. Les traits tirés, ses yeux cernés, il paraissait, malgré son imposante stature, faible et l’idée de l’abattre sur le champ parcouru son esprit pendant un instant pour s’évanouir aussitôt lorsqu’il vint à prendre la parole.
-Lyra Di Arzteingard.

Les poings crispés de la jeune femme tremblaient sous la fureur froide qu’elle peinait à refouler. Son visage restait cependant de marbre, son regard fiché dans celui de l’homme qui avait détruit sa vie.
-Lyra Di Arzteingard, répéta l’homme. Grand Chevalier Saint de l’Ordre d’Arzteingard, connue pour ses exploits dans le domaine du mercenariat, mais aussi pour ses capacités extraordinaires au combat. Me tromperai-je ? Lyra ne bougeant pas, il continua, un sourire s’étirant à présent sur ses lèvres. Quelle femme incroyable tu es devenue, Lyra.
Les troupes, à ses mots, s’agitèrent en silence, formant un arc de cercle autour d’eux tandis que face à elles, le brasier s’étendait de plus en plus, laissant les victimes à l’intérieur pour une mort certaine.
-Ou plutôt, devrai-je dire… En quelle sorte de mensonge as-tu reconstruit ta pauvre vie, Ysel Delian ?

Cela faisait tant d’années que ce nom n’avait plus été prononcé devant elle que Lyra ne put réprimer un frisson. Ysel Delian… Son identité biologique, celle que ses parents lui avaient donnée, celle qu’elle avait maudite et reniée. Un rictus déplaisant s’était étendu sur les lèvres de son opposant, alors qu’il s’approcha d’elle, lentement, afin de se délecter de chaque seconde où il pouvait voir au fond du regard de la jeune femme qu’il la brisait à nouveau. L’homme tendit son bras gauche en arrière afin qu’un de ses hommes se saisisse de sa canne. Une fois chose faite, il se tourna vers le Chevalier Saint et ficha ses yeux bruns dans ceux, gris et glacés, de Lyra. Il s’approcha de sa main gauche, munie d’un gant blanc en soie, vers sa joue et la caressa d’un pouce. La jeune femme ne bougea toujours pas d’un poil, ses yeux fixant toujours l’homme.
-Quelle délice c’est, de te voir à nouveau ainsi, Ysel ! Tu n’imagines pas la joie immense qui coule dans mes veines en ce moment. Il me serait impossible de plus savourer les pleurs de ton âme qu’en cet instant de gloire. Les dix années pendant lesquelles j’ai attendu ma remise sur pied valaient largement ce regard que tu m’offres. Oui, ma chère petite Ysel, cette nuit-là, tu ne m’as pas abattu comme il te le semblait. Tu n’étais encore qu’une pauvre mioche, comment aurais-tu pu savoir sur quelle partie frapper en premier ? Mais je dois quand même te féliciter, tu m’as sérieusement amoché, et tu n’as pas raté l’amputation de mon bras, cela dit.

À ces mots, il détacha d’un coup sec la cape qui demeurait sur son dos. Alors qu’elle tomba lentement au sol, Lyra put observer le moignon que formait à présent son épaule droite. Intérieurement, la jeune femme sourit. Cette nuit-là, elle lui avait tranché le bras avec lequel il avait décapité Ethan pour, en plus de ça, lui interdire pour le reste de sa vie le maniement d’une épée.
-Je t’ai haïs du plus profond de mon âme pendant ces dix années, continua l’homme. Je me suis imaginé des milliards de fois ton cou se tordre sous la seule force de mes mains, ton sang se répandre entre de mes doigts, ton dernier souffle lâché dans une supplique de pardon et c’est comme ça que tu m’accueilles ? Moi, Rohan Felius ? L’homme qui a vengé son fils bien-aimé, tué injustement par ce petit clochard ? Il s’approcha brusquement du visage de Lyra, la fixant d’un air moqueur. L’homme qui a tué Ethan Condhor ?

Sans qu’elle le veuille réellement, Lyra se retrouva à nouveau avec Zenophia entre les mains, tout son corps tremblant de cette vieille rage qu’elle n’avait jamais réussi à faire taire.

Plus rien n’importait, plus rien ne comptait que la tête de Rohan Felius plantée sur le bout de la Sarth. Les autres pouvaient mourir, la supplier, agoniser dans des souffrances digne de l’Enfer, plus rien ne pouvait l’empêcher de l’abattre. Qu’ils fussent cent, ou mille, elle les tuerait tous un par un s’il le fallait. Elle…

-Je sais que tu pourrais me tuer sur le champ, Ysel, lâcha Rohan. Moi, ainsi que tous mes hommes, tranchés, égorgés, avec une aisance digne des plus grands. Il sourit. Mais tu ne vas pas le faire. Et tu sais pourquoi ?

Sur ces mots, Rohan Felius recula de plusieurs pas alors qu’on lui apportait sa canne. Lyra s’était stoppée dans son élan, écoutant avidement, sans le vouloir, les paroles du vieil homme. La diligence noire s’était avancée vers les deux vieux ennemis, tandis que la majeure partie des hommes repartaient déjà d’où ils étaient venus.
-Parce que tu ne peux pas me tuer. Tu ne peux simplement pas. Tu n’as sans doute pas oublié que j’occupe une place importante à Macise, maintenant que je suis en état de diriger et que tu as délibérément assassiné ton propre père. Absolument tous mes hommes sont au courant de ma présence en ce lieu abjecte. S’ils venaient à apprendre mon exécution, ils ont l’ordre d’envoyer immédiatement une lettre à l’Empire pour les avertir que la Meurtrière de Macise, celle qu’on n’a jamais interceptée, se cache en vérité sous les toits du grand Ordre d’Arzteingard. À partir de là, plus personne ne pourra rien pour toi. Tu pourras aller purger ta peine dans la prison de l’Empire pour le reste de tes jours en compagnie des autres rats de ton espèce. Quel paradoxe serait-ce de voir la grande Lyra Di Arzteingard au fond d’un trou alors qu’elle est censée combattre au nom de la Justice.  Oh, et j’ai aussi pensé à payer pour ta mort. Mais au vu de la situation, cette expression que tu as sur le visage est bien plus excitante que d’avoir ta tête au-dessus de ma cheminée. Je veux juste te voir souffrir. Savoir que tu vas vivre avec ma vie sur la conscience, savoir que tu vas vivre en sachant que tu m’as bel et bien raté cette nuit-là, que l’homme qui a tué ton tendre amour est toujours en vie et que tu ne peux rien y faire sans y donner ta liberté et ton honneur. Je veux te savoir brisée à nouveau et… Ses pupilles s’écarquillèrent de plaisir lorsqu’il vit une Lyra désemparée, tentant de le dissimuler. Oui ! C’est exactement cela, cette expression, là, que tu as sur le visage ! C’est cela que je souhaite, que je veux du plus profond de mon cœur ! Te voir à nouveau brisée, morte de l’intérieur, entendre les sanglots de ton âme. Rohan fut pris d’un rire grave et franc. Oh, quel foutu bien ça fait, tu n’imagines même pas !

Derrière lui, la diligence trembla un peu et une autre personne en sortit, vêtue d’une longue robe de velours noir tombant à ses pieds.
-Aska ! S’écria Lyra en avançant d’un pas vers eux.
-Oh, ne t’affole pas, rétorqua Rohan d’une voix suave.

L’homme lui tendit sa main gantée afin qu’elle prenne sa main dans la sienne pour ensuite lui déposer un baiser dans le cou.
-Cette chère Aska est avec moi.

Sur les lèvres de cette dernière se dessina un sourire plein de malice qu’elle adressa avec plaisir au Chevalier Saint face à elle.

La situation la dépassait. Largement. Tout arrivait trop vite, sans prévenir. Pour une des premières fois de sa vie, elle se sentait dépassée, désemparée, perdue. Tout ceci ne pouvait être possible. Cela ne ressemblait que trop à ses cauchemars d’antan. Zenophia apparut alors dans le poing de sa propriétaire, dont le sang battait les tempes à tout rompre. La longue Sarth noire luisait d’une élégance mortelle, brillant de mille feux grâce au bûcher menaçant de faire s’écroulant la petite bâtisse. Lyra ne réfléchit pas et s’élança vers Rohan, épée au poing. Sa cible ne bougea pas, mais une troupe de quatre hommes vinrent sciemment se jeter sous la lame de la jeune femme, afin de protéger leur maître. Leurs corps étaient parfaitement tranchés, la puissance de la Sarth atteignant doucement son paroxysme. La respiration de sa propriétaire s’était faite rauque et ses pupilles s’étaient presque entièrement dilatées. La Sarth était proche de prendre le contrôle de sa maîtresse, comme elle le fit la nuit du meurtre. Ses cheveux en bataille lui donnaient l’air d’une bête, délaissant sa parcelle humaine. Lyra se jeta à nouveau vers Rohan, et la même chose se reproduit. Bientôt déjà, un tas d’hommes reposaient à terre, tranchés en deux.
-Tue autant de mes hommes que tu veux, si cela peut évacuer la détresse que tu éprouves. Mais sache qu’hormis tes capacités incroyables dans cet état, tu ne me démontres une fois de plus que tu es bel et bien faible d’esprit. Rohan sourit à nouveau, tout en prenant la main d’Aska. Tu as toujours été un animal ingérable, Ysel. Et cela ne changera jamais.

Rohan Felius fit volte-face et aida sa jeune compagne à monter dans la diligence, tout en jetant un dernier regard à Lyra. Ses traits autrefois rieur et moqueur se transformèrent subitement pour devenir sérieux. Il fronça les sourcils et fixa froidement la jeune femme, déchaînée.
-Je te souhaite de bien souffrir, Lyra Di Arzteingard. Tes parents peuvent bien se retourner dans leur tombe pour avoir mis au monde un tel animal. Un rictus mauvais tordit son visage. Au grand plaisir de te revoir, ma chère.


Elle suivit du regard la petite troupe qui s’éloignait dans le lointain horizon, rentrant à Macise. Dans son dos, un craquement sinistre retentit et l’auberge s’effondra sur elle-même. Lyra ne bougea pas.
Puis soudainement, dans un état second, elle lâcha prise sur son épée, qui tomba dans un bruit sourd sur le sol.

Si ce fut l’un des seuls jours de sa vie où elle put se sentir si désemparée…
Ce fut aussi le premier jour où elle put affirmer croire aux fantômes.

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Plume d'un dernier songe Empty Cet OS mérite une critique!

Message par Aʀτѕᴇɴοʀ Lun 6 Oct - 19:45

Hello, I'm the Nostalgia Critic ! I remember it so... Ah, je l'ai déjà faite, celle-là ?
Dommage... Bon, c'est pas grave, ça m'empêchera pas de faire mon boulot correctement. Aujourd'hui, on va...
Critiquer une fic'?
Ouais... En même temps, venant de moi et sur un topic dédié à une fic'...
Bref, aujourd'hui, on va pas seulement critiquer une fic'... On va critiquer une fic d'Edel' !



Et...?
Bah, rien... C'est quand même pas si souvent, si ?
Ok, balance ta critique, et on n'en parle plus.
Tu sais que si je t'avais pas créé avant de découvrir Karim Debbache, on m'aurait accusé de plagiat ?


Plume d'un dernier songe: Cauchemar d'antan !

Donc, cauchemar d'antan est une fic' réalisée par Edelweyys en septembre 2014, et qui...
On s'en fout.
Donc, cauchemar d'antan est l'une des fic's d’Éclipse que j'ai le plus appréciées, et c'est le moment d'expliquer pourquoi (ainsi que tout ce qui va pas, parce que je reste Artsenor.)


Bon, on va pas s'attarder sur le premier paragraphe qui ressemble à un bulletin météo, à tel point qu'à ce moment-là, j'en étais à me dire qu'Edel' allait nous ressortir les mêmes erreurs que dans son OS précédent... Et d'ailleurs, on va pas se mentir, j'ai gardé cette impression jusqu'à approcher de la fin du second paragraphe. En effet (je le dirai jamais assez), c'est didactique (je le dirai jamais assez), et ça nuit à l'immersion (je le dirai jamais assez). Certes, on pourrait se dire : « Ouais, mais c'est sympa de dépourvoir le texte d'émotions et de pensées, vu que le personnage reste de marbre et indifférent. »
Mais j'ai fini par piger le truc, en fait, c'est pas le cas!
Exactement ! Parce qu'en fait, ça ne se limite pas à rendre le texte neutre, ça en éjecte également le lecteur.
Edel' aurait donc le pouvoir du kick?
Ouais, c'est ça...

Cependant, arrivés à « Une fois par mois... »
Retournement de situation!
Exactement ! En vérité, Edel' va nous pondre une belle fic' !
Qu'est-ce-qu'on a, dans cette fin de paragraphe ? Une énumération de toutes les raisons pour lesquelles le personnage ne devrait pas retourner une fois par mois à son village, par une habile utilisation de l'absurde, suivie finalement de « village natal » et d'« amour passé ». Vous la sentez, là, l'empathie ? Elle a toutes les raisons de ne pas y aller, mais amour natal et village passé ! (C'est l'inverse, non?)
Ensuite, paragraphe suivant, on a OH MON DIEU ! Une bonne utilisation du discours didactique ! Bah oui, parce que quand on force même la répétition sur le « comme à son habitude », au moment où on a « c'est avec étonnement que »... Bah, la surprise est bien rendue, le décalage est présent, et on partage l'étonnement du personnage.
En fait, elle contredit tout ce que tu as toujours énoncé à tous les auteurs de fic's qui... Tais-toi ! Si je veux faire mon autocritique, j'ai pas besoin qu'elle soit écrite en bleu !

Donc, ensuite, on a : « Lyra... Nous t'attendions... » Bon, rien à redire, le nom du personnage est très bien amené. On l'apprend de façon naturelle et pas trop tard, donc bon... C'est bon.
Du coup, on vient de découvrir le nom du personnage, on vient d'apprendre que Lyra est étonnée... Et depuis quelques lignes, on partage son étonnement, que l'on gardera encore avec une successions d'anomalies découvertes par Lyra et relatées de façon à ce que l'on comprenne que tout ce qu'elle voit n'est pas normal, avec entre autres « plus... qu'à la normale », « Ce n'est que... », « toutefois »...
Bref, vous l'aurez compris, c'est à partir de là que l'on commence à réellement appréhender le personnage, et, à partir de là, on pensera, comprendra, réfléchira exactement de la même manière qu'elle. J'y reviendrai.

La scène à l'entrée de l'auberge est d'une émotion criante. Non, je sais absolument pas si cette expression existe, et non, ça ne m'empêchera pas de l'utiliser. Bref, le dialogue à l'entrée, certes court, est parfaitement écrit. Vous savez ce que je reproche le plus souvent dans les dialogues ? La présence de didascalies superflues. Là, on en a trois qui nous donnent des informations utiles à l'émotion (elle baisse les yeux, elle s'apprête à pleurer), et surtout, elles ne sont pas placées dans la continuité du dialogue, mais dans les pauses. Accentuer les pauses dans un discours, en l'occurrence, montre les difficultés pour le personnage à s'exprimer correctement... Bref, émotion, émotion...

Par la suite, une fois montée dans l'escalier (oui, je fais dans le détail, mais je vais essayer d'aller plus vite...), tout va toujours pour le mieux...
Ouais, question de point de vue...
Du point de vue du lecteur. Et tais-toi, tu nous ralentis ! Bref, tout va pour le mieux, dan le sens où la fic' continue de bon train. Là, on a Lyra qui monte lentement, qui essaie de ne plus penser à Ethan, qui pense plutôt à tout ce qui l'entoure. Avant de pénétrer la chambre de la vieille (je crois pas qu'on apprenne son nom), elle hésite, elle part se réfugier dans ses souvenirs avec Ethan avant d'avoir à entrer dans sa chambre. Une fois entrée, elle part se réfugier dans ses souvenirs avec la vieille avant d'avoir à enfin l'aborder. En gros, dans cette scène, le personnage ralentit l'échéance, et pour ce faire, repense à son passé en détails. Donc on est toujours victimes de la pression qu'elle subit, et tout cela en obtenant des informations sur elle... Vous réalisez le tour de force ? Mêler informations et émotions, sans que chaque aspect ne dérange l'autre...
Vas-y, annonce-nous que sa fic' est super bien, et on conclut là-dessus, on gagnera du temps...
Je crois que t'as pas compris le principe de la critique en détails...

Mais ouais, sa fic' est super bien... Mais je l'ai déjà dit, ça... Et puis j'ai pas fini.

Et, finalement, après une étude poussée (à la fac), j'ai compris que c'est parce qu'on sait le personnage de Lyra très gênée par la situation qu'on comprend à quel point elle est pressée d'en finir. Parce qu'on sent, durant le monologue de la vieille, qu'elle n'attend que de pouvoir partir. On lit de façon superflue ce qu'elle explique, mais on partage le sentiment de Lyra, qui n'attend que de s'enfuir... Et tout en obtenant encore plus d'informations sur son passé ! C'est absolument gé-nial !

Ensuite, bilan de tout cela : Lyra se barre rapidement (notez le nombre d'indices qui le soulignent), elle considère la futilité de tout ce qu'il s'est passé, elle commence même à entrer en colère contre la vieille (colère qu'on gardait nous aussi, par je ne sais quel prodige de point de vue interne, déjà au sein de nous), puis contre Ethan... Et puis elle quitte l'auberge.

La séquence qui suit est d'un flou... superbe ! Lyra semble agir par instinct, n'a pas même conscience de ce qu'elle a fait... J'vais vous dire, en imaginant la scène, je me la figurais dans le brouillard. Bref, ce flou montre à quel point Lyra est dépassée par ses émotions et ne contrôle presque plus sa Sarth.
Par exemple, « la mercenaire eut bien du mal à comprendre ce que le vieil homme tentait de dire. Puis, un nom, lui surgit en tête. Aska ? » Pas à un instant, il n'est expliqué que Lyra entend Aska. Elle entend des mots flous, le nom lui vient en tête... Mais n'a-t-elle pas mal entendu ? L'a-t-elle seulement entendu ? A-t-il seulement été prononcé ? On le sait pas, et on s'en moque. Tout ce qu'on voit là, c'est de la confusion. Un bon gros concentré de confusion, un régal à lire...

Ensuite, à l'arrivée de la diligence, on a le calme. Un point sur la situation. Toujours dans ma vision de la scène, le brouillard se dissipe à cet instant-là.

La suite... Rohan parle, Lyra écoute, regrette, ressent, pressent, se perd dans ses pensées, se sent faible, se sent perdue... Elle est complètement dépassée par tout ce qu'il lui arrive. Tout s'enchaîne rapidement sous ses yeux. À peine a-t-on le temps de se remettre d'une nouvelle information sur le passé de Lyra (accompagnée de ses émotions, comme d'hab'), on nous en assène une autre. Vous noterez que l'unique mot prononcé par Lyra de toute la fin du texte est « Aska ! ». Juste après le plus grand amas de révélations, dans le monologue de Rohan, c'est le coup de grâce. C'est à cet instant que Lyra sombre dans une sorte de démence... La comparaison avec le cauchemar résume assez bien son état actuel, en fait...
Enfin, Edel' ne nous impose même pas un retour au calme. Elle nous laisse dans ce fatras de passions et de sentiments, et c'est encore plongés dedans que l'on sort du texte. Là, j'étais en train de reconsidérer tout ce que j'avais lu... Et à quel point c'était génial !

Ok, c'est bon, on a compris... Et puis t'as pas parlé des points faibles!
Si, au début !
...
Nan, j'en ai pas trouvé d'autres...

Bon, vous l'aurez compris, cet OS est l'un des meilleurs (j'ose pas dire le meilleur, mais je pense que c'est le cas...) que j'aie eu l'occasion de lire sur ce forum. Y'a tant de bon que les points positifs de ma critique occupent probablement plus de place qu'une de mes critiques habituelles (entière, hein?)
C'est super bon, si vous l'avez pas lue , lisez-la, sinon, relisez-la... Perso, je l'ai relue trois fois, puis encore quatre fois pour ma critique. Parce qu'on va pas se mentir, nombre des procédés utilisés par Edel' ne me sont apparus qu'après mes sept lectures... D'ailleurs, je suis sûr qu'il m'en manque encore...
Bon, c'est fini?
Eh bien... Reste à voir ce que nous pondra Edel' la prochaine fois, quoi...

Du coup, Edel', je m'excuse d'avoir introduit un pavé au milieu de tes OS, mais bon... La critique me paraît complète. Donc voilà, merci à mes chers lecteurs pour leur attention, merci (innombrables mercis) à Edel' pour sa fic', et merci à Kev' pour sa participation bénévole... Que... DE QUOI!?
Aʀτѕᴇɴοʀ
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Ecuyer

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