Le Quartiel!

-Quitte à subir un charme, autant éviter de noyer sa fierté. En tant que femme, je ne peux décemment pas vous laisser choisir pour elle. Alors...
D'un coup, Cornelia souleva le bocal et colla son oreille à ce dernier.
-Catia, je me vois terriblement désolée de t'avouer cela mais... Je ne sais pas communiquer avec les batraciens!
Et puisque la sorcière dans la salle ne m'aidera pas pour cela... Dit-elle en jetant un regard noir à Lusine qui haussa les épaules dans un sourire moqueur.
Voilà comment nous procéderons, petite grenouille! Un croassement, c'est oui, deux, c'est non. Je sais que ce sera difficile, cependant ensemble nous y arriverons!
Commençons par le plus simple: es tu amoureuse de quelqu'un? Je m'excuse platement de me mêler de ta vie privée, mais nous sommes dans un cas de force majeure.

La grenouille s'agitait dans son bocal depuis quelques minutes déjà, à l'écoute de la conversation. Lorsque Cornelia posa sa question, elle s'arrêta quelques seconde et poussa deux croassements sonores. Etant une grenouille, il était dur de savoir ce qu'elle pouvait penser ou ressentir sur le moment, mais ça pouvait ressembler à un mélange de colère et de gêne.

Suite à cette question, l'intéressée se mit à croasser à multiples reprises et à sauter partout dans son bocal, semblant tenter de se libérer de cette prison. Elle se tordit dans tous les sens, étirant ses pattes... Ses réaction sous forme de grenouille étaient toujours aussi dures à interpréter.

Catia sembla faire l'effort de se calmer dans son bocal et finit par lâcher à contrecoeur deux croassements.

Thelden fut particulièrement surprit par son allégement soudain. Repoussé au loin, il prit le temps de peser un peu ses mouvements... Impossible de déployer des coups lourds, ou d'exercer de la lutte.

- Ah bah oui, pour bourriner, ça va être plus compliqué. Cela dit... ça n'a jamais réellement été ma spécialité. gloussa le rouquin, en retirant son épaulière gauche. Il testa un peu la mobilité de son bras gauche tenant son arme. Si je suis plus léger, je bouge plus aisément.

Brusquement, il se jeta sur le père Ananké, à vitesse triplée. Il déploya un véritable barrage de coups, sa lame tournicotant de part et d'autres.

Catia tourna le dos à Cornelia et s'enferma dans un mutisme total, cessant de croasser.

Malheureusement, le prêtre fut plus vif cette fois et ne laissa pas avoir, comprenant la stratégie de Thelden dès qu'il se relevait. Dans un coup en diagonale, Paul releva son marteau, et le bec de son arme frappa le bras de son adversaire avant qu'il ne puisse atteindre le corps à corps avec lui.

Cornelia continuait de marcher dans la ville, en pleine réflexion. Elle avait à présent une liste de "candidats", mais la question restait complexe car elle ne connaissait pas assez bien Catia et ses talents d'enquêtrice ne s'étendaient guère aux amphibiens.
-Et zut! Il nous faut bien tenter. J'ai quelques idées en tête... Hm... Oui. Fais moi confiance... Enfin, non, je ne devrais pas te demander cela. Contente toi de ne pas t'agiter dans mes mains.
Sur ces mots, Cornelia accéléra le pas sans dire ou elle allait.
-N'aie crainte, en cas de problème, moi, Cornelia de la Colline de Glace, je me sacrifierai pour toi!
Enfin, j'aimerais tout de même ne pas avoir à le faire. Sans offense, ce n'est pas comme si tu étais particulièrement déplaisante mais... Ah, je suppose que tu comprends mieux que moi.

Catia semblait avoir décidé de garder le silence, mais aussi son calme. Elle restait quasiment parfaitement immobile dans la paume de Cornelia, son buste de grenouille bombé, dans une posture désinvolte et fière. Cornelia semblait l'avoir comprise et c'était déjà une petite victoire. Malgré tout, l'appréhension demeurait sur la suite des opérations... Mais Catia ne comptait toujours pas influencer de quelque manière que ce soit le choix qui allait, malheureusement, devoir être fait.

Surpris par la disparition de la jeune femme, les paladins se tinrent prêt, armes en main. L'un saisit Narvie et lui plaça sa lame sous la gorge. Le prêtre Paul restait calme, s'avançant lentement vers Thelden. Athos, resté jusqu'alors passif, comptait couvrir la fuite d'Evelia en cas de pépin.
-Il est inutile de perdre la vie ici, fit de sa voix tonnante l'homme d'Eglise. Je vous conjure de lâcher cette arme.

Cornelia, après sa marche, s'arrêta devant ce qui semblait être un petit mais riche appartement. Normalement, les personnes qu'elle recherchait devraient pour la plupart être ici, à l'exception d'Athos. Cornelia, sans trop d'hésitation, frappa à la porte.
-Tâche de rester calme, dit-elle à Catia.

Le chevalier Erwan Knighton, un des participants du Quartiel, lui ouvrit alors, l'air étonné.
-Je croyais que ce serait Athos… Mais je ne vous ai pas invitée.
Cornelia regarda par dessus l'épaule du chevalier et vit attablés Milo Aspida et Hast Vantusius. Exprimant un sourire satisfait, elle s'adressa avec une grande politesse à Erwan.
-Vous le savez occupé. Accepteriez vous que je me joigne à vous ?
-Ainsi ? Vous plaisantez ! Nous faisions une soirée entre chevaliers. J'ai beau apprécier votre escrime vous n'êtes guère de mon cercle de connaissance… Et… Pourquoi avez vous une grenouille dans cette main ? Pourquoi aussi cette tenue ?
-J'aime me déguiser, apprenez le. Et je ferais un bon bouffon pour vous, mes lords. J'ai juste un jeu et un jour à vous présenter cela ne sera guère long.
-Je suis désolé, mais…
-Sois donc courtois, dit Milo. Nous nous ennuyons.
-Cela est inconséquent, Milo, fit remarquer Hast.
-Je ne serais pas inconséquent si tu avais plus de conversation !
-Ne vous disputez pas, vous deux ! Bon. Entrez, Cornelia, cela me reposera plus qu'autre chose.

Entrer était bien plus aisé que prévu, et elle avait dorénavant à portée trois nobles chevaliers. Maintenant il n'y avait plus qu'à commencer.
-Mes nobles amis, s'exclama Cornelia, moi, sorcière de part ma mère, je viens vous exposer un terrible contrat !
-Ah ! Excellent déguisement, s'exclama Milo.
-Cette grenouille que je tiens dans mes mains est en vérité, croyez le nous messires, une belle et gente damoiselle qui attend d'être libérée du terrible et affreux sortilège qu'on lui a jeté. J'ai pour cela, le remède, mais une chose manque à la dame : un champion. Un homme brave et valeureux qui l'aimera de fol amour ! J'ai vu dans les étoiles que les trois élus pour mener cette vaillante compétition seraient dans cette noble demeure… Départagez vous dans une amicale escrime, et le plus méritant aura le droit de boire le remède et d'embrasser la jolie. Qu'en pensez vous ? Etes vous assez lâche pour vous refuser à cette épreuve du destin ?

-Sublime, rit Milo en frappant sur la table. Vous êtes parfaite dans votre rôle, et votre jeu me plaît beaucoup ! Qu'en pensez vous, vous deux ?
-Je ne participerais pas, dit Erwan en levant les paumes. Dans ma famille on ne plaisante pas avec la sorcellerie, fausse ou non.
-Je ne suis pas très intéressé… [i]Commenta Hast.[/i]
-Ah non ! Le superstitieux, passe encore, mais tu ne fuiras pas, Hast ! Et le jeu n'aura sinon pas d'intérêt. Rossons nous donc à coup d'épées de bois. Si tu l'emporte, je jure sur mon père que je ravalerais toutes mes insultes à ton égard.
-Dans ce cas… Très bien.
-Quel dommage que Bernard soit encore alité, il se serait fort amusé, dit Milo en se levant.

Grand dieux heureusement que Bernard Reizhan était alité, sinon elle ne serait pas venue. En tout cas son plan semblait marcher, les deux chevaliers partant dehors tandis qu'Erwan saisissait des épées d'entraînement.

- Jamais ! Plutôt mourir ici, fer à la main, que corde au cou ! hurla Thelden, avant de se jeter avec rage sur son adverse.

D'un autre côté, le bras retenant Narvie se retrouva brutalement percé de part en part de la lame d'une dague, précisément plantée dans les articulations de son armure. Avant que le paladin ne put comprendre ce qu'il lui était arrivé, il se prit un puissant coup dans la figure qui l'envoya à terre. Narvie put brièvement entendre la voix d'Evelia :
- C'est ta chance, fous le camps tout de suite !

-fuir?... dit il a mis voix alors qu'un sourire illumina son visage. il souris de toute ses dents et d'un geste vif alors que l'autre paladin était tout proche déploya en un instant une énergie phénoménal dans ses jambes et son bras restant pour se propulsé derrière lui et dans un même mouvement, tiré sa dague et sectionné l'intérieur de son genoux entre deux plaque d'armure. puis d'une ruade brutal, le fit tombé en avant. il ressortit de cette effort immense bien que bref encore plus essoufflé mais toujours en état de se battre jusqu'à en crevé! toute sa vie de bandit chanceux ne l'avait pas mener ici pour crevé comme un chien, mais comme un guerrier au minimum.
-et vous laisser mourir tout seuls? même pas en rêve, je suis un bandit non de dieux! fini l'autre qui se redresse! et Athos sauve Thelden!
en une fraction de seconde tout pouvait encore tourné a leur avantage, il bénissait intérieurement le courage de cette gamine. ils s'en sortirait! et sur cette pensé, se précipita sur son unijambiste pour le finir avant qu'il ne se relève ou ne se retourne! que la dernière chose qu'il voie soit le sol!

Athos n'aimait pas la tournure de la situation. Il n'était pas un anti héros et n'avait jamais désiré l'être, tuer des paladins n'était pas de son ressort. Il aurait aimé empêcher Narvie de tuer le chevalier mais préféra courir vers Thelden malgré tout. Cependant, il était bien trop loin de l'affrontement. Paul, voyant venir l'attaque de Thelden, effectua un coup de marteau latéral, ceci directement vers le crâne de ce dernier. Athos ne voyait que faire. Si il ne pouvait sauver Thelden, il donnerait alors son cheval à Narvie pour qu'ils quittent la ville.


Chez Erwan, sur la terrasse de sa riche maisonnée, les deux chevaliers avaient tirés leurs faux glaives. Milo joua du poignet l'épée en main, toisant son adversaire qui s'avançait d'un pas moins assuré.
-Dites moi quand vous serez prêts, clama Cornelia. Je serais témoin de l'issue de ce duel décisif.
-Allons ! Fit Milo, se prenant au jeu en pointant son épée vers Hast. Sur le nom de mes ancêtres, qui étaient chevaliers braves et vaillants, je vaincrais ! Tremble, filou, car la belle m'est destinée !
-Hum… Exprima Hast, réfléchissant à une réplique. Tout vaillant que tu es, ceci, je ne peux le permettre. Mon honneur de galant me dicte de corriger le bourru, le malandrin qui tente de saisir l'idole de mon coeur !
-C'est que le poulain sait parler quand sa langue est déliée !
-Quelle mascarade… Soupira Erwan en croisant les bras. Vous êtes tout deux ridicules.
-Laisse nous donc nous amuser. Nos défaites au Quartiel nous en rendu amers, fit Milo. Nous sommes prêts, si vous le désirez.
-Je l'affirme, fit Hast.
-Je déclare donc le duel ouvert !

Milo adressa la première attaque en y mettant toute sa force, et Hast para en posant sa seconde main sur sa lame pour plus de résistance, avant de donner un coup de pied visant à déstabiliser Milo pour lui donner un estoc, qu'il évita néanmoins aisément pour attaquer la droite d'Hast en assénant un coup. Hast para, et fit glisser sa lame sur celle de Milo. Bien que ce dernier recula en réflexe, la pointe frappa malgré tout son menton.
-Ah ! Enragea Milo. Je ne peux malheureusement pas accuser le vin pour mon manque de vivacité lors de ce duel… Ma foi, je suis vaincu ! Tu n'es pas qu'un poulain, dirait-on.
-Vos compliments ne m'intéressent guère.
-Qu'il est mesquin ! Allons bon, Cornelia, notre homme est il honoré d'embraser sa dame. Quel plaisir au moins de voir cela !
-En effet, Hast a vaincu dans les règles. Il peut donc boire ce breuvage, qui doit néanmoins être partagé par la princesse.
Ignorant bien le gré de la grenouille, elle lui enfonça de force la fiole dans dans la bouche. Avant de la tendre à Hast qui fit un rictus dégoûté, poussant Milo à l'hilarité.
-Est-ce bien sain ?…
-Voyons messire Vantusius, un brave chevalier comme vous !… Faites un effort.
Comme convaincu ou plutôt contraint par l'éclat des yeux de Cornelia qui affichait un sourire rassurant, il accepta de prendre la fiole.
-Mais ! Avant de la boire il faut que les témoins ferment leurs yeux. Je ferais de même…
-Fermer les yeux… Ne me dites pas que ?
-Faites moi donc confiance… Comptez jusqu'à trente, et buvez la potion.

Peu importait ce qu'il s'était imaginé, il penserait à tout autre chose dans les instants qui suivaient. Une fois que tout trois eurent fermés les yeux, Hast bu le breuvage, et quand il ouvrit les yeux, Milo et Erwan dormaient au sol à poing fermés.
-Mais qu'est-ce que… S'étonna Hast, l'air perdu.
-Regardez plutôt ici messire, dit Cornelia avec un large sourire, tenant dans ses mains à bout de bras Catia, maintenant dans un grand drap -en vérité un rideau de l'appartement-. Ne sentez vous rien d'étrange ?
-Je… Serais-je saoul ?…
-Ne reconnaissez vous pas votre dame ? Allez y, embrassez là…

Timidement et tremblant, Hast prit la grenouille dans ses deux mains. En le voyant l'air si perdu Cornelia avait l'impression d'être une terrible manipulatrice, une sorte de mauvaise fée. Bien sur ce n'était absolument pas le cas… Bien qu'elle en tirait de l'amusement. Le sortilège était maintenant de toute façon fait, et la passion amoureuse ne devrait pas tarder à prendre ces deux là.
Hast posa ses lèvres sur la grenouille, et un grand flash vert se produit alors… Puis le noble chuta en arrière dans un cri de surprise. Ceci car à la place de la grenouille se trouvait à présent Catia nue, couverte du rideau récupéré par Cornelia. Hast, rouge jusqu'aux oreilles, se trouvait face à la femme qu'il avait récemment blessé, et le philtre faisait bien son effet.
-Vous, ici ?...Impossible... Je ne crois pas aux fées, cela doit-être un rêve!... Balbutia Hast en tremblant comme jamais il n'avait tremblé.

Cornelia ne savait pas ce qu'il se passerait ensuite, mais sa tâche était remplie. Cette dernière n'était maintenant visible nulle part, comme s'étant évaporée.

Redevenue elle-même, Catia s'effondra tout d'abord à terre elle aussi. La retransformation lui infligeait un violent vertige et une sensation d'engourdissement dans ses membres à nouveau humains. Paniquée et quelques peu dans le vague, elle chercha des yeux celle qui l'avait amenée jusqu'ici, mais Cornelia s'était volatilisée. Finalement, son regard s'arrêta sur Hast Vantusius, à terre devant elle... Immédiatement, elle prit une teinte écarlate -plus encore que celle qui recouvrait le visage du Vantusius- et posa sa main sur ses lèvres, muette comme une tombe. Elle cessa même de respirer. Le chevalier, tremblant, la regardait avec stupeur. Sur le moment, elle même sentait qu'elle aurait pu faire de même pendant des heures, mais elle détourna rapidement les yeux. S'emmitouflant un peu plus dans le drap qui la recouvrait, elle tenta de balbutier une réponse.

-Je... C'est... Qu-...

Elle n'y parvenait pas. Le choc était trop important. Elle ne s'attendait pas à ressentir... Ca. Même si elle savait bien que ce sentiment était factice, son coeur lui semblait sur le point de surgir hors de sa poitrine. Ses sens s'agitaient, ses pensées s'embrumaient, elle ne se sentait plus maître d'elle même... Ca n'allait pas. Ca n'allait pas du tout !
Subitement elle se leva, toujours sans dire un mot, sortit de la pièce et se mit à courir à toute vitesse. Seul un drap la recouvrait, mais son esprit n'était pas en état de se préoccuper des éventuels passants qui la regardaient avec stupéfaction. 
"Hast... Hast... Hast..."

Ca ne pouvait pas être vrai.